Dimanche à l’opéra – « Der Wildschütz », de Lortzing

Après « Zar und Zimmermann » du même compositeur, je poursuis avec cette séance lyrique dominicale mon exploration de l’opéra comique allemand, entamée il y a peu de temps. La découverte du jour est « Der Wildschütz, oder die Stimme der Natur »Le braconnier, ou les voix de la nature-,d’Albert Lortzing –1801-1851-. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Il s’agit d’un opéra-comique en trois actes d’Albert Lortzing, sur un livret du compositeur lui-même, créé le 31 décembre 1842 à Leipzig. « Der Wildshütz » est l’un des opéras les plus populaires de Lortzing, mêlant humour, intrigue amoureuse et satire sociale. La discographie de l’oeuvre est relativement abondante, et la version de ce jour expose quelques grands noms du chant lyrique de l’Allemagne des années 50 et 60 –notamment Rudolf Schock, ténor toujours excellent dans ce répertoire, et Gottlob Frick, basse très réputée, ici dans le rôle de Baculus-, ainsi qu’un chef très compétent, Wilhelm Schüchter, qui brilla régulièrement dans ce répertoire –on lui doit également deux très beaux enregistrements de Wagner : « Der Fliegende Holländer » et « Lohengrin »-.
L’orchestre, dont l’histoire est complexe, est le très bon Berliner Symphonische Orchester, avant sa fusion avec le Deutsche Symphonieorchester, un autre orchestre berlinois, pour devenir le Berliner Symphoniker, lequel existe toujours actuellement et enregistre assez fréquemment pour le label CPO. Les choeurs sont ceux de la RIAS de Berlin, que l’on rencontre très souvent dans la discographie de Ferenc Fricsay.
L’enregistrement intégral, réalisé très rapidement en deux jours de mars 1963, est paru à l’origine sous un obscur label, sous-marque du label allemand Eurodisc, qui, devant le succès de l’entreprise, en publia ensuite très rapidement sous sa propre étiquette un disque de larges extraits. Les conditions techniques sont très convenables eu égard à la date d’enregistrement.

• Acte I – Dans un village allemand, le baron von Kronthal organise une grande chasse pour impressionner la comtesse Julie, dont il est amoureux. Cependant, le braconnier Baculus, un ancien instituteur devenu ivrogne et chasseur clandestin, est arrêté par le garde-chasse Graf von Eberbach. Baculus est condamné à une amende qu’il ne peut payer, mais il est sauvé in extremis par l’intervention de Nanette, la nièce du maire, qui paie pour lui.
Baculus, reconnaissant, promet de se racheter. Pendant ce temps, le baron, toujours épris de Julie, ignore que celle-ci est en réalité amoureuse de Graf von Eberbach, le garde-chasse. Pour compliquer les choses, le maire du village, Pankraz, est un homme avare et autoritaire, qui veut marier Nanette à un riche prétendant.

• Acte II – Baculus, toujours aussi maladroit, tente de braconner à nouveau et se retrouve impliqué dans une série de quiproquos. Il croise la route de Julie, qui se cache dans la forêt pour échapper aux avances du baron. Baculus, croyant avoir affaire à une fée, lui promet de l’aider. Pendant ce temps, le baron, furieux de ne pas trouver Julie, accuse Graf von Eberbach de l’avoir enlevée.
Nanette, quant à elle, est courtisée par Schulze, un riche paysan, mais elle est amoureuse de Baculus, malgré ses défauts. Elle décide de le sauver une fois de plus en le cachant chez elle.

• Acte III – Les malentendus s’accumulent : le baron croit que Graf von Eberbach a enlevé Julie, tandis que Pankraz, le maire, découvre que Baculus est caché chez Nanette. Une scène de chaos s’ensuit, où chacun révèle ses véritables sentiments. Finalement, tout se démêle :
• Julie avoue son amour pour Graf von Eberbach.
• Baculus, touché par la bonté de Nanette, promet de se corriger et de l’épouser.
• Le baron, humilié, renonce à Julie.
• Pankraz, vaincu, accepte le mariage de Nanette avec Baculus.
L’opéra se termine sur une note joyeuse, avec des chœurs célébrant l’amour et le pardon.

Avec cette satire sociale, Lortzing se moque aussi bien de l’aristocratie –le baron vaniteux– que de la bourgeoisie avare –Pankraz– ou des travers humains –l’ivrognerie de Baculus-. L’intrigue repose sur des malentendus et des situations comiques, typiques de l’opéra-comique allemand et s’achève sur une fin heureuse : Baculus, malgré ses défauts, est sauvé par l’amour et la bonté de Nanette. La musique est entraînante et enjouée, les dialogues ne sont pas envahissants, le compositeur fait preuve d’une grande facilité mélodique, d’une belle habileté en matière d’orchestration et, en Allemagne, certains airs du « Wildschütz » restent très populaires, et l’opéra y est encore régulièrement joué.

A nouveau, une agréable découverte !

Dimanche à l’opéra – « Zar und Zimmermann » de Lortzing

Fidelio, de Beethoven, a ouvert cette nouvelle saison lyrique, qui se poursuit désormais par une petite série consacrée à l’opéra comique allemand, entamée aujourd’hui par « Zar und Zimmermann » (« Le Tsar et le charpentier »), d’Albert Lortzing1801-1851-.
L’opéra comique allemand est une forme d’oeuvre lyrique qui s’inscrit entre le Singspiel et l’opéra dramatique ou le drame lyrique wagnérien. Il comprend à la fois de la musique, du chant et des dialogues parlés, et s’est développé en Allemagne tout au long du XIXè siècle. S’adressant à un public moins populaire, plus cultivé et plus bourgeois que le Singspiel, il fut, dès l’origine, joué dans des théâtres bien établis et propose des standards de l’opéra sérieux, avec une touche comique ou satirique. Contrairement au Singspiel, les thèmes abordés sont plus proches de la satire sociale et ne comportent pas d’éléments féériques ou surnaturels. Les grands succès de l’opéra comique allemand sont restés très populaires Outre-Rhin, et restent fréquemment joués dans les maisons d’opéra.

