Un nouveau dimanche à l’opéra…

Profitant d’une météo pour l’instant peu clémente et qui n’incite pas trop à sortir, je passe cette matinée à l’opéra en compagnie de « Der Freischütz », de Carl Maria von Weber, dont je vous ai parlé il y a très peu de temps. L’oeuvre s’inscrit dans le premier romantisme allemand, et prend la forme d’un Singspiel, comme « La flûte enchantée », de Mozart, ou « Fidelio » de Beethoven. Cette dernière appellation semble quelque peu réductrice, et on parle plus volontiers désormais, pour qualifier l’oeuvre de Weber, de « premier opéra romantique allemand avec dialogues parlés », en l’inscrivant comme point de départ d’une lignée qui conduira à Wagner, via Marschner. Pour en savoir plus, et notamment comprendre le contenu de cette histoire diabolique où le héros vend son âme au diable, vous pouvez vous rendre ici.

J’avais le choix, pour cet opéra, entre deux versions très réputées : celle de Carlos Kleiber, bardée de prix à sa sortie et toujours citée en version princeps, et celle de Rafael Kubelik, à peine moins hautement estimée, sortie peu de temps plus tard.

J’ai opté pour la première –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, que je n’avais plus écoutée depuis des lustres, et qui est effectivement très bien dirigée et globalement très bien chantée.
Elle mérite vraisemblablement les critiques dithyrambiques ayant salué sa publication, mais je manque de points de comparaison pour confirmer ou infirmer ces louanges, et, très honnêtement, la version de Kubelik me semble aussi bien chantée et dirigée.
L’unique défaut de la version de ce jour, à mes oreilles, est se proposer, pour les dialogues parlées, des acteurs de studio : c’était une des grandes spécialités de l’époque chez DGG, qui avait recruté une équipe d’acteurs –ce sont assez souvent les mêmes noms qui reviennent dans les différentes productions– en charge des dialogues dans de très nombreux opéras en Allemand. Cela vient quelque peu briser la continuité de l’écoute, les timbres des acteurs étant forcément différents de ceux des chanteurs.

Pâques à l’opéra – Opéra de Pâques

Cela fait quelques années que je ne vais plus écouter, chaque vendredi saint, l’une ou l’autre Passion selon l’un des évangélistes mise en musique par Bach : elles y sont invariablement données, en alternance, à l’église Saint Guillaumeen réalité, c’est un temple luthérien à la formidable acoustique-, dont la particularité est, outre de ne pas être efficacement chauffée –ce qui peut être perturbant lorsqu’une oeuvre d’étend sur plus de deux heures-, de présenter une architecture biscornue –un plan en trapèze et un drôle de clocher non symétrique qui perturbe la perspective-. Le choeur de la paroisse est très réputé, et a été dirigé, notamment, par Furtwängler, mais aussi, plus récemment, par Gardiner. Les Passions entendues dans l’église s’inscrivaient toutes dans une veine assez traditionnelle –c’est aussi pourquoi je n’y vais plus-, il serait intéressant d’écouter si, enfin, certains préceptes HIP ont commencé à être investis…

Aujourd’hui, vendredi saint, donc, et jour légalement férié ici seulement, j’écoute « Parsifal » : un opéra de Pâques, qui n’est d’ailleurs pas conçu par son créateur, Wagner, comme un opéra, mais comme un « festival scénique sacré ». Il faut dire que la charge de « mysticisme sacré » est assez prononcée, avec lance sacrée, blessure incurable sauf par la grâce de dieu –et de la lance sacrée-, héros naïf et égaré –Parsifal, qui sera plus tard le père de Lohengrin, autre héros wagnérien– durant toute une partie de l’histoire, gentil moine-tuteur et méchant magicien ayant renié sa foi, chevaliers de la table ronde et filles-femmes forcément tentatrices  – très « femelles » en réalité, et c’est à peu près leur seule vocation ici-.

La version de ce jour –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, dans un son tout beau tout neuf, par un éditeur spécialiste de la rénovation d’antiques bandes et qui ne fait que cela –cf. extrait 1– date de 1953 ; elle est très vive sans être précipitée et absolument formidable de tension et de magnifiques clairs-obscurs. Ma version préférée –du moment...-, d’autant qu’elle est désormais disponible dans un son satisfaisant.

