Un jour, un album – Glière, symphonie n°3 « Ilya Murometz »

C’est dimanche, et, cependant, pas d’opéra, mais une oeuvre portée par une narration aussi épique et imagée que bien des opéras fantastiques ! La Symphonie n°3 en si mineur, Ilya Murometz (opus 42) de Reinhold Glière, est une fresque symphonique de grande ampleur, en quatre mouvements, basée sur la légende de l’un des héros les plus célèbres des contes russes : Ilya Murometz.
Dédiée à Glazounov et créée en 1912, peu ou prou à la même époque que le « Poème de l’extase » de Scriabine ou la deuxième symphonie de Rachmaninov, de grande ampleur également, cette œuvre de plus d’une heure qui convoque un orchestre mahlérien assez gigantesque est imprégnée de thèmes folkloriques et de mélodies slaves qui évoquent des paysages sonores épiques et mystérieux.

Reinhold Glière s’inspire du folklore russe, particulièrement des récits épiques connus sous le nom de «bylines», pour illustrer le parcours héroïque d’Ilya Murometz, chevalier légendaire, sorte de synthèse entre Siegfried et le roi Arthur, qui devient un symbole de la bravoure et de la force dans la culture slave. La musique de Glière dans cette symphonie est descriptive, riche en textures orchestrales et évoque autant la puissance que la magie. La version écoutée ce jour est superbement enregistrée et interprétée sans coupures.
Je vous avais déjà présenté rapidement cette symphonie ici ou , mais les seules versions que je connaissais étaient certes de qualité, mais exécutée avec moulâtes coupures, l’oeuvre étant sérieusement « raccourcie » et adaptée à la durée d’un LP dans ces deux albums –cliquer sur les imagettes de droite pour les voir en plus grand-.
La symphonie, en quatre mouvements, dépeint donc quatre moments de la vie du bogyatir Ilya Murometz.

1. Ilya Murometz et Sviatogor
Le premier mouvement est une introduction majestueuse au personnage d’Ilya Murometz. Au début, Glière dépeint la faiblesse initiale du héros, cloué au lit par la maladie. Les cordes basses et les cuivres sombres créent une atmosphère pesante. Puis, un thème héroïque apparaît, soulignant le miracle qui rend sa force à Ilya. Ce thème devient central, représentant la puissance retrouvée d’Ilya. Glière utilise ici des modulations et des changements de dynamique pour illustrer la progression du héros. La rencontre avec Sviatogor, un autre héros, est marquée par des cuivres éclatants et un crescendo, symbolisant l’échange de force entre les deux.

2. Le Rossignol-Brigand
Dans le deuxième mouvement, Glière crée une atmosphère sombre et mystérieuse. Ce mouvement est dominé par des bois et des cordes dissonantes, simulant l’atmosphère inquiétante de la forêt où rôdent des créatures hostiles. Les rythmes irréguliers et les motifs saccadés peignent la violence et le danger. Ilya doit affronter et déjouer les créatures de la forêt. L’orchestration dense et la tension harmonique traduisent parfaitement cette atmosphère. Glière, un peu à la manière de Wagner, joue avec les timbres de l’orchestre pour évoquer la sauvagerie de la forêt, créant une tension dramatique qui montre la persistance et la bravoure d’Ilya.

3. À la Cour de Vladimir le Grand
Le troisième mouvement est plus festif et évoque un contraste avec les précédents, représentant l’arrivée d’Ilya à la cour du Prince Vladimir. Glière utilise ici des fanfares et des danses folkloriques, et l’orchestration est plus légère, avec des sections de cordes et de bois qui introduisent des mélodies gracieuses et festives. Ce mouvement, où l’on ressent l’influence de Borodine et de Rimsky-Korsakov notamment, illustre aussi l’interaction entre Ilya et les autres personnages de la cour, illustrée par des variations thématiques et des échanges entre les différents instruments de l’orchestre. Ce passage donne un moment de répit, avec des harmonies chaleureuses et des rythmes dansants, avant de plonger dans le mouvement final.

