Playlist « Glorieuse voix wagnérienne »

Entre quelques activités estivales : promenades sous le soleil entre deux épisodes orageux, visite de la déchèterie voisine pour désencombrer un peu tous les cartons que j’avais mis de côté ces dernières semaines –commander en ligne et se faire livrer, c’est pratique mais les cartons vides finissent par prendre de la place…-, premiers préparatifs pour nos futures vacances –c’est vite fait pour ce qui me concerne, je ne suis pas du genre à remplir la voiture, TheCookingCat s’en charge très bien toute seule !-, je me consacre à cette très jolie playlist que j’ai offerte à mes oreilles ce jour : « Astrid Varnay chante Wagner », au travers trois albums originaux –réédités en deux CD en 1988 dans l’excellente série Dokumente, aujourd’hui disparue– qu’elle enregistra entre 1954 et 1957, au faîte de sa gloire donc, pour le label Deutsche Grammophon. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Astrid Varnay, née le 25 avril 1918 à Stockholm et décédée le 4 septembre 2006 à Munich, était une soprano de renom aux doubles nationalités suédoise et américaine, célèbre en particulier pour ses interprétations des opéras de Richard Wagner. Issue d’une famille de musiciens d’origine hongroise réfugiés en Suède durant la première guerre mondiale, sa mère, Maria Javor, était une chanteuse d’opéra –soprano coloratura-, et son père, Alexander Varnay, un ténor dramatique. Astrid Varnay passa ensuite une partie de son enfance en Argentine avant de s’installer aux États-Unis avec sa famille, où son père mourut en 1924.

Dès son jeune âge, Astrid Varnay fut exposée à la musique et à l’opéra. Elle entama des études de piano puis se tourna vers le chant, prenant d’abord des leçons de sa mère, puis de la célèbre soprano Lotte Lehmannune Sieglinde pour l’éternité-. Cette dernière joua un rôle crucial dans le développement de sa carrière : en effet, la percée soudaine d’Astrid Varnay survint en 1941 à l’âge de 23 ans lorsqu’elle remplaça Lotte Lehmann dans le rôle de Sieglinde dans « Die Walküre » au Metropolitan Opera de New York. Cette performance inattendue et triomphale, la veille du bombardement japonais sur Pearl Harbour, a marqué le début d’une carrière impressionnante qui s’étendra sur plus de quatre décennies.
Après la seconde guerre mondiale, Astrid Varnay s’établit essentiellement en Allemagne, à Munich. En 1951, elle se lança le rôle de Brünnhilde dans le cycle complet du Ring à Bayreuth, remplaçant la célèbre soprano Kirsten Flagstad, qui l’avait recommandée à Wieland Wagner. Cette performance a solidifié sa réputation comme une Brünnhilde de premier plan, un rôle qu’elle continuerait à interpréter régulièrement à Bayreuth –où elle se produisit sans interruption pendant les 17 ans qui suivirent– et dans les autres grandes maisons d’opéra du monde.

Ainsi, Astrid Varnay a rapidement gagna sa réputation en tant que l’une des sopranos wagnériennes les plus importantes de son époque. Son registre vocal puissant et son talent d’actrice ont fait d’elle une interprète recherchée pour des rôles exigeants comme Brünnhilde dans « Der Ring des Nibelungen », Isolde dans « Tristan und Isolde », Ortrud dans « Lohengrin » et Kundry dans « Parsifal ». Outre Wagner, elle a également excellé dans des rôles de soprano dramatique dans des opéras de Strauss, Verdi et Puccini –mais il n’en reste que peu de témoignages– qui la firent parfois surnommer la « Callas allemande ». L’une des caractéristiques distinctives de la carrière de Varnay était sa capacité à endosser des rôles majeurs avec peu de préparation.
Après le milieu des années 50, son investissement dans ces rôles très lourds laissa des traces indéniables sur sa voix : vibrato marqué, justesse approximative avec une tendance à attaquer les notes par le bas, relâchement de la diction, mais ses incarnations très « ça passe ou ça casse » demeurent attachantes et son investissement dans les personnages ne faiblit pas. Dans les années 1960, Varnay commença à élargir son répertoire pour inclure des rôles de mezzo-soprano, tels que Klytämnestra dans Elektra de Strauss et la mère dans Hänsel und Gretel de Humperdinck. Cette transition a permis à Varnay de prolonger sa carrière avec ses interprétations nuancées et passionnées.

