Dimanche à l’opéra – Sigurd, d’Ernest Reyer

Ma séance lyrique dominicale est consacrée à un opéra très rarement monté dans les maison d’opéra de nos jours, après qu’il donut un grand succès d’estime lors de sa création, en 1884 à Bruxelles : il s’agit de «Sigurd», d’Ernest Reyer, compositeur marseillais né en 1823 et mort en 1909. Sigurd est un opéra plutôt monumental, sa durée sans coupure dépasse allègrement 4 heures, et s’inspire du Nibelungenlied et, dans une moindre mesure, des Eddas scandinaves. Son livret, écrit par Camille du Locle –auteur notamment du Don Carlos de Verdi et traducteur de bons nombre des livrets du compositeur italien– et Alfred Blau –avocat, dramaturge et dominotier-, reprend les mêmes éléments que «Le crépuscule des dieux» de Wagner, dont Reyer fut contemporain.

Il n’existe à ma connaissance aucun enregistrement intégral de l’oeuvre, mais uniquement des versions coupées –il manque entre un quart et un tiers de l’oeuvre-, dont celle écoutée ce jour est la plus connue, et, à ma connaissance, le seul enregistrement officiel, les autres provenant de bandes de radio retransmettant des représentations live. Même au disque, Sigurd demeure une oeuvre rare ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’argument est tiré du Nibelungenlied, que les librettistes ont respecté plus scrupuleusement que Wagner. Les mêmes personnages y portant des noms parfois différents :
• Sigurd = Siegfried –le caractère du héros sans peur est préservé, avec une naïveté juvénile nettement plus affirmée chez Wagner– ;
• Hilda = Gutrune –dans les deux cas, il s’agit d’une femme amoureuse et manipulatrice, la Kriemhild du Nibelungenlied, qui épousa ensuite Attila pour se venger, mais le personnage est plus falot chez Wagner-.
Un personnage supplémentaire apparaît dans l’opéra d’Ernest Reyer, c’est la magicienne Uta.

• Prologue – Dans le palais du roi Gunther, à Worms, la magicienne Uta prédit que Brunehild, la fille du dieu Odin, sera conquise par un héros. Sigurd, jeune guerrier sans royaume, arrive. Il est l’invité du roi Gunther et de sa sœur Hilda, qui tombe amoureuse de lui. Sigurd, toutefois, rêve de gloire plus que d’amour immédiat.
• Acte I – Hilda, amoureuse, fait appel aux pouvoirs d’Uta pour ensorceler Sigurd. Sous l’influence d’un breuvage magique, Sigurd tombe amoureux d’Hilda. Mais Gunther veut lui-même épouser Brunehild, qui vit endormie sur un rocher magique, protégée par un cercle de feu. Sigurd, lié par l’honneur, accepte d’aider Gunther : grâce à un anneau magique, il prendra l’apparence de Gunther pour franchir le cercle de feu et conquérir Brunehild.
• Acte II – Sur la montagne de Hindarfjall, Brunehild dort, protégée par des flammes. Sigurd, sous l’apparence de Gunther, brave les feux et éveille la Walkyrie. Brunehild, croyant voir en Sigurd son destinataire légitime, le suit, mais elle se sent trahie dans son cœur, une sourde rancune naît.
•Acte III – Au palais de Worms, les mariages sont célébrés : Gunther avec Brunehild, Sigurd avec Hilda. Mais la vérité éclate : au cours d’une querelle publique, Brunehild découvre que c’était Sigurd, et non Gunther, qui l’avait conquise. En proie à la rage et au désespoir, elle fomente sa vengeance.
• Acte IV – Brunehild manipule Gunther pour qu’il tue Sigurd. Lors d’une chasse, Sigurd est assassiné. Brunehild, submergée par le remords, se donne la mort sur le bûcher funéraire de Sigurd, afin de le rejoindre dans l’éternité.

Musicalement, « Sigurd » s’inscrit totalement dans la tradition déclamatoire du « grand opéra français à numéros », avec une division claire entre airs, duos, choeurs nombreux et scènes orchestrales. Les arrière-plans philosophiques omniprésents chez Wagner sont absents, au profit d’un héroïsme lyrique plus classique. La ligne mélodique est claire et l’harmonie stable. Des leitmotivs sont présents, mais ils sont moins nombreux, utilisés de manière beaucoup plus simple et non structurante. La version enregistrée par Manuel Rosenthal en 1973 mobilise le gratin du chant français de l’époque et constitue un témoignage vraiment intéressant, malgré les coupures effectuées.

Le Nibelungenlied a également été, très tôt, mis en film par Friz Lang, dans une longue saga en deux volets de 1924 –les cartons, en allemand et en Fraktur, sont ici traduits en français– qui fait partie de l’histoire du cinéma.