4. La Bataille avec les Tugarins et la Transformation d’Ilya
Le dernier mouvement est l’apogée de la symphonie et la bataille finale entre Ilya Murometz et les forces maléfiques incarnées par les Tugarins. Les percussions et les cuivres sont ici omniprésents pour symboliser la fureur de la bataille, avec des rythmes militaires et des accords puissants. Glière juxtapose des thèmes de bataille avec le thème héroïque d’Ilya pour créer un contraste entre le bien et le mal. La bataille est intense, avec des accélérations et des crescendos. Finalement, Ilya triomphe, mais son triomphe est empreint de mysticisme : la musique s’évanouit progressivement, suggérant la transformation du héros en une figure mythique et éternelle. Glière conclut sur une harmonie suspendue, laissant un sentiment de légende et de mystère.

Au final, la Symphonie Ilya Murometz est une œuvre impressionnante, non seulement par sa durée mais par sa richesse thématique et orchestrale. Elle a été bien reçue à sa création et reste un témoignage de la capacité de la musique à transmettre des récits épiques.

Songs Of A Lost World

Dans la série « Un jour, un album », c’est le tout nouvel album des Cure, fraîchement livré ce matin, qui tourne actuellement en version «Blu-ray audio : Immersive Remix» dans mon lecteur, pour une réécoute après celle de la version « traditionnelle » en CD. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

A la panoplie traditionnelle des mélancolies propres à Robert Smith –la nostalgie du temps qui passe, la solitude…– s’ajoute désormais son regard sur la mort : cet album est façonné par le décès de plusieurs membres de sa famille, dont son grand frère auquel il était très attaché. C’est un disque sombre, dont les nappes de synthé rappellent «Disintegration» tandis que la batterie martiale et les guitares torturées ne sont pas sans évoquer «Pornography».
De très loin le meilleur album de ce siècle pour the Cure, et, plus largement, un superbe album ***** !

Un jour, un album – Mahler apaisé • Symphonies, David Zinman

J’ai découvert Gustav Mahler assez jeune, encore adolescent, et, très vite, j’ai été passionné par les symphonies de ce compositeur, entamant mes découvertes par la première puis la quatrième symphonies –les plus faciles d’accès à mon avis– et élargissant ensuite progressivement mes explorations jusqu’à les connaître et les apprécier toutes, sauf la huitième dite « Symphonie des Mille », que j’ai toujours détestée cordialement et que je ne comprends pas –je la trouve grandiloquente, clinquante et, pour tout dire, inintéressante-. Sa première symphonie était d’ailleurs l’un de mes dix premiers CD, tous genres confondus.
Ainsi, vers 16 ou 17 ans, après avoir lavé beaucoup de voitures et tondu de nombreux hectares de pelouse dans tour le voisinage, je parvenais à m’acheter l’un des tout premiers coffrets en 33 tours : ce copieux volume bleu de 14 LP –cliquer sur l’imagette pour la voir en plus grand– dont je vous ai déjà parlé il y a quelques temps, lors de sa dernière très belle remastérisation en CD et Blu-Ray audio, et elle passèrent très souvent –et à très haut volume sonoresur ma platine à l’époque, au grand désespoir de mon père, qui a toujours considéré Mahler comme un névrosé au plus parfait mauvais goût.
Mahler est un compositeur dont les symphonies supportent assez bien de nombreuses options d’interprétation très divergentes : personnellement, outre la versions sus-citée de Kubelik, j’apprécie beaucoup l’option parfois déjantée, torturée et intellectualisante de Sinopoli –mais je dois être assez seul à porter cette appréciation, cette intégrale étant généralement assez controversée : parfois, j’ai des goûts bizarres ! -. Puis, dans une moindre mesure, et toujours en termes d’intégrale, j’apprécie aussi les dernières versions assez décantées d’Abbado/Berlin & Lucerne –un chef qui me laisse généralement assez indifférent-, ainsi que celles de Bernard Haitink à Amsterdam ou même de Bernstein dans sa première intégrale new-yorkaise très bien rééditée chez Sony.

Curieusement, et progressivement, je me suis détaché de ces symphonies depuis plusieurs années, et ne les écoute plus aussi régulièrement qu’auparavant, un peu lassé par ces « grosses machines » parfois bruyantes et monumentales. Je lui préfère désormais nettement Sibelius, qui le rencontra en 1907 : les deux musiciens avaient une conception totalement opposée de ce que doit être une symphonie :
« La symphonie doit être grande comme le monde entier, elle doit tout embrasser. » – Mahler ;
« Une symphonie se par caractérise le dépouillement, l’ascèse, l’expression rigoureuse de l’essentiel, l’art du non-dit et de l’aphorisme.. » – Sibelius.