Au cours de sa carrière, Varnay a travaillé avec certains des chefs d’orchestre les plus éminents de son époque : Wilhelm Furtwängler, Arturo Toscanini et Herbert von Karajan. Elle a également partagé la scène avec d’autres grands chanteurs, parmi lesquels Lauritz Melchior, Wolfgang Windgassen et Hans Hotter. Son interprétation des héroïnes wagnériennes était marquée par une intensité dramatique et une endurance vocale remarquables, lui permettant de se distinguer dans des rôles exigeants physiquement et émotionnellement, dont de très nombreux enregistrements « pirates » désormais régulièrement publiés gardent la trace, dans des conditions techniques plutôt décentes : en effet, sa discographie officielle est relativement réduite, mais de on dispose de tous les « Ring » de Bayreuth entre 1951 et 1958, sous la baguette des « 4 K » Karajan, Krauss, Keilberth et Knapperstbusch, ainsi que de ses apparitions dans les rôles d’Ortrud –où elle était géniale et méchante à souhait– ou de Senta : dans tous ces rôles, elle a marqué l’histoire du Neues Bayreuth par sa voix puissante et son talent dramatique qui en faisaient des incarnations exceptionnelles.

Un dimanche à l’opéra – Engelbert Humperdinck, Hänsel und Gretel

Fin de saison ! En ce jour de fête nationale, voici mon dernier dimanche à l’opéra pour cette saison lyrique avant notre prochain départ en vacances ! Aujourd’hui, un très bel album qui me fera retomber un peu en enfance, quand je dévorais les contes des frères Grimm, dont est issu le présent livret, rédigé par la soeur du compositeur, Adelheid Wette, qui réorganise l’histoire bien connue –des enfants, leurs parents, une sorcière, la forêt et beaucoup de pain d’épices !– en trois actes. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Acte 1 : Hänsel und Gretel, deux enfants d’une famille pauvre, sont laissés seuls à la maison, à l’orée de la forêt. Leur mère, Gertrud, exaspérée par leur manque de travail, les envoie chercher des fraises dans la forêt. Leur père, Peter, un vendeur de balais –dans conte de Grimm, c’est un bûcheron-, rentre chez eux joyeux car il a fait de bonnes ventes. Cependant, il s’inquiète en apprenant que les enfants sont dans la forêt, car elle est habitée par une sorcière maléfique qui attire les enfants avec des friandises pour les dévorer.
• Acte 2 : Hänsel und Gretel cueillent des fraises mais se perdent dans la forêt. Effrayés et fatigués, ils s’endorment. Ils sont protégés par un chœur d’anges bienveillants, invoqués par le Marchand de sable et la Rosée, les esprits de la forêt. Les enfants passent une nuit paisible sous la garde de ces esprits.
•Acte 3 : Au matin, Hänsel et Gretel découvrent une maison en pain d’épices. Affamés, ils commencent à en manger. La sorcière sort de la maison et les capture. Elle enferme Hänsel dans une cage pour le gaver et le manger plus tard, tandis qu’elle force Gretel à l’aider. Grâce à leur ruse et leur courage, Gretel réussit à tromper la sorcière et à la pousser dans son propre four. La sorcière est vaincue et la maison se transforme, révélant les autres enfants qu’elle avait ensorcelés. Les parents de Hänsel et Gretel arrivent et retrouvent leurs enfants sains et saufs. Tous les enfants libérés expriment leur gratitude et la famille est réunie dans la joie et la gratitude. Le conte se termine sur une note d’espoir et de bonheur, célébrant le triomphe de l’innocence et de la bravoure sur le mal.

« Hänsel und Gretel » est présenté par Engelbert Humperdinckcliquer sur son portrait pour le voir en plus grand– comme « un opéra féerique en trois actes ».
L’œuvre, du fait de son argument et de ses héros enfantins, est souvent décrite comme un opéra pour enfants, bien que sa complexité musicale attire également les mélomanes les plus sérieux ! L’opéra est réputé pour sa riche orchestration et son utilisation de leitmotivs. Il est fortement influencé par Richard Wagner, avec qui Humperdinck a travaillé pendant deux ans –1880-81– en tant qu’assistant. Les mélodies sont inspirées des chansons populaires allemandes, ce qui les rend accessibles et facilement mémorisables par des enfants, sans pour autant tomber dans la facilité. Les éléments magiques sont accentués par des instruments spécifiques et des effets orchestraux, comme l’utilisation de la célesta pour créer une ambiance enchantée : à cet égard, la fin du deuxième acte est une magnifique réussite et comporte notamment l’air très célèbre « Abends will ich schlafen gehn ».
Engelbert Humperdinck utilise une combinaison de styles harmoniques et de timbres pour créer une atmosphère féerique et parfois sombre. Hänsel und Gretel explore des thèmes aussi variés que la pauvreté, la faim, le courage, l’amour familial, et la lutte entre le bien et le mal. La musique et le livret capturent l’innocence et l’aventure des enfants, tout en intégrant des éléments de tension -les enfants se trouvent en danger- avant le triomphe final : destiné à des enfants élevés sous le régime bismarckien, la fin est hautement morale, évidemment !