Tous les grands noms du Neues Bayreuth y sont représentés, chaque rôle, ou presque, est tenu par une légende vivante et les choeurs sont remarquables –cf. extrait 2-. Bref, de quoi passer une belle matinée pour entamer ce week-end de Pâques !

PS. A titre anecdotique, Parsifal est le seul opéra que j’ai vu/entendu quatre fois, dans quatre mises en scène différentes et de qualité très variable…

Après cela, les cloches peuvent s’envoler…

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Un nouveau dimanche matin à l’opéra

Ce matin, c’est une oeuvre légère à souhait qui est à l’honneur : « Die Fledermaus » –La chauve-souris-, de Johan Strauss fils.
Un vaudeville à la viennoise composé en 1874, au livret à peu près aussi embrouillé que les opérettes parisiennes d’Offenbach, proposant des alternances de numéros chantés et de plages de dialogues plus ou moins coupées selon les versions enregistrées.
A sa création, l’oeuvre connut un vrai succès, avec 68 représentations au Theater An Der Wien, malgré un accueil assez peu chaleureux des critiques musicaux de l’époque, qui n’y entendaient qu’une succession de valses et polkas. De nos jours, « La chauve-souris » est assez fréquemment représentée lors des soirées du réveillon de nouvel an sur de nombreuses scènes d’opéra.

Dans les environs de Vienne. Vers 1870.

Acte I, chez les Eisenstein
Après une ouverture où se mêlent beaucoup de thèmes que l’on entendra tout au long de l’oeuvre, le rideau se lève sur la maison de Gabriel Eisenstein et de sa femme Rosalinde. On entend au loin chanter Alfredo, un ancien amant de Rosalinde qui reconnaît immédiatement la voix de celui qu’elle a jadis aimé.

Adèle, la servante du couple, vient de recevoir une lettre de sa sœur Ida qui l’invite à un bal masqué. Elle demande à sa maîtresse l’autorisation de se rendre auprès de sa tante malade. Rosalinde refuse.
Alfredo fait son entrée dans la maison. Rosalinde insiste pour qu’il parte afin de ne pas être surpris par son mari qui doit incessamment arriver.
Eisenstein et son avocat, Me. Miro, reviennent tout juste du tribunal. Eisenstein a été condamné à huit jours de prison pour outrage au maire de la ville qu’il soupçonnait d’être amoureux de sa femme. Il accuse son avocat de ne pas l’avoir défendu correctement et même d’être à l’origine de l’allongement de sa peine. Congédié, Me. Miro part non sans assurer devoir se venger.
Dr. Falke entre à son tour et invite Eisenstein à un bal masqué. Il promet à son ami de rencontrer la plus belle fille de Vienne et de prendre du bon temps avant de rejoindre la prison. Dr. Falke désire en vérité se venger d’Eisenstein pour l’avoir laissé ivre, quelques temps auparavant, sur un banc dans son déguisement de chauve-souris au retour d’une soirée arrosée.
Eisenstein doit se rendre à la prison dans une heure mais Dr. Falke le convainc de se rendre d’abord au bal du Prince Orlofsky déguisé en marquis. Rosalinde, de son côté, organise le retour de son amant et autorise finalement le départ d’Adèle pour s’assurer d’être seule avec Alfredo. Elle reçoit un message du Dr. Falke qui l’invite à se rendre au bal déguisée en comtesse hongroise.
Rosalinde, Adèle et Eisenstein chante un trio d’adieux, tour à tour poignant et comique. Enfin seuls, Alfredo et Rosalinde dînent en tête à tête. Leur petite fête privée est interrompue par l’arrivée de Frank, gouverneur de la prison qui arrête Alfredo en pensant qu’il est Eisenstein.

Acte II, les salons du Prince Orlofsky
La fête bat son plein au bal masqué organisé par le prince Orlofsky dans sa magnifique villa, mais le prince s’ennuie. Dr. Falke lui promet du divertissement et lui explique comment il a réussi à piéger son ami Eisenstein en invitant Rosalinde et Adèle, toutes deux masquées. Eisenstein, déguisé en «Marquis Renard», noble français, fait son entrée et commence à courtiser les jeunes femmes. Il pense reconnaître sa servante Adèle, mais celle-ci, vêtue d’une robe de sa maîtresse fait montre d’un grand aplomb en se présentant comme une artiste répondant au nom d’Olga. Elle ridiculise Eisenstein devant tout le monde.