Cependant, j’y suis revenu durant ce week-end grâce à une excellente version trouvée à prix fracassé chez un soldeur d’Outre-Rhin : cette intégrale de 15 SACD, lisibles également sur une lecteur CD, à la belle ligne éditoriale –illustrations attractives de chaque pochette cartonnée, copieux et intéressant livret en Anglais seulement, DVD en supplément…– est superbe .
L’orchestre de Zürich est d’une grande beauté, les interprétations de son chef américain, David Zinman, qui en fut titulaire durant 20 ans, sont claires et lumineuses, tirant pleinement partie de la beauté des pupitres, les choeurs et chanteurs solistes sont tout-à-fait adéquats et l’ensemble procure une vision plutôt apaisée de ces symphonies, là où d’autres interprétations privilégient les cataclysmes violents. Les prises de son –couche CD– sont très bonnes sans être exceptionnelles, je n’ai pas pu vérifier encore la couche SACD.

Une excellente surprise !

Un jour – Un album. Al Stewart•The Year Of The Cat

Dernièrement, en cherchant un nouveau morceau à travailler à la basse, je me suis tourné vers la très jolie chanson d’Al Stewart : « The Year Of The Cat », parue en single en 1976 et en LP sur l’album du même nom –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, et composée l’année précédente, année du chat dans l’horoscope chinois ! Cette boucle est bouclée…

En cherchant le CD, que je n’avais plus écouté depuis des lustres, je me suis rendu compte que je l’avais perdu – prêté non rendu – mal rangé, bref que je ne le trouvais plus et j’ai donc opté pour son rachat en LP –réédition Parlophone, 180g-. Une fois posé sur la platine, j’ai redécouvert un disque qui était à peu près totalement sorti de ma mémoire –sauf la chanson-titre– depuis bien longtemps et que l’on peut qualifier de « folk-rock » à peu près parfait : très jolies compositions sans aucune faiblesse, paroles intéressantes, très bonnes interprétations par le gratin des musiciens de studio de l’époque et production hyper-soignée d’Alan Parsons.
Il s’agit du septième album d’Al Stewart, chanteur et auteur-compositeur né en 1945. Les cinq premiers ont connu un succès d’estime à défaut d’une grande carrière commerciale mais comportaient déjà les germes du succès à venir : paroles intéressantes sur des thématiques historiques portées par de jolies mélodies. Le sixième album, « Modern Times » est le premier d’Al Stewart à être produit par Alan Parsons –et à connaître un succès plus marqué-.

The Year Of The Cat connut un succès aussi phénoménal qu’éphémère -il fut d’ailleurs l’un des premiers albums réédité en CD par RCA dès la naissance de ce support- et seule la chanson-titre est réellement passée à la postérité, grâce notamment à une très agréable ligne mélodique au piano et à une succession d’interventions solistes : violoncelle, guitare acoustique, guitare électrique, saxophone –et une ligne da basse efficace, puisque c’est ce qui m’a ramené cette chanson...-. Bien que longue, la chanson connut très régulièrement l’honneur des radios du monde entier à la fin des 70’s. Mais, au-delà, c’est tout l’album qui mérite un très large coup d’oreille !
Les albums suivants ne retrouveront jamais le même succès et Al Stewart mène une carrière relativement discrète désormais.

Un jour – Un album. Paul Hindemith

J’ai trouvé dernièrement dans un bac à soldes allemand, pour la modique somme de 4,99€ –qui a dit que tout augmentait ?-, ce magnifique coffret de 3 CD de Paul Hindemith par lui-même, réunissant l’ensemble des oeuvres orchestrales qu’il enregistra pour le label Deutsche Grammophon entre 1954 et 1956. Comme il s’agit de l’un de mes compositeurs préférés du vingtième siècle, j’ai évidemment sauté sur l’occasion, d’autant que ces disques ne sont plus au catalogue du label depuis quelques temps déjà et qu’ils sont difficilement trouvables en Face désormais. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Paul Hindemith était soucieux d’enregister lui-même ses oeuvres parce qu’il trouvait que les enregistrements réalisés auparavant par d’autres chefs éminents mais éminemment subjectifs selon lui « violaient » ses compositions : il voulut donc, de son propre aveu, simplement « métamorphoser en son ce qui était écrit dans la partition » ; selon lui, un interprète « avait pour unique tâche de présenter une oeuvre sans rien y mêler de personnel qui puisse en déranger le déroulement ».