Un dimanche à l’opéra – Judas Maccabeus, de Handel

En de dimanche aux couleurs estivales, ma séance lyrique est consacrée à « Judas Maccabaeus », un oratorio composé par Georg Friedrich Handel en 1746, sur un livret tiré de la Bible par Thomas Morell à partir du Livre des Maccabée de l’Ancien Testament, qui retrace l’histoire de Judas Maccabée, héros juif qui a mené la révolte des Juifs contre les Séleucides, au IIème siècle avant J.-C.
Malgré le succès initial de l’oeuvre –Handel a composé « Judas Maccabaeus » pour célébrer la victoire du duc de Cumberland sur les forces jacobites à la bataille de Culloden en 1746-, la discographie de cet oratorio n’est guère pléthorique, et la version du jour est la seule présente dans ma discothèque. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’oratorio est structuré en trois actes, chacun contenant une série d’airs, de récitatifs et de chœurs. Handel combine une narration historique puissante avec une musique expressive et émouvante : les thèmes centraux de « Judas Maccabaeus » sont la lutte pour la liberté et la foi inébranlable. L’œuvre célèbre le courage et la détermination face à l’adversité.
L’oratorio avait également une signification politique, destinée à célébrer la victoire anglaise sur les forces ennemies lors de la seconde rébellion jacobite et renforçant le sentiment national.
Musicalement, « Judas Maccabaeus » est un exemple typique du souffle épique propre à la plupart des oratorios de Handel, avec des mélodies expressives, des harmonies riches et une orchestration variée. Comme souvent chez le compositeur, les chœurs sont particulièrement remarquables, avec des passages dramatiques et émouvants qui soulignent les moments clés de l’histoire. Les solistes ont des rôles exigeants, avec des airs qui nécessitent une grande virtuosité vocale et une expressivité émotionnelle.

Beethoven, qui vouait une grande admiration à Handel, qu’il tenait pour le plus grand musicien l’ayant précédé –« Handel est le plus grand compositeur qui ait jamais vécu. Je voudrais me découvrir et m’agenouiller devant sa tombe. »-, a composé une série de 12 variations pour piano et violoncelle –WoO45– sur un thème de l’oratorio.

Une belle séance dominicale !

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Dimanche à l’opéra – Carmen, de Georges Bizet

La séance de cette matinée à l’opéra est consacrée à « Carmen » de Georges Bizet, opéra composé en 1875, en quatre actes, sur un livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, basé sur la nouvelle du même nom de Prosper Mérimée. La version écoutée ce matin, celle de Claudio Abbado enregistrée en 1978 –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, gorgée de soleil, est assez largement reconnue comme l’une des très grandes interprétations de « Carmen » disponible au disque. Elle est très bien dirigée et la distribution internationale chante dans un Français compréhensible –à l’inverse de certaines versions distillées en volapuk…-. Les dialogues, nombreux dans cette oeuvre, souffrent un peu plus d’une maîtrise parfois délicate du Français.

« Carmen » est une tragédie passionnelle où l’amour, la jalousie et le destin s’entremêlent pour conduire les personnages à leur perte. L’opéra explore les thèmes de la liberté et de la fatalité à travers le personnage emblématique de Carmen, une bohémienne indépendante et rebelle qui refuse de se conformer aux attentes de la société. Vous pourrez retrouver ici un petit dossier relativement détaillé consacré à cet opéra très célèbre, qui connut très rapidement un succès phénoménal.

• Acte I – L’histoire se déroule à Séville, en Espagne, au début du XIXe siècle. L’opéra s’ouvre sur une place publique où des soldats, dont Don José, montent la garde. Micaëla, une jeune femme du village de Don José, arrive à la recherche de ce dernier. Elle lui apporte une lettre de sa mère, mais Don José n’est pas présent. Carmen, une belle et séduisante gitane, fait son entrée en chantant la célèbre « Habanera », où elle exprime son amour libre et indépendant. Elle jette une fleur à Don José, qui en est immédiatement captivé. Lors d’une dispute à la manufacture de tabac où Carmen travaille, elle est arrêtée par le lieutenant Zuniga. Don José est chargé de l’emmener en prison, mais Carmen le séduit et le convainc de la laisser s’échapper.

• Acte II – Deux mois plus tard, Carmen et ses amies gitanes se retrouvent dans une taverne tenue par Lillas Pastia. Carmen chante et danse pour divertir les clients. Le toréador Escamillo entre en scène et chante sa célèbre aria, « Votre toast, je peux vous le rendre », où il exalte les plaisirs de la vie de toréador. Carmen est attirée par Escamillo, ce qui rend Don José jaloux. Zuniga, qui poursuit toujours Carmen, arrive à la taverne. Une bagarre éclate entre lui et Don José, qui est forcé de rejoindre les contrebandiers de Carmen pour échapper à l’arrestation.

• Acte III – Dans les montagnes, les contrebandiers, y compris Carmen et Don José, préparent une expédition. Carmen lit les cartes et voit des signes de mort pour elle et Don José. Micaëla arrive, cherchant toujours Don José, et le supplie de rentrer chez lui pour voir sa mère mourante. Don José accepte de partir avec Micaëla, mais il est déchiré par sa jalousie envers Escamillo.

