L’art de la peur, in : Jalousies et vacheries

CheFReinerJe vous avais déjà parlé, ici ou , des petites ou grandes vacheries et jalousies qui parcouraient le monde de la musique classique. Rajoutons donc l’anecdote suivante à ce modeste florilège, qui met en scène deux immenses artistes ayant effectué une grand partie de leur carrière aux Etats-Unis : Fritz REINER, chef d’orchestre, et Arthur RUBINSTEIN, pianiste mondialement renommé et quasi-unanimement loué, pour ses interprétations de Chopin en particulier.
REINER faisait partie de la race des tyrans, terrorisant les musiciens des orchestres où il officia et ne supportant aucune contradiction : un Toscanini en pire –ce qui n’est pas peu dire ! – Certes phénoménal de précision et de clarté, mais peu enclin à la moindre concession. Hongrois exilé aux Etats-Unis, il commença sa carrière américaine à Cincinnati, avant de prendre la tête de l’orchestre de Pittsburgh, où il renvoya plus de 90% –vous avez bien lu…– des musiciens de l’orchestre en moins de trois ans. Six ans après son arrivée, il ne restait que deux musiciens de l’orchestre initial ! Son départ, au bout de dix ans, fut vécu donc comme un soulagement.

ARubinsteinREINER partit en effet pour Chicago, où son intransigeance permit de bâtir ce qui devint, à l’époque, le meilleur orchestre américain. Durant les dix ans de son mandat à Chicago, REINER enregistra beaucoup, pour RCA : ses disques firent les beaux jours des mélomanes américains, puis européens lorsqu’ils furent régulièrement importés vers nos contrées. Ils restent encorne largement réédités de nos jours –excellente anthologie Richard Strauss à tout petit prix, très bonnes symphonies de Beethoven dans une optique «objective», concerti de Tchaïkovsky et Brahms avec Gilels…-, et sont de très bons témoignages de son art et de la qualité phénoménale atteinte par son orchestre.

Rach2Le 1er septembre 1956, REINER enregistra pour RCA le très fameux concerto pur piano n°2 de Rachmaninoff, le soliste étant le très célèbre Arthur RUBINSTEIN. A cette époque, c’était, avec HOROWITZ, le pianiste le plus célèbre de son temps, et, déjà, une forme de légende vivante, réputé pour la beauté de sa sonorité et sa «musicalité» plus que pour son exactitude technique -avant 60 ans, il travailla peu la technique pour elle-même-.
Les musiciens avaient enregistré toute la journée au cours d’une très longue séance, et, la soirée approchant, tout semblait en boîte, lorsqu’un corniste demanda au chef de pouvoir réenregistrer un passage qu’il pensait pouvoir améliorer encore. RUBINSTEIN en profita alors pour demander à corriger lui aussi quelques passages de piano. REINER lui répondit alors : «Mon orchestre ne se trompe jamais. Mais si nous devions corriger tout ce que VOUS avez commis comme erreur, la nuit ne serait pas assez longue ! ».
Les deux musiciens ne se reparlèrent plus jamais… Le disque est toujours édité, c’est une très bonne version de ce concerto !

La vidéo ci-dessous met en évidence la grande économie de moyens du chef d’orchestre, qui semble vouloir traque la faute partout où elle peut être tapie !

Fet’nat’

14072015Et hop, pour passer cette matinée de 14 juillet ailleurs que devant votre TV à suivre les défilés, je vous propose une Marseillaise remise presque dans le contexte de l’époque.

HIFIFestival33TEn effet, il s’agit ici d’une évocation musicale des guerres napoléoniennes contre la Russie, en 1812 : vous aurez donc droit à des hymnes –exaltation des sentiments nationaux et patriotiques : tu vas voir comme je vais abreuver tes sillons !!!-, des roulements de tambours, des batailles rangées toutes baïonnettes dehors et des coups de canon !

L’oeuvre –et dans cette version– fit les beaux jours des marchands de Hi-Fi dans les années 60 –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, pour mettre en valeur la puissance impulsionnelle des nouveaux amplis à transistors et la réponse des enceintes –la prise de son n’est cependant pas irréprochable, y compris selon les standards de l’époque-.

Ce n’est pas, et de loin, ce que le compositeur a écrit de mieux –il tenait d’ailleurs cette « oeuvre de circonstance » en assez piètre estime– mais elle connut un accueil très favorable de la part d’un public très friand de ces oeuvres spectaculaires –le public anglais avait réservé le même sort triomphal à « La victoire de Wellington », de Beethoven, pourtant assez pauvre en musique…-.

C’est un peu long, mais très amusant et très habilement construit, et c’est juste en-dessous ! En attendant les feux d’artifice de ce soir !