 

Deutsche Grammophon lui proposa un contrat pendant l’été 1953, mettant à sa disposition l’orchestre philharmonique de Berlin. Le calendrier initial dut cependant être profondément modifié suite au décès de Furtwängler et à la prise de fonction de Karajan, qui emmena l’orchestre en tournée aux Etats-Unis en 1955 après une longue préparation.
Malgré ces péripéties, les disques enregistrés dans de remarquables conditions techniques eu égard à l’époque constituent de remarquables documents et des versions passionnantes –et dépassionnées– des oeuvres du compositeur, sans aucun pathos, fondées sur des cordes agiles et minces, des cuivres légers et tranchants et des bois lumineux.

En versions alternatives et complémentaires, les trois albums ci-dessous –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– constituent d’autres précieuses références.

Un jour – Un album. Gravé dans le marbre…

Profitant de levers avant même que l’aube pointe, en ces jours de chaleur caniculaire, je réécoute, depuis trois jours, l’ensemble de ce monument gravé dans le marbre en profitant de cette quiétude matinale. Ces disques font partie de mes disques de chevet, ceux dont je ne me séparerais pour rien au monde, même si le projet de constituer l’intégrale des sonates pour piano n’aboutit finalement pas : Emil Gilels avait pris son temps pour bâtir patiemment ce monument, il fut malheureusement surpris par la mort avant de l’achever –la légende dit : d’une erreur médicale due à l’incompétence des médecins soviétiques, au cours d’un banal contrôle de routine…-.

Avec l’apparition du CD, au début des années 80, j’ai patiemment constitué cette collection, en achetant un par un chacun des disques qui la constituent au moment de sa sortie, le regroupement en coffret –dans un son amélioré grâce à une belle remastérisation– étant venu bien plus tard. Chaque disque fut choyé comme une pépite, et certaines pochettes sont visuellement très belles. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Réécouter ces oeuvres connues entre toutes avec un peu d’attention et de concentration permet d’apprécier encore plus ces versions : tout y est absolument maîtrisé et si certains ont pu entendre dans cette démonstration distanciée de la froideur, ce serait alors la froideur du marbre le plus pur !
Une écoute attentive permet de saisir le propos d’une logique implacable du pianiste, une gestion époustouflante des contrastes des dynamiques et du « bouillonnement rythmique » propre aux sonates de Beethoven –les mouvements finaux sont généralement impressionnants à cet égard : sonates n°21 Waldstein ou n°23 Appassionata par exemple-, une sonorité belle et pleine, une structure parfaitement mise en évidence –la rigueur, la hauteur de vue et la maîtrise intellectuelle du pianiste profitent aux plus « petites » sonates qui deviennent l’égale des plus grandes et ne se sont jamais négligées : c’est sans doute tout l’intérêt de ce projet au long cours, qui s’étala sur plus de quinze ans-. Dans les mouvements lents, le pianiste ouvre des horizons nouveaux, inconnus chez d’autres pianistes –sonate n°29 Hammerklavier, sonate n°30 d’un lyrisme exacerbé…– et les fugues des dernières sonates sont d’une lisibilité parfaite.

J’ai eu la chance et le privilège d’entendre Emil Gilels en concert à deux occasions : c’était un petit bonhomme un peu renfrogné –comme Beethoven…– qui se précipitait sur la scène vers son piano et commençait ses récitals presque sans crier gare et avec une vitalité extraordinaire. Doté d’une technique exceptionnelle, il remplissait facilement une salle d’un sonorité puissante et ne détimbrant jamais, sans effort apparent, quand d’autres auraient été debout pour marteler le clavier tout en en tirant moins de volume sonore –le contraste avec Murray Perahia, entendu en concert quelques semaines plus tard dans ll’Appassionata de Beethoven, fut cruel pour le second…– !

Un monument d’une beauté et d’une évidence confondantes !