Très populaire en Allemagne, l’opéra a été enregistré une douzaine de fois. Dans avec cette version de « Zar und Zimmermann » –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, on retrouve des interprètes –chanteurs, orchestres et choeurs, chef– dont la réputation est très bien établie dans des opéras de Mozart, Beethoven ou Wagner. L’orchestre de la radio de Bavière, fondé par Eugen Jochum en 1949, est l’un des plus prestigieux orchestre d’Allemagne et le chef, Heinz Wallberg, est très réputé dans ce répertoire, qu’il fréquenta abondamment. Techniquement, l’enregistrement, réalisé en 1975, s’inscrit dans la lignée des productions radiophonique allemandes de l’époque : c’est du solide sans étincelles.

« Zar und Zimmermann » est une opéra comique en trois actes, créée en 1837 à Leipzig. Le livret, du compositeur lui-même, est basé sur la pièce de Georg Christian Römer « Der Bürgermeister von Saardam, oder Die zwei Peter ». Dix ans auparavant, Donizetti avait déjà composé un opéra, rapidement tombé dans l’oubli, sur le même thème : Il borgomastro di Saardam (mélodramma giocoso en deux actes).

L’intrigue se déroule à Saardam (Pays-Bas) en 1698. Le tsar Pierre le Grand, souhaitant apprendre l’art de la construction navale, se fait passer pour un simple charpentier sous le nom de Pierre Mihailov. Il travaille dans un chantier naval, où il se lie d’amitié avec un autre Pierre –Ivanov– un compagnon-charpentier russe qui a déserté. L’oeuvre comporte son lot de personnages stupides –le bourgmestre, certains ambassadeurs– et de fausses pistes amoureuses et la situation devient comique lorsque des ambassadeurs russes arrivent à Saardam pour retrouver le tsar, qui est en réalité sous leurs yeux, mais incognito.
L’opéra mêle quiproquos, chansons populaires et scènes comiques, avec un dénouement heureux où l’identité du tsar est révélée, et où il pardonne à tous les personnages pour leurs méprises avant de repartir pour la Russie.

L’œuvre s’appuie sur une légende historique –le séjour du tsar Pierre le Grand aux Pays-Bas, lors de la « Grande expédition », dans la ville de Zaandam, devenue Saardam dans l’opéra-– et sur une pièce de théâtre allemande antérieure, elle-même tirée d’une pièce française. L’opéra se distingue par son mélange de comédie légère, de chansons populaires –comme la célèbre romance de Chateauneuf « Lebe wohl, mein flandrisch Mädchen »-, de thèmes folkloriques et d’ensembles vocaux brillants. L’ouverture orchestrale est pleine de brio et constitue une pièce très populaire. L’opéra a été créé au Stadttheater de Leipzig, le . Lors de la première, le compositeur en personne a interprété le rôle d’Ivanov.
« Zar und Zimmermann » est considéré comme le chef-d’œuvre de Lortzing et l’un des sommets de l’opéra comique allemand. Il reste régulièrement joué en Allemagne et est apprécié pour son accessibilité, son humour, et sa musique entraînante.

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Dimanche à l’opéra – Fidelio, de Beethoven

C’est la rentrée et, dans le domaine lyrique, c’est une nouvelle saison qui commence ! Cette séance dominicale est consacrée à l’unique opéra de Ludwig Van Beethoven, « Fidelio », dans l’excellente version qu’en enregistra Herbert Von Karajan en décembre 1970, précédant les représentations du festival de Salzbourg en 1971. Ce disque marqua le retour lyrique du chef chez EMI. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Beethoven a composé trois versions de l’opéra entre 1805 et 1814, initialement intitulé « Léonore », avant de l’appeler définitivement « Fidelio » en 1814. L’œuvre, en deux actes, s’inspire du livret français de Jean-Nicolas Bouilly, déjà adapté par d’autres compositeurs, et qui connut un grand succès en France après la révolution, dont il exaltait les valeurs. « Fidelio » est un Singspiel, mêlant dialogues parlés et airs chantés. L’oeuvre se déroule dans une prison d’état espagnole, près de Séville, à la fin du 18è siècle.

• Acte I : Léonore, déguisée en Fidelio, travaille comme aide-geôlier pour se rapprocher de son mari Florestan, emprisonné secrètement par Don Pizzaro. Elle suscite l’amour de Marzelline, dont le père, Rocco, est le geôlier de la prison, assisté de Jaquino. Celui-ci est amoureux de Marzelline, mais elle le repousse. Rocco accepte d’aider Fidelio, mais l’accès au cachot de Florestan reste interdit. Pizzaro, le cruel gouverneur de la prison, ordonne à Rocco de creuser une tombe pour Florestan, qu’il compte assassiner avant l’arrivée du ministre Don Fernando.
• Acte II : Florestan, au bord de la mort, rêve de liberté et de justice. Léonore et Rocco descendent dans son cachot. Quand Pizzaro arrive pour tuer Florestan, Léonore se révèle, menace Pizzaro avec un pistolet, et sauve son mari. L’arrivée de Don Fernando met fin à la tyrannie de Pizzaro : Florestan est libéré, et la justice.

