Playlist venue de l’est

Evidemment, de nos jours, le rideau de fer est oublié et l’on ne se souvient plus qu’au sortir de la seconde guerre mondiale, nombreux furent les artistes qui durent faire le choix d’émigrer vers l’ouest ou de demeurer à l’est, où se construisait l’autre Europe, derrière ce qui apparaîtrait rapidement comme un rideau de fer.

Kurt Sanderling, immense chef d’orchestre, fit quant à lui le choix curieux de rester à l’est où il s’était réfugié durant la guerre. Assistant de Mravinsky à Leningrad, il occupa ensuite le poste de chef de l’orchestre symphonique de Berlin, créé en 1952 à Berlin-est, et qui n’atteignit jamais au prestige de son concurrent, les Berliner Philhamoniker, avant de fuir sa longue carrière –il est mort à 99 ans et s’est retiré à 90– à Stuttgart après la chute du mur et la réunification allemande. A partir de la fin des années 1970, il dirigea également le Philharmonia Orchestra, à Londres, qui lui proposa d’ailleurs d’enregistrer toutes symphonies de Beethoven –première intégrale en numérique de l’histoire du disque-.

La playlist de ce jour –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– met en évidence ses qualités : dans un répertoire archi-connu, Kurt Sanderling propose des interprétations généralement puissamment architecturées, sur des tempi le plus souvent lents, et mettant en valeur tous les pupitres des très bons orchestres dont il dispose. On a souvent fait le parallèle avec Otto Klemperer –et les deux chefs présentaient le même physique austère-, ce qui n’est que partiellement exact à mes oreilles : il met beaucoup plus de couleurs dans les interprétations qu’il nous livre. 

Iconoclaste en noir et blanc

Ce coffret me faisait de l’oeil depuis sa sortie, à l’automne 2021, mais je remettais sans cesse son achat à plus tard –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-…
Jusqu’au jour où, sur la boutique en ligne française, il avait augmenté de 40%, sans ne jamais plus fluctuer ensuite vers le bas ! Du coup,  je suis allé voir à l’étranger, et c’est sur la boutique allemande que ‘ai pu trouver ce bel objet, pour un prix inférieur de près de 40% par rapport à la boutique française -depuis, il a un peu augmenté Outre-Rhin également, mais avec des frais de port s’élevant à 5,35€ -ils sont passés à plus de 6€ désormais-. Comme, dans le même temps, j’ai réussi à revendre les deux intégrales des sonates de Beethoven que je possédais déjà et qui sont également incluses dans ce coffret, en réalité, il ne m’a quasiment rien coûté…

En revanche, il me procure un immense plaisir ! Outre les sonates de Beethoven, dont ces versions s’inscrivent très haut dans mon panthéon personnel, j’ai découvert un remarquable Ravel, des Chopin étonnamment rigoureux et poétiques –en général, je goûte peu ce compositeur– et même des enregistrements de jazz –compositions originales, d’accès relativement facile pour les auditeurs généralement rétifs à ce genre ; au hasard : moi-, qu’il enregistra à Birdland avec son sextet, reprises de standards célèbres.
Les tout premiers enregistrements de Gulda pour Decca remontent à 1947, quand il n’avait que 17 ans et que la firme anglaise s’était dépêché de lui dresser un pont d’or suite à sa victoire au prestigieux concours international de Genève, et l’on peut découvrir une étonnante 7ème sonate de Prokofiev -deuxième enregistrement de cette oeuvre encore toute jeune- côtoyant du Bach et du Mozart. C’est à cette époque d’ailleurs qu’il noua une amitié indéfectible avec Joe Zawinul, créateur de Weather Report.
Comme les enregistrements ont tous été parfaitement remastérisés, que la présentation est très soignée et que le livret trilingue est tout-à-fait intéressant, mon bonheur est complet !

Playlist « Mauvais goût »

Je vous le disais déjà ici ou , écouter les interprétations du chef anglais Leopold Stokowksi, pour de nombreux mélomanes et d’encore plus nombreux musicographes « éclairés », c’est mal et signe d’un absolu mauvais goût !

