Dimanche à l’opéra – La Dame de pique, de Tchaïkovsky

Ma séance lyrique dominicale me conduit en Russie, à Saint-Pétersbourg -ex-Petrograd, puis ex-Leningrad avant de retrouver son nom originel-sur les bords de la Neva, où Piotr-IllitchTchaïkovsky résida une grande partie de sa vie. cependant, c’est lors d’un séjour à Florence, en 1890, qu’il composa « La Dame de pique », opéra en trois actes dont le livret, de son frère Modeste, est adapté, avec de nombreuses libertés, d’une nouvelle d’Alexandre Pouchkine.
Tchaïkovsky a composé un opéra puissamment dramatique, mêlant tout à la fois romantisme lyrique –encore exacerbé par le livret : la cupidité d’Hermann, dans la nouvelle, est transformée en obsession morbide dans le livret– et éléments surnaturels. L’opéra suit une forme mixte en reprenant un certain nombre d’éléments du grand opéra français –mascarade, chœurs, danses– et opéra psychologique russe –obsession morbide, désespoir, passion amoureuse destructrice…– .

Je n’en ai qu’une version en discothèque –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, déjà relativement ancienne –1977-, achetée il y a suffisamment longtemps pour que je ne me souvienne plus quand exactement, alors que l’oeuvre était encore relativement peu enregistrée en Europe occidentale et assez rare dans les bacs des disquaires. Elle me semble suffisamment convenable pour ne pas avoir envie d’en découvrir d’autres, même si des versions plus récentes dont j’ai pu entendre ic ou là des extraits exposent sans doute mieux le versant profondément russe de l’oeuvre. C’est, par ailleurs, un opéra plutôt facile d’accès malgré son livret, mais que je n’écoute que très rarement –je l’apprécie cependant à chaque écoute, et c’est encore le cas aujourd’hui-.

La notice en ligne, ici, est plutôt complète et rend assez bien compte de la difficulté à restituer de manière cohérente ce « conte musical » doté d’un argument plutôt rocambolesque, où le fantastique, le symbolisme –le destin, la passion morbide, la mort– et la psychologie occupent beaucoup de place, de surcroît chanté en russe, une langue pour laquelle je n’ai guère de repères.

L’orchestration, en revanche, est tout-à-fait digne du plus pur Tchaïkovsky, qui s’y est toujours entendu pour faire sonner un orchestre : c’est très riche, coloré et contrasté, l’orchestre est utilisé au service de l’action, tantôt léger et brillant, tantôt beaucoup plus sombre et presque dissonant pour des scènes plus introspectives. L’orchestration et son harmonie servent à dépeindre le glissement progressif vers la folie d’Hermann.

La version du jour propose un plateau composé des stars de l’époque, dont Mstislav Rostropovich, qui délaisse ici son violoncelle pour s’emparer d’une baguette de chef d’orchestre et diriger un orchestre français et des choeurs français et russes : du fait de son énorme vibrato, ce n’est pas, et de loin, mon violoncelliste préféré malgré tout son talent et son aura médiatique ; ce n’est pas non plus, à mes oreilles, le chef d’orchestre le plus passionné/passionnant dans une oeuvre qui en demande –et en expose– pourtant beaucoup…
Son épouse à la ville, Galina Vichnevskaya, me semble un peu mûre pour jouer les oies blanches dans le rôle de Lisa. En revanche, le reste du casting est très bon, et surtout, Regina Resnik, dont l’essentiel de la carrière s’est déroulée dans les années 50, est excellente dans l’incarnation de la vieille Comtesse et constitue l’attraction principale, à mes oreilles, de cette version.
L’album, toujours disponible au catalogue de l’éditeur, est enregistré dans les studios de Radio-France à Paris et bénéfice de bonnes conditions techniques.

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Dimanche à l’opéra : Mathis der Maler, de Paul Hindemith

C’est un opéra exigeant et somme toute assez rare qui est l’objet de ma séance lyrique dominicale : Mathis der Maler, de Paul Hindemith, opéra en 7 tableaux sur un livret du compositeur, qui s’est inspiré :
• de la Guerre des Paysans en Allemagne –Révolte des Rustauds-, qui se déroula en 1525-26 et toucha tout le Saint-Empire romain-germanique, y compris une partie de la France : Alsace –grande bataille de Saverne-, Lorraine et Franche-Comté, d’une part ;
• de l’oeuvre picturale de Matthias Grünewald±1480-1528, c’est « Mathis le peintre »-, dont on peut admirer le retable d’Issenheim qui fit sa gloire –le fait qu’il ait pu être attribué un temps à Albrecht Dürer en dit long sur sa qualité…– au Musée Unterlinden à Colmar, et inspira Hindemith, d’autre part ;
• le tout sur fond de Réforme luthérienne et de lutte contre l’église catholique.

L’oeuvre est allégorique, Paul Hindemith l’a écrite en pleine période du montée du nazisme et la situe au début de la Renaissance allemande pour mieux interroger la place et le rôle de l’artiste dans une société où montent les périls politiques.  En 1933, Adolf Hitler prend le pouvoir. Les artistes sont appelés à servir les idéaux du régime, sous peine de censure ou d’exil. La musique est surveillée par la chambre de musique du Reich (Reichsmusikkammer). Bien qu’il soit un compositeur allemand de renom, Paul Hindemith est considéré avec méfiance par le régime. Sa musique est jugée « dégénérée » (Entartete Musik) à cause de son style moderne, de ses sympathies pour les artistes juifs, et de ses prises de position humanistes.

