Un dimanche lyrique consacré à Richard Wagner à travers des enregistrements anciens, réalisés en Europe –essentiellement à Londres et à Berlin– et piochés au gré de ma fantaisie. J’y entends donc des extraits tirés de chacun des dix opéras qu’il composa et sont autorisés de représentation par le compositeur à Bayreuth –les trois opéras « de jeunesse » composés antérieurement n’ont pas droit de cité sur le colline verte-, par quelques-uns des plus grands chanteurs d’avant-guerre, ou, un peu plus tardivement, du « Neues Bayreuth » –à partir de 1951– pour ce qui concerne le troisième coffret présenté.
Ces dix opéra sont : • Der fliegende Holländer (1840-1841) • Tannhäuser (1845) • Lohengrin (1845–1848) • Tristan und Isolde (1857–1859) • Die Meistersinger von Nürnberg (1845–67) • Der Ring des Nibelungen : Das Rheingold, Die Walküre, Siegfried, Götterdämmerung (1848–1874) • Parsifal (1865–1882) –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
• The Potted Ring
Reconstitution partielle du « Ring des Nibelungen » – 1927-1932 *****
• Les introuvables du chant wagnérien
Extraits des dix opéras de Richard Wagner – 1927-1958 *****
• Les introuvables du Ring
Extraits de « Der Ring des Nibelungen » – 1948-1977 ****
D’une manière générale, tous ces extraits, dont les plus anciens ont été réalisés du temps de l’enregistrement acoustique, sont très soignés pour leur époque et ont été réédités dans d’excellentes conditions. Parfois, pour le même enregistrement, les matrices de 78 tours employées et le remastering sont différents : les résultats produits peuvent s’avérer très variables, et, généralement, les remastérisations les plus récentes sont les meilleures : les ingénieurs du son ont réalisé d’énormes progrès dans le traitement des enregistrements anciens.
On trouve parmi ces antiques archives, tous les grands noms du chant wagnérien du vingtième siècle, issus de deux périodes charnières :
• celle de l’entre-deux guerres mondiales souvent estampillée « Âge d’or du chant wagnérien », où l’on trouve, parmi d’authentiques trésors, quelques curiosités comme des extraits du « Vaisseau fantôme », de « Lohengrin » ou de « La Walkyrie » en Français, dans des traductions qui prêtent parfois à sourire, ou encore des extraits de « Lohengrin » en Italien –c’est sans doute l’opéra de Wagner qui se prête le mieux à ce traitement très « bel canto »-. Quelques grands noms –liste alphabétique non exhaustive– : Rudolf Bockelmann, Kirsten Flagstad, Hans Herman Nissen, Alexander Kipnis, Marjorie Lawrence, Lotte Lehmann, Frida Leider, Mauritz Melchior, Max Lorentz, Germaine Lubin, Friedrich Schorr…
• la période du « Neues Bayreuth » –années 50 première moitié des années 60–, où, de l’avis de Wieland Wagner –qui affirma qu’après cette génération de chanteurs, Bayreuth aurait dû fermer ses portes– mais aussi de nombreux critiques spécialistes de Wagner et de l’opéra –en France, le plus célèbre est vraisemblablement André Tubeuf ; en Angleterre, au même moment, Alan Blyth, chroniqueur culturel au Guardian et critique chargé du répertoire lyrique de Gramophone, partageait le même avis, de même que Colin Clarke ou Henry Fogel, éminents spécialistes du magazine Fanfare (US)-, un nombre relativement réduit des chanteurs et de chanteuses appartenant à « la dernière génération de grands chanteurs wagnériens » trusta à peu près tous les rôles sur toutes les scènes du monde. Parmi cette liste bien plus réduite, on notamment peut citer, par ordre alphabétique : Josef Greindl, Hans Hotter, Martha Mödl, Gustav Neidlinger, Birgit Nilsson, Astrid Varnay, Wolfgang Windgassen…
L’illustration du coffret consacré au Ring Wagnérien est tiré du très beau film en deux parties de Fritz Lang « Die Nibelungen« , tourné en 1924 –muet et évidemment en N&B– et disponible en Français-cartons traduits en écriture romane et en Français– en version superbement numérisée et nettoyée sur You Tube. Partie 1 • Partie 2
La séance lyrique de ce dimanche est un peu particulière, puisqu’elle me permet d’écouter une version «en kit» de l’opéra de Richard Wagner «Die Walküre», première journée du «Ring des Nibelungen». Drôle d’idée, a priori, me direz-vous, mais ce «kit» est, en occurrence, absolument formidable, et composé comme suit –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-:
Die Walküre est le deuxième volet du Ring, et c’est le premier où le spectateur ressent de l’intérieur la vie des humains. Auparavant, dans le premier volet, « Das Rheingold », seuls étaient en scène dieux, géants et nains.
Le livret est écrit par le compositeur entre 1851 et 1853, la musique est composée entre 1854 et 1856. L’oeuvre est en trois actes. Pour connaître les différentes sources d’inspiration de Wagner, très disparates, je vous renvoie à une précédente notule –qui s’avère être la plus longue de ce blog-, que vous pourrez retrouver ici.
• Acte 1 – Lauritz Melchior, Lotte Lehmann, Emmanuel List
Orchestre philharmonique de Vienne, Bruno Walter – 1935 *****
L’action commence dans une cabane au cœur de la tempête : Siegmund, poursuivi par des ennemis, cherche un refuge. Sieglinde l’accueille, sans savoir encore qu’il est son frère jumeau perdu. Hunding, son mari brutal, arrive et comprend que cet étranger est l’ennemi qu’il traquait avec sa horde. Il accorde le droit d’hospitalité pour la nuit, mais annonce qu’il tuera Siegmund au matin. Progressivement, Sieglinde reconnaît Siegmund grâce à un souvenir d’enfance et lui indique l’épée Nothung, plantée dans le frêne. Siegmund arrache l’épée, il aime Sieglinde, ils s’avouent leur fraternité et fuient ensemble.
