Playlist « Valeurs sûres, désormais même en France… »
Longtemps, Anton Bruckner fut méprisé, en France, au motif que ses symphonies avaient la réputation d’être des monuments de longueur –alors qu’elles n’excèdent que rarement la durée de la neuvième symphonie de Beethoven– et d’ennui –je les trouve, pour ma part, nettement moins ennuyeuses que celle de Brahms, par exemple…-.
Justice lui fut tardivement rendue, et ce n’est que dans les années 50 qu’il commença, et grâce au disque essentiellement, à bénéficier d’une réputation à la hauteur de son génie. Il faudra encore attendre une bonne décennie pour qu’il trouve sa place dans les salles de concert françaises. Pour ma part j’ai découvert et très vite apprécié Bruckner, au sortir de l’adolescence dans les années 80, par le biais de la très bonne intégrale –au temps du LP, une intégrale en CD étant alors inaccessible financièrement…– de Günter Wand, que j’avais pu me procurer en Allemagne pour une somme en adéquation avec l’épaisseur de mon porte-monnaie de l’époque !
La playlist du jour me permet d’écouter trois symphonies parmi les plus populaires –4ème, 7ème et 9ème– du compositeur autrichien, selon trois perspectives interprétatives très dissemblables et, finalement, très complémentaires ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
• Parmi les premiers chefs à enregistrer des symphonies de Bruckner, William Steinberg n’est pas souvent cité, à tort selon mes oreilles ! Pourtant, dès 1956, il enregistrait pour Capitol cette 4ème symphonie « Romantique », puis, en 1963, avec le même orchestre de Pittsburgh, la 7ème symphonie, pour le label Command Classics : dans les deux cas, il propose des lectures narratives, nerveuses et incisives, en définitive pas ennuyeuses du tout ! Un peu plus tard, il enregistra avec Boston une sixième symphonie fondée sur les mêmes préceptes et se situant au même niveau d’excellence !
• Eugen Jochum poursuit une tradition interprétative bien ancrée en Allemagne depuis le début du vingtième siècle : son intégrale des symphonies du compositeur parue chez Deutsche Grammophon, dont est extraite cette septième symphonie, fait encore référence pour certains, malgré ses instabilités de tempo au service d’une émotion de l’instant -mais avec aussi sa part de « temps morts », à mes oreilles au moins. En Angleterre, on le surnommait «Mister Stop And Go »…
• Enfin, Herbert Von Karajan , considéré de son vivant par de nombreux musicographes en Angleterre et en Allemagne comme le plus grand interprète vivant de Bruckner, livre une très belle version de la neuvième symphonie « dédiée au Bon Dieu », enregistrée avec l’orchestre philharmonique de Vienne en concert en 1976 : un disque paru en édition limitée il y a déjà fort longtemps, et qui n’est plus disponible de nos jours. Une fort belle version, pleine de ferveur dans le dernier mouvement, moins puissante, mais aussi solidement architecturée que celle enregistrée à Berlin à peu près à la même époque dans le cadre d’une intégrale, encensée à peu près partout sauf en France…