Swinging London dans le brouillard…

Between the Buttons reste le grand mal-aimé, et sans doute le plus injustement méconnu de la discographie des Rolling Stones. Sorti au tout début de l’année 1967, il consacre l’affranchissement définitif du groupe avec la musique noire des années 50 et du début des années 60 et leur remarquable capacité à se saisir de l’air du temps pour en tirer comme une forme de quintessence. A ce titre, Between the Buttons transcende à la fois la pop naïve des Beatles, la satyre sociale des Kinks, la violence brute des Yardbirds ou des Who et vient parfois se confronter à la poésie un brin loufoque de Bob Dylan. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

SWINGING LONDON
En janvier 1967, Londres est devenu la capitale incontestée de la mode et de la culture pop. Antonioni vient d’y tourner « Blow up« , futur vainqueur du festival de Cannes, où il expose une ville sans cesse en mouvement, qui grouille d’une vie culturelle intense, rebelle sans être contestataire, et où la jeunesse semble avoir trouvé des modes d’expression nouveaux, loin des canons anciens. Mais ce qui est vrai à Londres, à cette époque, ne l’est ni dans la France de de Gaulle, terriblement conformiste, ni dans une Allemagne en pleine reconstruction, ni aux Etats-Unis où la contre-culture underground commence tout juste à émerger en ce début d’année. Cette période riche, si particulière et si flamboyante en un sens sera pourtant très rapidement oubliée, au profit de l’émergence du Flower Power quelques mois plus tard. Elle sera cependant revivifiée par le mouvement Punk, dix ans plus tard, la contestation en plus !

UN –GRAND– DISQUE À PART
Between the Buttons est le dernier album des Rolling Stones paru en deux versions différentes –l’une pour l’Europe, l’autre pour les Etats- Unis-. Si la version américaine fut pendant longtemps la plus aisée à trouver, son pendant européen est largement préférable, et on poussa la compléter complété par les singles «Let’s Spend The Night Together» –aussitôt interdit en radio-, et « Ruby Tuesday », avec violoncelle et flûte à bec, quasi-contemporains et participant de la même veine esthétique.

PAS DE BLUES, MAIS DE LA MYSOGINIE À REVENDRE…
Album de transition entre leur attachement au blues du début et la période dorée 1968-1972, Between the Buttons est incontestablement, musicalement parlant, le moins bluesy de leurs albums chez Decca. Thématiquement, cependant, on y retrouve tous les ingrédients qui ont fait la légende du groupe depuis ses débuts : le sexe et la drogue –« Connection » est très explicite à ce sujet-, une misogynie rampante, une gouaille exacerbée, ce côté sale gosse qui attire les adolescents et révulse copieusement leurs parents, dans un instrumentarium rénové et enrichi –vibraphone, clavecin, bandonéon, trombone, cornet à piston…-. De nombreux titres ont été conçus au piano (tonalité de do majeur), la guitare de Brian Jones est peu présente, mais les riffs de Keith Richards deviennent plus amples, même s’il n’a pas encore découvert les accords en open-tuning.

Pour autant, les thèmes propres aux Rolling Stones continuent à y être abordés selon la marque de fabrique qui les singularise dans leur rapport à la gente féminine : « Yesterday’s Papers » –première chanson composée par un Stone tout seul, en l’occurrence Mick Jagger– vient enrichir la vision consumériste des femmes déclinée par le groupe depuis ses origines; « Miss Amanda Jones » dépeint la liaison courte et sulfureuse entre Brian Jones et Amanda Lear; « All Sold Out » présente une lettre de rupture teintée d’amertume; surtout, « Back Street Girl », d’une grande cruauté malgré la douceur tendrement nostalgique de sa musique, témoigne de la place dévolue aux femmes par ses membres : des relations d’arrière-cour.

L’illustration de la pochette de l’album a été réalisée durant ce qui constitue sans aucun doute leur plus belle séance de photographies, par le photographe Gered MANKOWITZ dans le parc de Primrose Hill, fin 1966. Teints blafards du petit matin, dans la brume hivernale d’une Londres encore endormie et au sortir d’une nuit de débauche. Le photographe aime à rappeler qu’à cette époque, les Rolling Stones ne dormaient jamais, ce qui conduisait à des séances chaotiques, et que les musiciens pouvaient se montrer volontiers rétifs, voire agressifs. Remercié à la fin de l’année par les Rolling Stones, MANKOWITZ ne travailla plus qu’une fois avec eux, en 1982, quand Mick Jagger le limogea en ces termes peu amènes : «Dégage, tu nous rappelles de mauvais souvenirs !».