Swinging London dans le brouillard…

Between the Buttons reste le grand mal-aimé, et sans doute le plus injustement méconnu de la discographie des Rolling Stones. Sorti au tout début de l’année 1967, il consacre l’affranchissement définitif du groupe avec la musique noire des années 50 et du début des années 60 et leur remarquable capacité à se saisir de l’air du temps pour en tirer comme une forme de quintessence. A ce titre, Between the Buttons transcende à la fois la pop naïve des Beatles, la satyre sociale des Kinks, la violence brute des Yardbirds ou des Who et vient parfois se confronter à la poésie un brin loufoque de Bob Dylan. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

SWINGING LONDON
En janvier 1967, Londres est devenu la capitale incontestée de la mode et de la culture pop. Antonioni vient d’y tourner « Blow up« , futur vainqueur du festival de Cannes, où il expose une ville sans cesse en mouvement, qui grouille d’une vie culturelle intense, rebelle sans être contestataire, et où la jeunesse semble avoir trouvé des modes d’expression nouveaux, loin des canons anciens. Mais ce qui est vrai à Londres, à cette époque, ne l’est ni dans la France de de Gaulle, terriblement conformiste, ni dans une Allemagne en pleine reconstruction, ni aux Etats-Unis où la contre-culture underground commence tout juste à émerger en ce début d’année. Cette période riche, si particulière et si flamboyante en un sens sera pourtant très rapidement oubliée, au profit de l’émergence du Flower Power quelques mois plus tard. Elle sera cependant revivifiée par le mouvement Punk, dix ans plus tard, la contestation en plus !

UN –GRAND– DISQUE À PART
Between the Buttons est le dernier album des Rolling Stones paru en deux versions différentes –l’une pour l’Europe, l’autre pour les Etats- Unis-. Si la version américaine fut pendant longtemps la plus aisée à trouver, son pendant européen est largement préférable, et on poussa la compléter complété par les singles «Let’s Spend The Night Together» –aussitôt interdit en radio-, et « Ruby Tuesday », avec violoncelle et flûte à bec, quasi-contemporains et participant de la même veine esthétique.

PAS DE BLUES, MAIS DE LA MYSOGINIE À REVENDRE…
Album de transition entre leur attachement au blues du début et la période dorée 1968-1972, Between the Buttons est incontestablement, musicalement parlant, le moins bluesy de leurs albums chez Decca. Thématiquement, cependant, on y retrouve tous les ingrédients qui ont fait la légende du groupe depuis ses débuts : le sexe et la drogue –« Connection » est très explicite à ce sujet-, une misogynie rampante, une gouaille exacerbée, ce côté sale gosse qui attire les adolescents et révulse copieusement leurs parents, dans un instrumentarium rénové et enrichi –vibraphone, clavecin, bandonéon, trombone, cornet à piston…-. De nombreux titres ont été conçus au piano (tonalité de do majeur), la guitare de Brian Jones est peu présente, mais les riffs de Keith Richards deviennent plus amples, même s’il n’a pas encore découvert les accords en open-tuning.

Pour autant, les thèmes propres aux Rolling Stones continuent à y être abordés selon la marque de fabrique qui les singularise dans leur rapport à la gente féminine : « Yesterday’s Papers » –première chanson composée par un Stone tout seul, en l’occurrence Mick Jagger– vient enrichir la vision consumériste des femmes déclinée par le groupe depuis ses origines; « Miss Amanda Jones » dépeint la liaison courte et sulfureuse entre Brian Jones et Amanda Lear; « All Sold Out » présente une lettre de rupture teintée d’amertume; surtout, « Back Street Girl », d’une grande cruauté malgré la douceur tendrement nostalgique de sa musique, témoigne de la place dévolue aux femmes par ses membres : des relations d’arrière-cour.

L’illustration de la pochette de l’album a été réalisée durant ce qui constitue sans aucun doute leur plus belle séance de photographies, par le photographe Gered MANKOWITZ dans le parc de Primrose Hill, fin 1966. Teints blafards du petit matin, dans la brume hivernale d’une Londres encore endormie et au sortir d’une nuit de débauche. Le photographe aime à rappeler qu’à cette époque, les Rolling Stones ne dormaient jamais, ce qui conduisait à des séances chaotiques, et que les musiciens pouvaient se montrer volontiers rétifs, voire agressifs. Remercié à la fin de l’année par les Rolling Stones, MANKOWITZ ne travailla plus qu’une fois avec eux, en 1982, quand Mick Jagger le limogea en ces termes peu amènes : «Dégage, tu nous rappelles de mauvais souvenirs !».