Le compositeur, épris des valeurs des Lumières et de la révolution française, se sentait animé de hautes considérations morales et critiquait volontiers les livrets des opéras de Mozart –trilogie de Da Ponte– pour leur légèreté et leur caractère licencieux. Rien de tout cela chez Beethoven. Fidelio exalte :
• l’amour conjugal et la fidélité. Léonore incarne la constance et le courage, prête à tout pour sauver Florestan ;
• la liberté et la justice. Florestan représente l’idéal de liberté, tandis que Don Fernando symbolise la justice restaurée. L’opéra exprime les idéaux des Lumières et du Sturm und Drang, chers à Beethoven ;
• l’opposition entre bien et mal. Léonore et Florestan s’opposent à la cruauté de Pizzaro, soulignant le combat entre humanité et tyrannie.

La composition de « Fidelio » fut pour Beethoven un labeur lent, long et douloureux, marqué par de multiples hésitations. Il a composé quatre ouvertures pour « Fidelio », dont la célèbre Ouverture « Léonore n°3 », souvent jouée en concert. La version définitive, en 1814, marque une rupture avec les versions précédentes : la structure est plus équilibrée grâce à un livret remanié, l’orchestration est plus étoffée et novatrice : la comparaison avec les versions enregistrées de « Leonore » -partition dans sa forme antérieure de 1805/1806- est révélatrice cet égard. Préfigurant l’opéra romantique allemand, « Fidelio » a finalement triomphé en 1814, d’abord à Vienne puis dans toute l’Europe.

Herbert Von Karajan dirigea « Fidelio » tout au long de sa carrière : 66 représentations, de 1932, à 24 ans, à Ulm –un critique de l’époque souligna que « […] tout le monde dans le public a été saisi par la tension fortement émotionnelle de cette représentation »– à 1978 ! Son unique enregistrement de l’oeuvre, réalisé en 1970 avec une équipe de chanteurs qu’il connaissait bien puisqu’il les avait déjà réunis pour son « Ring des Nibelungen » salzbourgeois. Les rôles principaux sont tenus par deux des chanteurs favoris de Karajan : Jon Vickers dans le rôle de Florestan et son ancienne Brünnhilde, Helga Dernesch, dans le rôle de Leonore. Parmi les autres chanteurs figurent Zoltan Kelemen –sans doute le meilleur Pizzaro de l’entière discographie-, Karl Ridderbusch, José van Dam et Helen Donath, charmante Marzelline.
A sa sortie, cette version de « Fidelio » fut unanimement saluée par la critique internationale et demeure, aujourd’hui encore, une très grande version de la discographie de l’oeuvre, malgré une prise de son très réverbérée qui offre de l’ampleur -énormes contrastes dynamiques, effets stéréophoniques parfois prononcés- mais nuit à la transparence.

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Dimanche à l’opéra – Les diables de Loudun, de Penderecki

La séance lyrique dominicale est consacrée à une oeuvre « contemporaine » et plus difficile d’accès que les opéras que j’ai généralement coutume d’écouter : « Les Diables de Loudun ». Il s’agit d’un opéra en trois actes composé par Krzysztof Penderecki entre 1968 et 1969, sur un livret en allemand de lui-même -sous le titre Die Teufel von Loudun-, et basé sur le roman éponyme d’Aldous Huxley –The Devils of Loudun, 1952-.
La version de ce jour, la seule à disponible officiellement en disque à ma connaissance –elle existe également en version filmée-, est postérieure de quelques semaines à la création mondiale de l’oeuvre, à Hambourg en juin 1969. Seul le chef, Marek Janowski, n’avait pas participé à cette création. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’œuvre, en trois actes, est fondée sur un épisode réel du XVIIe siècle à Loudun, assez abondamment documenté, où le prêtre Urbain Grandier, intellectuel éloquent et charismatique, séducteur impénitent et volontiers critique du pouvoir royal et de l’autorité ecclésiastique, fut accusé de sorcellerie et brûlé vif en 1634 sur ordre du cardinal de Richelieu, qui souhaitait s’emparer de la ville et achever de faire raser ses fortifications. Ce procès fut largement considéré comme une machination politique et religieuse.

Acte I
• Introduction – Dans la ville de Loudun, un climat de tension religieuse et sociale règne. Le prêtre Urbain Grandier est une figure controversée : intellectuel, brillant orateur, séducteur de femmes, et critique de l’autorité ecclésiastique, il s’attire de nombreux ennemis.
• Sœur Jeanne des Anges – La prieure du couvent des Ursulines, Sœur Jeanne des Anges, est obsédée par Grandier. Son désir refoulé se transforme en haine lorsqu’il rejette son influence. Elle l’accuse d’être l’instrument du Diable.
• Premiers soupçons – Les rumeurs de possessions démoniaques commencent. Des exorcismes sont pratiqués, et les religieuses « possédées » accusent Grandier d’avoir invoqué le démon. L’Église et les autorités voient là une opportunité de se débarrasser d’un homme influent et dérangeant.

Acte II
• Escalade des accusations – La possession collective prend de l’ampleur, avec des scènes d’hystérie. Les autorités ecclésiastiques en profitent pour diaboliser Grandier. Les exorcistes conduisent des rituels violents, censés extraire les démons des sœurs.
• Le procès – Grandier est arrêté. Le procès est truqué, fondé sur des « preuves » obtenues par torture ou extorsion. Malgré son éloquence et sa défense rigoureuse, il est condamné à mort.

Acte III
• Torture et exécution – Grandier subit la torture. Pendant ce temps, les visions de possession persistent. L’opéra culmine avec son exécution : Grandier est brûlé vif sur la place publique, dans une atmosphère d’hystérie religieuse mêlée de voyeurisme morbide.
• Épilogue – Sœur Jeanne reste tourmentée. La possession s’est tue, mais le mal subsiste. L’opéra se clôt dans un climat de tragédie inexpiable.