Soit, j’assume , sans m’en sentir le moins du monde coupable, faire preuve de mauvais goût en cette après-midi pluvieuse –on avait fini par oublier la pluie, depuis tant de semaines sans une goutte ! – en m’adonnant à cette playlist comportant de grandes oeuvres du répertoire. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Il n’empêche que la luxuriance orchestrale aux couleurs saturées sied tout-à-fait bien à Shéhérazade de Rimsky-Korsakov, que j’ai entendu des troisièmes symphonies de Beethoven moins héroïques et surtout vivantes que celle-ci et que la seconde de Mahler, compositeur dont il fut un champion très précoce –aussitôt qu’en 1918– est à mes oreilles l’une des toutes meilleures versions de cette oeuvre – dans une optique large de tempo alla Bernstein, mais (sacrilège ! s’exclameront certains) en beaucoup mieux ! -.
Ces enregistrements ont tous été réalisés par un chef octogénaire ou nonagénaire qui conservait encore une énergie de jeune homme et sont tous d’un excellent niveau technique.

Playlist « Redécouverte enthousiasmante » !

Je vous avais déjà parlé un peu, ici et , de ce singulier pianiste autrichien Friedrich GULDA, pianiste classique extrêmement talentueux mâtiné d’un pianiste de jazz contrarié, qui e fit passer auprèsès de nombreux mélomanes français pour un dangereux iconoclaste –c’était en revanche une véritable star en Allemagne et en Autriche, son pays natal, où ses interprétations de Beethoven restent considérées comme des références de premier plan-.

Je réécoute aujourd’hui le coffret –cliquer sur l’imagette de droite pour la voir en plus grand– par le versant des concertos pour piano, sachant que l’achat dudit coffret, qui est malheureusement d’une grande pauvreté éditoriale, valait très prioritairement pour les sonates pour piano, restituées dans d’excellentes conditions techniques. Cependant, je n’avais à ce jour que très rarement écouté les concertos dans cette version, et très distraitement encore…

J’avais tort : une écoute plus concentrée de ce corpus, très bien enregistré en 1972,  procure en effet beaucoup de satisfactions ! Friedrich Gulda, clair, vif et souvent brillant, se montre d’une liberté totale et, d’une certaine manière, il préfigure, avec une technique supérieure, certaines lectures historiquement informées, et l’accompagnement de Horst Stein, chef possédant un métier indéniable, ne nuit en rien à ces interprétations enthousiasmantes ! –Cliquer sur l’image pour voir en plus grand les pochettes d’origine-.

Playlist nocturne « 3 x 2 »

Evidemment, après avoir dernièrement intitulé une playlist 32 x 32, la présente playlist fera « petit joueur » ! Elle est consacrée à trois « deuxièmes symphonies », dont deux que je n’écoute quasiment jamais. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Pour commencer, j’ai presque redécouvert le deuxième symphonie de Beethoven, sans doute la plus généralement mal-aimée de son corpus, et qui fut tout aussi mal accueilli lors de sa création, tant à Leipzig –« […] un monstre mal dégrossi, un dragon transpercé et qui se débat indomptable et ne veut pas mourir, et même perdant son sang dans le finale, rageant, frappe en vain autour de soi de sa queue agitée ». – qu’en France –« […] après avoir pénétré l’âme d’une douce mélancolie, il la déchire aussitôt par un amas d’accords barbares. Il me semble voir renfermer ensemble des colombes et des crocodiles ». – ; la légende affirme que Berlioz s’enfuit, épouvanté, à l’audition de certains fragments de la symphonie !
Evidemment, à nos oreilles habituées à bien plus de dissonances, cette symphonie ne produit plus le même effet, mais cette écoute nocturne et attentive m’a permis de l’apprécier –et d’en apprécier cette version– bien plus que d’habitude !

La deuxième symphonie de Bruckner jouissait à peu près d’un même délaissement de ma part, et je la connais nettement moins bien que les 4, 5, 7, 8 et 9. Ici, dans sa version originale de 1872, avec ses pauses et ses ruptures, un chef de second rang, Georg Tintner, quasi-inconnu en Europe au moment de la parution de de disque –et qui bénéficie désormais d’une aura quasi-mythique dans les pays anglo-saxons-, à la tête d’un orchestre de troisième zone –et cependant excellent– en donne une interprétation de premier ordre, dans une prise de son très convenable. L’intégrale très complète des symphonies est disponible à prix raisonnable et s’avère d’un très bon niveau d’ensemble.

