Privilège de l’âge, mes goûts ont peu changé et sur mon île déserte, j’emmènerai de la musique, un livre et sans doute quelques films pour affronter les grands froids… Il fallait faire un choix, forcément très restreint, mon île déserte est toute petite ! J’emporterai avec moi le strict indispensable à une survie dans de bonnes conditions… Et choisir, c’est nécessairement éliminer !
• S’il ne fallait qu’une seule intégrale des symphonies de Beethoven, c’est celle-ci que j’emporterais, sans hésiter. Le son est beau, l’orchestre joue remarquablement bien. Ces disques, depuis leur parution en 1963 –coffret uniquement disponible en souscription dans un premier temps-, n’ont jamais quitté le catalogue de la marque, dont le chef était le plus gros vendeur –jusqu’à plus de 40% des ventes du label jaune-. Ils sont reparus dans de multiples collections en 33 tours, puis en CD et même en SACD, dans une splendeur sonore retrouvée. La meilleure des quatre intégrales -il en existe également une cinquième, excellente, en DVD, chez le même éditeur- du chef et une version majeure de ces oeuvres.
• Des 32 sonates pour piano de Beethoven, il doit exister une bonne centaine d’intégrales, dont aucune n’est réellement indigne. Plusieurs sont excellentes, et l’on ne saurait se contenter d’une seule. Faire un choix est difficile, voire impossible… Néanmoins, c’est une quasi-intégrale seulement que j’emmènerai : celle d’Emil Gilels, malheureusement décédé avant d’avoir eu le temps d’enregistrer les 32 –il en manque 5, dont, malheureusement, la dernière-.
Une vision puissamment architecturée, beethovénienne en diable ! Le pianiste modèle le son sur des tempi plutôt lents, mais on ne s’en rend guère compte, tant la dynamique et le contrôle du son –jeu de pédales– sont impressionnants. Des enregistrements de toute beauté !
• La deuxième version studio des variations Goldberg de Bach du pianiste canadien, homme original et singulier personnage, est sans doute la plus connue de toutes les versions de cette oeuvre ! Parue au début des années 80, elle est très différente de la première –datant des années 50-, qui était intéressante, ouvertement virtuose et complètement azimutée. C’est ce premier enregistrement qui avait révélé Glenn Gould au grand public.
Les tempi sont assagis, la beauté sonore et la profondeur de la vision sont à couper le souffle. Il en existe une version filmée, quasi-identique, parue en DVD. Le pianiste est mort quelques mois après son enregistrement, qui constitue son testament.
Edit août 2024. Dans le domaine de la musique baroque, mon compositeur de prédilection est cependant George Frideric Handel, et son oeuvre emblématique entre toutes reste Messiah –Le Messie-, dont une bonne douzaine de versions sont présentes sur mes étagères.
Plusieurs sont tout-à-fait excellentes, et je retiendrai celle de Trevor Pinnock et de son English Concert & Choir, entourés de très solides solistes et qui bénéficie de surcroît d’une très bonne prise de son. D’un accès plus facile et avec le même chef et le même orchestre, la Water Music constituerait un autre choix judicieux… Mais, souvent, choisir, c’est éliminer !
• Huitième symphonie de Bruckner : de cette symphonie majestueuse, une vision épurée et distanciée, qui bénéficie d’un orchestre de rêve –l’orchestre philharmonique de Vienne, puisque les fâcheries réciproques avaient éloigné Karajan de Berlin-. Il en existe deux autres versions, avec Berlin, qui sont de très haut niveau également.
Les deux derniers mouvements sont exceptionnels et l’émotion palpable : le chef, malade et affaibli, allait décéder quelques temps après, et il s’agit de l’un de ses tout derniers enregistrements, en public de surcroît. La puissance du finale est phénoménale. Dans les pays anglo-saxons, Karajan était réputé, de son vivant, pour être le plus grand brucknérien… vivant.
• Le Ring des Nibelungen, de Wagner, c’est un monde en soi, et une oeuvre monumentale, composée de quatre opéras qui sont généralement donnés en une quinzaine. Pour les chanteurs, les musiciens et le chef, c’est un événement, autant que pour le public, d’autant que l’oeuvre supporte assez aisément des mises en scène très variées.
Cette oeuvre, comme tous les opéras de Wagner, trouve forcément mieux à s’exprimer dans son temple, à Bayreuth, où elle est jouée quasiment chaque année. C’est en 1953 que Clemens Krauss et tous les grands chanteurs wagnériens de l’époque en donnèrent cette magnifique vision. Des disques longtemps non officiels, que tous les wagnériens se passaient « sous le manteau » et thésaurisaient avant même leur parution officielle. Il en existe plusieurs éditions, toutes sont d’une qualité sonore pour le moins convenable. Du Wagner du plus haut niveau.