La version du jour, enregistrée en 1977 et éditée par EMI en 1979 fut, pendant longtemps, la seule disponible. Elle est très soignée et demeure, à ce jour, sans doute la meilleure option pour aborder l’oeuvre : très bon orchestre et excellents solistes de bonne renommée, beau livret détaillé et très bonne prise de son. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Elle a même le bon goût de rester disponible à petit prix –en occasion– avec un livret numérique : c’est Byzance !
Mathis der Maler est divisé en sept tableaux, qui s’organisent ainsi :
1 Mathis dans son atelier : Mathis travaille sur une œuvre religieuse mais doute de son rôle d’artiste face à la souffrance du peuple. A quoi sert l’art dans un monde en crise ? Discussion avec le cardinal Albrecht, son mécène, qui veut qu’il reste fidèle à l’Église et à la tradition.
2 À Mayence, en ville : agitation populaire sur fond de famine et d’oppression féodale. Mathis rencontre Hans Schwalb, paysan révolté, et sa fille Regina. Il prend leur défense contre les soldats. Rencontre avec Ursula, fille d’un riche marchand, qui l’admire et l’aime.
3 La révolte : Mathis rejoint les révoltés malgré l’appel du cardinal à rester fidèle à l’Église. Mathis quitte la cour du cardinal. Il rejoint les paysans révoltés, porté par son désir de justice. Il se sent responsable en tant qu’homme, pas seulement comme artiste. Il renonce à son art temporairement, pour agir.
4 Le débat religieux : dialogue entre catholiques et protestants. Mathis est tiraillé. Il participe à la révolte paysanne, mais les Rustauds sont divisés entre violence et réforme. Mathis comprend vite que la violence ne mène à rien. Hans Schwalb est tué, et Regina, sa fille, traumatisée. Mathis doute à nouveau : était-ce une erreur ?
5 La répression de la révolte est sanglante. Mathis est dévasté. Ursula, soupçonnée de complicité avec les rebelles, est interrogée. Mathis intervient en sa faveur. Le dialogue entre catholiques et protestants se solde par l’impossibilité du compromis. Mathis se rend compte que les deux camps sont corrompus par le pouvoir.
6 La vision de Mathis : il s’agit d’une cène mystique, allégorique, inspirée du retable d’Issenheim. Mathis est tenté par les démons du fanatisme, de la gloire, de l’orgueil. L »apparition du Christ constitue un moment de révélation spirituelle. Il comprend que son vrai combat est intérieur, artistique.
Vision mystique : Il rêve du Christ, des anges et de la souffrance humaine – reflet du retable.
7 Le renoncement : fidèle à sa vocation initiale, Mathis renonce à la vie publique, à la lutte armée, au pouvoir. Il choisit la solitude et retourne à sa peinture. Il bénit Regina, devenue orpheline, et s’éloigne. La fin de l’opéra est calme et lumineuse : la foi dans l’art et l’humanité est restaurée.

Le style de Hindemith est parfois qualifié de « style néo-baroque » est caractérisé par son contrepoint rigoureux et sa clarté formelle. L’harmonie élargie mais la tonalité reste toujours présente. La Polyphonie est très dense, l’orchestre est très expressif, parfois dissonant mais toujours structuré. Par ailleurs, Paul Hindemith a également composé une symphonie en trois mouvements, tirés de certaines scènes de l’opéra et se référant explicitement au retable d’Issenheim et à trois de ses volets :
• le concert des anges -ouverture de l’opéra– ;
• la mise au tombeau –interlude orchestral extrait du dernier tableau, cf. cliquer sur l’imagette ci-dessous pour la voir en plus grand– ;
• la tentation de Saint Antoine –extrait du sixième tableau, cf. cliquer sur l’imagette de droite pour la voir en plus grand-.
L’accueil de cette symphonie fut excellent mais elle fut rapidement interdite par les nazis.
En définitive : un opéra majeur du vingtième siècle, et l’un de mes préférés, même s’il est peu joué, et d’un accès peu aisé -la parole prime sur l’action-. La symphonie, qui est d’accès beaucoup plus facile, ou une visite au Musée Unterlinden à Colmar pour admirer le remarquable retable d’Issenheim constituent de bonnes portes d’entrée !
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Un dimanche à l’opéra – La Traviata, de Giuseppe Verdi

Dans mon long chemin de croix vers la découverte de l’opéra italien, la séance lyrique dominicale est aujourd’hui consacrée « La Traviata », de Giuseppe Verdi, une oeuvre en trois actes dont la composition est achevée en 1853, et dont la création fut un échec.
Le livret, de Francesco Maria Piave est basé sur la pièce « La Dame aux camélias » d’Alexandre Dumas fils. La version écoutée ce jour est la seule présente dans ma discothèque : il s’agit de celle de Carlos Kleiber, enregistrée en 1976-77 à Munich, avec une distribution internationale. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Acte I : au mois d’août – L’oeuvre s’ouvre par un très court prélude, l’action se déroule à Paris. Violetta Valéry, une courtisane parisienne célèbre, organise une fête dans son salon. Elle est courtisée par de nombreux hommes, dont le baron Douphol et le jeune Alfredo Germont.
Alfredo, qui est amoureux de Violetta depuis longtemps, lui déclare sa flamme. Violetta, touchée par sa sincérité, lui offre une camélia en lui disant de revenir quand la fleur sera fanée, symbolisant sa disponibilité.

• Acte II : au mois de janvier – Violetta et Alfredo vivent une idylle dans une villa à la campagne, éloignés de Paris. Cependant, Alfredo découvre que Violetta vend ses biens pour subvenir à leurs besoins. Il part pour Paris afin de régler la situation financière. Pendant son absence, Giorgio Germont, le père d’Alfredo, rend visite à Violetta et lui demande de quitter son fils. Il explique que la relation de Violetta avec Alfredo menace le mariage de sa sœur.
Violetta, touchée par l’amour de Giorgio pour sa famille, accepte de partir, sans cependant révéler la véritable raison à Alfredo.