Provisoirement retirés de la scène après des années de concert harassants, Between the Buttons vient ainsi symboliser la fin d’une ère, celle de l’adolescence : une adolescence chaotique et houleuse, très loin de l’image idyllique proposée par les Beach Boys dans « Pet Sounds », paru une petite année auparavant. Il confirme également l’entrée des Rolling Stones dans une nouvelle voie, plus personnelle.
Contrairement aux idées reçues, Between The Buttons fut très bien reçu à sa sortie –n°3 UK durant 22 semaines et et n°2 US durant 9 semaines– et donna lieu à de fortes ventes. La suite de l’année s’avéra des plus problématiques : procès et prison pour Mick Jagger, Keith Richards et Brian Jones. Ce dernier, d’ailleurs, n’y résistera pas, et cet album constitue en quelques sortes son chant du cygne.

Devinette séditieuse !

Voici une photo de l’Hôtel de Ville de Strasbourg, baigné par le soleil hivernal qui régnait hier en début d’après-midi : que remarquez-vous, outre la devise républicaine en jolies lettres dorées ? Et, surtout, pourquoi ce que vous remarquez est-il là ?
C’est si voyant que vous ne pourrez pas le manquer ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Hypothèses :
Cela serait-il le signe d’un rattachement très prochain de la nouvelle Communauté européenne d’Alsace en tant que Land à l’Allemagne fédérale pour échapper au jacobinisme français ?
 Et, dans cette attente, Strasbourg va-t-elle à nouveau être gouvernée par un Soviet, comme en 1918 –et pour une très courte période : c’est à lire ici ou , et c’est un événement qui reste fort méconnu  de l’histoire de France, assez peu documenté et qui n’est jamais mentionné dans les manuels scolaires—, cas unique pour une métropole française ?

Je vous laisse cogiter : à vos claviers !

Playlist « Voyage dans le temps »

Un voyage wagnérien dans le temps : voici ce que me propose la playlist de ce jour, en compagnie de celui qui est généralement considéré comme le plus grand Heldentenor –ténor héroïque– wagnérien, et qui connut une carrière prodigieusement longue, étalée sur près de 50 ans, durant lesquels il chanta les plus lourds rôles du répertoire un nombre incalculable de fois, et toujours très bien entouré : c’est l’histoire de ce qu’il est parfois convenu d’appeler l’âge d’or du chant wagnérien ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Lauritz Melchior était un géant dans tous les sens du terme : la taille, d’abord, la voix ensuite : outre sa longévité exceptionnelle –il interpréta (de fort belle manière) le rôle de Siegmund, dans la Walkyrie, à 70 ans pour fêter son anniversaire– une longueur de souffle et une puissance hors du commun, un timbre magnifique… –cf. extrait vidéo ci-dessous : le même rôle, en 1940, où il étire les points d’orgue à l’infini-.
Une telle voix ne se trouve plus de nos jours, mais, de la même manière, elle apparaîtrait sans doute en total décalage avec les exigences des maisons d’opéra actuelles, où les chanteurs doivent également être des acteurs –ce qui était beaucoup moins le cas dans les années 30 et 40, époque de son absolue gloire, où les mises en scène étaient beaucoup plus statiques-.
Les enregistrements compilés dans ce coffret copieux mais à la ligne éditoriale nulle –au sens premier du terme…– le montrent ici au début de sa carrière de ténor, dans les années 20, jusqu’à ce témoignage-anniversaire de 1960, et le son en est assez variable : cela va du « vieux précaire assez bien restauré » au très convenable pour les documents les plus récents.

Mais en terme de vocalité pure et de chant, tous ces témoignages demeurent exceptionnels et piocher dans ce coffret est totalement jouissif !

Petits Mickeys étincelants !

