Playlist dissidente

LStokowskiDepuis le début de la matinée, je me livre à un petit plaisir coupable en effeuillant ce très intéressant coffret, véritable fourre-tout passablement ordonné, –cliquer sur l’image pour la voir une plus grand-, consacré à Léopold Stokowski, « le chef d’orchestre dissident » –dans le sens anti-conformiste du terme, la traduction de « maverick » étant à double-sens-.

Lorsque j’étais tout jeune mélomane, Stokowski, c’était l’incarnation du mal absolu : je me souviens de critiques assassines dans les revues de l’époque, où ses bidouillages et réécritures des partitions étaient unanimement condamnées. Et pourtant, j’adore ses transcriptions orchestrales des oeuvres pour orgue de Bach, qui font trembler d’effroi les puristes et autres adeptes des versions HIP – mais que j’écoutais avec délectation et presqu’en cachette à cette époque-, chargées d’expression et vraiment bien réalisées ! –Cliquer sur l’extrait ci-dessous pour vous faire une idée de la chose : l’oeuvre est des plus célèbres-.

De nos jours, l’appréciation de ses productions a été assez largement réévaluée auprès de la critique –son succès public ayant toujours été grand-, et l’on salue désormais son engagement au service de la musique de son temps, puisqu’il profita de son énorme notoriété pour populariser nombre de compositeurs contemporains. Plus largement, durant une carrière exceptionnellement longue –il commença à diriger dès l’âge de 27 ans et arrêta à 94 !-, Stokowski, vrai dompteur d’orchestre, privilégia toujours la beauté des sonorités de l’orchestre et l’expressivité ou l’émotion instantanée, ce qui, parfois, le conduisit à quelques modifications dans l’orchestration –il fallait que ça sonne !-, mais guère au-delà de ce que firent nombre d’autres chefs d’orchestre avant-guerre.
Corollaire de ce soin maniaque apporté aux sonorités, il bénéficia toujours de prises de son de très grande qualité et des plus récentes innovations technologiques. Il cultivait par ailleurs un sens de l’humour certain et un accent se voulant slave –suivant les recommandations de sa première épouse, pianiste émérite-, alors qu’il fut éduqué dans les meilleures écoles anglaises et était né à Londres.

Le coffret, quoi qu’il en soit, est une vraie joie et le chef sait partager l’enthousiasme que lui procurent les oeuvres !

Playlist estivale, la suite

C’est toujours l’été malgré la pluie et les petits 16° de ce matin… La playlist du jour est également estivale, avec un détour par la Provence et la Séville, dans un très beau CD, d’un chef qui profita sans doute plus que tout autre –à l’exception notable de Karajan– de l’apparition du CD pour enregistrer de nombreux disques avec son orchestre de Montréal, durant une idylle qui tourna court –il est désormais quasiment persona non grata là-bas, mais on s’en fiche un peu, ce qui reste de cette époque est vraiment d’une belle et constante qualité, et dans des prises de son généralement formidables, comme en atteste l’extrait proposé ci-dessous…-.

FranceNordSudPour le reste, le sud n’est clairement pas ma destination favorite, je ne descends quasiment plus jamais –sauf obligation professionnelle– en-dessous d’une ligne qui irait du Territoire de Belfort au Morbihan, c’est vous dire… Nonobstant, la chanson de Nino Ferrer est superbe et justement passée à la postérité.

L’été, c’est aussi la saison des festivals, dans tous les domaines, et je ne voudrais pas me priver des deux témoignages présentés ici ! –Cliquer sur l’image pur la voir en plus grand-.