De retour à Paris, Violetta retourne à sa vie de courtisane –« La Traviata » peut se traduire par « La dépravée »– et est accompagnée par le baron Douphol. Alfredo, croyant que Violetta l’a quitté pour Douphol, la confronte publiquement lors d’une fête et lui jette de l’argent, prétendant payer ses services. Violetta, humiliée, s’évanouit.

• Acte III : au mois de février ; ce troisième acte est très court – Violetta, gravement malade et tuberculeuse, est alitée dans sa chambre. Elle reçoit une lettre de Giorgio Germont lui faisant savoir qu’Alfredo a été informé de la vérité et qu’il revient à elle.
Alfredo arrive enfin, et les amants rêvent d’un avenir ensemble. Néanmoins, il est trop tard : Violetta meurt dans les bras d’Alfredo.

« La Traviata » est caractérisé par une orchestration relativement subtile –si l’on considère qu’il s’agit d’un opéra de Verdi…– et une expressivité vocale intense. Le compositeur y privilégie l’introspection et le réalisme émotionnel et utilise quelques leitmotivs discrets pour souligner les états émotionnels : le thème de l’amour, le thème du sacrifice, celui de la mort. Les airs de bravoure coexistent avec des récitatifs expressifs ou des ensembles plus intimistes intimistes. Certains choeurs sont très célèbres et ont été assez largement réutilisés au cinéma.

Depuis sa parution, la version du jour est réputée pour la direction de Carlos Kleiber, nerveuse, rigoureuse et précise, qui alimente une tension qui ne se dément jamais. Il s’agit ici de l’un des quatre seuls opéras qu’il enregistra officiellement –sa discographie officielle tient en une douzaine de disques…-. Ses chanteurs, jeunes pour la plupart, sont tous pour le moins adéquats, mais je ne dispose à vrai dire d’aucun élément de comparaison pour en dire beaucoup plus ! L’album a été réédité sous différents formats, dont les plus récents et les conditions techniques sont excellentes.

Au demeurant, je n’y retournerai pas souvent et cette version suffit amplement à mon bonheur et à épuiser ma curiosité !

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Dimanche à l’opéra – Mozart, Die Zauberflöte

« La Flûte enchantée » (Die Zauberflöte) est un « Singspiel » –grosso modo : la forme allemande de l’opéra comique français, avec alternance d’airs et de dialogues– composé par Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret d’Emanuel Schikanederentre autres directeur du théâtre où se déroula la première de l’oeuvre, et titulaire du rôle de Papageno à cette occasion-. Créé en 1791, cet opéra est l’une des œuvres les plus célèbres et les plus appréciées de Mozart. Il combine des éléments de conte de fées, et de philosophie maçonnique, l’ensemble créant une histoire qui se veut vaguement ésotérique mais est en réalité, au moins à mes oreilles, d’une naïveté assez confondante ! Nonobstant, c’est le seul opéra de Mozart que j’apprécie réellement et que je suis capable d’écouter en entier sans m’ennuyer. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’histoire de « La Flûte enchantée » se déroule dans un royaume mythique, à une époque non définie, et met en scène une série de personnages colorés, chacun représentant différents aspects de la nature humaine et des idéaux philosophiques.

• Acte I : l’opéra s’ouvre avec le prince Tamino poursuivi par un serpent. Il est sauvé par les trois dames de la Reine de la Nuit. Tamino s’évanouit, et les trois dames vont chercher de l’aide. Papageno, un chasseur d’oiseaux, apparaît et prétend avoir tué le serpent. Les trois dames reviennent et punissent Papageno pour son mensonge en lui fermant la bouche avec un cadenas. Elles montrent à Tamino un portrait de Pamina, la fille de la Reine de la Nuit, et Tamino tombe immédiatement amoureux d’elle. La Reine de la Nuit apparaît et demande à Tamino de sauver Pamina, qui a été enlevée par Sarastro, un prêtre qu’elle décrit comme un homme cruel.
Tamino accepte et reçoit une flûte enchantée pour l’aider dans sa quête. Papageno, dont le cadenas a été retiré, reçoit un carillon magique et est chargé d’accompagner avec Tamino. Tamino et Papageno partent à la recherche de Pamina, guidés par trois garçons espiègles. Ils arrivent au temple de Sarastro, où ils apprennent que Sarastro n’est pas un tyran mais un sage prêtre. Tamino est impressionné par la sagesse et la bonté de Sarastro et décide de rejoindre son ordre. Pamina, quant à elle, est gardée par Monostatos, un serviteur de Sarastro, mais elle est sauvée par Papageno.

• Acte II : Sarastro décide que Tamino doit passer une série d’épreuves pour prouver sa valeur et sa sagesse avant de pouvoir épouser Pamina. Tamino et Pamina sont séparés et doivent surmonter divers défis, y compris le silence et le feu, pour prouver leur amour et leur vertu. Pendant ce temps, Papageno, qui rêve de trouver une compagne, rencontre une vieille femme qui se transforme en une jeune et belle Papagena, mais seulement s’il promet de lui être fidèle.
La Reine de la Nuit, furieuse que Tamino ait rejoint Sarastro, apparaît et tente de convaincre Pamina de tuer Sarastro. Pamina refuse, et la Reine de la Nuit est bannie. Tamino et Pamina réussissent leurs épreuves et sont réunis. Papageno, après avoir surmonté sa propre épreuve, est réuni avec Papagena. L’opéra se termine par une célébration de la sagesse, de la vertu et de l’amour triomphant. Sarastro bénit les couples, et tous chantent les louanges de la lumière et de la vérité.