Un autre faux-noble fait son entrée : le « chevalier chagrin » n’est autre que Frank qui présenté au « marquis renard » marmonne quelques mots de mauvais français. On annonce alors l’arrivée d’une comtesse Hongroise, qui n’est autre que Rosalinde déguisée. Elle constate avec stupeur que son mari est au nombre des invités. Elle est présentée à son mari qui ne manque pas de tenter de la séduire. Elle parvient à lui dérober sa montre qui lui servira plus tard de preuve. On demande à la comtesse de chanter une « csardas » hongroise. On boit, on danse, on se divertit et… il est six heures du matin. Eisenstein-Renard et Frank-Chagrin doivent partir pour la prison, chacun pour des raisons bien différentes.

Acte III, la prison
À la prison, le gardien Frosch, ivre, tente de survivre au chant incessant d’Alfredo qui enchaîne les grands airs du répertoire. Frank fait son entrée encore enivré de champagne et évoque sa nuit de folie. Orlofsky et Dr. Falke ont suivi le gouverneur de la prison pour terminer la comédie.
C’est au tour d’Adèle et de sa sœur Ida de pénétrer dans la prison. La servante veut trouver un mécène qui saura mettre en valeur ses talents de comédienne. Elle se lance dans un numéro de bravoure pour preuve de son talent. Frank cache les deux jeunes femmes alors qu’on frappe à la porte.
C’est Eisenstein qui vient purger sa peine. Le gouverneur de la prison lui explique qu’il ne peut être le prisonnier puisqu’il l’a arrêté lui-même la veille alors qu’il dînait chez lui en compagnie de sa charmante épouse. Eisenstein est pris d’une jalousie féroce et s’empare de la perruque et de la robe de Me. Miro qui vient tout juste d’arriver. Il entreprend un véritable interrogatoire auprès de Rosalinde venue faire libérer son amant et l’accuse d’adultère. La montre, dévoilée par Rosalinde, fait tomber tous les masques et la fête s’empare de la prison envahie par les convives d’Orlofsky. Champagne !!!

La version écoutée ce jour, enregistrée en 1950-1951 –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– s’inscrit admirablement dans un esprit viennois indispensable à cette oeuvre. Il s’agit, d’un avis assez largement partagé sinon unanime, de la version idéale de l’oeuvre, même si elle ne comporte aucun dialogue.
En revanche, contrairement à une idée très répandue, il ne s’agit pas du premier enregistrement de l’opérette officiel : en 1949, Ferenc Fricsay en avait proposé une version presqu’aussi idéale, avec quelques dialogues et une troupe berlinoise à peine moins idiomatique. Outre ces deux versions déjà citées, deux autres se situent sur des sommets comparables : celle de Karajan en 1955 –dialogues abrégés– et celle de Carlos Kleiberdialogues-.

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Un nouveau dimanche à l’opéra

Alors qu’un semblant de vie sociale reprend peu à peu ses droits –pourvu que ça dure– et après avoir fait le tour des bureaux de vote dès leur ouverture, c’est confortablement installé à l’opéra que je passe la matinée, en fort belle compagnie ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

« Le chevalier à la rose », de Richard Strauss, n’est pas l’opéra du compositeur vers lequel je me dirige le plus spontanément –ce serait plutôt Salomé ou Elektra-, mais je l’apprécie beaucoup également, malgré son argument un peu kitsch et aux rebondissements improbables : une vraie comédie de moeurs très « lubistchiennne » !