• Acte 2, sc.1-2-4 – Hans Hotter, Martha Fuchs, Margarete Klose, Lauritz Melchior, Lotte Lehman
Orch. De l’opéra de Berlin, Bruno Seidler-Winkler – 1938 *****
• Acte 2, sc.3-5 – Lauritz Melchior, Lotte Lehmann, Alfred Jerger, Elsa Flesch, Emmanuel List
Orchestre philharmonique de Vienne, Bruno Walter – 1935 *****
À l’acte II, Wotan veut protéger Siegmund, car il voit en lui un homme libre pour accomplir ses plans : reconquérir l’anneau forgé à partir de l’or du Rhin. Mais Fricka, déesse du mariage, force Wotan à respecter la loi et à condamner l’inceste. Wotan, dévasté, doit obéir, et ordonne à Brünnhilde, sa Valkyrie favorite, de laisser Siegmund mourir. Brünnhilde, bouleversée par la grandeur de l’amour des deux amants, désobéit à Wotan. Elle tente de sauver Siegmund et affronte Hunding.Wotan intervient lui-même, brise Nothung, et Hunding tue Siegmund. Wotan tue Hunding par dégoût, mais il est trop tard : le destin qu’il voulait éviter est scellé.
• Acte 3 – Astrid Varnay, Leonie Rysanek, Jussi Björling
Orch. Festival de Bayreuth, Herbert Von Karajan – 1951 *****
Brünnhilde sauve Sieglinde, enceinte, et l’emmène se cacher dans la forêt. Elle annonce que l’enfant s’appellera Siegfried, et qu’il sera le plus grand de tous les héros. Wotan, fou de rage et fou d’amour, doit punir Brünnhilde pour sa désobéissance. Il décide qu’elle ne sera plus Valkyrie, mais femme mortelle endormie sur un rocher. Toutefois, en guise de faveur, il atténue la sentence : il la protège par un cercle de feu que seul un vrai héros –je vous laisse deviner qui ce sera…– pourra franchir. L’opéra se termine sur Wotan qui embrasse Brünnhilde endormie, signal sonore du basculement du cycle dans le drame humain.
EMI/HMV envisagea très tôt d’enregistrer l’opéra le plus populaire de Richard Wagner, « Die Walküre » : les premiers enregistrements acoustiques, réalisés à Londres sous la direction d’Albert Coates, sont antérieurs aux années 20, et de larges extraits furent enregistrés à partir de 1925, avec l’apparition de l’enregistrement électrique. Cette technique se perfectionnant, il devenait possible, à partir des années 30, d’envisager l’enregistrement intégral de l’opéra.
Initialement, il avait été prévu d’enregistrer l’œuvre à Berlin, où le chef Bruno Walter avait commencé à réunir toute la distribution –dont Friedrich Schorr, le grand Wotan de cette époque, ou Frida Leider, Brünnhilde très réputée-. Malheureusement, l’accession des nazis au pouvoir, en 1933, et, en corollaire, l’interdiction de nombreux artistes juifs, rendit la chose impossible. Bruno Walter dut s’exiler en Autriche, Friedrich Schorr alla triompher aux États-Unis et Emmanuel List fut chassé de la troupe de l’opéra de Berlin. Tout l’acte 1 et les scènes 3 et 5 de l’acte 2 purent être enregistrées à Vienne, avec l’orchestre philharmonique, dans des conditions techniques très soignées, absolument remarquables pour l’époque.
Pour de très nombreux amateurs de Wagner et de très nombreux critiques musicaux, cet acte 1 viennois est le plus beau disque jamais consacré à Wagner, réputation jamais démentie depuis 90 ans ! L’orchestre –le grand philharmonique de Vienne d’avant-guerre : à cette époque, sans doute le meilleur orchestre du monde– se couvre de gloire sous la baguette de Bruno Walter, les deux héros, Lauritz Melchior et Lotte Lehmann, n’ont jamais été égalés : c’est magnifiquement chanté et incarné, jamais sans doute cette histoire de passion incestueuse naissante n’a jamais été aussi bien exprimée.
Les scènes 3 et 5 de l’acte 2 de l’acte 2 se situent au même niveau d’excellence. Puis, l’enregistrement, pour des raisons économiques, fut ajourné. Lorsqu’il put reprendre, en septembre 1938, l’Anschluss de l’Autriche avait chassé Bruno Walter de Vienne, et une nouvelle équipe fut réunie à Berlin pour compléter l’acte, sous la direction du très compétent Bruno Seidler-Winkler, un vétéran de l’industrie discographique, qui avait commencé à enregistrer des disques aussi tôt qu’en 1890 !!! pour la firme Edison puis pour Deutsche Grammophon avant la première guerre mondiale. L’enregistrement comporte quelques coupures dans le long monologue de Wotan –scène 2-.
Ce fut Seidler-Winkler qui recruta un jeune géant de près de 2 mètres alors presqu’inconnu, Hans Hotter, 28 ans, pour interpréter le rôle de Wotan –un dieu juvénile, mais déjà très autoritaire, qui n’a pas encore totalement mûri le rôle : à partir de 1942, il sera pleinement divin…-, qu’il a marqué de son empreinte les trente années suivantes, et pour la postérité : il n’a jamais été égalé dans ce rôle. Martha Fuchs, qui avait débuté sa carrière à Aachen dix ans plus tôt, est une excellente Brünnhilde –elle chanta ce rôle à Bayreuth pendant la guerre, alors qu’elle était une anti-nazi notoire– et Margarete Klose une non moins remarquable Fricka –elle fut aussi la plus géniale Ortrud de son époque-.
Précision importante : la firme Naxos a publié, en 2003 –cf. cliquer sur l’imagette de droite pour la voir en plus grand-, les deux premiers actes en un seul volume dans sa collection « Great Opera Recordings » : cette édition-bien moins chère de surcroît-, parfaitement remasérisée par Mark Obert-Thorn, le spécialiste du genre, dévoile un son de qualité remarquable pour l’époque et s’avère nettement préférable à l’édition antérieure parue chez EMI dans sa collection « Références », laquelle ne semble plus disponible à l’heure actuelle. Cette réédition Naxos rétablit par ailleurs une coupure effectuée par EMI dans la scène 4.