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Playlist en noir et blanc

Une petite plongée dans le passé, depuis hier, avec cette playlist en noir et blanc –les enregistrements s’étalent de la fin des années 30 au début des années 50-.  Ils datent donc tous d’avant la généralisation de la stéréo, mais bénéficient tous d’une production très soignée et restent très facilement audibles de nos jours, même le plus ancien.
Alors donc, plus c’est vieux, meilleur c’est ? Que nenni ! Mais c’est un petit morceau d’histoire que l’on entend, avec sa part de mythe et de légende. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

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Il y a des oeuvres que l’on ne jouera sans doute plus jamais ainsi –le Mozart de Beecham, très daté de style et d’approche; le Brahms de Furtwängler est très personnel– et d’autres que l’on aimerait entendre interprétées de manière aussi élégante et racée –le Strauss de Krauss-. Quant au Beethoven de Toscanini, aux sonorités très mates, il influença tout le courant HIP largement postérieur.

L’art de la peur, in : Jalousies et vacheries

CheFReinerJe vous avais déjà parlé, ici ou , des petites ou grandes vacheries et jalousies qui parcouraient le monde de la musique classique. Rajoutons donc l’anecdote suivante à ce modeste florilège, qui met en scène deux immenses artistes ayant effectué une grand partie de leur carrière aux Etats-Unis : Fritz REINER, chef d’orchestre, et Arthur RUBINSTEIN, pianiste mondialement renommé et quasi-unanimement loué, pour ses interprétations de Chopin en particulier.
REINER faisait partie de la race des tyrans, terrorisant les musiciens des orchestres où il officia et ne supportant aucune contradiction : un Toscanini en pire –ce qui n’est pas peu dire ! – Certes phénoménal de précision et de clarté, mais peu enclin à la moindre concession. Hongrois exilé aux Etats-Unis, il commença sa carrière américaine à Cincinnati, avant de prendre la tête de l’orchestre de Pittsburgh, où il renvoya plus de 90% –vous avez bien lu…– des musiciens de l’orchestre en moins de trois ans. Six ans après son arrivée, il ne restait que deux musiciens de l’orchestre initial ! Son départ, au bout de dix ans, fut vécu donc comme un soulagement.

ARubinsteinREINER partit en effet pour Chicago, où son intransigeance permit de bâtir ce qui devint, à l’époque, le meilleur orchestre américain. Durant les dix ans de son mandat à Chicago, REINER enregistra beaucoup, pour RCA : ses disques firent les beaux jours des mélomanes américains, puis européens lorsqu’ils furent régulièrement importés vers nos contrées. Ils restent encorne largement réédités de nos jours –excellente anthologie Richard Strauss à tout petit prix, très bonnes symphonies de Beethoven dans une optique «objective», concerti de Tchaïkovsky et Brahms avec Gilels…-, et sont de très bons témoignages de son art et de la qualité phénoménale atteinte par son orchestre.

Rach2Le 1er septembre 1956, REINER enregistra pour RCA le très fameux concerto pur piano n°2 de Rachmaninoff, le soliste étant le très célèbre Arthur RUBINSTEIN. A cette époque, c’était, avec HOROWITZ, le pianiste le plus célèbre de son temps, et, déjà, une forme de légende vivante, réputé pour la beauté de sa sonorité et sa «musicalité» plus que pour son exactitude technique -avant 60 ans, il travailla peu la technique pour elle-même-.
Les musiciens avaient enregistré toute la journée au cours d’une très longue séance, et, la soirée approchant, tout semblait en boîte, lorsqu’un corniste demanda au chef de pouvoir réenregistrer un passage qu’il pensait pouvoir améliorer encore. RUBINSTEIN en profita alors pour demander à corriger lui aussi quelques passages de piano. REINER lui répondit alors : «Mon orchestre ne se trompe jamais. Mais si nous devions corriger tout ce que VOUS avez commis comme erreur, la nuit ne serait pas assez longue ! ».
Les deux musiciens ne se reparlèrent plus jamais… Le disque est toujours édité, c’est une très bonne version de ce concerto !

La vidéo ci-dessous met en évidence la grande économie de moyens du chef d’orchestre, qui semble vouloir traque la faute partout où elle peut être tapie !