• Acte IV – De retour à Séville, une foule se rassemble pour assister à une corrida. Escamillo entre en triomphe, acclamé par le public. Carmen, qui est maintenant avec Escamillo, est confrontée par Don José. Ce dernier la supplie de revenir avec lui, mais Carmen refuse, affirmant qu’elle ne l’aime plus. Dans un accès de jalousie et de désespoir, Don José poignarde Carmen. Alors que la foule célèbre la victoire d’Escamillo dans l’arène, Don José avoue son crime et se livre aux autorités.

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Dimanche à l’opéra – Aïda, de Giuseppe Verdi

Ma séance lyrique dominicale est à nouveau consacrée aujourd’hui à un opéra italien, en lien avec les notules précédentes liées au legs viennois pour la firme de Decca d’Herbert Von Karajan. -Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Aïda est un opéra en quatre actes composé par Giuseppe Verdi sur un livret d’Antonio Ghislanzoni, basé sur un scénario de l’égyptologue français Auguste Mariette –oui oui, celui de Boulogne-Sur-Mer, dont je vous ai déjà un peu parlé lors de mes vacances estivales-. Celui-ci fut par ailleurs régulièrement consulté pour apporter une touche de réalisme historique à cette fresque antique, notamment pour les détails de mise en scène lors de la création mondiale de l’ouvre, au Caire, en 1871.

L’histoire se déroule dans l’Égypte ancienne, sur fond de guerre avec l’Ethiopie, et met en scène un triangle amoureux tragique entre Radamès, un capitaine égyptien, Aïda, une princesse éthiopienne fille du roi Amonasro réduite en esclavage au service d’Amneris, la fille du Pharaon, qui est également amoureuse de Radamès.
Au premier acte, Radamès apprend qu’il sera le commandant des armées égyptiennes contre les Éthiopiens. Il rêve de gloire et de victoire, espérant ainsi gagner la main d’Aïda, dont il est secrètement amoureux. Amneris, qui soupçonne les sentiments de Radamès pour Aïda, est jalouse mais cache ses émotions.
Au deuxième acte, les Égyptiens célèbrent leur victoire sur les Éthiopiens. Aïda est déchirée entre son amour pour Radamès et sa loyauté envers son peuple. Son père, Amonasro, le roi d’Éthiopie, est capturé et amené en Égypte. Il manipule Aïda pour qu’elle découvre les plans militaires égyptiens afin de libérer leur peuple.
Au troisième acte, Radamès, tiraillé entre son devoir et son amour, révèle à Aïda le chemin que prendra l’armée égyptienne. Amonasro, caché, entend la conversation et se réjouit de cette trahison qui pourrait sauver son peuple. Cependant, Amneris, toujours jalouse, surprend leur conversation et dénonce Radamès comme traître.
Au quatrième acte, Radamès est jugé et condamné à être enterré vivant. Amneris, désespérée, tente de le sauver en renonçant à son amour, mais Radamès préfère la mort à la trahison de son honneur. Aïda, secrètement, se cache dans la tombe pour mourir avec Radamès, scellant ainsi leur amour éternel dans la mort.

Aïda est l’un des opéras les plus célèbres de Verdi, notamment pour son intensité dramatique. Le compositeur italien utilise un orchestre important et fit même fabriquer six « trompettes égyptiennes » pour apporter une touche exotique –revue et corrigée selon le XIXè siècle…– à sa partition. Verdi utilise également ponctuellement des motifs récurrents associés à des personages ou des idées –thème de la fatalité par exemple-, mais cette utilisation reste beaucoup moins développé que l’usage du « Leitmotiv » chez Wagner. Les choeurs sont imposants et la « Marche Triomphale » les mobilise de puissamment.

La première version de Karajan, enregistrée en 1959 avec l’orchestre philharmonique de Vienne, reste considérée, aujourd’hui encore, comme l’une des plus réussies de la discographie très abondante de l’oeuvre. Elle donne à entendre le gratin des chanteurs de l’époque –Renata Tebaldi, Carlo Bergonzi, Giuletta Simionato…-, tous portés par le chef qui insuffle à la partition un souffle puissant et monumental, malgré des tempi plutôt lents.
Le producteur John Culshaw, fidèle à son habitude, mobilise tous les effets possibles et imaginables pour apporter apporter une touche de réalisme et de spectaculaire dans le cadre d’une écoute stéréophonique au disque : effet ping-pong, profondeur factice, gamme dynamique artificielle…
Dans ma discothèque figurent trois autre versions : la seconde de Karajan, enregistrée pour EMI en 1980, à la prise de son aussi artificielle, mais selon d’autres critères, avec de jeunes chanteurs que le chef appréciait et dirigea très régulièrement ; la version –tonitruante à mon goût– de Georg Solti, avec un excellent plateau vocal, grande concurrente de celle écoutée ce jour, également chez Decca ; enfin, la version de Jonel Perlea, enregistrée à Rome en 1955 pour RCA, et réunissant un plateau somptueux également : cette version marqua son époque.

Pour autant, malgré cette présence « abondante », Aida n’est pas une oeuvre que j’écoute très souvent : à très petite dose, c’est supportable, mais le monde de l’opéra italien me reste assez étranger en général !