« A Vienne, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Alors que la Maréchale se réveille d’une nuit passionnée avec son amant Octavian, son cousin le Baron Ochs vient la déranger pour lui annoncer ses fiançailles avec la jeune Sophie : il faut, selon les traditions, qu’un chevalier aille porter à la fiancée une rose d’argent avant le mariage.
Octavian est choisi pour être le porteur de la rose. Toutefois, lorsqu’il vient présenter cette rose à Sophie, les deux jeunes gens succombent à un coup de foudre immédiat. Désormais, Sophie n’est plus guère pressée d’épouser Ochs, aussi pleutre et grossier que prompt à s’encanailler avec la première femme de chambre venue.
Le piège tendu par Octavian se refermera sur lui, et le Baron Ochs, surpris en galante compagnie, n’aura plus qu’à renoncer à ses noces, et à s’effacer devant l’amour solaire de Sophie et Octavian – cause de quelques larmes chez la Maréchale. »

La version de ce jour –un excellent enregistrement studio de 1954 très bien remastérisé pour le CD-, qui propose le gratin de la troupe des chanteurs de l’opéra de Vienne dans les années 50 –mention spéciale pour l’Octavian de Sena Jurinac, absolument remarquable-, est assez formidable, plus rude et anguleuse et moins portée vers la nostalgie très « fin de règne » que certaines propositions enjolivées, voire enrubannées, que l’on entend souvent dans cet opéra.

J’aime beaucoup cette approche originale !

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Un dimanche à l’opéra

 Mysticisme et décadence : le cinquecento vu d’Allemagne !

C’est un très bel opéra que j’écoute ce matin sur un livret mêlant mystère, sexe et folie dans la Gênes de la fin de la Renaissance italienne, le tout sur une musique post-wagnérienne mâtinée d’un peu de modernité décadente : « Les Stigmatisés », de Franz Schreker. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’oeuvre, créée en 1918 et composée pour partie durant la guerre, connut un assez grand succès pendant quelques années, avant qu’elle ne soit inscrite dans la liste des oeuvres qualifiées par l’Allemagne nationale-socialiste d’Art Dégénéré –trop expressionniste et « immorale » sans doute ?-.

Elle fut « redécouverte » à la fin des années 70, d’abord en Allemagne, avant de retrouver un succès de plus grande ampleur –création française en 2015 seulement, à l’Opéra de Lyon-, grâce, notamment au présent album, de fort belle qualité.

Playlist « Un dimanche sonore à l’opéra »

Petit plaisir coupable ce matin : une écoute à niveau sonore confortable, porte et fenêtres bien évidemment closes, de ce monument de l’histoire enregistrée : « Das Rheingold », prologue la saga de l’Anneau du Nibelung, de Richard Wagner, dans la version de Georg Solti, parue en 1958 chez Decca. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

La sortie de ce coffret fit grand bruit à l’époque : premier « Ring » conçu pour le disque et bénéficiant du savoir-faire des techniciens de Decca et d’un producteur talentueux, cet enregistrement permettait à toute une génération de discophiles de découvrir Wagner dans les meilleures conditions techniques possible. Même selon les standards actuels, la prise de son reste de grande qualité et l’ensemble a plus vieilli artistiquement que techniquement.
Le concept élaboré par le producteur John Culshaw était de faire entrer le spectacle –réduit à ses composantes sonores– dans un salon, en s’appuyant sur les possibilités de la stéréo naissante et autres artifices technologiques, et, de ce point de vue, c’e’st en effet une vraie réussite !

Nonobstant, l’orchestre privilégie l’épique à l’intime, tout cela est bel et bien très sonore –presque trop parfois…– et les chanteurs sont tous excellents et le plus souvent habitués de longue date de leurs rôles. Certes, l’engagement sonore prend régulièrement le pas sur l’engagement dramatique, mais, dans le cadre d’une écoute domestique dans d’excellentes conditions techniques et sans les aléas du « live », cette approche monumentale reste en définitive l’une des approches les mieux venues.

Contre toute attente, la vente de ces coffrets fut l’un des plus grands succès commerciaux de l’édition musicale classique, sous une forme ou une autre –LP, cassettes, CD-. L’offre la plus intéressante se présente dans un sobre coffret -cliquer sur l’imagette de droite- : un magnifique remastering, très supérieur aux précédents, proposé à prix relativement doux. Il est devenu de bon ton, aujourd’hui, de déprécier ce Ring, qui est pourtant l’un des jalons fondamentaux de toute discothèque qui se respecte !