Hänsel (mezzo-soprano) et Gretel (soprano) sont les protagonistes principaux, représentant l’innocence et la bravoure des enfants. La sorcière (mezzo-soprano ou ténor travesti) est l’antagoniste, caractérisée par une musique sinistre et captivante. Les parents (baryton pour le père et mezzo-soprano pour la mère) jouent des rôles importants, reflétant la réalité de la pauvreté et de la lutte quotidienne. Les personnages magiques, comme le Marchand de sable et la Rosée, ajoutent une dimension féerique à l’opéra.
Les personnages principaux sont remarquablement incarnés dans la version de ce jour –les deux enfants, la géniale sorcière de Christa Ludwig, et, dans une moindre mesure Gertrud-, enregistrée en 1971 et où Dietrich Fischer-Dieskau trouve, à mes oreilles, son meilleur rôle dans celui du père –mais j’ai toujours eu du mal à apprécier cet immense artiste, à l’expressivité trop précieuse à mon goût-. Quant à la direction d’orchestre, elle absolument est superbe, jouant à fond le jeu du merveilleux féérique. Kurt Eichhorn n’est pas le plus célèbre des chefs d’orchestre, et il signe sans doute ici son meilleur disque, qui a fait toute sa réputation.

Créé en 1893 sous la direction de Richard Strauss, Hänsel und Gretel connut un succès immédiat et reste, aujourd’hui encore, un classique régulièrement joué dans de nombreuses maison d’opéra. Il a également été enregistré, souvent avec réussite, par les plus grands chefs au sein d’une discographie dont le présent album est l’un des sommets.

Dimanche à l’opéra – Didon et Énée, de Purcell

Après « Hercules » de Handel écouté récemment, c’est un autre opéra baroque –court : un peu moins d’une petite heure pour trois actes– que j’aborde ce jour : Didon et Énée, d’Henry Purcell1659-1695-, dans une belle version enregistrée en 1989 par The English Concert et une poignée de solistes dont certains à la renommée bien établie, comme Anne-Sophie Von Otter ou Nigel Rogers, l’ensemble étant placé sous la direction de Trevor Pinnock et faisant partie du très beau coffret que je vous ai présenté ici. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Henry Purcell composa son unique opéra, qui constitue aussi le premier opéra jamais écrit en Angleterre, en 1689. Auparavant, il avait déjà écrit des masques –on les appelle aussi parfois semi-opéra-qui sont une forme de théâtre comportant des divertissements vocaux et instrumentaux, voire des épisodes dansés, et dont l’exemple le plus célèbre est sans doute son « King Arthur ».
Le manuscrit original est perdu depuis longtemps, et la date de composition est estimée en fonction de la date de création de l’opéra, à Chelsea, sous la direction du compositeur. Le livret de Nahum Tate expose la légende de Didon, reine de Carthage, et d’Énée, héros troyen, telle que relatée dans le livre IV de l’Énéide de Virgile, dont il s’inspire librement et avec quelques divergences.

Argument.
Acte 1
Scène 1 : Le Palais de Didon – L’opéra s’ouvre sur Didon, tourmentée par son amour pour Énée. Elle craint que cet amour ne mène à sa ruine. Sa confidente, Belinda, tente de la réconforter en lui assurant que son amour est partagé et respecté par son peuple. Une cour suit, apportant la nouvelle de l’arrivée d’Énée.
Scène 2 : La rencontre avec Énée – Énée déclare son amour pour Didon, mais celle-ci, bien que touchée, reste hésitante. Encouragée par Belinda et d’autres courtisans, elle finit par accepter ses sentiments, et le duo chante leur bonheur partagé.