« La Flûte enchantée » peut simplement s’écouter comme un conte de fées, mais Mozart et Schikaneder ont également voulu créer une oeuvre riche en symbolisme et en éléments philosophiques.
• Symbolisme maçonnique : Mozart et Schikaneder étaient tous deux francs-maçons, et « La Flûte enchantée » est imprégnée de symbolisme maçonnique. Le temple de Sarastro, les épreuves de Tamino et les thèmes de la lumière et de la vérité sont tous des éléments qui reflètent les idéaux maçonniques de l’époque. Sarastro représente la sagesse et la vertu, tandis que la Reine de la Nuit incarne l’obscurité et la tromperie.
• Dualité du bien et du mal : l’opéra explore la dualité entre le bien et le mal, la lumière et l’obscurité. La Reine de la Nuit, bien qu’elle soit la mère de Pamina, est dépeinte comme une figure maléfique, tandis que Sarastro, bien qu’initialement décrit comme un tyran, est révélé comme un sage bienveillant. Cette inversion des attentes souligne la complexité morale de l’œuvre.
• Quête de la sagesse et de l’amour : la quête de Tamino pour sauver Pamina est aussi une quête de sagesse et de vertu. Les épreuves qu’il doit surmonter symbolisent les défis que chacun doit relever pour atteindre l’illumination et la vérité. L’amour entre Tamino et Pamina est présenté comme une force purificatrice qui les aide à surmonter ces épreuves.

La musique de Mozart pour « La Flûte enchantée » est à la fois complexe et accessible. Les arias de la Reine de la Nuit, avec leurs vocalises impressionnantes, contrastent avec les mélodies plus simples de Papageno et Pamina. La flûte enchantée elle-même joue un rôle central, symbolisant la magie et la transformation. Malgré ses thèmes sérieux, « La Flûte enchantée » est également plein d’humour et de naïveté. Le personnage de Papageno, avec ses chansons légères et son caractère espiègle, apporte une touche de légèreté à l’opéra. Son désir simple de trouver une compagne et son carillon magique ajoutent une dimension comique à l’histoire.

La version écoutée aujourd’hui est une bonne version « traditionnelle », enregistrée avec grand soin en 1964, très bien dirigée par « herr Professor Doktor » Karl Böhmil appréciait particulièrement qu’on l’appelle par son titre de docteur en droit…– et bien chantée –avec la majorité des interprètes-vedettes de l’époque en Allemagne, même si personnellement, je trouve le Papageno de Dietrich Fischer-Dieskau bien univoque et manquant singulièrement d’humour…-. Les dialogues sont dits par des acteurs, comme c’était souvent le cas, au disque, à l’époque en Allemagne : c’est une drôle d’habitude qui heureusement n’a pas perduré ! Elle est communément considérée comme l’une des « versions de référence » de l’oeuvre et a souvent été rééditée dans différents formats, y compris récemment en Blu-ray audio.

Dimanche à l’opéra – Sigurd, d’Ernest Reyer

Ma séance lyrique dominicale est consacrée à un opéra très rarement monté dans les maison d’opéra de nos jours, après qu’il donut un grand succès d’estime lors de sa création, en 1884 à Bruxelles : il s’agit de «Sigurd», d’Ernest Reyer, compositeur marseillais né en 1823 et mort en 1909. Sigurd est un opéra plutôt monumental, sa durée sans coupure dépasse allègrement 4 heures, et s’inspire du Nibelungenlied et, dans une moindre mesure, des Eddas scandinaves. Son livret, écrit par Camille du Locle –auteur notamment du Don Carlos de Verdi et traducteur de bons nombre des livrets du compositeur italien– et Alfred Blau –avocat, dramaturge et dominotier-, reprend les mêmes éléments que «Le crépuscule des dieux» de Wagner, dont Reyer fut contemporain.

Il n’existe à ma connaissance aucun enregistrement intégral de l’oeuvre, mais uniquement des versions coupées –il manque entre un quart et un tiers de l’oeuvre-, dont celle écoutée ce jour est la plus connue, et, à ma connaissance, le seul enregistrement officiel, les autres provenant de bandes de radio retransmettant des représentations live. Même au disque, Sigurd demeure une oeuvre rare ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’argument est tiré du Nibelungenlied, que les librettistes ont respecté plus scrupuleusement que Wagner. Les mêmes personnages y portant des noms parfois différents :
• Sigurd = Siegfried –le caractère du héros sans peur est préservé, avec une naïveté juvénile nettement plus affirmée chez Wagner– ;
• Hilda = Gutrune –dans les deux cas, il s’agit d’une femme amoureuse et manipulatrice, la Kriemhild du Nibelungenlied, qui épousa ensuite Attila pour se venger, mais le personnage est plus falot chez Wagner-.
Un personnage supplémentaire apparaît dans l’opéra d’Ernest Reyer, c’est la magicienne Uta.