Puis la guerre arriva. L’acte 3 ne fut jamais enregistré en Allemagne, et de très nombreux grands noms du chant wagnérien partirent vers les États-Unis, où ils triomphèrent et achevèrent leur carrière : de remarquables témoignages enregistrés de « Die Walküre » au Metropolita Opera de New York sont disponibles pour ces années-là, dans un son souvent assez précaires.
Il fallut attendre la réouverture du festival de Bayreuth, en 1951 et une toute nouvelle génération de chanteurs pour compléter cette Walkyrie en kit ! La légende raconte que les employés de Bayreuth, lorsqu’ils virent arriver les chanteuses, raisonnablement sveltes eu égard à certains standards d’avant-guerre, pensaient qu’il s’agissait de ballerines… Une autre légende affirme que les archives d’EMI contiennent l’enregistrement intégral de ce Ring de la réouverture, jamais publié, sur des bandes sectionnées en tranches de 4 minutes pour une parution en 78 tours, comme la firme l’avait fait pour les « Maîtres-chanteurs de Nuremberg » par le même chef, cette année-là –34 disques 78 tours…-. Des éditeurs alternatifs ont ainsi publié quelques extraits de ce Ring, mais jamais dans des conditions réellement satisfaisantes.
Quoi qu’il en soit, l’orchestre s’avère meilleur que dans bien des productions du Neues Bayreuth, il est conduit d’une main de maître par le jeune Karajan, enflammé et très inspiré. Leonie Rysanek, à 24 ans, débute en Sieglinde, rôle où elle se montre radieuse et passionnée ; Astrid Varnay recrutée sur sa réputation, acquise en Amérique –elle triomphait au Met de New York depuis le début des années 40– et sans aucune audition par Wieland Wagner, est déjà pleinement Brünnhilde –c’est, de très longue date, ma Brünnhilde préférée, et sa voix n’est pas encore marquée par le vibrato qui apparaîtra à partir du milieu des années 50– et Sigurd Björling est un Wotan assez bien chantant, mais un peu placide et manquant quelque peu d’autorité pour incarner complètement le rôle : il se montre plus à l’aise dans les passages lyriques –la scène finale des « Adieux » est très belle– que dans ceux réclamant de l’explosivité.
Avec « Die Walküre », Wagner redéfinit la tragédie en la déplaçant du politique vers l’intime. Ainsi, le nœud dramatique n’est pas la bataille, mais l’amour interdit Siegmund / Sieglinde, pris dans un réseau d’obligations divines –les “contrats” qui régissent le pouvoir et l’autorité de Wotan-. Wotan, théoriquement maître du monde, est en réalité cadenassé par les conditions mêmes de sa domination –les runes juridiques– : il est le premier prisonnier de son propre pouvoir. Quant à Brünnhilde, en désobéissant, elle invente alors le premier acte pleinement humain de tout le cycle : poser l’amour comme valeur supérieure à la légalité sacrée.
Je poursuis avec cette séance lyrique dominicale mes découvertes du monde de l’opéra-comique allemand, entamée avec l’automne. « Les joyeuses commères de Windsor » est un opéra d’Otto Nicolai –1810-1849-, achevé en 1849 et créé à Berlin sans trop de succès la même année –il a été retiré de l’affiche après seulement quatre représentations-. Le livret est de Salomon Hermann Mosenthal, inspiré de la pièce de Shakespeare. Après le décès du compositeur, à 38 ans seulement, l’oeuvre s’est progressivement imposée et elle reste très populaire en Allemagne, où elle est appréciée pour sa légèreté, son humour et sa musique accessible ; son ouverture faisant par ailleurs régulièrement partie des « bis » de concert. Nicolai mêle des airs lyriques, des ensembles vocaux et des chœurs, avec une ouverture célèbre et entraînante. L’œuvre est marquée par un humour vif, des situations cocasses et des dialogues rapides, typiques de l’opéra-comique allemand. Otto Nicolai, outre les opéras qu’il composa, est essentiellement connu pour un autre titre de gloire : excellent chef d’orchestre, c’est lui qui a créé l’orchestre philharmonique de Vienne.
La version du jour, dirigée avec entrain par Wilhelm Schüchter en 1956, donne à entendre les grands noms de l’opéra allemand, de Mozart à Wagner, ainsi que l’orchestre et les choeurs de la NDR de Hambourg. Comme souvent à l’époque, les dialogues sont enregistrés par des acteurs et non par les chanteurs.
Falstaff est interprété par la basse Arnold Van Mill ; Frau Fluth et Frau Reich sont incarnées par les deux sopranos Wilma Lipp et Hilde Rössl-Majdan ; Fluth est interprété par Walter Berry. Les disques sont tirés d’un coffret consacrés à l’opéra-comique allemand, je n’ai malheureusement pas réussi à trouver une image des albums d’origine.
Par ailleurs, Falstaff est également le personnage principal du dernier opéra de Giuseppe Verdi, composé en 1893, et beaucoup plus connu que l’opéra de Nicolai.
La pièce de Shakespeare se déroule à Londres au XVIème siècle. L’action de l’opéra se déroule à une époque indéterminée et dans un lieu non défini, mais constitue une satyre des moeurs de l’Allemagne du XIXème siècle. Seul Falstaff et, plus anecdotiquement, Fenton –personnage d’une intrigue secondaire concernant un mariage arrangé qui échoue finalement-, conservent leur nom d’origine, les autres personnages sont « germanisés ».
Acte I – Sir John Falstaff, ruiné mais gras et vaniteux, amateur de bonne chère, de vin et de femmes, décide de séduire deux bourgeoises –les deux joyeuses commères de Windsor-, Frau Fluth et Frau Reich, dans l’espoir de soutirer de l’argent à leurs maris. Il leur envoie des lettres d’amour identiques. Les deux femmes, amusées et offensées, découvrent le stratagème et décident de se venger. Frau Fluth montre la lettre à son mari, un homme très jaloux. Celui-ci se déguise en « Master Brook » pour tester la fidélité de sa femme.
Les deux commères organisent une série de pièges pour Falstaff. Lors d’un premier rendez-vous, Falstaff se cache dans un panier de linge sale et puant pour échapper à Fluth, qui fouille tout l’appartement sans le trouver, le panier –et Falstaff– étant jeté dans la une rivière. Fluth, toujours méfiant, continue de surveiller sa femme.