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Dimanche à l’opéra – Lohengrin, de Richard Wagner

Cette séance lyrique dominicale est consacrée à un opéra que j’ai mis assez longtemps à apprécier à sa juste valeur, mais que j’écoute désormais avec un plaisir toujours renouvelé : Lohengrin, de Richard Wagner. La version écoutée aujourd’hui est celle d’Herbert Von Karajan, enregistrée entre 1975 et 1981. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’histoire se déroule au Xe siècle à Anvers, où le roi Henri l’Oiseleur veut lever des troupes pour chasser les Hongrois de l’est de son royaume de Francie Orientale. Elsa de Brabant est accusée d’avoir fait disparaître son frère, le jeune duc Gottfried. Le comte Friedrich von Telramund et sa femme Ortrud, désireux de s’emparer du trône, accusent Elsa devant le roi Heinrich l’Oiseleur. Pour prouver son innocence, Elsa évoque un rêve où un chevalier viendrait la sauver. À l’appel du roi, un chevalier inconnu, accompagné d’un cygne, apparaît et propose de défendre Elsa à la condition qu’elle ne lui demande jamais son nom ni son origine. Il triomphe de Telramund en combat judiciaire et épouse Elsa.
Cependant, Ortrud instille le doute dans l’esprit d’Elsa, qui finit par poser la question interdite durant la nuit de noces. Contraint de révéler son identité, le chevalier se présente comme Lohengrin, fils du roi du Graal, Parsifal. Son secret dévoilé, il ne peut plus rester parmi les hommes et doit repartir. Avant de partir, il révèle que le cygne est en réalité Gottfried, transformé par la magie d’Ortrud. Lohengrin redonne son apparence au jeune duc, puis disparaît, laissant Elsa désespérée.

Wagner conçoit Lohengrin entre 1845 et 1848, une période marquée par son engagement révolutionnaire et son intérêt pour les mythes germaniques. Il s’inspire du « Parzival » de Wolfram von Eschenbach, des traditions arthuriennes et de la mythologie du Graal –notamment de la « Geste des Lorrains »– ainsi que de « Le Roman du Chevalier au Cygne« .
La légende du Chevalier au Cygne trouve ses racines dans la littérature médiévale et appartient à la famille des récits merveilleux associés aux cycles arthuriens et carolingiens. Son origine exacte reste floue, mais plusieurs versions circulent en Europe dès le XIIᵉ siècle. On retrouve des récits similaires dans des textes comme :
le Roman du Chevalier au Cygne (XIIᵉ siècle), qui introduit le personnage sous le nom de Hélias ;
le mythe du « Loherenc Garin », ou Garin le Lorrain, dont le nom de Lohengrin dérive directement, dans la « Geste des Lorrains » ;
les légendes des ducs de Brabant, qui prétendaient descendre du chevalier au cygne, lui attribuant une origine noble et sacrée, à travers la figure de Godefroy de Bouillon –oui oui, celui des Croisades-, marquis d’Anvers avant de devenir avoué du Saint-Sépulcre et de fonder le royaume de Jérusalem.

Dans son livret en trois actes, Wagner fait un méli-mélo de l’ensemble de ces sources, au mépris des réalités historiques ou géographiques. Ainsi, le duché de Brabant, dont la création n’est effective qu’à compter de 1106, n’existait pas à l’époque d’Henri l’Oiseleur, il faisait partie du duché de Basse-Lotharingie, lui-même intégré au Saint-Empire Romain-Germanique. Par ailleurs, Lohengrin fait un long voyage de Montsalvat –parfois identifié par certains historiens comme étant le château de Montségur, près de la frontière espagnole– jusqu’à Anvers dans une nacelle -ou une barque- tirée par un cygne : un sacré voyage ! –Cliquer sur la carte pour la voir en plus grand : en violet, le royaume de Franconie Orientale-.

Nonobstant ces considérations très terre-à-terre, le livret mobilise de nombreux thèmes et symboles de la littérature médiévale :
le cygne, symbole de noblesse et de pureté régulièrement associé aux récits chevaleresques où il incarne un être supérieur d’origine divine ;
l’interdiction et la transgression : l’élément essentiel de la narration, dans Lohengrin, est le tabou de l’identité : la femme du chevalier ne doit jamais poser la question des origines de celui-ci –Lohengrin est une élu du Graal, et son identité ne peut être dévoilées sans conséquence– ;
en corollaire, l’oeuvre pose la question du dilemme entre la confiance aveugle opposée à la soif de connaissance ;
l’incapacité des humains à conserver un lien avec le sacré et le caractère éphémère du merveilleux.
C’est thèmes et symboles ont parfois été analysés à l’aune de lectures post-freudiennes ou « féministes » pour interroger le comportement de Lohengrin, qui paraît suspect : c’est, à mon avis, oublier que dans la littérature médiévale, amour et loyauté sont étroitement liés, et que la transgression est toujours punie : ici, Elsa échoue à respecter son serment, ce qui entraîne la séparation et le départ de Lohengrin.