• Prologue – Dans le palais du roi Gunther, à Worms, la magicienne Uta prédit que Brunehild, la fille du dieu Odin, sera conquise par un héros. Sigurd, jeune guerrier sans royaume, arrive. Il est l’invité du roi Gunther et de sa sœur Hilda, qui tombe amoureuse de lui. Sigurd, toutefois, rêve de gloire plus que d’amour immédiat.
• Acte I – Hilda, amoureuse, fait appel aux pouvoirs d’Uta pour ensorceler Sigurd. Sous l’influence d’un breuvage magique, Sigurd tombe amoureux d’Hilda. Mais Gunther veut lui-même épouser Brunehild, qui vit endormie sur un rocher magique, protégée par un cercle de feu. Sigurd, lié par l’honneur, accepte d’aider Gunther : grâce à un anneau magique, il prendra l’apparence de Gunther pour franchir le cercle de feu et conquérir Brunehild.
• Acte II – Sur la montagne de Hindarfjall, Brunehild dort, protégée par des flammes. Sigurd, sous l’apparence de Gunther, brave les feux et éveille la Walkyrie. Brunehild, croyant voir en Sigurd son destinataire légitime, le suit, mais elle se sent trahie dans son cœur, une sourde rancune naît.
•Acte III – Au palais de Worms, les mariages sont célébrés : Gunther avec Brunehild, Sigurd avec Hilda. Mais la vérité éclate : au cours d’une querelle publique, Brunehild découvre que c’était Sigurd, et non Gunther, qui l’avait conquise. En proie à la rage et au désespoir, elle fomente sa vengeance.
• Acte IV – Brunehild manipule Gunther pour qu’il tue Sigurd. Lors d’une chasse, Sigurd est assassiné. Brunehild, submergée par le remords, se donne la mort sur le bûcher funéraire de Sigurd, afin de le rejoindre dans l’éternité.

Musicalement, « Sigurd » s’inscrit totalement dans la tradition déclamatoire du « grand opéra français à numéros », avec une division claire entre airs, duos, choeurs nombreux et scènes orchestrales. Les arrière-plans philosophiques omniprésents chez Wagner sont absents, au profit d’un héroïsme lyrique plus classique. La ligne mélodique est claire et l’harmonie stable. Des leitmotivs sont présents, mais ils sont moins nombreux, utilisés de manière beaucoup plus simple et non structurante. La version enregistrée par Manuel Rosenthal en 1973 mobilise le gratin du chant français de l’époque et constitue un témoignage vraiment intéressant, malgré les coupures effectuées.

Le Nibelungenlied a également été, très tôt, mis en film par Friz Lang, dans une longue saga en deux volets de 1924 –les cartons, en allemand et en Fraktur, sont ici traduits en français– qui fait partie de l’histoire du cinéma.

Un dimanche à l’opéra – Judas Maccabeus, de Handel

En de dimanche aux couleurs estivales, ma séance lyrique est consacrée à « Judas Maccabaeus », un oratorio composé par Georg Friedrich Handel en 1746, sur un livret tiré de la Bible par Thomas Morell à partir du Livre des Maccabée de l’Ancien Testament, qui retrace l’histoire de Judas Maccabée, héros juif qui a mené la révolte des Juifs contre les Séleucides, au IIème siècle avant J.-C.
Malgré le succès initial de l’oeuvre –Handel a composé « Judas Maccabaeus » pour célébrer la victoire du duc de Cumberland sur les forces jacobites à la bataille de Culloden en 1746-, la discographie de cet oratorio n’est guère pléthorique, et la version du jour est la seule présente dans ma discothèque. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’oratorio est structuré en trois actes, chacun contenant une série d’airs, de récitatifs et de chœurs. Handel combine une narration historique puissante avec une musique expressive et émouvante : les thèmes centraux de « Judas Maccabaeus » sont la lutte pour la liberté et la foi inébranlable. L’œuvre célèbre le courage et la détermination face à l’adversité.
L’oratorio avait également une signification politique, destinée à célébrer la victoire anglaise sur les forces ennemies lors de la seconde rébellion jacobite et renforçant le sentiment national.
Musicalement, « Judas Maccabaeus » est un exemple typique du souffle épique propre à la plupart des oratorios de Handel, avec des mélodies expressives, des harmonies riches et une orchestration variée. Comme souvent chez le compositeur, les chœurs sont particulièrement remarquables, avec des passages dramatiques et émouvants qui soulignent les moments clés de l’histoire. Les solistes ont des rôles exigeants, avec des airs qui nécessitent une grande virtuosité vocale et une expressivité émotionnelle.

Beethoven, qui vouait une grande admiration à Handel, qu’il tenait pour le plus grand musicien l’ayant précédé –« Handel est le plus grand compositeur qui ait jamais vécu. Je voudrais me découvrir et m’agenouiller devant sa tombe. »-, a composé une série de 12 variations pour piano et violoncelle –WoO45– sur un thème de l’oratorio.

Une belle séance dominicale !

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Dimanche à l’opéra – Carmen, de Georges Bizet

La séance de cette matinée à l’opéra est consacrée à « Carmen » de Georges Bizet, opéra composé en 1875, en quatre actes, sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, basé sur la nouvelle du même nom de Prosper Mérimée. La version écoutée ce matin, celle de Claudio Abbado enregistrée en 1978 –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, gorgée de soleil, est assez largement reconnue comme l’une des très grandes interprétations de « Carmen » disponible au disque. Elle est très bien dirigée et la distribution internationale chante dans un Français compréhensible –à l’inverse de certaines versions distillées en volapuk…-. Les dialogues, nombreux dans cette oeuvre, souffrent un peu plus d’une maîtrise parfois délicate du Français.

« Carmen » est une tragédie passionnelle où l’amour, la jalousie et le destin s’entremêlent pour conduire les personnages à leur perte. L’opéra explore les thèmes de la liberté et de la fatalité à travers le personnage emblématique de Carmen, une bohémienne indépendante et rebelle qui refuse de se conformer aux attentes de la société. Vous pourrez retrouver ici un petit dossier relativement détaillé consacré à cet opéra très célèbre, qui connut très rapidement un succès phénoménal.

• Acte I – L’histoire se déroule à Séville, en Espagne, au début du XIXe siècle. L’opéra s’ouvre sur une place publique où des soldats, dont Don José, montent la garde. Micaëla, une jeune femme du village de Don José, arrive à la recherche de ce dernier. Elle lui apporte une lettre de sa mère, mais Don José n’est pas présent. Carmen, une belle et séduisante gitane, fait son entrée en chantant la célèbre « Habanera », où elle exprime son amour libre et indépendant. Elle jette une fleur à Don José, qui en est immédiatement captivé. Lors d’une dispute à la manufacture de tabac où Carmen travaille, elle est arrêtée par le lieutenant Zuniga. Don José est chargé de l’emmener en prison, mais Carmen le séduit et le convainc de la laisser s’échapper.