Acte 2
Scène 1 : La grotte des sorcières – Les sorcières, ennemies de Didon, complotent sa chute. Leur chef, une sorcière, élabore un plan pour séparer Didon et Énée. Elles invoquent un esprit déguisé en Mercure qui dira à Énée qu’il doit quitter Carthage pour fonder une nouvelle Troie.
Scène 2 : Une forêt lors d’une chasse – Didon, Énée et leur suite se reposent après une chasse. Les sorcières invoquent une tempête pour les disperser. L’esprit, en tant que Mercure, apparaît à Énée et lui ordonne de partir immédiatement. Déchiré entre son devoir et son amour pour Didon, Énée décide de partir.

Acte 3
Scène 1 : Le port de Carthage – Les marins de Troie se préparent à partir. Les sorcières célèbrent leur victoire en anticipant la chute de Carthage. Didon, ignorant encore les intentions d’Énée, arrive avec sa suite.
Scène 2 : Le palais de Didon – Énée annonce à Didon son devoir de quitter Carthage, mais promet de rester si elle le souhaite. Furieuse et blessée, Didon l’accuse de trahison et lui ordonne de partir. Dévastée par le départ de son amant, Didon ne peut surmonter son désespoir.
Scène finale : La mort de Didon – Didon, accablée de douleur, se prépare à mourir. Elle chante l’aria déchirante « When I am laid in earth » –généralement connu sous le nom de « Lament de Didon »-, demandant à Belinda de se souvenir d’elle mais de pardonner à Énée. Didon se laisse mourir de chagrin alors que le chœur conclut l’opéra en déplorant son triste sort.

L’opéra explore des thèmes universels tels que l’amour, le devoir, la trahison et le destin. La musique de Purcell, avec ses airs poignants et ses chœurs expressifs, souligne l’émotion intense et la tragédie de l’histoire, où la magie et la sorcellerie, comme chez Shakespeare, tiennent une place importante. La fin tragique de Didon reste un poignant rappel des conséquences des conflits entre le devoir personnel et les désirs amoureux.
Cet opéra, bien que court, est d’une grande intensité dramatique. La version de ce jour me semble tout-fait excellente. Trevor Pinnock n’a jamais été le chef plus extraverti dans les oeuvres qu’il aborde, mais c’est un remarquable spécialiste du répertoire baroque anglais et il sait d’entourer de très bons solistes, notamment Anne-Sophie Von Otter, généralement très à l’aise dans le répertoire baroque et très en voix à ce stade encore relativement précoce de sa carrière.
« Dido And Aeneas » est une œuvre majeure du répertoire baroque et reste une des créations les plus admirées de Purcell.

Dimanche matin à l’opéra – Meurtre dans la cathédrale

L’opéra de ce dimanche matin est une rareté à deux titres : d’une part, « Assassinio nella cattedrale » d’Ildebrando Pizzetti1880-1968-n’est pas un opéra fréquemment joué, ni même fréquemment enregistré ; d’autre part, la version du jour en est une version en Allemand, enregistrée en 1960 lors de la création viennoise de l’oeuvre.
A l’origine, l’opéra est en langue italienne, son livret est fondé sur la traduction de la pièce de théâtre de Thomas Stearns Eliotpoète, dramaturge et bigot de la High Church anglaise, américain naturalisé anglais et prix Nobel de littérature en 1948– écrite en 1935. La traduction allemande est également tirée de la pièce de T.S. Eliot et non pas de la version italienne.
L’opéra, en deux actes, explore les thèmes de la foi, du pouvoir et du martyr, en retraçant le meurtre de Thomas Becket dans la cathédrale de Canterbury en 1170. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Le meurtre de Thomas Becket, archevêque de Canterbury, en 1170, résulte d’une série de conflits complexes entre l’Église et le Royaume d’Angleterre, centrés principalement sur la lutte de pouvoir entre Becket et le roi Henri II de Plantagenêt, qui voulait renforcer son autorité sur l’Église en Angleterre, tandis que Becket défendait les privilèges ecclésiastiques. En 1164, Henri II émit les propositions de procédures juridiques contenues dans les constitutions de Clarendon, pour limiter les pouvoirs de l’Église et soumettre le clergé à la justice royale, mais Becket, soutenu par le pape Alexandre III, refusa de les accepter.
Thomas Becket, ancien chancelier du roi et initialement proche allié, devint un fervent défenseur des droits de l’Église après sa nomination comme archevêque de la cathédrale de Canterbury, ce qui irrita le roi. Il excommunia plusieurs partisans du roi, provoquant son exil en France pendant six ans, ce qui intensifia les tensions.
En 1170, Becket retourna en Angleterre, mais reprit rapidement des actions contre les partisans du roi, exacerbant de nouveau les tensions. Exaspéré, Henri II aurait prononcé des paroles interprétées comme un ordre de tuer Becket, exprimant son désir de se débarrasser de lui. Selon la tradition, il aurait demandé : « N’y aura-t-il personne pour me débarrasser de ce prêtre turbulent ? ». Le 29 décembre 1170, quatre chevaliers, croyant servir les intérêts du roi, assassinèrent Becket dans la cathédrale de Canterbury.