• Acte II – À l’auberge, Falstaff s’est remis de son bain et chante des chansons à boire. Un messager lui apporte une lettre dans laquelle Frau Fluth propose un autre rendez-vous. Alors que se déroule cette nouvelle rencontre avec Frau Fluth, Frau Reich Mme Reich les avertit tous les deux de l’arrivée prochaine de Fluth, qui rentre à la maison.
Cette fois, le gros chevalier Falstaff est rapidement déguisé dans des habits de femme, en vieille blanchisseuse. Fluth se présente et ne trouvant de compromettant pour sa femme, jette avec colère la vielle blanchisseuse hors de la maison.
• Acte III – Les deux commères préparent une dernière farce. Elles invitent Falstaff à un rendez-vous nocturne dans la forêt de Windsor, où elles lui racontent la légende du chasseur Herne, condamné à errer éternellement. Falstaff, superstitieux, se déguise en cerf, mais il est encerclé par des enfants déguisés en fées et en esprits, puis ridiculisé et battu.
Pendant ce temps, l’intrigue secondaire de l’opéra se dénoue heureusement : Anne Reich, la fille des Reich, fuit avec Fenton, l’homme qu’elle aime, pour l’épouser malgré l’opposition de ses parents. Quant à Falstaff, couvert de honte, il fait amende honorable, et Fluth, enfin rassuré, se réconcilie avec sa femme.
Après « Zar und Zimmermann » du même compositeur, je poursuis avec cette séance lyrique dominicale mon exploration de l’opéra comique allemand, entamée il y a peu de temps. La découverte du jour est « Der Wildschütz, oder die Stimme der Natur » –Le braconnier, ou les voix de la nature-,d’Albert Lortzing –1801-1851-. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Il s’agit d’un opéra-comique en trois actes d’Albert Lortzing, sur un livret du compositeur lui-même, créé le 31 décembre 1842 à Leipzig. « Der Wildshütz » est l’un des opéras les plus populaires de Lortzing, mêlant humour, intrigue amoureuse et satire sociale. La discographie de l’oeuvre est relativement abondante, et la version de ce jour expose quelques grands noms du chant lyrique de l’Allemagne des années 50 et 60 –notamment Rudolf Schock, ténor toujours excellent dans ce répertoire, et Gottlob Frick, basse très réputée, ici dans le rôle de Baculus-, ainsi qu’un chef très compétent, Wilhelm Schüchter, qui brilla régulièrement dans ce répertoire –on lui doit également deux très beaux enregistrements de Wagner : « Der Fliegende Holländer » et « Lohengrin »-.
L’orchestre, dont l’histoire est complexe, est le très bon Berliner Symphonische Orchester, avant sa fusion avec le Deutsche Symphonieorchester, un autre orchestre berlinois, pour devenir le Berliner Symphoniker, lequel existe toujours actuellement et enregistre assez fréquemment pour le label CPO. Les choeurs sont ceux de la RIAS de Berlin, que l’on rencontre très souvent dans la discographie de Ferenc Fricsay.
L’enregistrement intégral, réalisé très rapidement en deux jours de mars 1963, est paru à l’origine sous un obscur label, sous-marque du label allemand Eurodisc, qui, devant le succès de l’entreprise, en publia ensuite très rapidement sous sa propre étiquette un disque de larges extraits. Les conditions techniques sont très convenables eu égard à la date d’enregistrement.
• Acte I – Dans un village allemand, le baron von Kronthal organise une grande chasse pour impressionner la comtesse Julie, dont il est amoureux. Cependant, le braconnier Baculus, un ancien instituteur devenu ivrogne et chasseur clandestin, est arrêté par le garde-chasse Graf von Eberbach. Baculus est condamné à une amende qu’il ne peut payer, mais il est sauvé in extremis par l’intervention de Nanette, la nièce du maire, qui paie pour lui.
Baculus, reconnaissant, promet de se racheter. Pendant ce temps, le baron, toujours épris de Julie, ignore que celle-ci est en réalité amoureuse de Graf von Eberbach, le garde-chasse. Pour compliquer les choses, le maire du village, Pankraz, est un homme avare et autoritaire, qui veut marier Nanette à un riche prétendant.
• Acte II – Baculus, toujours aussi maladroit, tente de braconner à nouveau et se retrouve impliqué dans une série de quiproquos. Il croise la route de Julie, qui se cache dans la forêt pour échapper aux avances du baron. Baculus, croyant avoir affaire à une fée, lui promet de l’aider. Pendant ce temps, le baron, furieux de ne pas trouver Julie, accuse Graf von Eberbach de l’avoir enlevée.
Nanette, quant à elle, est courtisée par Schulze, un riche paysan, mais elle est amoureuse de Baculus, malgré ses défauts. Elle décide de le sauver une fois de plus en le cachant chez elle.
• Acte III – Les malentendus s’accumulent : le baron croit que Graf von Eberbach a enlevé Julie, tandis que Pankraz, le maire, découvre que Baculus est caché chez Nanette. Une scène de chaos s’ensuit, où chacun révèle ses véritables sentiments. Finalement, tout se démêle :
• Julie avoue son amour pour Graf von Eberbach.
• Baculus, touché par la bonté de Nanette, promet de se corriger et de l’épouser.
• Le baron, humilié, renonce à Julie.
• Pankraz, vaincu, accepte le mariage de Nanette avec Baculus.
L’opéra se termine sur une note joyeuse, avec des chœurs célébrant l’amour et le pardon.
Avec cette satire sociale, Lortzing se moque aussi bien de l’aristocratie –le baron vaniteux– que de la bourgeoisie avare –Pankraz– ou des travers humains –l’ivrognerie de Baculus-. L’intrigue repose sur des malentendus et des situations comiques, typiques de l’opéra-comique allemand et s’achève sur une fin heureuse : Baculus, malgré ses défauts, est sauvé par l’amour et la bonté de Nanette. La musique est entraînante et enjouée, les dialogues ne sont pas envahissants, le compositeur fait preuve d’une grande facilité mélodique, d’une belle habileté en matière d’orchestration et, en Allemagne, certains airs du « Wildschütz » restent très populaires, et l’opéra y est encore régulièrement joué.