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Un dimanche à l’opéra, encore…

Très belle journée passée à l’opéra, même si l’accès au fauteuil, face à la scène, est compliqué du fait du capharnaüm qui règne ici…

Et très belle interprétation du Parsifal de Wagner, vive mais poétique, dans une très belle restauration sonore, qui rend cette version tout-à-fait plaisante à écouter -les précédentes rééditions de cette version ancienne étaient plus aléatoires en la matière-.
L’extrait ci-dessous devrait vous convaincre de la pertinence de ce travail –la méthodologie est détaillée et accessible en suivant le lien ci-après-, réalisé, qui plus est, par un éditeur français ! Le Ring, chez le même éditeur, a été pareillement embelli et rajeuni : c’est un vrai bonheur !

Clemens Krauss ne dirigea qu’une seule année à Bayreuth –en 1953-, mais eût-il vécu plus longtemps –il est mort en mai 1954, soit avant l’ouverture du festival de 1954– qu’il en serait devenu un vrai pilier, tant les  prestations qu’il y donna sont mythiques : un « Ring » d’anthologie –et, pour moi, le plus beau de tous– et, donc, ce Parsifal, avec presque la même équipe que Knappertsbusch deux années auparavant –autre version souvent citée en référence-, mais dans une optique toute autre : certes, le caractère sacré de l’oeuvre n’y perd rien, mais sans le côté « Grand’Messe solennelle » qu’on peut entendre dans tant de versions étirées jusqu’à  l’extrême l’absurde –.

Rien de tout cela ici, et heureusement à mon avis : nous sommes bien au théâtre, et les chanteurs, tous presque vétérans de leur rôle et dotés d’un vrai sens de la déclamation dans un allemand impeccable, sont portés par cette direction claire et lumineuse, vive -environ 3h45, contre près de 4h45 pour les versions le plus lentes : et pourtant, l’oeuvre n’y perd rien, tant la gestion du temps et de la tension est idéale ici-, remarquablement narrative !

Un beau dimanche à l’opéra, donc !

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Dimanche matin à l’opéra…

Un petit détour dominical –et matinal– vers deux opéras du vingtième siècle, dégottés pour une bouchée de pain –moins cher que deux baguettes– dans des bacs d’invendus fortement bradés : l’opéra « contemporain » doit encore faire en peu peur au tout-venant…

« Les Diables de Loudun » raconte l’histoire des diables de Loudun, incroyable mais vrai !
Pour tout comprendre à cette sombre machination politique organisée par Richelieu sur fond religieux de chasse aux sorcières dans la France profonde du début du XVIIème siècle, vous pouvez vous rendre ici.
L’enregistrement, réalisé en 1970 à la suite des premières représentations –création à Hambourg en 1969, avec un autre chef, moins connu que lui du présent enregistrement-, qui existent également en vidéo et ont été publiées en DVD.
Très bonne analyse de cet opéra à lire ici, et, plus succincte, ici.

Je ne vous présente plus le « Wozzeck » d’Alban Berg, opéra poignant entre tous, et qui est l’un de mes opéras préférés, voire peut-être mon préféré.
Très belle version enregistrée « sous le manteau » en 1970, sous la direction d’un juvénile Carlos Kleiber, qui n’était pas encore la star absolue –et capricieuse– qu’il devint ensuite, mais s’inscrivait déjà dans les traces de son père –qui fut créateur de l’oeuvre en 1925-. Très bien dirigé, très bien chanté – et pourtant, hors Theo Adam, qui interprète Wozzeck, on ne retrouve aucun grand nom du chant lyrique dans cette version-, et tout-à-fait convenablement enregistré : un très beau moment !

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Playlist « Vieilles cuirasses »