Enfin, j’écoute désormais moins souvent la deuxième symphonie de Sibelius, qui fut la toute première oeuvre que je découvris du compositeur finlandais, à la fin des années 80. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts… Mais son finale hymnique est toujours aussi emballant, et c’est une très grande versions que j’ai mis entre mes oreilles dans cette playlist !

Playlist « 32 x 32 »

Ces dernières nuits, j’ai écouté trente-deux fois la trente-deuxième sonate de Beethoven –la fameuse Opus 111-, dans trente-deux versions différentes, et il m’en reste encore en stock dans ma discothèque… –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Pendant longtemps, ce fut ma sonate préférée et je l’écoutais régulièrement en boucle, mais je n’en avais pas tant de versions différentes : Kempff 1965, Arrau 1965 et Serkin/DGG –qui ne figure pas dans cette playlist– constituaient mon pain quotidien, agrémenté d’un peu de Nat. Depuis, j’en ai collectionné quelques versions supplémentaires et c’est assurément l’une des oeuvres les mieux représentées dans ma discothèque.
Par la suite, d’autres l’ont rejointes au panthéon, et notamment les sonates n°30 et 31, que j’aime tout autant. Beaucoup a été écrit à propos de cette sonate, qui est, paraît-il, l’un des plus beaux cadeaux fait à l’humanité, et dont « […nous comprenons que Beethoven, dont l’oreille ne percevait plus aucun son terrestre, a été élu pour nous ‘faire entendre l’inouï.] ». Wilhelm Kempff

Les approches interprétatives sont parfois si différentes qu’il est difficile de dire quelle est ma version préférée tant les visions semblent radicalement divergentes, et il n’est évidemment pas question ici de procéder à une analyse de ces divergences ou d’établir un classement. Il semble qu’il n’y a rien de commun entre le bouillonnement presque rageur –mais réalisé de manière presque brouillonne– du premier mouvement chez Yves Nat, la maîtrise technique exceptionnelle de Gulda/Amadeo et l’étrange dislocation produite par la lenteur d’Ugorsky, qui arpège les accords…

Le compositeur André Boucourechliev décrit le second mouvement ainsi : « L’Arietta, d’abord, une mélodie d’une admirable sérénité, et puis un thème qui donnera naissance à une prodigieuse série de variations, d’essence surtout rythmique. En effet, avec chaque variation, les durées se démultiplient, et le temps semble se condenser ; mais alors que dans l’op. 109 (où les rythmes se monnayaient déjà jusqu’aux plus petites valeurs), les variations sont parfaitement délimitées, ici leur repérage, pour être possible, devient sans objet. Il faut suivre leur continuité, leurs métamorphoses progressives, jusqu’au trille devenu double puis triple, réapparu encore au dessus du bruissement des valeurs pulvérisées qui tracent un domaine sonore inouï… Un ultime rappel de la cellule vitale de l’Arietta, une infime transformation chromatique de sa mélodie, scellent l’adieu et s’ouvrent sur le silence des profondeurs. » -Cliquer sur l’imagette de droite pour voir la première page manuscrite de la partition-.
J’ai beaucoup aimé, dans ce second mouvement, des interprétations aussi contrastées que Gulda/Amadeo –le passage en trilles est prodigieux-, Schnabel, Solomon et Kissin, pour n’en citer que quelques uns.

Beethoven « historique » – Erich Kleiber

J’écoute ce matin quatre symphonies de Beethoven dans les interprétations « historiques » d’Erich Kleiber, enregistrées à Amsterdam pour Decca entre 1950 et 1953, et impeccablement restaurées lors des éditions successives en CD. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Des cinq grands chefs de sa génération –de gauche droite sur cette unique photo les réunissant à Berlin,et datant de 1929 : Bruno Walter, Arturo Toscanini, Erich Kleiber, Otto Klemperer et Wilhelm Furtwängler-, Erich Kleiber était le plus jeune –né en 1890-, et le plus jeune disparu –mort en 1956 : il se serait suicidé selon son fils Carlos-.