• Acte II – Deux mois plus tard, Carmen et ses amies gitanes se retrouvent dans une taverne tenue par Lillas Pastia. Carmen chante et danse pour divertir les clients. Le toréador Escamillo entre en scène et chante sa célèbre aria, « Votre toast, je peux vous le rendre », où il exalte les plaisirs de la vie de toréador. Carmen est attirée par Escamillo, ce qui rend Don José jaloux. Zuniga, qui poursuit toujours Carmen, arrive à la taverne. Une bagarre éclate entre lui et Don José, qui est forcé de rejoindre les contrebandiers de Carmen pour échapper à l’arrestation.

• Acte III – Dans les montagnes, les contrebandiers, y compris Carmen et Don José, préparent une expédition. Carmen lit les cartes et voit des signes de mort pour elle et Don José. Micaëla arrive, cherchant toujours Don José, et le supplie de rentrer chez lui pour voir sa mère mourante. Don José accepte de partir avec Micaëla, mais il est déchiré par sa jalousie envers Escamillo.

• Acte IV – De retour à Séville, une foule se rassemble pour assister à une corrida. Escamillo entre en triomphe, acclamé par le public. Carmen, qui est maintenant avec Escamillo, est confrontée par Don José. Ce dernier la supplie de revenir avec lui, mais Carmen refuse, affirmant qu’elle ne l’aime plus. Dans un accès de jalousie et de désespoir, Don José poignarde Carmen. Alors que la foule célèbre la victoire d’Escamillo dans l’arène, Don José avoue son crime et se livre aux autorités.

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Dimanche à l’opéra – Aïda, de Giuseppe Verdi

Ma séance lyrique dominicale est à nouveau consacrée aujourd’hui à un opéra italien, en lien avec les notules précédentes liées au legs viennois pour la firme de Decca d’Herbert Von Karajan. -Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Aïda est un opéra en quatre actes composé par Giuseppe Verdi sur un livret d’Antonio Ghislanzoni, basé sur un scénario de l’égyptologue français Auguste Mariette –oui oui, celui de Boulogne-Sur-Mer, dont je vous ai déjà un peu parlé lors de mes vacances estivales-. Celui-ci fut par ailleurs régulièrement consulté pour apporter une touche de réalisme historique à cette fresque antique, notamment pour les détails de mise en scène lors de la création mondiale de l’ouvre, au Caire, en 1871.

L’histoire se déroule dans l’Égypte ancienne, sur fond de guerre avec l’Ethiopie, et met en scène un triangle amoureux tragique entre Radamès, un capitaine égyptien, Aïda, une princesse éthiopienne fille du roi Amonasro réduite en esclavage au service d’Amneris, la fille du Pharaon, qui est également amoureuse de Radamès.
Au premier acte, Radamès apprend qu’il sera le commandant des armées égyptiennes contre les Éthiopiens. Il rêve de gloire et de victoire, espérant ainsi gagner la main d’Aïda, dont il est secrètement amoureux. Amneris, qui soupçonne les sentiments de Radamès pour Aïda, est jalouse mais cache ses émotions.
Au deuxième acte, les Égyptiens célèbrent leur victoire sur les Éthiopiens. Aïda est déchirée entre son amour pour Radamès et sa loyauté envers son peuple. Son père, Amonasro, le roi d’Éthiopie, est capturé et amené en Égypte. Il manipule Aïda pour qu’elle découvre les plans militaires égyptiens afin de libérer leur peuple.
Au troisième acte, Radamès, tiraillé entre son devoir et son amour, révèle à Aïda le chemin que prendra l’armée égyptienne. Amonasro, caché, entend la conversation et se réjouit de cette trahison qui pourrait sauver son peuple. Cependant, Amneris, toujours jalouse, surprend leur conversation et dénonce Radamès comme traître.
Au quatrième acte, Radamès est jugé et condamné à être enterré vivant. Amneris, désespérée, tente de le sauver en renonçant à son amour, mais Radamès préfère la mort à la trahison de son honneur. Aïda, secrètement, se cache dans la tombe pour mourir avec Radamès, scellant ainsi leur amour éternel dans la mort.

Aïda est l’un des opéras les plus célèbres de Verdi, notamment pour son intensité dramatique. Le compositeur italien utilise un orchestre important et fit même fabriquer six « trompettes égyptiennes » pour apporter une touche exotique –revue et corrigée selon le XIXè siècle…– à sa partition. Verdi utilise également ponctuellement des motifs récurrents associés à des personages ou des idées –thème de la fatalité par exemple-, mais cette utilisation reste beaucoup moins développé que l’usage du « Leitmotiv » chez Wagner. Les choeurs sont imposants et la « Marche Triomphale » les mobilise de puissamment.