Lohengrin marque une transition entre le style opératique traditionnel et le drame musical wagnérien. L’œuvre se distingue par une orchestration subtile et riche ainsi que par l’utilisation du leitmotiv, qui préfigure le style des opéras postérieurs de Wagner. L’harmonie évolutive préfigure «Tristan und Isolde», postérieur d’une dizaine d’années. Le prélude du premier acte est d’une beauté céleste et la marche nuptiale est une pièce presqu’aussi célèbre que celle de Mendelssohn.

La version de ce jour a été enregistrée en deux sessions : entamée en décembre 1975, elle n’a été achevée qu’en mai 1981, notamment du fait d’une brouille entre Herbert Von Karajan et René Kollo, son ex-protégé, parti fâché à la fin de la première session après avoir déclaré : «Il y a plus de 500 chefs d’orchestre en Allemagne qui peuvent diriger Lohengrin, mais seulement 5 ténors qui peuvent le chanter».Après leur réconciliation, quelques années plus tard, l’enregistrement a finalement été terminé. Par ailleurs, il s’agit de la période durant laquelle Karajan a subi plusieurs interventions chirurgicales du dos. Enfin, toutes les scènes d’Ortrud ont du être réenregistrées, la cantatrice initialement retenue par Karajan, Ursula Schroeder-Feinen, ayant perdu sa voix au début des années 80 –on peut l’entendre dans les versions enregistrées lors des représentations du festival de Salzbourg, en 1976-. C’est donc Dunja Vejzovic qui interprète le rôle sur les disques.

Malgré ces difficultés, il s’agit d’une version qui reste très agréable : les chanteurs sont tous au moins adéquats, et certains sont vraiment très bons, comme le roi Henri de Karl Ridderbusch et les «méchants» –l’Ortrud de Dunja Vejzovic et le Telramund de Siegmund Nimsgern-. René Kollo –Lohengrin, cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– est plus à son aise dans les parties enregistrées en 1975-1976 que dans celles plus tardives et l’Elsa d’Anna Tomowa-Sintow est chaleureuse, mais sa voix me semble un peu «charnue» pour le rôle. L’orchestre et les choeurs sont remarquables.
La prise de son analogique est très bonne mais pour en profiter pleinement, il est indispensable d’entendre cette version dans le remastering effectué en 1997 : les masters de l’édition LP et de la première édition en CD souffraient de graves déséquilibres qui ont été largement corrigés dans l’édition plus tardive –cliquer imagette de droite pour la voir en plus grand-.

Pour mémoire, mes versions préférées sont relativement anciennes : Joseph Keilberth en 1953 à Bayreuth et Wilhelm Schüchter –aussi surprenant que cela puisse paraître– en studio à Hambourg, en 1953. Ces versions donnent notamment à entendre, excellemment entourées, les deux plus grandes Ortrud de la discographie : Astrid Varnay, absolument géniales dans un rôle qu’elle confisqua, et Margarete Klose. Elles bénéficient en outre de conditions techniques qui restent tout-à-fait convenables plus de 70 ans après leur parution.

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Un dimanche à l’opéra – Mascagni, Cavalleria rusticana

L’opéra dominical s’inscrit logiquement dans la continuité de celui écouté la semaine précédente, puisque les deux opéras sont très souvent présentés conjointement en diptyque, du fait de leur courte durée –point trop n’en faut, tout de même : il est plus raisonnable, pour mes oreilles, de ne pas dépasser la dose initialement prescrite et continuer à scinder ces écoutes en deux plutôt que de céder à la tradition « Cav-Pag » ! -.
Donc : « Cavalleria Rusticana », de Pietro Mascagni constitue l’autre oeuvre vériste qui connut un succès prodigieux à sa création, en 1890, succès qui ne s’est jamais démenti depuis. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’histoire se déroule à Pâques, dans un village sicilien de la fin du 19è siècle, et tourne autour de Turridu, un jeune homme volage, qui a séduit Lola après qu’elle s’est mariée avec Alfio. Turridu a auparavant été l’amant de Santuzza, qui se sent trahie et révèle à Alfio que Lola le trompe. Alfio provoque en duel Turridu, qui, selon la tradition sicilienne, mord l’oreille d’Alfio jusqu’au sang pour accepter un combat à mort. Le duel se déroule hors scène et l’on entend le choeur annoncer la mort de Turridu.

L’opéra est tiré d’une nouvelle éponyme de Giovanni Verga publiée en 1880, dépeignant les thèmes de la jalousie, de l’honneur et de la vengeance dans une petite communauté rurale sicilienne. L’oeuvre, en un seul acte, dure à peine plus d’une heure et se présente comme une succession de numéros très dramatiques entremêlant airs, ensembles et interludes orchestraux. Le choeur incarne la communauté villageoise et joue un rôle très important. L’orchestration est fondée sur des cordes souvent plaintives, des cuivres éclatants et toute une batterie de percussions qui renforce le drame. Elle se révèle plutôt assez prosaïque à mes oreilles, mais c’est un reproche que j’émets très souvent à l’encontre des opéras italiens en général…

La version du jour, enregistrée en 1965, demeure très célèbre –elle fait partie des enregistrements qui, sous une forme ou une autre, n’ont jamais quitté le catalogue de l’éditeur– , s’inscrit dans la parfaite continuité de celle écoutée la semaine passée –et selon les mêmes préceptes : tempi lents, beauté de l’orchestre et notamment des cordes, contrastes dynamiques exacerbés, solistes de grande réputation… –  et connut le même succès dès sa sortie.