Le meurtre provoqua un scandale dans toute l’Europe chrétienne. Becket fut canonisé en 1173, et Henri II dut faire pénitence publique en 1174. Paradoxalement, cet assassinat renforça l’influence de l’Église en Angleterre, augmentant son pouvoir face à la couronne. Il marque une période clé de l’histoire médiévale anglaise.

Le résumé de l’opéra est assez vite réalisé, l’oeuvre durant moins de deux heures et se déroule intégralement devant ou à l’intérieur de la cathédrale de Canterbury.
L’acte 1 expose le retour de l’archevêque Thomas Becket à Canterbury après son exil de sept ans en France et son opposition au roi d’Angleterre Henri II. L’archevêque est confronté à diverses tentations, les quatre tentateurs symbolisant le pouvoir séculier, les richesses matérielles et les compromis politiques, mais il demeure ferme dans sa foi et ses missions spirituelle.
Le second acte dépeint la tension croissante entre Thomas Becket et quatre chevaliers Anglo-Normands fidèles au roi Henri II. Malgré les avertissements et les menaces, l’archevêque refuse de se soumettre à l’autorité royale. Les chevaliers finissent par l’assassiner dans la cathédrale, faisant de lui un martyr.
La musique se caractérise par une belle intensité dramatique et l’utilisation ponctuelle d’éléments liturgiques, combinant des harmonies modernes et des mélodies rappelant parfois le chant grégorien : l’ensemble crée une atmosphère assez intimiste et mystique. Les chœurs jouent un rôle essentiel, commentant l’action à la manière des choeurs de la Grèce antique ; quant à l’orchestre, il est surtout utilisé pour accentuer les moments de tension dramatique et souligner les émotions des personnages.

La version du jour –témoignage d’une qualité sonore précaire, les bandes radio ayant été perdues– met en vedette absolue Hans Hotter, qui écrase de tout son prestige le plateau vocal de qualité réuni pour l’occasion –ce sont les mêmes chanteurs qui incarnent successivement les rôles des quatre tentateurs puis des quatre chevaliers– et campe un Thomas Becket d’une profonde humanité et d’une grandeur extraordinaire. Karajan, directeur artistique de l’opéra de Vienne de 1957 à 1964, au sommet de sa gloire et au faîte de sa période « Europas Generalmusikdirekor », dirige l’oeuvre en privilégiant son caractère intimiste et de subtils alliages de timbres –cf.extrait ci-dessous-.

Outre cette superbe version, publiée à l’occasion des dix ans de la disparition du chef et indisponible depuis des lustres, il existe une belle version, chantée en italien, en DVD, que vous pouvez regarder en ligne ici. Du fait d’une prise de son très réverbérée et de l’absence de fosse pour l’orchestre, elle est cependant moins intimiste que la version écoutée ce jour.

Lohengrin triomphe à Strasbourg !

Rarement représentation générale aura connu une telle ovation finale à l’opéra national du Rhin, de mémoire de Diablotin ! C’est un tonnerre d’applaudissements frénétiques qui salua longuement les derniers accords, au tomber du rideau, devant un public de connaisseurs –tous les clubs wagnériens d’Alsace, de Bade-Würtenberg et de Rhénanie-Palatinat s’étaient donnés le mot pour assister à ce spectacle, la précédente représentation de Lohengrin à l’ONR remontant à 30 ans-.

Tout a été remarquable, de la mise en scène aux décors et aux costumes, sans oublier les chanteurs solistes –dont une Ortrud, Martina Serafin, arrivée au pied levé de Rome la veille pour remplacer la titulaire prévue, souffrante-, les choristes et l’orchestre : une très grande soirée, qui s’inscrit dans ma mémoire au même très haut niveau que le Ring historique donné à l’ONR de 2007 à 2011 !