Fidelio, de Beethoven, a ouvert cette nouvelle saison lyrique, qui se poursuit désormais par une petite série consacrée à l’opéra comique allemand, entamée aujourd’hui par « Zar und Zimmermann » (« Le Tsar et le charpentier »), d’Albert Lortzing –1801-1851-.
L’opéra comique allemand est une forme d’oeuvre lyrique qui s’inscrit entre le Singspiel et l’opéra dramatique ou le drame lyrique wagnérien. Il comprend à la fois de la musique, du chant et des dialogues parlés, et s’est développé en Allemagne tout au long du XIXè siècle. S’adressant à un public moins populaire, plus cultivé et plus bourgeois que le Singspiel, il fut, dès l’origine, joué dans des théâtres bien établis et propose des standards de l’opéra sérieux, avec une touche comique ou satirique. Contrairement au Singspiel, les thèmes abordés sont plus proches de la satire sociale et ne comportent pas d’éléments féériques ou surnaturels. Les grands succès de l’opéra comique allemand sont restés très populaires Outre-Rhin, et restent fréquemment joués dans les maisons d’opéra.
Très populaire en Allemagne, l’opéra a été enregistré une douzaine de fois. Dans avec cette version de « Zar und Zimmermann » –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, on retrouve des interprètes –chanteurs, orchestres et choeurs, chef– dont la réputation est très bien établie dans des opéras de Mozart, Beethoven ou Wagner. L’orchestre de la radio de Bavière, fondé par Eugen Jochum en 1949, est l’un des plus prestigieux orchestre d’Allemagne et le chef, Heinz Wallberg, est très réputé dans ce répertoire, qu’il fréquenta abondamment. Techniquement, l’enregistrement, réalisé en 1975, s’inscrit dans la lignée des productions radiophonique allemandes de l’époque : c’est du solide sans étincelles.
« Zar und Zimmermann » est une opéra comique en trois actes, créée en 1837 à Leipzig. Le livret, du compositeur lui-même, est basé sur la pièce de Georg Christian Römer « Der Bürgermeister von Saardam, oder Die zwei Peter ». Dix ans auparavant, Donizetti avait déjà composé un opéra, rapidement tombé dans l’oubli, sur le même thème : Il borgomastro di Saardam (mélodramma giocoso en deux actes).
L’intrigue se déroule à Saardam (Pays-Bas) en 1698. Le tsar Pierre le Grand, souhaitant apprendre l’art de la construction navale, se fait passer pour un simple charpentier sous le nom de Pierre Mihailov. Il travaille dans un chantier naval, où il se lie d’amitié avec un autre Pierre –Ivanov– un compagnon-charpentier russe qui a déserté. L’oeuvre comporte son lot de personnages stupides –le bourgmestre, certains ambassadeurs– et de fausses pistes amoureuses et la situation devient comique lorsque des ambassadeurs russes arrivent à Saardam pour retrouver le tsar, qui est en réalité sous leurs yeux, mais incognito.
L’opéra mêle quiproquos, chansons populaires et scènes comiques, avec un dénouement heureux où l’identité du tsar est révélée, et où il pardonne à tous les personnages pour leurs méprises avant de repartir pour la Russie.
L’œuvre s’appuie sur une légende historique –le séjour du tsar Pierre le Grand aux Pays-Bas, lors de la « Grande expédition », dans la ville de Zaandam, devenue Saardam dans l’opéra-– et sur une pièce de théâtre allemande antérieure, elle-même tirée d’une pièce française. L’opéra se distingue par son mélange de comédie légère, de chansons populaires –comme la célèbre romance de Chateauneuf « Lebe wohl, mein flandrisch Mädchen »-, de thèmes folkloriques et d’ensembles vocaux brillants. L’ouverture orchestrale est pleine de brio et constitue une pièce très populaire. L’opéra a été créé au Stadttheater de Leipzig, le . Lors de la première, le compositeur en personne a interprété le rôle d’Ivanov.
« Zar und Zimmermann » est considéré comme le chef-d’œuvre de Lortzing et l’un des sommets de l’opéra comique allemand. Il reste régulièrement joué en Allemagne et est apprécié pour son accessibilité, son humour, et sa musique entraînante.
C’est la rentrée et, dans le domaine lyrique, c’est une nouvelle saison qui commence ! Cette séance dominicale est consacrée à l’unique opéra de Ludwig Van Beethoven, « Fidelio », dans l’excellente version qu’en enregistra Herbert Von Karajan en décembre 1970, précédant les représentations du festival de Salzbourg en 1971. Ce disque marqua le retour lyrique du chef chez EMI. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Beethoven a composé trois versions de l’opéra entre 1805 et 1814, initialement intitulé « Léonore », avant de l’appeler définitivement « Fidelio » en 1814. L’œuvre, en deux actes, s’inspire du livret français de Jean-Nicolas Bouilly, déjà adapté par d’autres compositeurs, et qui connut un grand succès en France après la révolution, dont il exaltait les valeurs. « Fidelio » est un Singspiel, mêlant dialogues parlés et airs chantés. L’oeuvre se déroule dans une prison d’état espagnole, près de Séville, à la fin du 18è siècle.
• Acte I : Léonore, déguisée en Fidelio, travaille comme aide-geôlier pour se rapprocher de son mari Florestan, emprisonné secrètement par Don Pizzaro. Elle suscite l’amour de Marzelline, dont le père, Rocco, est le geôlier de la prison, assisté de Jaquino. Celui-ci est amoureux de Marzelline, mais elle le repousse. Rocco accepte d’aider Fidelio, mais l’accès au cachot de Florestan reste interdit. Pizzaro, le cruel gouverneur de la prison, ordonne à Rocco de creuser une tombe pour Florestan, qu’il compte assassiner avant l’arrivée du ministre Don Fernando. • Acte II : Florestan, au bord de la mort, rêve de liberté et de justice. Léonore et Rocco descendent dans son cachot. Quand Pizzaro arrive pour tuer Florestan, Léonore se révèle, menace Pizzaro avec un pistolet, et sauve son mari. L’arrivée de Don Fernando met fin à la tyrannie de Pizzaro : Florestan est libéré, et la justice.