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Un dimanche à l’opéra. Leoncavallo, Pagliacci

Cette nouvelle séance dominicale est relativement courte : levé dès potron-minet, j’ai passé une bonne partie de la matinée en cuisine avant de pouvoir consacrer un peu de temps à mes oreilles, pendant que mijote un boeuf bourguignon qui embaume tout la maison !
L’opéra du jour, « Pagliacci« , que je n’ai écouté qu’une seule fois auparavant, est pourtant très populaire; il dure un peu plus d’une heure, et s’inscrit dans le mouvement vériste italien, qui, très schématiquement, est à l’opéra ce que le mouvement naturaliste français de Zola est à la littérature française : une représentation de la réalité brute qui met en avant des histoires de la vie quotidienne le plus souvent tragiques, sur fond de passions humaines. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
L’opéra, créé en 1892, est en deux actes précédés d’un court prologue. L’orchestration est riche, Leoncavallo utilise quelques leitmotivs pour dépeindre les émotions des personnages. Les mélodies sont assez prosaïques à mon goût : je n’ai jamais beaucoup accroché à l’opéra italien ! L’intrigue – selon le principe d’une pièce dans la pièce– se déroule dans un théâtre où se produit une troupe de clowns et tourne autour de l’amour non partagé et de la jalousie dévorante, qui conduira à une drame final : le meurtre de l’amant par le mari jaloux.
Dès sa première, dirigée par le grand chef Arturo Toscanini, l’oeuvre connut un triomphe qui ne s’est jamais démenti depuis. Pagliacci demeure l’un des opéras les plus populaires en Italie. Du fait de sa courte durée, l’oeuvre est très souvent jouée en diptyque avec « Cavalleria Rusticana » de Mascagni, autre très célèbre opéra vériste, relativement court lui aussi.
La version du jour est réputée de longue date, témoignage de la collaboration artistique du chef autrichien avec la Scala de Milan –il contribua largement à élever considérablement le niveau de l’orchestre– du temps où il était directeur de l’opéra de Vienne –1956-1964– : il avait entamé une fructueuse collaboration artistique entre les deux maisons, avec la création de « l’axe Vienne – Milan », qui prit fin avec sa démission de Vienne, en 1964.

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Dimanche à l’opéra – Schönberg, Moses und Aron

Poursuivant sur ma lancée dodécaphonique, c’est à un opéra difficile que je m’attaque aujourd’hui : Moses und AronMoïse et Aaron, pour les plus rétifs à l’Allemand-, d’Arnold Schönberg, dans une version aussi aride et analytique que les albums écoutés il y a peu de temps. C’est normal, elle fait partie de la même série anthologique des oeuvres du compositeur enregistrées par le chef français Pierre Boulez ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Pierre Boulez en enregistra une version plus tardive beaucoup plus lyrique que je n’ai entendue en entier qu’une seule fois, et mes étagères comportent également la très belle version de Michael Gielen, plus expressionniste et somptueuse orchestralement.

Moses und Aron, opéra inachevé en deux actes –le livret du troisième acte ne fut jamais mis en musique par Schönberg-, composé rapidement entre 1930 et 1932, constitue une vaste synthèse de l’art du compositeur, qui y plaça toute son expérience, à une période extrêmement difficile pour lui, qui s’était reconverti au judaïsme : la montée progressive de l’antisémitisme en Allemagne avec, en corollaire, l’émergence du parti nazi.

Le livret, tiré de la Bible, expose l’opposition entre la pensée pure de Moise –qui ne s’exprime qu’en Sprechgesang– et la séduction verbale d’Aron –dont le rôle et l’expression sont de nature plus lyrique-. La partition orchestrale est extrêmement complexe et dense. Moses und Aron, au départ conçu pour être une cantate, ne fut jamais joué du vivant du compositeur, qui voulait achever son opéra. Sa création, onze jours après la mort de Schönberg, eut lieu en 1954 dans une version de concert sans mise en scène, la création officielle de l’opéra remontant quant à elle à 1957. Le troisième acte fut a été achevé par le pianiste Zoltan Kocsis en 2009.
Deux très bons articles, ici et , vous permettront d’en savoir un peu plus sur cette oeuvre exigeante, mais passionnante !