Cet album des Flamin’Groovies, « Supersnazz », que l’on pourrait approximativement traduire par « Super chic » –leur premier : auparavant, le groupe avait sorti un EP assez anecdotique et difficile à trouver désormais– est une vraie merveille !
Ce fut l’un de mes premiers 33 tours acheté, presque par hasard et sur recommandation de je ne sais plus quel «guide des x disques à écouter», à la toute fin des années 70, quand internet n’existait pas encore, alors que je commençais à constituer, très modestement, une discothèque. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

J’ai toujours adoré sa pochette présentant de joyeux petits « Mickeys », et le contenu est largement à la hauteur du contenant : de l’excellente musique, très variée, fraîche et enthousisamante, allant d’un rock efficace à une pop entraînante, le groupe ayant toujoursjours oscillé entre Beatles et Rolling Stones sans jamais parvenir tout-à-fait à trancher entre ces deux influences tout au long de leur carrière. Carrière d’ailleurs fort longue, malgré de nombreux changements de personnels et de maisons de disques –ventes médiocres aidant-.

Je l’avais racheté il y a longtemps en CD, perdu depuis –vraisemblablement prêté et jamais rendu– et je l’ai donc racheté à nouveau, dans une version remastérisée en HD, avec réplique exacte de la pochette d’origine –loupe nécessaire pour lire le dos de celle-ci…– et le son de cette réédition est réellement magnifié –très supérieur à la première réédition CD ou à n’importe quelle édition 33T-, ce qui ajoute encore au plaisir très vif, de son écoute !

Super chic, oui, vraiment !

Playlist « Vieilles -et assez vieilles- choses »

Après une assez longue période d’oreilles en jachère, l’arrivée d’une météo quasi-printanière –près de 30°C d’amplitude de température en quelques jours…– me conduit vers une playlist constituée essentiellement de « vieilles » choses, la plus récente remontant à quarante ans –mais c’est déjà une enregistrement numérique-. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

La quatrième symphonie « Inextinguible » de Carl Nielsen, achevée en 1916, est la seule que Karajan enregistra de ce compositeur danois, qui en a composé six, dont toutes portent un nom à coucher dehors ! Le corpus intégral de ses symphonies est assez intéressant, mais pas toujours édifiant, et cette musique venue du nord est assez éloignée de celle de son contemporain Sibelius. J’aime assez cette version, qui subit chez Karajan une « brucknérisation » qui lui sied assez bien, même si l’on peut sans doute y entendre un certain contre-sens. –cf. extrait-.

• Le deuxième album, en revanche, n’appelle aucune réserve : c’est l’un des très grands disques consacrés à Sibelius, avec, notamment , une remarquable interprétation de « Tapiola », dernière oeuvre majeure du Finlandais. L’album est assez ancien –des enregistrements qui s’étalent de 1954 à 1957, dans une mono d’excellente qualité– mais ne souffre aucunement de son âge et reste d’une écoute extrêmement plaisante de nos jours, quand bien même l’interprétation des oeuvres du compositeur a beaucoup évolué depuis.

• Les deux autres albums restent plus anecdotiques : le tout jeune chef américain Lorin Maazel, alors étoile montante de la baguette, est assez vif et un peu brutal dans Schubert, et le vieux Hermann Scherchen se révèle d’une lourdeur assez épouvantable dans les symphonies dites « Londoniennes » de Haydn –qui, déjà, ne constituent pas, à la base, ma musique de prédilection– et l’orchestre n’est pas toujours très bon. Le label Westminster –aujourd’hui réédité par Deutsche Grammophon– était réputé pour des prises de son exceptionnelle : ce n’est pas vraiment le cas ici…

Rions un peu avec le SARS-Cov-2

La crise sanitaire, presque banalisée désormais, a régulièrement été l’occasion, depuis un an, de dessins de presse ou de photo-montages et autres vidéos humoristiques, qui ont peu à peu suivi l’évolution de l’actualité.

En voici l’une des plus drôles, écho d’une émission TV d’une chaîne « cryptée » à laquelle je ne suis pas abonné –et la liste des chroniqueurs du plateau ne donne pas forcément envie…-.

Aujourd’hui : visioconférences !