La musique de Penderecki mobilise de nombreuses techniques de l’avant-garde qui avaient cours dans les années 60 : glissando, clusters –nuages de notes-, vocalises criées ou gémies, nombreuses percussions, sons concrets… Le chant est déclamatoire et proche du Sprechgesang.
L’atmosphère générale est sombre et oppressante, rendant bien compte de la tension psychologique et de la violence physique de l’histoire. A travers cette oeuvre complexe et puissante, Penderecki, compositeur polonais, dénonce le fanatisme, la propagande et les faux discours institutionnels, mais également le totalitarisme et les abus et les manipulations d’un pouvoir totalitaire, en pleine période de guerre froide.

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Dimanche à l’opéra – Dioclesian, de Henry Purcell

Retour à l’opéra en ce dimanche veille de fête nationale, avec une oeuvre relativement courte qui n’est qu’un semi-opéra, composé par Henry Purcell vers 1690 : « Dioclesian », dans la version enregistrée par Trevor Pinnock en 1995 –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Le semi-opéra est une forme propre au baroque anglaise mêle dialogues, airs chantés et choeurs, mais aussi danses et masques où les rôles principaux sont le plus souvent parlés. Le livret de Thomas Betterton est adapté d’une pièce de théâtre de John Fletcher et Philip Massinger : « La prophétesse » -1647-. L ‘opéra livre une adaptation très libre de la vie de l’empereur Dioclétien et débute vers 284 – 285 ap. JC, au moment de la mort de l’empereur Numérien, mais la pièce présente de trop nombreux écarts avec la réalité historique –elle-même très complexe à ce stade de l’histoire de l’empire romain– pour être datée plus précisément.

Delphia, une prophétesse, prédit que Dioclès, un soldat du rang, deviendra empereur après avoir tué un « puissant sanglier » et qu’il épousera la nièce de Delphia, Drusilla, qui est amoureuse de lui. Dioclès prend la prophétie au sérieux et commence à abattre de nombreux sangliers, sans cependant que la prophétie se réalise. Lorsqu’il s’avère qu’un soldat appelé Volutius Aper –Aper = sanglier en latin– a assassiné le vieil empereur Numérien, Dioclès tue Aper pour se venger.
En récompense de cette action, il est fait co-empereur et se renomme Dioclésien. Il ignore cependant sa promesse d’épouser Drusilla et courtise plutôt la sœur de son co-empereur, la princesse Aurélia. Cela met en colère Delphia, qui met fin à la cérémonie de mariage en déclenchant une tempête et en invoquant un monstre. Elle fait ensuite tomber la princesse Aurélia amoureuse d’un rival de Dioclès, Maximinien. Elle provoque également la défaite de l’armée romaine contre les Perses. Après cette défaite, Dioclésien se rend compte de ses erreurs, chasse les envahisseurs, puis cède sa moitié du trône à Maximinien et se déplace en Lombardie avec Drusilla.

La musique de ce semi-opéra est essentiellement de caractère cérémoniel et dansant, elle n’atteint jamais la profondeur expressive de son unique opéra « Didon et Énée ». Quelques choeurs sont cependant très spectaculaires et certains airs pour solistes sont très beaux. Dans le cadre d’une écoute au disque cependant, l’oeuvre manque de cohésion.
La version de ce jour est réputée pour sa direction, claire, vive, détaillée. Trevor Pinnock et son orchestre ont quasiment toujours fait merveille dans le domaine de la musique baroque anglaise, et, à ce stade de leur carrière, les musiciens étaient devenus des virtuoses incontournables dans ce répertoire. La qualité du chant est tout-à-fait excellente également –solistes et choeurs à la diction exemplaire-. Les conditions techniques sont très bonnes et le livret extrêmement informatif sur une oeuvre qui n’est pas majeure dans la production du compositeur mais n’en demeure pas moins intéressante et fort belle !

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Dimanche à l’opéra – Wolfgang A. Mozart, « Cosi fan tutte »

« Così fan tutte » est un opéra en deux actes composé par Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Lorenzo Da Ponte : il s’agit de leur dernière collaboration, après « Don Giovanni » et « Les noces de Figaro ». Créé en 1790, cet opéra appartient au genre de l’opéra bouffe, bien qu’il contienne des éléments de profondeur psychologique et de satire sociale.
La version du jour est celle enregistrée en 1955 par Herbert Von Karajan, le Philharmonia Orchestra, entourés d’une constellation des étoiles du chant mozartien de l’époque. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Comme pour la majorité des opéras de Mozart –à part « La flûte enchantée »-, je ne l’écoute que très rarement et il m’a été d’autant plus facile de choisir cette version que c’est la seule présente dans ma discothèque !

• Acte I – L’opéra commence dans un café à Naples où deux officiers, Ferrando et Guglielmo, se vantent de la fidélité de leurs fiancées respectives, Dorabella et Fiordiligi. Leur ami Don Alfonso, un vieux philosophe cynique, les met au défi en affirmant que toutes les femmes sont inconstantes –« Così fan tutte » signifie « Toutes les femmes font ainsi », ce que l’on traduirait plus trivialement de nos jours par « Toutes les mêmes »-.
Ferrando et Guglielmo acceptent le pari de Don Alfonso et décident de se déguiser pour tenter de séduire la fiancée de l’autre. Ils feignent d’être appelés au front et disent un adieu déchirant à leurs bien-aimées.
Peu après, deux « étrangers » (en réalité Ferrando et Guglielmo déguisés) arrivent chez les sœurs et tentent de les séduire. Au début, Dorabella et Fiordiligi résistent aux avances des étrangers. Sur les conseils de Don Alfonso et avec l’aide de la servante Despina, les « étrangers » feignent de prendre du poison pour gagner la pitié des sœurs. Despina, déguisée en médecin, arrive et « soigne » les hommes, ce qui permet aux sœurs de commencer à céder à leurs avances.

