Une seule oeuvre dans la playlist du jour, mais un opéra de près de trois heures, issu de ce que le régime national-socialiste allemand appela « Entartete Musik », soit « Musique dégénérée ». –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
N’en croyez rien ! C’est une très belle oeuvre, dont le livret, écrit par le compositeur, Franz SCHREKER –1878-1934– situe l’action dans la Gênes du 16ème siècle, et inscrit cette action dans une perspective presque psychanalytique –une réflexion sur l’amour et la laideur, sur fond de bordel à ciel ouvert et de complot en coulisse : tout cela est simplifié, l’intrigue mêle des composantes artistiques et politiques, mais l’ensemble reste relativement cohérent malgré cette complexité de prime abord : une très bonne analyse de l’oeuvre est également disponible en ligne pour les lecteurs courageux-.
L’opéra est écrit pour un grand nombre de solistes dans sa version sans coupure et un orchestre relativement fourni, comme tous les opéras viennois de cette époque post-wagnérienne. La musique, en parfaite adéquation avec les émotions exprimées par les personnages, pourrait s’écouter sans le texte avec un intense plaisir, tant elle est réussie.
Longtemps inaccessible au disque malgré un beau succès initial lors de sa création en 1918, l’œuvre –« Die Gezeichneten » est régulièrement traduit en français par « Les Stigmatisés », traduction non littérale assez proche de ce que pourrait évoquer le titre allemand, mais pas complètement exacte non plus…– a été sortie de l’oubli lors de l’apparition de ce magnifique album, paru dans l’ambitieuse série « Entartete Musik » de Decca, au milieu des années 90. Un remarquable et très complet livret, une merveilleuse prise de son accompagnaient cette découverte, l’un des fleurons de cette fort intéressante collection. Depuis, d’autres versions, dont certaines très réussies, ont paru, mais, le plus souvent, avec de sérieuses coupures qui, généralement, amputent le troisième acte –ça coûte moins cher en solistes à distribuer !-et viennent quelque peu défigurer la cohésion de l’ensemble, même si, sur scène, le spectateur qui ne connaît pas le livret ne s’en rendra pas forcément compte.
Pour faire bonne figure, je ne résiste pas au plaisir de vous en proposer un petit extrait, pris au hasard : c’est l’oeuvre entière qui mérite une oreille attentive.