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Dimanche à l’opéra – Orfeo ed Euridice, de Gluck

Je poursuis ma série dominicale et lyrique en abordant cette nouvelle année avec une bizarrerie totalement inédite pour mes oreilles : cet album fait partie de l’énorme coffret présenté ici, qui contient notamment tous les opéras enregistrés par le maestro pour la firme à l’étiquette jaune –je n’ai pas encore fini d’épuiser tous les opéras, notamment italiens…-, dont certains inédits, hors discographie « officielle », en provenance de « son » festival de Salzbourg enregistrés par la radio autrichienne, comme c’est le cas ici, et dont la présence dans le coffret m’avait d’ailleurs échappé. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Orfeo ed Euridice est un opéra en trois actes composé par Christoph Willibald Gluck, et tout-à-fait caractéristique de la réforme opératique voulue par ce compositeur, réforme qui a donné naissance au drame lyrique en rénovant l’opéra français et par opposition à l’opéra italien, ce qui engendra la célèbre et très parisienne querelle entre gluckistes et piccinistes. « Je me suis proposé de dépouiller la musique des abus qui, introduits par la vanité mal entendue des chanteurs ou par une complaisance exagérée des maîtres, défigurent depuis longtemps l’opéra italien… Je pensais à restreindre la musique à son véritable office qui est de servir la poésie pour l’expression sans interrompre l’action et sans la refroidir par des ornements superflus ». Ainsi, plutôt que d’exposer la virtuosité des chanteurs au travers de leurs « Arias », Gluck abandonne la séparation entre récitatifs est airs, pour rechercher une continuité musicale intégrant tous les éléments –solistes, choeurs, orchestre– d’une oeuvre au service du drame. Pour tout savoir sur cette réforme, vous pouvez vous rendre ici.

• L’argument est fondé sur le mythe d’Orphée, qui semble remonter aussi loin qu’au 7ème siècle avant JC. Orphée, accablé par la mort de sa jeune épouse Eurydice, chante son infinie tristesse. Sa musique touche Hadès, le dieu des enfers, qui l’autorise à ramener Eurydice dans le monde des vivants. Orphée doit pour cela attendrir les gardiens des portes de l’enfer par sa musique. Sur le chemin du retour, il lui est interdit de se retourner pour regarder son épouse. Mais, presque arrivé, il ne peut s’empêcher de regarder derrière lui et Eurydice meurt à nouveau. A partir d’ici, et contrairement aux récits issus de la mythologie grecque,Gluck et son librettiste choisissent une fin heureuse pour conclure leur opéra : Amour, touché par le malheur d’Orphée, vient redonner vie à Eurydice.


• La version du jour utilise « l’édition de Milan », parue en 1889. L’oeuvre, qui connut un succès considérable, existe en effet en plusieurs versions différentes et a connu plusieurs modifications entre sa création viennoise et les différents séjours du compositeur en Italie, puis en France. Par ailleurs, Berlioz la remania également. Cette édition milanaise tardive, en dehors de toute visée musicologiquement fondée, est sensée synthétiser le meilleur de toutes les éditions, dans une optique résolument « romantique ». Elle ne comporte pas d’ouverture orchestrale.
Gluck n’était pas une clé de son répertoire, mais Karajan a dirigé deux productions de « Orfeo ed Eurydice » dans le cadre du festival de Salzbourg : une première fois en 1948, puis en 1959. Loin des interprétations historiquement informées, le chef donne à entendre un récit hors du temps, fondé sur des tempi lents, des cordes charnues et un orchestre de toute beauté –la prise de son est très convenable, eu égard à son âge, et l’orchestre philharmonique de Vienne est en plein renouveau après des années difficiles suite à la guerre-. Comme je n’ai guère de points de repère, les solistes, dans ce contexte, me semblent tous parfaitement adaptés à la situation et les choeurs sont de toute beauté.

Une belle découverte pour entamer cette nouvelle année lyrique !

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Dimanche à l’opéra – Handel, Israel In Egypt

En ce nouveau dimanche matin à l’opéra, c’est un oratorio, « Israel In Egypt », et non un opéra, que j’écoute. Mais il fut créé à l’opéra, comme presque tous les oratorios de Handel, et plus exactement au King Theatre de Londres, en avril 1739. La version de ce jour est la version en trois parties d’Andrew Parrott et de ses Taverner Choir & Orchestra, enregistrée pour EMI en 1989 et rééditée chez Erato pour d’obscures questions de droits après le rachat d’EMI par Warner. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
A la différence de ses autres oratorios, «Israel In Egypt» ne fut pas composé en une seule fois et ne trouva pas réellement de forme définitive complètement établie. On le joue actuellement dans sa version en trois parties, et c’est ainsi qu’il fut créé, mais, pendant longtemps, il ne fut interprété que dans une version en deux parties. « Israel In Egypt » retrace l’histoire de l’Exode des Israélites, de leur esclavage en Égypte à leur libération par Moïse et la traversée de la mer Rouge. Cet oratorio est notable pour sa grande puissance dramatique, ses chorals grandioses, et la profondeur émotionnelle qui se dégage de la musique.