Dimanche matin à l’opéra -encore…-

Une nouvelle -assez courte- matinée à l’opéra en ce dimanche très printanier, en compagnie de Wagner, pour ce qui constitue son « premier opéra officiel » -il en avait « renié » quatre autres auparavant- : « Der fliegende Holländer », ou « Le vaisseau fantôme » dans sa traduction française et dans une version un peu ancienne qui fait partie des premières enregistrées : celle de Ferenc Fricsay, sortie en 1953 –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. J’avais, il y a dix ans presque jour pour jour, emmené TheCookingCat voir et entendre l’oeuvre à l’opéra national du Rhin -c’était très bien malgré une mise en scène un peu abstruse-, elle s’était montrée assez peu réceptive à cette oeuvre pourtant assez facile d’accès.

–A partir d’ici, les * correspondent à l’appréciation tout-à-fait subjective et personnelle des versions citées.–

Etonnamment –ou pas ?-, c’est une oeuvre dont je ne possède en discothèque quasiment que des versions anciennes, à part celles de Böhm ***, avec Thomas Stewart –1971– et de Karajan *** avec José Van Dam-1983– dans le volumineux coffret EMI consacré à ses enregistrement lyriques.

Trônent donc sur mes étagères :
Clemens Krauss –1944, live de radio-, version princeps qui donne à entendre le Hollandais définitif de Hans Hotter encore presque juvénile et déjà pleinement investi dans le rôle ***** ;
Fritz Busch, exilé en Argentine, avec Alexander Kipnis, en 1948 –version qui peine à émerger du brouillard sonore, et où Kipnis, lointain, a priori en petite forme et un peu avancé en âge, n’est pas à la hauteur de sa réputation* ;
Fritz Reiner, live au Met de New York en 1950 –avec, une fois encore Hans Hotter aussi génial qu’en 1944 et brûlant les planches et Astrid Varnay, qui se hisse à la hauteur du Hollandais ***** ;
le très rare en enregistrement de Wilhelm Schüchter à Hambourg –live de radio, 1951-, toujours avec Hans Hotter, moins en voix, plus nasal que dans les deux versions précédentes**** ;
et, enfin, Joseph Keilberth à Bayreuth avec Hermann Uhde –alternative crédible à Hotter pour l’incarnation de ce rôle– et Varnay en 1955 *****.

La version de ce jour **** s’inscrit dans une optique très différente de celles qui furent enregistrées durant la même période : Ferenc Fricsay opte pour une lecture plus légère et incisive, l’orchestre est plus proche des opéras de Weber ou Marschner que des opéras ultérieurs de Wagner. Josef Metternich, qui chante le Hollandais, a une voix infiniment plus légère et moins charpentée que celle de Hotter, qui convient tout-à-fait bien cependant à la vision du chef. Tous les autres chanteurs sont excellents et cette version, avec son approche singulière, propose en définitive beaucoup de plaisir.

Soirée de Réveillon à l’opéra

J’entame cette dernière soirée de l’année par l’écoute de cette opérette de Johann Strauss : « Der Zigeunerbaron », soit, en français dans le texte « Le baron Tzigane ».

Oeuvre aimable et populaire, qui connut un énorme succès lors de sa création, mais qui semble désormais reléguée au second plan au profit de la très populaire « Die Fledermaus » –La chauve-souris-. Quoi qu’il en soit, ces deux oeuvres sont assez régulièrement et traditionnellement programmées ici ou là, à l’occasion de la veillée de la nouvelle année.
Pour en savoir plus sur cette opérette, vous pouvez vous rendre icibonne synthèse-.

L’enregistrement de Clemens Krauss –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– reste une référence incontournable, bien qu’il s’agisse d’une version sans dialogue, ce qui nuit un peu à l’intrigue, mais reste bien adapté à une soirée de Réveillon : les numéros musicaux s’enchaînent sans transition.
Les chanteurs, tous issus de la troupe de l’opéra de Vienne, sont sytlistiquement –et vocalement– irréprochable et Clemens Krauss est un merveilleux chef, parfaitement à l’aise et idiomatique pour diriger les oeuvres de Johann Strauss : à la fois suprêmement élégant et très grand seigneur. C’est d’ailleurs lui qui créa les concerts du Nouvel An à Vienne, et qui les dirigea de 1939 à sa mort prématurée, en 1953. La réédition, parue dans le coffret que je vous ai présenté ici il y a quelques temps déjà, bénéficie d’excellentes conditions techniques.