Le compositeur, épris des valeurs des Lumières et de la révolution française, se sentait animé de hautes considérations morales et critiquait volontiers les livrets des opéras de Mozart –trilogie de Da Ponte– pour leur légèreté et leur caractère licencieux. Rien de tout cela chez Beethoven. Fidelio exalte : • l’amour conjugal et la fidélité. Léonore incarne la constance et le courage, prête à tout pour sauver Florestan ; • la liberté et la justice. Florestan représente l’idéal de liberté, tandis que Don Fernando symbolise la justice restaurée. L’opéra exprime les idéaux des Lumières et du Sturm und Drang, chers à Beethoven ; • l’opposition entre bien et mal. Léonore et Florestan s’opposent à la cruauté de Pizzaro, soulignant le combat entre humanité et tyrannie.
La composition de « Fidelio » fut pour Beethoven un labeur lent, long et douloureux, marqué par de multiples hésitations. Il a composé quatre ouvertures pour « Fidelio », dont la célèbre Ouverture « Léonore n°3 », souvent jouée en concert. La version définitive, en 1814, marque une rupture avec les versions précédentes : la structure est plus équilibrée grâce à un livret remanié, l’orchestration est plus étoffée et novatrice : la comparaison avec les versions enregistrées de « Leonore » -partition dans sa forme antérieure de 1805/1806- est révélatrice cet égard. Préfigurant l’opéra romantique allemand, « Fidelio » a finalement triomphé en 1814, d’abord à Vienne puis dans toute l’Europe.
Herbert Von Karajan dirigea « Fidelio » tout au long de sa carrière : 66 représentations, de 1932, à 24 ans, à Ulm –un critique de l’époque souligna que « […] tout le monde dans le public a été saisi par la tension fortement émotionnelle de cette représentation »– à 1978 ! Son unique enregistrement de l’oeuvre, réalisé en 1970 avec une équipe de chanteurs qu’il connaissait bien puisqu’il les avait déjà réunis pour son « Ring des Nibelungen » salzbourgeois. Les rôles principaux sont tenus par deux des chanteurs favoris de Karajan : Jon Vickers dans le rôle de Florestan et son ancienne Brünnhilde, Helga Dernesch, dans le rôle de Leonore. Parmi les autres chanteurs figurent Zoltan Kelemen –sans doute le meilleur Pizzaro de l’entière discographie-, Karl Ridderbusch, José van Dam et Helen Donath, charmante Marzelline.
A sa sortie, cette version de « Fidelio » fut unanimement saluée par la critique internationale et demeure, aujourd’hui encore, une très grande version de la discographie de l’oeuvre, malgré une prise de son très réverbérée qui offre de l’ampleur -énormes contrastes dynamiques, effets stéréophoniques parfois prononcés- mais nuit à la transparence.
La séance lyrique dominicale est consacrée à une oeuvre « contemporaine » et plus difficile d’accès que les opéras que j’ai généralement coutume d’écouter : « Les Diables de Loudun ». Il s’agit d’un opéra en trois actes composé par Krzysztof Penderecki entre 1968 et 1969, sur un livret en allemand de lui-même -sous le titre Die Teufel von Loudun-, et basé sur le roman éponyme d’Aldous Huxley –The Devils of Loudun, 1952-.
La version de ce jour, la seule à disponible officiellement en disque à ma connaissance –elle existe également en version filmée-, est postérieure de quelques semaines à la création mondiale de l’oeuvre, à Hambourg en juin 1969. Seul le chef, Marek Janowski, n’avait pas participé à cette création. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
L’œuvre, en trois actes, est fondée sur un épisode réel du XVIIe siècle à Loudun, assez abondamment documenté, où le prêtre Urbain Grandier, intellectuel éloquent et charismatique, séducteur impénitent et volontiers critique du pouvoir royal et de l’autorité ecclésiastique, fut accusé de sorcellerie et brûlé vif en 1634 sur ordre du cardinal de Richelieu, qui souhaitait s’emparer de la ville et achever de faire raser ses fortifications. Ce procès fut largement considéré comme une machination politique et religieuse.
Acte I • Introduction – Dans la ville de Loudun, un climat de tension religieuse et sociale règne. Le prêtre Urbain Grandier est une figure controversée : intellectuel, brillant orateur, séducteur de femmes, et critique de l’autorité ecclésiastique, il s’attire de nombreux ennemis. • Sœur Jeanne des Anges – La prieure du couvent des Ursulines, Sœur Jeanne des Anges, est obsédée par Grandier. Son désir refoulé se transforme en haine lorsqu’il rejette son influence. Elle l’accuse d’être l’instrument du Diable. • Premiers soupçons – Les rumeurs de possessions démoniaques commencent. Des exorcismes sont pratiqués, et les religieuses « possédées » accusent Grandier d’avoir invoqué le démon. L’Église et les autorités voient là une opportunité de se débarrasser d’un homme influent et dérangeant.
Acte II • Escalade des accusations – La possession collective prend de l’ampleur, avec des scènes d’hystérie. Les autorités ecclésiastiques en profitent pour diaboliser Grandier. Les exorcistes conduisent des rituels violents, censés extraire les démons des sœurs. • Le procès – Grandier est arrêté. Le procès est truqué, fondé sur des « preuves » obtenues par torture ou extorsion. Malgré son éloquence et sa défense rigoureuse, il est condamné à mort.
Acte III • Torture et exécution – Grandier subit la torture. Pendant ce temps, les visions de possession persistent. L’opéra culmine avec son exécution : Grandier est brûlé vif sur la place publique, dans une atmosphère d’hystérie religieuse mêlée de voyeurisme morbide. • Épilogue – Sœur Jeanne reste tourmentée. La possession s’est tue, mais le mal subsiste. L’opéra se clôt dans un climat de tragédie inexpiable.
La musique de Penderecki mobilise de nombreuses techniques de l’avant-garde qui avaient cours dans les années 60 : glissando, clusters –nuages de notes-, vocalises criées ou gémies, nombreuses percussions, sons concrets… Le chant est déclamatoire et proche du Sprechgesang.