Je navigue aujourd’hui de visioconférence en visioconférence… C’est passionnant, et ça me permet de tester de nombreuses plateformes différentes ! Trois pour cette seule journée –dont une d’une durée de trois heures cette après-midi-…
Certes, cela m’évite des déplacements parfois un peu longs, mais, sur la durée, c’est, pour le moins, astreignant, et, quasiment sans pause entre chacune d’entre elles, c’est même redoutable : impossible de rester constamment concentré !

Playlist réduite…

La playlist de ce jour est consacré à un unique album, pour cause de voyage imminent à la déchèterie et séjour un peu prolongé en cuisine, fête des amoureux oblige ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

J’ai découvert très tard « The Seeds Of Love » du duo Tears For Fears, même si, comme à peu près tout le monde, l’énorme hit que fut le « beatle-esque » titre éponyme m’était évidemment connu depuis sa sortie –à la fin de mon service militaire !– : le début est presqu’entièrement fondé sur « I Am The Walrus » des Beatles, puis la chanson, très bien construite et au refrain entêtant, évolue ensuite vers d’autres contrées. Il me souvient qu’à la fin des années 80, ce titre fut très largement diffusé en radio, malgré sa relative longueur.
C’est en fait tout l’album, très ambitieux –sa production, sur quatre ans, pour une sortie en 1989, fut extraordinairement coûteuse– qui est tout-à-fait excellent, même si, a priori, assez éloigné de mes standards habituels. Certains critique musicaux l’ont même qualifié de « Sgt. Pepper’s… » des années 80 : comme je n’apprécie pas excessivement cet album des Beatles, cette qualification aurait même pu le disqualifier d’office à mes oreilles, mais cette appréciation dit quelque chose de l’importance de ce disque !
En fait, outre cette production très léchée, « The Seeds Of Love » regorge de belles compositions, relativement élaborées et variées, flirtant parfois avec un jazz-rock d’accès facile dans ses introductions, et, surtout, profite de la présence de quelques-uns des meilleurs musiciens de studio de l’époque -Pino Palladino à la basse, Manu Katché ou Simon Philipps à la batterie, les choristes…-.

Mon petit bonheur du jour !

Temps de disette !

En cette nouvelle semaine de disette pour mes oreilles, je n’ai écouté qu’un seul album, mais quel album ! Un magnifique disque de blues-rock, enregistré au mythique Fillmore West, lieu de tant de concerts de légende dont deux essentiels documents live de Cream et de l’Allman Brothers Band ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Il faut dire qu’entre crise sanitaire et météo étirant à l’extrême les durées de déplacement, mes temps de loisirs ont été des plus restreints cette semaine… Ainsi, mercredi, journée de neige et de verglas intense, des rendez-vous enchaînés prévus pour débuter à 09:00 et s’achever à 18:00 ont commencé à 10:15, décalant d’autant tout le reste de la journée.

Nonobstant, l’écoute de cet excellent double CD live –au son très convenable eu égard aux conditions d’enregistrements de concerts de l’époque– m’a procuré une satisfaction intense, et l’occasion de retrouver l’excellent Mike Bloomfield pour un festival de très bonne guitare –son compère Elvin Bishop n’est pas manchot non plus, même si sans doute moins créatif et moins brillant : on le retrouve d’ailleurs tout seul dans la seconde partie de l’album, un peu moins excellente que le reste-. L’harmonica, par ailleurs, n’est pas en reste, Paul Butterfield ayant une très belle pratique de cet instrument fort bien adapté au répertoire blues !
En 1966, la chanson « East-West », notamment, pouvait être étirée sur plus de 20 minutes et donnait lieu à de superbes envolées de guitares, et Mike Bloomfield –que je vous ai déjà présenté ici– se montrait particulièrement inspiré et d’une virtuosité et d’une beauté de sonorité inouïes. Il est regrettable que les drogues et une santé fragile aient pu amoindrir son immense talent par la suite…

Pour les amateurs du genre, et à prix très doux, ce petit coffret très bien documenté pourra s’avérer un très bon choix : on y entend de l’excellent Chicago Blues et l’ensemble se révèle très complémentaire des albums des Bluesbreakers de John Mayall de la même époque, dont on découvre, en quelque sorte, le pendant américain. La comparaison est très instructive –et on entend toujours de l’excellente musique– ! Petit extrait ci-dessous en prime !