Très tôt nommé sur un poste prestigieux –directeur de l’opéra de Berlin dès 1923-, il en démissionna peu après l’arrivée des nazis au pouvoir et s’exila avec sa famille en Argentine, pays dont il prit la nationalité. Il ne revint diriger en Europe qu’à la fin des années 40 et commença à enregistrer pour Decca, à Vienne et Amsterdam essentiellement, quelques disques qui ont fait toute sa renommée, malgré leur faible quantité : Beethoven, Mozart, Richard Strauss, un peu de Schubert et de Tchaïkovsky. L’ensemble est disponible dans un coffret de 15 CD, ce qui est peu pour un chef de cette importance…

Ses symphonies de Beethoven n’ont pas quitté le catalogue « à prix fort » jusqu’au milieu des années 60 et jouissaient en Allemagne et dans les pays anglo-saxons, dans les années 50 et jusqu’au début des années 60, du même statut de « référence » que les interprétations de Toscanini et que celles que Karajan enregistrait à peu près au même moment avec le Philharmonia Orchestra, loin devant celles de Furtwängler –les critiques de l’époque, en Angleterre ou aux USA, se montrèrent fort peu charitables avec le « vieux » chef, souvent pour des raisons extra-musicales, et ses interprétations étaient généralement considérées comme celles « d’un vieil homme malade »– ou de Jochum –mister « Stop and go »-.

Quoi qu’il en soit, les interprétations écoutées ce matin sont hautement appréciables : tempos relativement vifs, énorme énergie rythmique –en la matière, son fils Carlos a parfaitement saisi l’héritage…-, très beaux équilibres orchestraux… La symphonie « Pastorale », notamment, est magnifique, et s’inscrit sur les mêmes sommets que celle présentée il y a peu de temps, et j’ai rarement entendu un aussi excellent dernier mouvement de l’Eroica, vif et entraînant !

Playlist « Seconde chance » – Beethoven par Yves Nat

Le principe est simple : redonner une seconde chance à des enregistrements que j’ai délaissés depuis parfois très longtemps parce que je ne les ai jamais trouvé très marquants : c’est le cas de cette intégrale des sonates pour piano de Beethoven par Yves Nat. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Je l’avais achetée lors de sa première parution en CD il y a près de quarante ans et, à l’époque, le choc fut rude : saluée par un « Diapason d’or historique » et bénéficiant en France d’une aura mythique établie de longue date, je l’avais, tout de suite, cordialement détestée ! Depuis, mon jugement n’avait pas profondément évolué, comme l’indique également cette notule, où elle apparaît en fin de classement, et je ne m’étais plus trop penché sur la question.

Ces disques étant restés longtemps sur leurs étagères, il était temps de les ressortir un peu : à vrai dire et tout d’abord, de toutes les intégrales en monophonie que je connais et parues entre 1930 et 1955 –Schnabel, Gulda Decca ou Gulda Orfeo, Backhaus,Kempff, il apparaît que c’est la mieux enregistrée.
Son éditeur initial, « Les Discophiles Français », avait recruté à cet effet André Charlin, sans doute le meilleur ingénieur du son français de son temps, et ces enregistrements effectués de 1953 à 1955 permettent généralement une écoute plaisante. Des deux rééditions proposées par EMI, la plus récente est celle qui propose le meilleur remastering –coffret du cinquantième anniversaire, cliquer sur l’imagette de droite pour la voir en plus grand-. Quoi qu’il en soit, ces deux éditions sont désormais indisponibles, mais on peut encore se procurer cette intégrale des sonates à tout petit prix ici.
Après toutes ces considérations, mon appréciation a-t-elle évolué quant à cette intégrale ? Disons que je trouve que les premières sonates sont plus réussies que dans mon souvenir, avec même d’excellentes surprise -les deux sonates n°9 et 10 de l’opus 14-, mais que les plus grandes sonates de Beethoven, et plus particulièrement les dernières, ont plus peiné à me convaincre : Yves Nat opte généralement pour des tempos rapides -avec une touche de rubato-, qui ne sont pas toujours complètement assumé techniquement, faute de doigts -la Hammerkavier, à cet égard, est très décevante– : la comparaison avec Gulda, enregistré à peu près au même moment, est cruelle pour le pianiste français !
Au final, cependant, cette playlist « Seconde chance » m’aura permis de plutôt réévaluer mon appréciation de cette intégrale.

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