Edit juin 2021 : il existe de cette remarquable version une édition totalement remastérisée et nettoyée par l’éditeur français Pristine Classical qui apporte un confort d’écoute supplémentaire et vient encore conforter son statut de version princeps. Le prix en est malheureusement un peu élevé, mais parfois, quand on aime, on ne compte pas et à tout prendre, c’est cette édition que je retiendrais…
Certes, mon île reste toute petite, mais, évolution de mes goûts aidant depuis que j’y ai emménagé, il s’avère désormais indispensable que j’y emmène également quelques albums nécessaire à une survie des plus plaisante, quitte à construire une petite extension à ma cabane ! Afin de ne pas alourdir trop conséquemment ma barque, je vais faire preuve de pragmatisme et de rationalité en privilégiant quelques coffrets plus ou moins massifs…
• Ainsi, Sibelius faisant désormais partie, avec Mendelssohn, de mes absolus chouchous, il est hors de question que je me passe de ces deux compositeurs. Alliant qualité et quantité, il m’a fallu opérer des choix sévères… J’ai donc prélevé dans ma discothèque cette assez copieuse anthologie Sibelius, presqu’uniformément remarquable, proposant un choix varié et judicieux et bénéficiant d’excellentes conditions techniques –ainsi que, pour l’anecdote, d’un copieux livret dont la version française vaut le détour, truffée de coquilles et de barbarismes du fait d’une traduction parfois approximative…-.
• Le menu est encore plus copieux pour ce qui concerne Felix Mendelssohn, et trouver une anthologie « allégée » de ses oeuvres s’avère en réalité difficile.
Dans celle que j’emmènerai, en définitive, tout n’est pas égal, mais la diversité des genres pratiqués par le musicien est très bien représentée, et l’on y retrouve, notamment, une très vivifiante intégrale des symphonies et quelques oeuvres chorales de très belle tenue. Le reste -quatuors, concertos…- est un peu moins à mon goût, mais on ne peut malheureusement pas toujours tout avoir et je n’ai, à vrai dire, rien trouvé de mieux sous cette forme…
• Enfin, j’ajouterai à cette liste un album supplémentaire qui prend très peu de place et qui n’alourdira pas beaucoup la barque, mais qui contribuera largement à égayer mon séjour : cet excellent disque Elgar –oui, je sais, on va me dire que ce compositeur n’est vraiment pas essentiel ! -reprend ses deux plus belles oeuvres à mes oreilles –les Variations Enigma et le concerto pour violoncelle-, dans des versions que j’apprécie particulièrement qui plus est.
Une anthologie en un seul disque, en quelques sortes, et qui suffit à mon bonheur : il fallait le faire !
Mais comme je ne saurais me contenter d’écouter que de la musique classique, j’emporterais également dans ma barque :
• Beggars Banquet des Rolling Stones -leur meilleur album studio à mon avis, datant de 1968 : un retour aux sources du delta blues, beaucoup de morceaux presqu’acoustiques et des textes intéressants-;
• leur live à Bruxelles, désormais officiel après agir circulé « sous le manteau » lui aussi pendant près de quarante ans, où le groupe est à son sommet avec un Mick Taylor en apesanteur et une section rythmique furieusement efficace;
• Pornography, des Cure, absolument essentiel à mes oreilles : un grand disque, sombre voire glauque, mais d’un souffle et d’une puissance expressive réels;
• et puis, pour me détendre les oreilles de manière chatoyante, le magnifique Pet Sounds, des Beach Boys : une aisance mélodique et une beauté des harmonies des plus agréables !
Et s’il ne fallait emmener qu’un seul livre, c’est « Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzsche –le nom du personnage est aussi compliqué à écrire que le nom de son auteur ! – que je prendrais avec moi. « Un livre pour tout le monde et pour personne », tel est son sous-titre. C’est une oeuvre riche et profonde, à lire et à relire, sans qu’on l’épuise jamais.
Une bonne édition bilingue fera parfaitement l’affaire, les traductions françaises étant par ailleurs très inégales, et la clarté de la langue de Nietzsche étant quasiment sans égale chez ses compatriotes.
J’emmènerai, enfin, quelques films. Du Lubitsch ; • The shop around the corner –le plus beau film du monde ?-et • Cluny Brown; du Lynch : • Wild at heart; du Chaplin : • Le dictateur et • Les temps modernes. Et puis quelques autres, mais ceux-ci sont incontournables !
Merci d’avoir joué !!
Qu’il est dur de choisir…
Le but du jeu était un choix restreint, drastique, unique !
Mais ta sélection et tes critiques prouvent le mélomane expérimenté. Bravo !
Bonjour Antiblues,
Bienvenue sur ce blog et merci pour ton aimable commentaire !
Bonjour Diablotin
Alors dans ton île du désert, je te pique : la 8ème de Bruckner par Karajan (surtout cette gravure tardive), le Glenn Gould et tant qu’à faire Le Gilels. Et bien sûr les Beethoven par Herbert, édition années 60…
Petit nota : j’ajoute l’adresse de ton blog dans la liste des sites partenaires du Deblocnot…
Bonjour Diablotin
Alors dans ton île du désert, je te pique : la 8ème de Bruckner par Karajan (surtout cette gravure tardive), le Glenn Gould et tant qu’à faire Le Gilels. Et bien sûr les Beethoven par Herbert, édition années 60…
Petit nota : j’ajoute l’adresse de ton blog dans la liste des sites partenaires du Deblocnot…
Bonjour Claude, et bienvenue sur ce blog !