Je vous parle ici d’un temps que les moins de 33 ans ne peuvent pas connaître… Au sortir de l’adolescence, j’entrais dans la vie active avec l’enviable statut d’étudiant salarié et avais donc quelques sous à consacrer à l’achat de disques : beaucoup de 33T à cette époque, mais je commençais également à acheter les tout premiers Compact Disc.
A cette époque, donc, le CD fit son apparition, d’abord très discrète, dans les étalages des disquaires. On ne pouvait pas encore parler de rayons ou de bacs, tant ils étaient en petit nombre –et l’offre donc très restreinte-. Chez « l’agitateur culturel » –à l’époque, le slogan lui allait assez bien, depuis…-, on n’avait même pas accès à la chose : une photocopie de la pochette sous plexiglass servait à choisir son CD, et un vendeur vous accompagnait à la caisse avec l’objet : il ne vous était pas remis avant passage à ladite caisse ! Chez mon revendeur préféré, qui restait encore pour une très courte période « le premier disquaire de France » –mais le CD contribua paradoxalement à sa perte-, j’avais le droit d’en écouter quelques-uns dont les boîtiers étaient déjà descellés –parce que le vendeuses, pour faire leur travail de conseil, étaient tenues de les écouter auparavant : ce temps-là a également disparu : désormais, les vendeurs remplissent vident les rayons…-.
C’est à cette époque qu’Herbert Von Karajan commença à enregistrer, pour une nouvelle postérité, sa dernière intégrale des symphonies de Beethoven –mais aussi de larges pans de son répertoire avec une boulimie frénétique, malgré la maladie et les relations dégradées avec son orchestre berlinois-, qui fut donc la première disponible en CD.
Disons-le tout de suite : elle n’a pas eu aussi bonne réputation que les précédentes –les deux premiers albums du coffret, soit 5+6 et 9 furent cependant largement primés, en France et en Allemagne, par la presse spécialisée : l’appréciation fut donc largement positive, mais un peu plus nuancée que pour les deux intégrales précédentes– et ne bénéficie pas de l’aura mythique de ses devancières –surtout celle de 1962-. La prise de son, mate et compacte, reste le principal obstacle à une découverte de ce corpus dans de bonnes conditions : on était encore au début de l’enregistrement digital chez l’éditeur jaune.
Quelques années plus tard, un nouveau remastering parut, selon le procédé « Original Image Bit-Processing », qui permit enfin d’en profiter dans de meilleures conditions –et de revendre, dans ce son largement amélioré, mais loin d’être idéal pour autant, les mêmes CD à prix fort-. C’est donc cette édition qui est l’objet de la playlist de ce jour.
Depuis l’achat de ce qui fut mon premier CD de musique classique –symphonies 5 et 6, la neuvième fut acquise la semaine suivante. Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, bien de l’eau a coulé sous les ponts de l’Ill et du Rhin… Au bilan de cette intégrale : je reste très attaché à la symphonie Pastorale, extrêmement bien jouée, avec des timbres magnifiques et un clair-obscur saisissant qui lui sied à ravir –cf; l’extrait ci-dessous-.
Je reviens souvent avec beaucoup de plaisir vers le dernier mouvement de la Troisième –le reste de la symphonie est très bien aussi, mais pas aussi excellent-, qui coule avec puissance et naturel. La Cinquième est puissante –et le dernier mouvement très sonore !– mais je préfère d’autres versions du chef, ce qui vaut également pour la Neuvième. La Quatrième et la Septième sont celles qui souffrent le plus de la prise de son, la Huitième est moins réussie qu’auparavant, et j’écoute très rarement la première et la Deuxième, dans quelque version que ce soit.
Tiens, j’ai aussi connu la même phénomène, avec également le choix entre 3 ou 4 platines CD seulement dans les rayons de l’ex agitateur « culturel » et le petit bac de CD audio. Et le vendeur qui nous le faisait écouter en démonstration (si on voulait l’acheter).
Mon premier CD : The Doors LA Woman, 150 francs ! Ce qui ferait 42 € !!!!!! La vache !
J’étais plutôt Furtwangler à l’époque dans Beethoven ! 😉
Oups, ma dernière phrase est bancale ! Mais je pense que tu m’as compris !
Oui oui 😀 Je n’ai jamais trop aimé Furtwängler dans Beethoven, pour ma part : je préfère des approches rythmiques plus rigoureuses, mais je comprends tout-à-fait qu’on puisse aimer ça.
Côté platines CD, le magasin où j’allais -et où je « travaillais bénévolement » le samedi- était plutôt bien achalandé : une dizaine de modèles allant du haut de gamme au « très haut de gamme ». j’y ai laissé mes premiers mois de salaire pour construire un système enviable pour l’époque et dont certains éléments fonctionnent encore parfaitement -mais pas forcément chez moi : je pense notamment aux très fameuses et particulièrement inlogeables DB30 dont je parlais ici : http://latelierdediablotin.fr/WordPress3/2014/09/comment-tout-a-commence/ -.
Mes 10 premiers CD, en cette période de disette, étaient :
• Beethoven, Symphonies n°5 et 6, Karajan 1982
• Beethoven, Symphonie n°9, Karajan 1982
• Mahler, Symphonie n°1, Abbado/Chicago
• Beethoven, sonates pour piano n°8, 13 et 14, Gilels
• Beethoven, sonates pour piano n°29 « Hammerklavier », Gilels
• Dire Straits, Communique
• Dire Straits, Making Movies
• Gainsbourg, Histoire de Melody Nelson qui était couplé sur le même CD avec Rock around the bunker
• Rolling Stones : Beggars Banquet
• Klaus Nomi, Encores