• Acte II – Les « étrangers » continuent leur cour assidue. Ferrando, déguisé, courtise Dorabella, tandis que Guglielmo, déguisé, courtise Fiordiligi. Les sœurs commencent à succomber à leurs avances. Don Alfonso persuade les sœurs d’accepter une double cérémonie de mariage avec les « étrangers ».
Juste au moment où les mariages sont sur le point d’être célébrés, on entend des marches militaires au loin. Ferrando et Guglielmo reviennent de leur prétendue guerre, découvrant avec chagrin que leurs fiancées les ont trahis. Ils révèlent leur déguisement, et les sœurs, honteuses, avouent leur infidélité.
Malgré la douleur de la trahison, les couples se réconcilient. Don Alfonso conclut que l’amour et le pardon triomphent, et tout le monde célèbre la fin heureuse.

La musique de Mozart et le livret de Da Ponte créent un équilibre parfait entre comédie et profondeur psychologique. Le thème central de l’opéra est la fidélité amoureuse. Da Ponte et Mozart explorent la nature humaine et la tentation, montrant que même les personnes les plus vertueuses peuvent succomber à la séduction.
L’opéra est également une satire des mœurs de l’époque, critiquant la légèreté et l’inconstance des relations amoureuses. Le pari entre Don Alfonso et les officiers met en lumière les jeux de l’amour et de la tromperie, montrant comment les apparences peuvent être trompeuses.
Mozart utilise des duos et des ensembles pour explorer les relations entre les personnages et leurs émotions. Les duos entre les sœurs, par exemple, révèlent leurs sentiments et leurs dilemmes intérieurs. Les arias sont des moments de réflexion et d’expression personnelle : vulnérabilité, désarroi…
L’orchestration de Mozart est variée, il se sert des instruments pour souligner les émotions et les actions des personnages. Des motifs musicaux récurrents aident à unifier l’œuvre et à renforcer les thèmes dramatiques.

La version de ce jour, enregistrée en 1954 pour EMI/Columbia, est devenue mythique et régulièrement citée parmi les deux ou trois versions de référence pour la discographie de cet opéra. Le son, monophonique, est tout-à-fait correct, Karajan dirige l’oeuvre très naturellement dans des tempi très contrastés –comme souvent dans ses Mozart de l’époque– et met en valeur les pupitres du Philharmonia, notamment la petite harmonie. Les récitatifs sont raccourcis, comme sur toutes les versions studio contemporaines, mais cela ne nuit en rien à compréhension de l’oeuvre. Le casting réuni pour l’occasion est d’un niveau exceptionnel, tant chez les femmes que chez les hommes.


« Cosi fan tutte » aurait dû connaître un grand succès : les premières représentations, lors de sa création, furent en effet largement saluées, mais la mort de l’empereur Joseph II entraîna le fermeture des toutes les théâtres et, lors de leur réouverture, l’opéra était déjà oublié.

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Dimanche à l’opéra – Richard Strauss, « Le chevalier à la rose »

Ma séance dominicale lyrique me conduit cette après-midi –pour cause de préparatifs intenses pour le brunch de la « fête des pères » ce matin– dans la Vienne impériale de la seconde moitié du 18ème siècle, sous le règne de Marie-Thérèse, impératrice douairière du Saint-Empire germanique et reine d’Autriche, avec l’opéra en trois actes de Richard Strauss « Le chevalier à la rose », dans l’ultime version d’Herbert Von Karajan. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’argument en est très simple : le baron Ochs auf Lerchenau prépare son mariage avec Sophie Faninal, et fait appel à sa cousine, la princesse Marie-Thérèse von Werdenberg, plus connue sous le nom de « La Maréchale », pour désigner un chevalier qui ira offrir une rose d’argent à la future mariée, selon la tradition.
La Maréchale confie cette mission à Octavian, son jeune amant. S’ensuivent une série de quiproquos, et, en définitive, Octavian s’éprend de la jeune fiancée, horrifiée par son futur mari qui est un homme dépravé et grossier. Avec la bénédiction de la Maréchale, les deux jeunes gens peuvent alors entamer un duo d’amour enflammé.

Ainsi, bien qu’il s’agisse d’un opéra comique, l’œuvre intégrant des thèmes plus sérieux comme l’infidélité, la prédation sexuelle et l’altruisme en amour, mais aussi la nostalgie et l’angoisse face au temps qui fuit.
Une notice assez complète –argument, informations sur le livret et les conditions de création de l’opéra…– se trouve ici.

« Le chevalier à la rose » est bien représenté dans ma discothèque, avec pas moins de six versions :
d’une part, les trois versions d’Herbert Von Karajan : 1956, studio EMI avec le Philharmonia Orchestra ; enregistrée live à Salzbourg en 1960 et sortie officiellement chez DGG en 1999 seulement, dans le cadre de la publication des archives du festival ; 1982, studio parue chez Deutsche Grammophon, et, donc version écoutée ce jour. Les deux premières versions sont généralement considérées comme des versions de référence. Karajan a toujours été un éminent spécialiste de Richard Strauss, reconnu comme tel par le compositeur lui-même, qui, au sortir d’une représentation dirigée par son jeune collègued’Arabella, l’invita au restaurant pour le féliciter et le remercier;
d’autre part, trois versions enregistrées par Erich Kleiber en 1954, Karl « Karli Sac de patates » Böhm en concert au festival de Salzbourg en 1969 et Leonard Bernstein en studio en 1971 –les deux premières sont également souvent considérées comme des versions de référence-, qui, toutes trois, proposent d’excellents plateaux de chanteurs.