La première version de Karajan, enregistrée en 1959 avec l’orchestre philharmonique de Vienne, reste considérée, aujourd’hui encore, comme l’une des plus réussies de la discographie très abondante de l’oeuvre. Elle donne à entendre le gratin des chanteurs de l’époque –Renata Tebaldi, Carlo Bergonzi, Giuletta Simionato…-, tous portés par le chef qui insuffle à la partition un souffle puissant et monumental, malgré des tempi plutôt lents.
Le producteur John Culshaw, fidèle à son habitude, mobilise tous les effets possibles et imaginables pour apporter apporter une touche de réalisme et de spectaculaire dans le cadre d’une écoute stéréophonique au disque : effet ping-pong, profondeur factice, gamme dynamique artificielle…
Dans ma discothèque figurent trois autre versions : la seconde de Karajan, enregistrée pour EMI en 1980, à la prise de son aussi artificielle, mais selon d’autres critères, avec de jeunes chanteurs que le chef appréciait et dirigea très régulièrement ; la version –tonitruante à mon goût– de Georg Solti, avec un excellent plateau vocal, grande concurrente de celle écoutée ce jour, également chez Decca ; enfin, la version de Jonel Perlea, enregistrée à Rome en 1955 pour RCA, et réunissant un plateau somptueux également : cette version marqua son époque.

Pour autant, malgré cette présence « abondante », Aida n’est pas une oeuvre que j’écoute très souvent : à très petite dose, c’est supportable, mais le monde de l’opéra italien me reste assez étranger en général !

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Dimanche à l’opéra – Lohengrin, de Richard Wagner

Cette séance lyrique dominicale est consacrée à un opéra que j’ai mis assez longtemps à apprécier à sa juste valeur, mais que j’écoute désormais avec un plaisir toujours renouvelé : Lohengrin, de Richard Wagner. La version écoutée aujourd’hui est celle d’Herbert Von Karajan, enregistrée entre 1975 et 1981. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’histoire se déroule au Xe siècle à Anvers, où le roi Henri l’Oiseleur veut lever des troupes pour chasser les Hongrois de l’est de son royaume de Francie Orientale. Elsa de Brabant est accusée d’avoir fait disparaître son frère, le jeune duc Gottfried. Le comte Friedrich von Telramund et sa femme Ortrud, désireux de s’emparer du trône, accusent Elsa devant le roi Heinrich l’Oiseleur. Pour prouver son innocence, Elsa évoque un rêve où un chevalier viendrait la sauver. À l’appel du roi, un chevalier inconnu, accompagné d’un cygne, apparaît et propose de défendre Elsa à la condition qu’elle ne lui demande jamais son nom ni son origine. Il triomphe de Telramund en combat judiciaire et épouse Elsa.
Cependant, Ortrud instille le doute dans l’esprit d’Elsa, qui finit par poser la question interdite durant la nuit de noces. Contraint de révéler son identité, le chevalier se présente comme Lohengrin, fils du roi du Graal, Parsifal. Son secret dévoilé, il ne peut plus rester parmi les hommes et doit repartir. Avant de partir, il révèle que le cygne est en réalité Gottfried, transformé par la magie d’Ortrud. Lohengrin redonne son apparence au jeune duc, puis disparaît, laissant Elsa désespérée.

Wagner conçoit Lohengrin entre 1845 et 1848, une période marquée par son engagement révolutionnaire et son intérêt pour les mythes germaniques. Il s’inspire du « Parzival » de Wolfram von Eschenbach, des traditions arthuriennes et de la mythologie du Graal –notamment de la « Geste des Lorrains »– ainsi que de « Le Roman du Chevalier au Cygne« .
La légende du Chevalier au Cygne trouve ses racines dans la littérature médiévale et appartient à la famille des récits merveilleux associés aux cycles arthuriens et carolingiens. Son origine exacte reste floue, mais plusieurs versions circulent en Europe dès le XIIᵉ siècle. On retrouve des récits similaires dans des textes comme :
le Roman du Chevalier au Cygne (XIIᵉ siècle), qui introduit le personnage sous le nom de Hélias ;
le mythe du « Loherenc Garin », ou Garin le Lorrain, dont le nom de Lohengrin dérive directement, dans la « Geste des Lorrains » ;
les légendes des ducs de Brabant, qui prétendaient descendre du chevalier au cygne, lui attribuant une origine noble et sacrée, à travers la figure de Godefroy de Bouillon –oui oui, celui des Croisades-, marquis d’Anvers avant de devenir avoué du Saint-Sépulcre et de fonder le royaume de Jérusalem.

Dans son livret en trois actes, Wagner fait un méli-mélo de l’ensemble de ces sources, au mépris des réalités historiques ou géographiques. Ainsi, le duché de Brabant, dont la création n’est effective qu’à compter de 1106, n’existait pas à l’époque d’Henri l’Oiseleur, il faisait partie du duché de Basse-Lotharingie, lui-même intégré au Saint-Empire Romain-Germanique. Par ailleurs, Lohengrin fait un long voyage de Montsalvat –parfois identifié par certains historiens comme étant le château de Montségur, près de la frontière espagnole– jusqu’à Anvers dans une nacelle -ou une barque- tirée par un cygne : un sacré voyage ! –Cliquer sur la carte pour la voir en plus grand : en violet, le royaume de Franconie Orientale-.

Nonobstant ces considérations très terre-à-terre, le livret mobilise de nombreux thèmes et symboles de la littérature médiévale :
le cygne, symbole de noblesse et de pureté régulièrement associé aux récits chevaleresques où il incarne un être supérieur d’origine divine ;
l’interdiction et la transgression : l’élément essentiel de la narration, dans Lohengrin, est le tabou de l’identité : la femme du chevalier ne doit jamais poser la question des origines de celui-ci –Lohengrin est une élu du Graal, et son identité ne peut être dévoilées sans conséquence– ;
en corollaire, l’oeuvre pose la question du dilemme entre la confiance aveugle opposée à la soif de connaissance ;
l’incapacité des humains à conserver un lien avec le sacré et le caractère éphémère du merveilleux.
C’est thèmes et symboles ont parfois été analysés à l’aune de lectures post-freudiennes ou « féministes » pour interroger le comportement de Lohengrin, qui paraît suspect : c’est, à mon avis, oublier que dans la littérature médiévale, amour et loyauté sont étroitement liés, et que la transgression est toujours punie : ici, Elsa échoue à respecter son serment, ce qui entraîne la séparation et le départ de Lohengrin.