L’atmosphère générale est sombre et oppressante, rendant bien compte de la tension psychologique et de la violence physique de l’histoire. A travers cette oeuvre complexe et puissante, Penderecki, compositeur polonais, dénonce le fanatisme, la propagande et les faux discours institutionnels, mais également le totalitarisme et les abus et les manipulations d’un pouvoir totalitaire, en pleine période de guerre froide.
Retour à l’opéra en ce dimanche veille de fête nationale, avec une oeuvre relativement courte qui n’est qu’un semi-opéra, composé par Henry Purcell vers 1690 : « Dioclesian », dans la version enregistrée par Trevor Pinnock en 1995 –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Le semi-opéra est une forme propre au baroque anglaise mêle dialogues, airs chantés et choeurs, mais aussi danses et masques où les rôles principaux sont le plus souvent parlés. Le livret de Thomas Betterton est adapté d’une pièce de théâtre de John Fletcher et Philip Massinger : « La prophétesse » -1647-. L ‘opéra livre une adaptation très libre de la vie de l’empereur Dioclétien et débute vers 284 – 285 ap. JC, au moment de la mort de l’empereur Numérien, mais la pièce présente de trop nombreux écarts avec la réalité historique –elle-même très complexe à ce stade de l’histoire de l’empire romain– pour être datée plus précisément.
Delphia, une prophétesse, prédit que Dioclès, un soldat du rang, deviendra empereur après avoir tué un « puissant sanglier » et qu’il épousera la nièce de Delphia, Drusilla, qui est amoureuse de lui. Dioclès prend la prophétie au sérieux et commence à abattre de nombreux sangliers, sans cependant que la prophétie se réalise. Lorsqu’il s’avère qu’un soldat appelé Volutius Aper –Aper = sanglier en latin– a assassiné le vieil empereur Numérien, Dioclès tue Aper pour se venger. En récompense de cette action, il est fait co-empereur et se renomme Dioclésien. Il ignore cependant sa promesse d’épouser Drusilla et courtise plutôt la sœur de son co-empereur, la princesse Aurélia. Cela met en colère Delphia, qui met fin à la cérémonie de mariage en déclenchant une tempête et en invoquant un monstre. Elle fait ensuite tomber la princesse Aurélia amoureuse d’un rival de Dioclès, Maximinien. Elle provoque également la défaite de l’armée romaine contre les Perses. Après cette défaite, Dioclésien se rend compte de ses erreurs, chasse les envahisseurs, puis cède sa moitié du trône à Maximinien et se déplace en Lombardie avec Drusilla.
La musique de ce semi-opéra est essentiellement de caractère cérémoniel et dansant, elle n’atteint jamais la profondeur expressive de son unique opéra « Didon et Énée ». Quelques choeurs sont cependant très spectaculaires et certains airs pour solistes sont très beaux. Dans le cadre d’une écoute au disque cependant, l’oeuvre manque de cohésion. La version de ce jour est réputée pour sa direction, claire, vive, détaillée. Trevor Pinnock et son orchestre ont quasiment toujours fait merveille dans le domaine de la musique baroque anglaise, et, à ce stade de leur carrière, les musiciens étaient devenus des virtuoses incontournables dans ce répertoire. La qualité du chant est tout-à-fait excellente également –solistes et choeurs à la diction exemplaire-. Les conditions techniques sont très bonnes et le livret extrêmement informatif sur une oeuvre qui n’est pas majeure dans la production du compositeur mais n’en demeure pas moins intéressante et fort belle !
« Così fan tutte » est un opéra en deux actes composé par Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Lorenzo Da Ponte : il s’agit de leur dernière collaboration, après « Don Giovanni » et « Les noces de Figaro ». Créé en 1790, cet opéra appartient au genre de l’opéra bouffe, bien qu’il contienne des éléments de profondeur psychologique et de satire sociale.
La version du jour est celle enregistrée en 1955 par Herbert Von Karajan, le Philharmonia Orchestra, entourés d’une constellation des étoiles du chant mozartien de l’époque. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Comme pour la majorité des opéras de Mozart –à part « La flûte enchantée »-, je ne l’écoute que très rarement et il m’a été d’autant plus facile de choisir cette version que c’est la seule présente dans ma discothèque !
• Acte I – L’opéra commence dans un café à Naples où deux officiers, Ferrando et Guglielmo, se vantent de la fidélité de leurs fiancées respectives, Dorabella et Fiordiligi. Leur ami Don Alfonso, un vieux philosophe cynique, les met au défi en affirmant que toutes les femmes sont inconstantes –« Così fan tutte » signifie « Toutes les femmes font ainsi », ce que l’on traduirait plus trivialement de nos jours par « Toutes les mêmes »-.
Ferrando et Guglielmo acceptent le pari de Don Alfonso et décident de se déguiser pour tenter de séduire la fiancée de l’autre. Ils feignent d’être appelés au front et disent un adieu déchirant à leurs bien-aimées.
Peu après, deux « étrangers » (en réalité Ferrando et Guglielmo déguisés) arrivent chez les sœurs et tentent de les séduire. Au début, Dorabella et Fiordiligi résistent aux avances des étrangers. Sur les conseils de Don Alfonso et avec l’aide de la servante Despina, les « étrangers » feignent de prendre du poison pour gagner la pitié des sœurs. Despina, déguisée en médecin, arrive et « soigne » les hommes, ce qui permet aux sœurs de commencer à céder à leurs avances.
• Acte II – Les « étrangers » continuent leur cour assidue. Ferrando, déguisé, courtise Dorabella, tandis que Guglielmo, déguisé, courtise Fiordiligi. Les sœurs commencent à succomber à leurs avances. Don Alfonso persuade les sœurs d’accepter une double cérémonie de mariage avec les « étrangers ».
Juste au moment où les mariages sont sur le point d’être célébrés, on entend des marches militaires au loin. Ferrando et Guglielmo reviennent de leur prétendue guerre, découvrant avec chagrin que leurs fiancées les ont trahis. Ils révèlent leur déguisement, et les sœurs, honteuses, avouent leur infidélité.