La version du jour jouit d’une réputation un peu moindre que les deux précédentes enregistrées par Karajan –cliquer sur les imagettes pour les voir en plus grand-, et pourtant, à mes oreilles, elle n’est pas si loin de les rejoindre : aucun des chanteurs, presque tous à l’aube de leur carrière, ne démérite, même si certains n’égalent pas tout-à-fait leurs prédécesseurs. A contrario, Kurt Moll est sans doute le meilleur Ochs auf Lechernau de l’entière discographie.
Les tempi, relativement lents –comme toujours chez le chef dans cet opéra, qu’il dirigea très souvent– sont cependant très vivants et, surtout, Karajan tire de l’orchestre philharmonique de Vienne –sans doute l’orchestre le plus rétif pour répondre aux exigences des chefs d’orchestre– des sonorités somptueuses et d’une beauté inouïe, qui imprègnent l’oeuvre d’une tendre nostalgie.

Tim Page, critique musical du Washington Post, écrivait, après le dernier concert américain de Karajan, en février 1989 : “Never forget that an orchestra can play with such unity, such subtlety, such luxuriance of tone. You may never again hear such playing but now you know that it can be done”. « N’oubliez jamais qu’un orchestre peu jouer avec autant d’unité, de subtilité et de luxe sonore. Vous n’entendrez peut-être plus jamais un tel jeu, mais vous savez désormais qu’il est possible de le faire ».

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Dimanche à l’opéra – Giulio Cesare, de Handel

Ma séance lyrique dominicale me conduit en Égypte antique, à la rencontre de Cléopâtre et de Jules César, avec cet opéra de Georg Frideric Handel « Giulio Cesare in Egitto », souvent plus connu sous le titre « Giulio Cesare ».
Handel a composé « Giulio Cesare » pendant son séjour en Angleterre, où il a passé une grande partie de sa carrière. À cette époque, l’opéra italien était extrêmement populaire à Londres, et le compositeur a écrit plusieurs opéras pour répondre à cette demande. « Giulio Cesare » a été créé au King’s Theatre de Londres et a été un succès immédiat, contribuant à établir la réputation de Handel comme l’un des plus grands compositeurs d’opéra de son temps. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Il s’agit d’un opéra en trois actes composé par Handel en 1723, sur un livret de Nicola Francesco Haym, qui était le secrétaire de la Royal Academy of Music et auteur ou traducteur de nombreux livrets pour Handel et ses contemporains. L’opéra a été créé pour la première fois en 1724, et connut un immense succès, qui ne s’est jamais démenti par la suite : il reste l’un des plus populaires et célèbre de Handel. « Giulio Cesare » est basé sur des événements historiques entourant Jules César et Cléopâtre. L’intrigue adapte quelque peu librement la réalité historique pour des raisons dramatiques : elle se déroule en Égypte, où César poursuit son rival Pompée. Après l’assassinat de Pompée, César s’implique dans les luttes de pouvoir égyptiennes et tombe amoureux de Cléopâtre.

• Acte I – L’opéra s’ouvre sur la victoire de César sur Pompée, qui a fui en Égypte pour chercher refuge auprès du roi Ptolémée. Cependant, Ptolémée, conseillé par son tuteur Achillas, décide de trahir Pompée et de le faire assassiner pour gagner les faveurs de César. Lorsque César arrive en Égypte, Ptolémée lui présente la tête de Pompée, espérant ainsi gagner son alliance. César est horrifié par ce geste et jure de venger la mort de Pompée. Pendant ce temps, Cléopâtre, la sœur de Ptolémée, complote pour prendre le pouvoir. Elle se déguise en Lydia, une simple citoyenne, et se présente à César pour gagner sa confiance et son soutien. César, charmé par sa beauté et son intelligence, tombe amoureux d’elle sans connaître sa véritable identité.
• Acte II – Cléopâtre continue de séduire César, tout en manœuvrant pour éliminer Ptolémée et prendre le trône d’Égypte. Pendant ce temps, Achillas, réalisant que Ptolémée est un dirigeant faible, complote pour prendre le pouvoir lui-même. Il s’allie avec Cornelia, la veuve de Pompée, et son fils Sesto, qui cherchent à venger la mort de Pompée.
César, ignorant les complots qui se trament autour de lui, continue de soutenir Cléopâtre. Cependant, il est finalement capturé par les forces de Ptolémée et emprisonné. Cléopâtre, désespérée, tente de le sauver en utilisant ses charmes et son intelligence.
• Acte III – Cléopâtre réussit à libérer César, et ensemble, ils planifient une contre-attaque contre Ptolémée et Achillas. Pendant ce temps, Cornelia et Sesto réussissent à assassiner Achillas, vengeant ainsi la mort de Pompée. Dans une bataille finale, les forces de César et Cléopâtre triomphent de celles de Ptolémée. Ptolémée est tué, et Cléopâtre est couronnée reine d’Égypte. César, reconnaissant son amour pour Cléopâtre, décide de rester en Égypte pour l’aider à gouverner. L’opéra se termine sur une note triomphante, célébrant l’amour et la victoire de César et Cléopâtre.

 

Par sa puissance dramatique et sa musique très expressive et d’une grande richesse, « Giulio Cesare » est souvent considéré comme l’un des plus grands opéras de Handel et comme un chef-d’œuvre du genre baroque. L’oeuvre explore plusieurs thèmes universels, tels que l’amour, le pouvoir, la trahison et la vengeance.
L’amour entre César et Cléopâtre est au cœur de l’intrigue, et leur relation est dépeinte avec une grande sensibilité et une grande complexité. Le pouvoir est un autre thème important, avec plusieurs personnages luttant pour le contrôle de l’Égypte -ce qui est conforme à la réalité historique- : ainsi, la trahison et la vengeance sont des thèmes récurrents, avec plusieurs personnages trahis par ceux en qui ils avaient confiance et cherchant à se venger.