De quoi finir en beauté 2023 !

Un dimanche d’hiver à l’opéra, encore !

Il ne neige plus, il beaucoup plu et pourtant, le marché de Noël –Christkindelmärik pour les locaux– est toujours bondé chaque jour, rançon d’un succès chaque année renouvelé ! C’était encore la cas hier, bien plus que le week-end précédent, et pourtant, en début de semaine, la préfète avait dit à la maire: « Ça suffit, il y a trop de monde, faisons une réunion pour renforcer les mesures de sécurité !!! ».
En réalité, cela ne paraît pas très probant selon ce que nous avons expérimenté hier ! Je pense donc devoir revérifier cette après-midi, profitant au passage d’un gobelet de vin blanc chaud !

En attendant, n’ayant pas le temps nécessaire pour écouter l’opéra en entier ce matin, je suis néanmoins installé dans mon confortable fauteuil d’opéra, et j’écoute selon différentes versions –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– la marche funèbre dédiée à Siegfried et ce qui en suivit : Gutrune éplorée et, surtout, l’immolation de Brünnhilde qui clôt le Crépuscule des dieux, de Wagner.

Toutes ces versions sont fort cohérentes chacune dans leur genre, avec des partis-pris assumés, même si ce ne sont pas forcément mes préférées et que j’ai un « modèle » en tête –Varnay / Krauss– auquel je les compare toujours, même inconsciemment.

Si vous voulez trouver un Ring de qualité pour une bouchée de pain dans un son très décent, la version de Günther Neuhold devrait reste accessible à des prix décents, mais je n’ai pas vérifié : elle était proposée à prix vraiment fracassé –moins de 20€ le coffret de 14 CD !– à une époque –selon les éditeurs, l’iconographie du boîtier peut varier-. Elle vaut largement son prix, et même mieux que cela !

Un dimanche d’hiver à l’opéra

Il a neigé hier et neigeouillé cette nuit et j’en profite de cette matinée et de la chaleur douillette de l’appartement pour écouter « un peu fort » l’un de mes opéras préférés, dans une version sonore et ivre de ses sonorités : Wagner – Die Walküre, version Solti, 1965. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Premier enregistrement en studio de cet opéra -et donc pensée et conçue par le producteur de l’époque comme une aventure destinée à être écoutée dans un cadre domestique, ce qui explique certains choix techniques, cette version fut particulièrement soignée par les équipes techniques de Decca, et jouit, depuis la période de sa première parution, d’une réputation de « version de référence » que les années n’ont pas totalement ternie : pensez-donc : on y retrouve notamment Hans Hotter, le Wotan du siècle –capté ici bien tard, mais dont les Adieux restent émouvants-, mais aussi Nilsson, qui fut une grande Brünnhilde –pas ma tasse de thé personnellement, mais grande voix qui convient très bien dans ce contexte– et un philharmonique de Vienne redevenu l’excellent orchestre qu’il avait été avant la guerre –il avait pâti, comme peu d’autres orchestres, de la seconde guerre mondiale, et les enregistrements de la fin des années 40 et jusqu’u milieu des années 50 sont parfois cruels quant à son niveau…-.

En réalité, tout cela est très plaisant, et vaut mieux que la réputation acquise auprès de certains cercles wagnériens de « version surcôtée juste parce que c’est la première parue ». Dans les faits, on y trouve de fort belles choses, et, surtout, le remastering de très grande qualité paru en 2012, rendant cette luxueuse version enfin accessible à un tarif décent -cliquer sur l’image ci-dessous pour la voir en plus grand- permet de rééquilibrer un peu des cuivres tonitruants dans les premières éditions, et vient considérablement atténuer le souffle de bande de la première édition en CD, disponible pendant très longtemps à prix très fort ! Manque évidemment l’urgence des meilleures versions live enregistrées à Bayreuth… Mais quel confort sonore cependant !

Bref, que du bonheur !

Playlist « Cette année-là – 1999 »

Kurt Weill – L’opéra de quat’sous- Raabe, Hagen – Ensemble Modern, Gruber
Damien Saez – Jours étranges
Mick Taylor – A Stones’ Throw
Beethoven – Variations Diabelli – Olli Mustonen
Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand