À force de simplifier le Livre des Coutumes laissé par ses ancêtres, Pausole était arrivé à édicter un code qui tenait en deux articles et qui avait au moins le privilège de parler aux oreilles du peuple. Le voici dans son entier:
Code de Tryphême
I.—Ne nuis pas à ton voisin.
II.—Ceci bien compris, fais ce qu’il te plaît.
Il est superflu de rappeler au lecteur que le deuxième de ces articles n’est admis par les lois d’aucun pays civilisé. Précisément c’était celui auquel ce peuple tenait le plus. Je ne me dissimule pas qu’il choque le caractère de mes concitoyens.
[…] / […]
On aura lu cette histoire extraordinaire ainsi qu’il convenait de la lire, si l’on a su, de page en page, ne jamais prendre exactement la Fantaisie pour le Rêve, ni Tryphème pour Utopie, ni le Roi Pausole pour l’Être Parfait.
Le Roi Pausole, souverain du royaume de Tryphème –île laissée en bleu quelque part dans la Méditerranée-, débonnaire et sage mais indolent et enclin à la paresse, mène une vie paisible et rigoureusement organisée à la tête de son harem de trois cent soixante-six femmes, jusqu’au jour où sa fille Aline s’enfuit avec une jolie danseuse qu’elle pense tout d’abord être un prince charmant.
Accompagné de Giglio, page séducteur, et du Grand-Eunuque Taxis, qui incarne l’ordre moral et cite la Bible à tout propos, Pausole se lance, à dos de mule, sur les traces de la jeune femme…
Paru en 1901, Les Aventures du Roi Pausole (1901) est une roman tendrement hilarant et subversivement jovial ! Pierre Louÿs, en libre-penseur, se moque gentiment des tracas de la bureaucratie et de l’autoritarisme aveugle et borné –le Grand-Eunuque Taxis est systématiquement raillé…-. La vie ne doit être que plaisir ! –Cliquer sur les images pour les voir en plus grand-.
Ce roman fut notamment salué à sa sortie Claude Debussy, lui-même volontiers peu enclin à se plier à la morale bourgeoise, et qui en fit l’éloge ces termes : «Ça vous a une façon hautaine de garder ses distances, qui me plaît infiniment. C’est surprenant de délicatesse».
Arthur Honegger en tira une opérette, malheureusement fort peu jouée sur les scènes lyriques et très rarement enregistrée. Le roman a également inspiré, aussi tôt qu’en 1933, un film d’Alexis Granowsky –remarquablement médiocre, malheureusement...-.
A lire et à relire, un vrai condensé de bonne humeur ! A noter qu’il existe également de nombreuses éditions illustrées, plus ou moins grivoisement, de ce roman.