Ces thèmes sont explorés de manière nuancée et complexe, ajoutant de la profondeur à l’intrigue et aux personnages. César est dépeint comme un dirigeant fort et charismatique, mais aussi comme un homme capable de tendresse et d’amour. Cléopâtre, quant à elle, est une femme intelligente et rusée, prête à tout pour atteindre ses objectifs, mais aussi capable de véritable affection. Les autres personnages, tels que Ptolémée, Achillas, Cornelia et Sesto, sont également bien développés et contribuent à la richesse de l’intrigue, leurs conflits créent une tension dramatique qui maintient l’intérêt tout au long de l’opéra.

La version de ce jour est celle enregistrée par Marc Minkowski en 2003, considérée comme excellente par de nombreux spécialistes de l’opéra baroque. Elle bénéficie par ailleurs d’excellentes conditions techniques. Auparavant, je connaissais l’oeuvre par le biais de sa version transposée –celle de Karl Richter, enregistrée en 1970, qui connut un grand succès à l’époque de sa sortie– dans laquelle elle était interprétée jusqu’aux premiers enregistrements HIP : ainsi et à titre d’exemple, Jules César était interprété par un baryton et Ptolémée par une basse. Le retour aux tessitures d’origine et aux instruments d’époque change totalement la perspective !

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Dimanche à l’opéra – La Dame de pique, de Tchaïkovsky

Ma séance lyrique dominicale me conduit en Russie, à Saint-Pétersbourg -ex-Petrograd, puis ex-Leningrad avant de retrouver son nom originel-sur les bords de la Neva, où Piotr-IllitchTchaïkovsky résida une grande partie de sa vie. cependant, c’est lors d’un séjour à Florence, en 1890, qu’il composa « La Dame de pique », opéra en trois actes dont le livret, de son frère Modeste, est adapté, avec de nombreuses libertés, d’une nouvelle d’Alexandre Pouchkine.
Tchaïkovsky a composé un opéra puissamment dramatique, mêlant tout à la fois romantisme lyrique –encore exacerbé par le livret : la cupidité d’Hermann, dans la nouvelle, est transformée en obsession morbide dans le livret– et éléments surnaturels. L’opéra suit une forme mixte en reprenant un certain nombre d’éléments du grand opéra français –mascarade, chœurs, danses– et opéra psychologique russe –obsession morbide, désespoir, passion amoureuse destructrice…– .

Je n’en ai qu’une version en discothèque –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, déjà relativement ancienne –1977-, achetée il y a suffisamment longtemps pour que je ne me souvienne plus quand exactement, alors que l’oeuvre était encore relativement peu enregistrée en Europe occidentale et assez rare dans les bacs des disquaires. Elle me semble suffisamment convenable pour ne pas avoir envie d’en découvrir d’autres, même si des versions plus récentes dont j’ai pu entendre ic ou là des extraits exposent sans doute mieux le versant profondément russe de l’oeuvre. C’est, par ailleurs, un opéra plutôt facile d’accès malgré son livret, mais que je n’écoute que très rarement –je l’apprécie cependant à chaque écoute, et c’est encore le cas aujourd’hui-.

La notice en ligne, ici, est plutôt complète et rend assez bien compte de la difficulté à restituer de manière cohérente ce « conte musical » doté d’un argument plutôt rocambolesque, où le fantastique, le symbolisme –le destin, la passion morbide, la mort– et la psychologie occupent beaucoup de place, de surcroît chanté en russe, une langue pour laquelle je n’ai guère de repères.

L’orchestration, en revanche, est tout-à-fait digne du plus pur Tchaïkovsky, qui s’y est toujours entendu pour faire sonner un orchestre : c’est très riche, coloré et contrasté, l’orchestre est utilisé au service de l’action, tantôt léger et brillant, tantôt beaucoup plus sombre et presque dissonant pour des scènes plus introspectives. L’orchestration et son harmonie servent à dépeindre le glissement progressif vers la folie d’Hermann.

La version du jour propose un plateau composé des stars de l’époque, dont Mstislav Rostropovich, qui délaisse ici son violoncelle pour s’emparer d’une baguette de chef d’orchestre et diriger un orchestre français et des choeurs français et russes : du fait de son énorme vibrato, ce n’est pas, et de loin, mon violoncelliste préféré malgré tout son talent et son aura médiatique ; ce n’est pas non plus, à mes oreilles, le chef d’orchestre le plus passionné/passionnant dans une oeuvre qui en demande –et en expose– pourtant beaucoup…
Son épouse à la ville, Galina Vichnevskaya, me semble un peu mûre pour jouer les oies blanches dans le rôle de Lisa. En revanche, le reste du casting est très bon, et surtout, Regina Resnik, dont l’essentiel de la carrière s’est déroulée dans les années 50, est excellente dans l’incarnation de la vieille Comtesse et constitue l’attraction principale, à mes oreilles, de cette version.
L’album, toujours disponible au catalogue de l’éditeur, est enregistré dans les studios de Radio-France à Paris et bénéfice de bonnes conditions techniques.