Entamée très tôt ce matin, l’écoute d’une très ancienne version du « Crépuscule des dieux » de Wagner –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand, vraisemblablement la plus ancienne version intégrale ?-, enregistrée à Bayreuth pendant la guerre en 1942,  me renvoie vers les mises en scène pleines de cuirasses en fer blanc et autres casques ailés ! Et vers des voix dont l’ampleur de la déclamation semble avoir désormais disparu de nos interprétations plus récentes depuis bien longtemps ! Ça faisait longtemps que je n’avais plus approché cette version, et j’y redécouvre de vrais trésors :
l’orchestre de Bayreuth, à cette date, est mieux en place que dans l’immédiat après-guerre, lors de la réouverture du « Neues Bayreuth »; en revanche, le choeur est assez rustique;
le chef, Karl Elmendorff, est excellent, quoi que bien oublié de nos jours ! Très expressif et connaissant visiblement l’oeuvre sur le bout des doigts –un vrai sens de la narration– il gère très bien la tension tout au long de l’oeuvre. Sa « Marche funèbre » est l’une des meilleures que je connaisse –une « lente déploration », comme le voulait Wagner, et qui retrouve tout son sens enregistrée sous la fosse, cf. l’extrait proposé-;
c’est, à ma connaissance, le seul enregistrement où l’on peut entendre les cors spécialement créés pour cette oeuvre dans l’appel des vassaux, et qui furent détruits à la fin de la guerre; ils émergent complètement de la masse orchestrale coincée sous la fosse de manière totalement adéquate, et la perspective reste impressionnante malgré l’âge de la prise de son !

Quant aux chanteurs, l’impression est globalement favorable -déjà parce que la maîtrise de la langue, la diction et la prosodie sont parfaites, ce qui n’est pas rien dans Wagner…-, malgré quelques pailles ponctuelles :
Martha Fuchs –cf. photo à droiteanti-nazie notoire, on se demande comment elle fut autorisée à se produire en Allemagne durant la guerre-, une excellente Brünhilde d’avant-guerre en Allemagne, est tendre et poétique, mais la grande scène de l’immolation finale la trouve fatiguée et presqu’exsangue, très en difficulté avec ses aigus malgré un investissement indéniable et une réelle volonté de chanter plutôt que de s’époumoner. Néanmoins, une de mes Brünhilde préférées, après Astrid Varnay –mais d’aucuns vous diront que j’ai des goûts bizarres, ou datés, voire contestables !-.
Svet Svanholm est bien meilleur en Siegfried à cette date que dans les productions d’après-guerre assez bien documentées que l’on connaît de lui et il en va de même pour Frederick Dahlberg, globalement excellent dans le rôle du vilain Hagen.

En définitive, un excellent « Crépuscule des Dieux », dont je m’étonne qu’il soit si rarement cité –à ma connaissance au moins– parmi les « versions de référence » ! D’autant qu’eu égard à l’époque, l’enregistrement est étonnamment bon !
Historiquement, en tout cas, il est important pour comprendre l’évolution de l’histoire du chant et de l’interprétation des opéras de Wagner.

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Playlist « Première mondiale » du petit matin

Tomber du lit dès l’aube, cela m’arrive assez régulièrement. Mais tomber du lit dès l’aube pour profiter tranquillement de la découverte d’une version alternative de l’un de mes opéras préférés, c’est beaucoup plus rare ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Les lecteurs réguliers de ce blog connaissent mon affection particulière pour le sublime « Wozzeck » d’Alban Berg, opéra qui suscite chez tout auditeur normalement doué d’émotions une vraie compassion pour le destin tragique de son héros. La pièce de Büchner, dont il est tiré, est par ailleurs remarquablement construite, et Alban Berg avait eu l’habileté de ne quasiment pas y toucher.

Exactement au même moment, le compositeur Manfred GURLITT composait, sur la même livret, et avec la même idée que toucher à la pièce serait une erreur, une « Tragédie musicale en 18 scènes et 1 épilogue ».
La mise en musique s’inscrit dans la même veine postromantique que celle d’Alban Berg, mais selon une construction a priori moins rigoureuse et plus linéaire –on a presque l’impression, parfois, d’entendre une magnifique musique de film-. Georg Büchner, fortement marqué par l’esprit post-révolutionnaire français, avait souhaité donner à sa pièce une forte composante sociale.
Chez Gurlitt, musicien « gauchiste » et accusé par les autorités nazies de « bolchevisme musical », c’est le choeur qui, en début et en fin de ce court opéra –1h15-, apparaît comme le porteur d’une forme de contestation sociale émergente : l’idée est tout-à-fait remarquable et bien menée, même si la fin, par le coup, est peut-être moins poignante et, surtout, moins glaçante, que chez Alban Berg.

Décidément, je devrais tomber du lit bien plus souvent !

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