Lohengrin marque une transition entre le style opératique traditionnel et le drame musical wagnérien. L’œuvre se distingue par une orchestration subtile et riche ainsi que par l’utilisation du leitmotiv, qui préfigure le style des opéras postérieurs de Wagner. L’harmonie évolutive préfigure «Tristan und Isolde», postérieur d’une dizaine d’années. Le prélude du premier acte est d’une beauté céleste et la marche nuptiale est une pièce presqu’aussi célèbre que celle de Mendelssohn.

La version de ce jour a été enregistrée en deux sessions : entamée en décembre 1975, elle n’a été achevée qu’en mai 1981, notamment du fait d’une brouille entre Herbert Von Karajan et René Kollo, son ex-protégé, parti fâché à la fin de la première session après avoir déclaré : «Il y a plus de 500 chefs d’orchestre en Allemagne qui peuvent diriger Lohengrin, mais seulement 5 ténors qui peuvent le chanter».Après leur réconciliation, quelques années plus tard, l’enregistrement a finalement été terminé. Par ailleurs, il s’agit de la période durant laquelle Karajan a subi plusieurs interventions chirurgicales du dos. Enfin, toutes les scènes d’Ortrud ont du être réenregistrées, la cantatrice initialement retenue par Karajan, Ursula Schroeder-Feinen, ayant perdu sa voix au début des années 80 –on peut l’entendre dans les versions enregistrées lors des représentations du festival de Salzbourg, en 1976-. C’est donc Dunja Vejzovic qui interprète le rôle sur les disques.

Malgré ces difficultés, il s’agit d’une version qui reste très agréable : les chanteurs sont tous au moins adéquats, et certains sont vraiment très bons, comme le roi Henri de Karl Ridderbusch et les «méchants» –l’Ortrud de Dunja Vejzovic et le Telramund de Siegmund Nimsgern-. René Kollo –Lohengrin, cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– est plus à son aise dans les parties enregistrées en 1975-1976 que dans celles plus tardives et l’Elsa d’Anna Tomowa-Sintow est chaleureuse, mais sa voix me semble un peu «charnue» pour le rôle. L’orchestre et les choeurs sont remarquables.
La prise de son analogique est très bonne mais pour en profiter pleinement, il est indispensable d’entendre cette version dans le remastering effectué en 1997 : les masters de l’édition LP et de la première édition en CD souffraient de graves déséquilibres qui ont été largement corrigés dans l’édition plus tardive –cliquer imagette de droite pour la voir en plus grand-.

Pour mémoire, mes versions préférées sont relativement anciennes : Joseph Keilberth en 1953 à Bayreuth et Wilhelm Schüchter –aussi surprenant que cela puisse paraître– en studio à Hambourg, en 1953. Ces versions donnent notamment à entendre, excellemment entourées, les deux plus grandes Ortrud de la discographie : Astrid Varnay, absolument géniales dans un rôle qu’elle confisqua, et Margarete Klose. Elles bénéficient en outre de conditions techniques qui restent tout-à-fait convenables plus de 70 ans après leur parution.

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Un dimanche à l’opéra – Mascagni, Cavalleria rusticana

L’opéra dominical s’inscrit logiquement dans la continuité de celui écouté la semaine précédente, puisque les deux opéras sont très souvent présentés conjointement en diptyque, du fait de leur courte durée –point trop n’en faut, tout de même : il est plus raisonnable, pour mes oreilles, de ne pas dépasser la dose initialement prescrite et continuer à scinder ces écoutes en deux plutôt que de céder à la tradition « Cav-Pag » ! -.
Donc : « Cavalleria Rusticana », de Pietro Mascagni constitue l’autre oeuvre vériste qui connut un succès prodigieux à sa création, en 1890, succès qui ne s’est jamais démenti depuis. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’histoire se déroule à Pâques, dans un village sicilien de la fin du 19è siècle, et tourne autour de Turridu, un jeune homme volage, qui a séduit Lola après qu’elle s’est mariée avec Alfio. Turridu a auparavant été l’amant de Santuzza, qui se sent trahie et révèle à Alfio que Lola le trompe. Alfio provoque en duel Turridu, qui, selon la tradition sicilienne, mord l’oreille d’Alfio jusqu’au sang pour accepter un combat à mort. Le duel se déroule hors scène et l’on entend le choeur annoncer la mort de Turridu.

L’opéra est tiré d’une nouvelle éponyme de Giovanni Verga publiée en 1880, dépeignant les thèmes de la jalousie, de l’honneur et de la vengeance dans une petite communauté rurale sicilienne. L’oeuvre, en un seul acte, dure à peine plus d’une heure et se présente comme une succession de numéros très dramatiques entremêlant airs, ensembles et interludes orchestraux. Le choeur incarne la communauté villageoise et joue un rôle très important. L’orchestration est fondée sur des cordes souvent plaintives, des cuivres éclatants et toute une batterie de percussions qui renforce le drame. Elle se révèle plutôt assez prosaïque à mes oreilles, mais c’est un reproche que j’émets très souvent à l’encontre des opéras italiens en général…

La version du jour, enregistrée en 1965, demeure très célèbre –elle fait partie des enregistrements qui, sous une forme ou une autre, n’ont jamais quitté le catalogue de l’éditeur– , s’inscrit dans la parfaite continuité de celle écoutée la semaine passée –et selon les mêmes préceptes : tempi lents, beauté de l’orchestre et notamment des cordes, contrastes dynamiques exacerbés, solistes de grande réputation… –  et connut le même succès dès sa sortie.

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