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Dimanche à l’opéra : Mathis der Maler, de Paul Hindemith

C’est un opéra exigeant et somme toute assez rare qui est l’objet de ma séance lyrique dominicale : Mathis der Maler, de Paul Hindemith, opéra en 7 tableaux sur un livret du compositeur, qui s’est inspiré :
• de la Guerre des Paysans en Allemagne –Révolte des Rustauds-, qui se déroula en 1525-26 et toucha tout le Saint-Empire romain-germanique, y compris une partie de la France : Alsace –grande bataille de Saverne-, Lorraine et Franche-Comté, d’une part ;
• de l’oeuvre picturale de Matthias Grünewald±1480-1528, c’est « Mathis le peintre »-, dont on peut admirer le retable d’Issenheim qui fit sa gloire –le fait qu’il ait pu être attribué un temps à Albrecht Dürer en dit long sur sa qualité…– au Musée Unterlinden à Colmar, et inspira Hindemith, d’autre part ;
• le tout sur fond de Réforme luthérienne et de lutte contre l’église catholique.

L’oeuvre est allégorique, Paul Hindemith l’a écrite en pleine période du montée du nazisme et la situe au début de la Renaissance allemande pour mieux interroger la place et le rôle de l’artiste dans une société où montent les périls politiques.  En 1933, Adolf Hitler prend le pouvoir. Les artistes sont appelés à servir les idéaux du régime, sous peine de censure ou d’exil. La musique est surveillée par la chambre de musique du Reich (Reichsmusikkammer). Bien qu’il soit un compositeur allemand de renom, Paul Hindemith est considéré avec méfiance par le régime. Sa musique est jugée « dégénérée » (Entartete Musik) à cause de son style moderne, de ses sympathies pour les artistes juifs, et de ses prises de position humanistes.

La version du jour, enregistrée en 1977 et éditée par EMI en 1979 fut, pendant longtemps, la seule disponible. Elle est très soignée et demeure, à ce jour, sans doute la meilleure option pour aborder l’oeuvre : très bon orchestre et excellents solistes de bonne renommée, beau livret détaillé et très bonne prise de son. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Elle a même le bon goût de rester disponible à petit prix –en occasion– avec un livret numérique : c’est Byzance !
Mathis der Maler est divisé en sept tableaux, qui s’organisent ainsi :
1 Mathis dans son atelier : Mathis travaille sur une œuvre religieuse mais doute de son rôle d’artiste face à la souffrance du peuple. A quoi sert l’art dans un monde en crise ? Discussion avec le cardinal Albrecht, son mécène, qui veut qu’il reste fidèle à l’Église et à la tradition.
2 À Mayence, en ville : agitation populaire sur fond de famine et d’oppression féodale. Mathis rencontre Hans Schwalb, paysan révolté, et sa fille Regina. Il prend leur défense contre les soldats. Rencontre avec Ursula, fille d’un riche marchand, qui l’admire et l’aime.
3 La révolte : Mathis rejoint les révoltés malgré l’appel du cardinal à rester fidèle à l’Église. Mathis quitte la cour du cardinal. Il rejoint les paysans révoltés, porté par son désir de justice. Il se sent responsable en tant qu’homme, pas seulement comme artiste. Il renonce à son art temporairement, pour agir.
4 Le débat religieux : dialogue entre catholiques et protestants. Mathis est tiraillé. Il participe à la révolte paysanne, mais les Rustauds sont divisés entre violence et réforme. Mathis comprend vite que la violence ne mène à rien. Hans Schwalb est tué, et Regina, sa fille, traumatisée. Mathis doute à nouveau : était-ce une erreur ?
5 La répression de la révolte est sanglante. Mathis est dévasté. Ursula, soupçonnée de complicité avec les rebelles, est interrogée. Mathis intervient en sa faveur. Le dialogue entre catholiques et protestants se solde par l’impossibilité du compromis. Mathis se rend compte que les deux camps sont corrompus par le pouvoir.
6 La vision de Mathis : il s’agit d’une cène mystique, allégorique, inspirée du retable d’Issenheim. Mathis est tenté par les démons du fanatisme, de la gloire, de l’orgueil. L »apparition du Christ constitue un moment de révélation spirituelle. Il comprend que son vrai combat est intérieur, artistique.
Vision mystique : Il rêve du Christ, des anges et de la souffrance humaine – reflet du retable.
7 Le renoncement : fidèle à sa vocation initiale, Mathis renonce à la vie publique, à la lutte armée, au pouvoir. Il choisit la solitude et retourne à sa peinture. Il bénit Regina, devenue orpheline, et s’éloigne. La fin de l’opéra est calme et lumineuse : la foi dans l’art et l’humanité est restaurée.

Le style de Hindemith est parfois qualifié de « style néo-baroque » est caractérisé par son contrepoint rigoureux et sa clarté formelle. L’harmonie élargie mais la tonalité reste toujours présente. La Polyphonie est très dense, l’orchestre est très expressif, parfois dissonant mais toujours structuré. Par ailleurs, Paul Hindemith a également composé une symphonie en trois mouvements, tirés de certaines scènes de l’opéra et se référant explicitement au retable d’Issenheim et à trois de ses volets :
• le concert des anges -ouverture de l’opéra– ;
• la mise au tombeau –interlude orchestral extrait du dernier tableau, cf. cliquer sur l’imagette ci-dessous pour la voir en plus grand– ;
• la tentation de Saint Antoine –extrait du sixième tableau, cf. cliquer sur l’imagette de droite pour la voir en plus grand-.
L’accueil de cette symphonie fut excellent mais elle fut rapidement interdite par les nazis.
En définitive : un opéra majeur du vingtième siècle, et l’un de mes préférés, même s’il est peu joué, et d’un accès peu aisé -la parole prime sur l’action-. La symphonie, qui est d’accès beaucoup plus facile, ou une visite au Musée Unterlinden à Colmar pour admirer le remarquable retable d’Issenheim constituent de bonnes portes d’entrée !
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