Malgré la douleur de la trahison, les couples se réconcilient. Don Alfonso conclut que l’amour et le pardon triomphent, et tout le monde célèbre la fin heureuse.
La musique de Mozart et le livret de Da Ponte créent un équilibre parfait entre comédie et profondeur psychologique. Le thème central de l’opéra est la fidélité amoureuse. Da Ponte et Mozart explorent la nature humaine et la tentation, montrant que même les personnes les plus vertueuses peuvent succomber à la séduction.
L’opéra est également une satire des mœurs de l’époque, critiquant la légèreté et l’inconstance des relations amoureuses. Le pari entre Don Alfonso et les officiers met en lumière les jeux de l’amour et de la tromperie, montrant comment les apparences peuvent être trompeuses.
Mozart utilise des duos et des ensembles pour explorer les relations entre les personnages et leurs émotions. Les duos entre les sœurs, par exemple, révèlent leurs sentiments et leurs dilemmes intérieurs. Les arias sont des moments de réflexion et d’expression personnelle : vulnérabilité, désarroi…
L’orchestration de Mozart est variée, il se sert des instruments pour souligner les émotions et les actions des personnages. Des motifs musicaux récurrents aident à unifier l’œuvre et à renforcer les thèmes dramatiques.
La version de ce jour, enregistrée en 1954 pour EMI/Columbia, est devenue mythique et régulièrement citée parmi les deux ou trois versions de référence pour la discographie de cet opéra. Le son, monophonique, est tout-à-fait correct, Karajan dirige l’oeuvre très naturellement dans des tempi très contrastés –comme souvent dans ses Mozart de l’époque– et met en valeur les pupitres du Philharmonia, notamment la petite harmonie. Les récitatifs sont raccourcis, comme sur toutes les versions studio contemporaines, mais cela ne nuit en rien à compréhension de l’oeuvre. Le casting réuni pour l’occasion est d’un niveau exceptionnel, tant chez les femmes que chez les hommes.
« Cosi fan tutte » aurait dû connaître un grand succès : les premières représentations, lors de sa création, furent en effet largement saluées, mais la mort de l’empereur Joseph II entraîna le fermeture des toutes les théâtres et, lors de leur réouverture, l’opéra était déjà oublié.
Ma séance dominicale lyrique me conduit cette après-midi –pour cause de préparatifs intenses pour le brunch de la « fête des pères » ce matin– dans la Vienne impériale de la seconde moitié du 18ème siècle, sous le règne de Marie-Thérèse, impératrice douairière du Saint-Empire germanique et reine d’Autriche, avec l’opéra en trois actes de Richard Strauss « Le chevalier à la rose », dans l’ultime version d’Herbert Von Karajan. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
L’argument en est très simple : le baron Ochs auf Lerchenau prépare son mariage avec Sophie Faninal, et fait appel à sa cousine, la princesse Marie-Thérèse von Werdenberg, plus connue sous le nom de « La Maréchale », pour désigner un chevalier qui ira offrir une rose d’argent à la future mariée, selon la tradition.
La Maréchale confie cette mission à Octavian, son jeune amant. S’ensuivent une série de quiproquos, et, en définitive, Octavian s’éprend de la jeune fiancée, horrifiée par son futur mari qui est un homme dépravé et grossier. Avec la bénédiction de la Maréchale, les deux jeunes gens peuvent alors entamer un duo d’amour enflammé.
Ainsi, bien qu’il s’agisse d’un opéra comique, l’œuvre intégrant des thèmes plus sérieux comme l’infidélité, la prédation sexuelle et l’altruisme en amour, mais aussi la nostalgie et l’angoisse face au temps qui fuit.
Une notice assez complète –argument, informations sur le livret et les conditions de création de l’opéra…– se trouve ici.
« Le chevalier à la rose » est bien représenté dans ma discothèque, avec pas moins de six versions : • d’une part, les trois versions d’Herbert Von Karajan : 1956, studio EMI avec le Philharmonia Orchestra ; enregistrée live à Salzbourg en 1960 et sortie officiellement chez DGG en 1999 seulement, dans le cadre de la publication des archives du festival ; 1982, studio parue chez Deutsche Grammophon, et, donc version écoutée ce jour. Les deux premières versions sont généralement considérées comme des versions de référence. Karajan a toujours été un éminent spécialiste de Richard Strauss, reconnu comme tel par le compositeur lui-même, qui, au sortir d’une représentation dirigée par son jeune collègued’Arabella, l’invita au restaurant pour le féliciter et le remercier; • d’autre part, trois versions enregistrées par Erich Kleiber en 1954, Karl « Karli Sac de patates » Böhm en concert au festival de Salzbourg en 1969 et Leonard Bernstein en studio en 1971 –les deux premières sont également souvent considérées comme des versions de référence-, qui, toutes trois, proposent d’excellents plateaux de chanteurs.
La version du jour jouit d’une réputation un peu moindre que les deux précédentes enregistrées par Karajan –cliquer sur les imagettes pour les voir en plus grand-, et pourtant, à mes oreilles, elle n’est pas si loin de les rejoindre : aucun des chanteurs, presque tous à l’aube de leur carrière, ne démérite, même si certains n’égalent pas tout-à-fait leurs prédécesseurs. A contrario, Kurt Moll est sans doute le meilleur Ochs auf Lechernau de l’entière discographie.
Les tempi, relativement lents –comme toujours chez le chef dans cet opéra, qu’il dirigea très souvent– sont cependant très vivants et, surtout, Karajan tire de l’orchestre philharmonique de Vienne –sans doute l’orchestre le plus rétif pour répondre aux exigences des chefs d’orchestre– des sonorités somptueuses et d’une beauté inouïe, qui imprègnent l’oeuvre d’une tendre nostalgie.
Tim Page, critique musical du Washington Post, écrivait, après le dernier concert américain de Karajan, en février 1989 : “Never forget that an orchestra can play with such unity, such subtlety, such luxuriance of tone. You may never again hear such playing but now you know that it can be done”.« N’oubliez jamais qu’un orchestre peu jouer avec autant d’unité, de subtilité et de luxe sonore. Vous n’entendrez peut-être plus jamais un tel jeu, mais vous savez désormais qu’il est possible de le faire ».