Provisoirement retirés de la scène après des années de concert harassants, Between the Buttons vient ainsi symboliser la fin d’une ère, celle de l’adolescence : une adolescence chaotique et houleuse, très loin de l’image idyllique proposée par les Beach Boys dans « Pet Sounds », paru une petite année auparavant. Il confirme également l’entrée des Rolling Stones dans une nouvelle voie, plus personnelle.
Contrairement aux idées reçues, Between The Buttons fut très bien reçu à sa sortie –n°3 UK durant 22 semaines et et n°2 US durant 9 semaines– et donna lieu à de fortes ventes. La suite de l’année s’avéra des plus problématiques : procès et prison pour Mick Jagger, Keith Richards et Brian Jones. Ce dernier, d’ailleurs, n’y résistera pas, et cet album constitue en quelques sortes son chant du cygne.

Playlist réduite…

La playlist de ce jour est consacré à un unique album, pour cause de voyage imminent à la déchèterie et séjour un peu prolongé en cuisine, fête des amoureux oblige ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

J’ai découvert très tard « The Seeds Of Love » du duo Tears For Fears, même si, comme à peu près tout le monde, l’énorme hit que fut le « beatle-esque » titre éponyme m’était évidemment connu depuis sa sortie –à la fin de mon service militaire !– : le début est presqu’entièrement fondé sur « I Am The Walrus » des Beatles, puis la chanson, très bien construite et au refrain entêtant, évolue ensuite vers d’autres contrées. Il me souvient qu’à la fin des années 80, ce titre fut très largement diffusé en radio, malgré sa relative longueur.
C’est en fait tout l’album, très ambitieux –sa production, sur quatre ans, pour une sortie en 1989, fut extraordinairement coûteuse– qui est tout-à-fait excellent, même si, a priori, assez éloigné de mes standards habituels. Certains critique musicaux l’ont même qualifié de « Sgt. Pepper’s… » des années 80 : comme je n’apprécie pas excessivement cet album des Beatles, cette qualification aurait même pu le disqualifier d’office à mes oreilles, mais cette appréciation dit quelque chose de l’importance de ce disque !
En fait, outre cette production très léchée, « The Seeds Of Love » regorge de belles compositions, relativement élaborées et variées, flirtant parfois avec un jazz-rock d’accès facile dans ses introductions, et, surtout, profite de la présence de quelques-uns des meilleurs musiciens de studio de l’époque -Pino Palladino à la basse, Manu Katché ou Simon Philipps à la batterie, les choristes…-.

Mon petit bonheur du jour !

Playlist paisible et raffinée

Parmi la conséquente pile de CD en attente d’écoute, et qui ne diminue guère, bien au contraire, faute de beaucoup de temps à y consacrer en ce moment, j’ai retenu, de fort bonne heure ce matin, « Tusk », des Fleetwood Mac –période américaine-, dans une version « Deluxe » proposant, en trois disques, l’album original complété de chutes de studio et de versions alternatives –c’est toujours intéressant de suivre le processus créatif d’une oeuvre-.

L’album, paru en 1979, est vraiment très bon, très dense malgré ses 20 chansons et ses 72 minutes, et très différent de leur opus majeur, commercialement parlant, à savoir l’excellent « Rumours », dont le groupe voulait se démarquer en proposant quelque chose de radicalement différent. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Ici, et malgré les tensions très importantes qui régnaient au sein du groupe à l’époque, on trouve beaucoup plus d’intimité, des compositions relativement apaisées et somme toute assez raffinées, sur un très bon groove assuré par la section rythmique qui a donné son nom au groupe –Mike Fleetwood, batteur, et John MacVie, bassiste-. Un soft-rock pourtant vigoureux, pourrait-on dire, proposant peu de hit, hormis la très jolie « Sara », à la ligne de basse simple et redoutable…

Un jour – Un album

Celui-ci, ça faisait au moins une trentaine d’années que je n’y étais pas retourné, et il m’était complètement sorti de l’oreille ! A tort : en fait, c’est un excellent album ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Généralement, je n’aime pas les « Power Groups » constitués de virtuoses bavards, où chacun prend la parole, souvent de manière un peu verbeuse, à tour de rôle.
Au sein de Rainbow, tous les musiciens du groupe sont de fameux virtuoses –le caractériel Richie Blackmore à la guitare, dont j’ai toujours aimé l’urgence et les lignes mélodiques très fouillées; Cozy Powwell derrière les fûts…-, et le chanteur s’avère réellement excellent –voix ample et puissante-. Mais, surtout,  tout avance bien et vite –l’album est aussi court qu’un LP des Ramones, même s’il compte deux fois moins de chansons-, sans d’inutiles fioritures, et les compositions sont diablement efficaces.

Vraiment, une très chouette redécouverte, que vous pouvez écouter ici.

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