Les trois parties de la version de la création de l’oratorio, tel que voulu par Handel se présentent ainsi :
1. Lamentations du peuple d’Israel suite au décès de Joseph – L’oratorio commence par une série de chœurs puissants et solennels qui dépeignent l’oppression du peuple d’Israël en Égypte, alors qu’ils y vivaient auparavant heureux du vivant de Joseph –ce qui est raconté dans une autre oratorio de Handel, « Joseph And His Brethern »-. Les Israélites souffrent sous le joug de l’esclavage et appellent à la libération. Les chants expriment leur désespoir et leur foi, en attendant la délivrance. L’entrée en scène de Moïse est attendue, mais c’est avant tout le peuple qui parle à travers la musique. On retrouve dans les chœurs de cet acte des motifs et des harmonies lourdes, qui amplifient le sentiment de servitude. La musique de cet acte est marquée par des airs poignants et des chœurs puissants qui illustrent l’étendue de leur souffrance : elle est intégralement reprise de la magnifique l’antienne funéraire « The Ways Of Zion Do Mourn » du compositeur –une de ses plus belles oeuvres, assurément, supérieure à mes oreilles à n’importe quel Requiem…--, pour le décès de la reine Caroline , dont les paroles ont été légèrement modifiées.

2. L’exode – Cette deuxième partie se concentre sur les événements dramatiques qui précèdent la libération d’Israël. On y trouve les célèbres plaies d’Égypte, avec la musique reflétant à la fois la colère divine et la souffrance des Égyptiens. Dans cet acte, les trompettes et les percussions viennent souvent souligner l’aspect catastrophique des événements, rendant cette partie particulièrement dynamique et théâtrale. Les airs des personnages, notamment de Moïse et d’Aaron, reflètent à la fois leur engagement spirituel et l’autorité divine dont ils sont les instruments. L’oppression des Égyptiens se fait plus palpable à mesure que la musique devient plus tourmentée. Le sommet de l’acte est sans doute l’invocation des plaies, avec des chœurs puissants qui annoncent les fléaux envoyés par Dieu. La musique devient chaotique, pleine d’une énergie irrésistible qui s’élève en puissance. C’est aussi au sein de cette partie qu’Handel, pour rompre l’enchaînement systématique de choeurs, inséra des parties orchestrales extraites du concerto pour orgue n°13 « Le coucou et le rossignol ».

3. Cantique à la gloire de Moïse – La partie finale traite de la libération des Israélites et de la traversée de la mer Rouge. Cette partie de l’oratorio est marquée par des chœurs lumineux et exaltants, où l’on entend les cris de triomphe du peuple d’Israël après la destruction de l’armée égyptienne. La mer Rouge, qui se referme sur les soldats pharaoniques, est une scène grandiose dans laquelle la musique de Handel déploie toute sa force dramatique. La traversée de la mer, à la fois miraculeuse et symbolique, est accompagnée par une musique qui varie entre l’émerveillement et la tension. Le chœur final est un moment de grande exaltation, où les Israélites célèbrent la victoire et la liberté retrouvée. La grandeur du salut est célébrée avec des chœurs monumentaux, soulignant l’aspect de délivrance divine. Cette partie fut en réalité en premier, et devait, à l’origine, constituer une antienne indépendante. Sur la proposition du révérend Jensenn, librettiste de nombreux oratorios de Handel, le compositeur avalisa proposition d’étoffer ce cantique en l’intégrant à un oratorio.

Pendant longtemps, l’oeuvre fut exécutée dans sa version en deux parties -les numéros 2 et 3-, le roi George II ayant interdit que l’antienne funéraire soit intégrée en tant que première partie à l’oratorio.

L’œuvre est avant tout un tour de force choral, un aspect typique des oratorios de Handel. Les chœurs sont riches en complexité et en profondeur, souvent éclatants de puissance et de clarté. Handel utilise des contrastes saisissants entre les passages contemplatifs et les moments plus agités ou dramatiques, renforçant l’aspect narratif et visuel de l’histoire.
Les solistes, dont les interventions sont plus rares que dans ses autres oratorios, sont souvent des instruments de narration : Moïse et Aaron, ainsi que plusieurs autres personnages bibliques, sont représentés par des airs où l’on trouve des lignes vocales expressives, parfois méditatives, parfois grandioses.
L’orchestration de « Israel In Egypt » est tout-à-fait caractéristique du style de Handel : elle inclut des instruments à cordes, des bois, des cuivres, ainsi que des percussions. Les trompettes sont particulièrement présentes dans les moments de triomphe, tandis que les cordes et les bois apportent une couleur différente dans les sections plus méditatives. Le traitement des chœurs est d’une grande richesse, notamment dans les passages où les voix sont superposées, créant des textures complexes et des moments d’une grande intensité. « Israel In Egypt » est une œuvre qui illustre la puissance de la musique pour traduire l’extraordinaire et l’émotion humaine. À travers son mélange de théâtralité, de spiritualité et de virtuosité musicale, Handel parvient à rendre l’histoire de l’Exode vivante et vibrante. Les chœurs et les solistes, accompagnés d’une orchestration raffinée font de cet oratorio un chef-d’œuvre de la musique baroque.

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