Playlist « Bruckner, retour aux sources »

La playlist de ce jour, annoncée hier parce que j’ai parfois de la suite dans les idées, est marquée par de vieilles retrouvailles avec trois symphonies-4, 7 & 9– de Bruckner par l’orchestre radio-symphonique de Cologne, dirigé par Günter Wand. Vieilles retrouvailles car il s’agit de l’un des tout dernierspeut-être même le dernier– coffrets de disques vinyles que j’avais acheté chez mon disquaire allemand –12 LP et un très bon livret en Allemand-, au début des années 80, alors que j’entamais à peine ma vie professionnelle et que je n’aurais pas pu m’offrir un tel coffret –qui n’existait pas à cette date– en CD. Par la suite, j’ai effectivement racheté cette intégrale en CD à prix fracassé dans la réédition superbement remastérisée de RCA –9 CD et aucun livret…-. C’est avec lui que, petit à petit, j’ai « appris mon Bruckner », compositeur qui n’avait pas l’heur de plaire à mon père, qui fut mon premier initiateur à la musique classique, et qui le trouvait trop bigot –il a dédié sa neuvième symphonie « Au Bon Dieu »…-et ennuyeux pour être fréquentable…

Certes, les symphonies de Bruckner sont généralement plus longues que celles de ses contemporains, mais elles sont solidement structurées selon un schéma qui reste généralement très classique et s’avèrent d’une belle audace harmonique et contrapuntique. Bruckner étant un organiste très réputé, leur orchestration assez monolithique est fondée –un peu trop systématiquement parfois- sur des chocs entre les pupitres : les vents contre les cuivres contre les cordes…, mais les beaux thèmes et les belles mélodies sont très nombreux dans ses symphonies. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Symphonie n°4″Romantique » – 1978 ****
• Symphonie n°7 – 1980 ****
• Symphonie n°9 – 1979 *****
Orchestre radio-symphonique de Cologne, Günter Wand

L’intégrale de Günter Wand a été enregistrée entre 1977 et 1982 et fut assez largement saluée par la majorité des critiques, en France, lors de sa parution en disques séparés. Ce coffret est, dans l’ensemble, de très bon niveau et très bien enregistré, il s’agit, aujourd’hui encore, d’une très bonne voie d’entrée pour découvrir ce corpus symphonique, d’autant qu’il reste disponible à petit prix. Cet excellent chef, à la très longue carrière, était alors presqu’oublié dans notre pays, alors qu’il avait enregistré de nombreux disques pour le « Club Français du Disque » dans les années 50 avec l’orchestre du Gürzenich de Cologne –des disques très convenables avec un orchestre très honnête, sporadiquement réédités plus tard dans des séries économiques chez Musidisc, et qui furent redécouverts lors de leur réédition en CD chez Testament à un tarif prohibitif et salués comme de remarquables réussites qu’ils n’ont jamais été en réalité, au moins à mes oreilles… La nostalgie a parfois large dos !-.

Quoi qu’il en soit, cette intégrale a largement contribué à relancer sa carrière, puisqu’elle lui a ensuite permis d’enregistrer plusieurs disques du « grand répertoire » en peu de temps chez RCA, avec les orchestres de Cologne et de Hambourg notamment,  et il y a gagné une réputation de « spécialiste de Bruckner », enregistrant certaines symphonies jusqu’à 5 fois en une vingtaine d’années !

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Playlist « L’autre K : austère et sévère ».

Karajan, Kleiber –père et fils, Krauss… mais aussi Otto Klemperer, ce géant –physiquement– austère, qui est la star de cette playlist contrastée et propre aux controverses : il s’agit d’un chef dont les enregistrements, en France, font parler les mélomanes depuis leur parution, que ce soit pour les vilipender ou pour les glorifier !
Né en 1885, Otto Klemperer, élève de Gustav Mahler, entama sa carrière en tant que chef d’opéra –Hambourg, Strasbourg puis le Kroll Opera de Berlin– sous le signe de la « Neue Sachlchgkeit » –Nouvelle Objectivité, courant artistique éphémère né après la première guerre mondiale– et contribua à la découverte des opéras de Stravinsky, Hndemith ou encore Krenek. Très tôt parti en exil à l’arrivée au pouvoir des nazis, il débarqua à Los Angeles pour prendre les rênes de l’orchestre de la ville –un orchestre alors de second rang, aux finances aléatoires-.
Atteint d’une tumeur au cerveau en 1939, l’opération qu’il subit le laisse à demi-paralysé du côté droit et détériore sévèrement un tempérament qui n’était déjà pas très facile : bougon, autoritaire et quelque peu caractériel –on dirait aujourd’hui « bi-polaire »-.. Après la guerre et une longue convalescence, il rentra en Europe, où commença sa « seconde carrière », souvent décrit comme son « été indien » : après un bref passage par l’opéra de Budapest, Otto Klemperer s’installa à Londres où Walter Legge, le célèbre producteur, envisageait qu’il prenne la succession de Karajan à la tête du Philharmonia, très largement considéré comme la « Rolls Royce des orchestres britanniques » de l’époque et l’un des tout meilleurs d’Europe.

Ainsi, à partir de 1954 et jusqu’à sa mort en 1973, il enregistra avec cet orchestre une très grande partie du « grand » répertoire classique pour le label EMI. : Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Brahms, Bruckner, Mahler… En Angleterre, il était réputé pour être « l’interprète le plus autorisé du répertoire central austro-allemand depuis le décès de Toscanini et de Furtwängler ». Ailleurs, ses enregistrements furent d’abord plus controversés, du fait, notamment, de tempi de plus en plus ralentis au fur et à mesure de son avancée en âge, mais ils sont actuellement considérés comme des piliers du catalogue depuis au moins une trentaine d’années, au gré de rééditions très bien remastérisées.
La playlist de ce jour comporte trois enregistrements issus de cet été indien. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Wolfgang Amadeus Mozart – Symphonie n°40, KV 550
Philharmonia Orchestra, Otto Klemperer – 1962 ****

Otto Klemperer enregistra un assez large corpus d’oeuvres symphoniques de Mozart, ainsi que certains de ses opéras –sa « Flûte enchantée », notamment, sans dialogues, reste dans la mémoire de nombreux discophiles pour sa vision hiératique mais, à mon avis, complètement étrangère à l’esprit du Singspiel-. Très éloigné du style « galant » que l’on prête souvent au compositeur, le Mozart de Klemperer est totalement atypique, puissamment architecturé, chaque pupitre étant soigneusement détouré. Les tempi sont lents sans être lentissimes et sans lourdeur, l’ensemble peut sembler sévère, mais, dans une approche « traditionnelle » –cad. non HIP-, c’est ainsi que j’apprécie Mozart –beaucoup plus, par exemple, que l’intégrale enregistrée à Berlin par Herr Professor Doktor Karl(i) « sac de patates » Böhm, longtemps regardée comme « référence » et qui a plus mal vieilli, en définitive-.

• Ludwig van Beethoven – Symphonie n°3 « Eroica », op.55
Philharmonia Orchestra, Otto Klemperer – 1959 *****

Issue d’une intégrale des symphonies de Beethoven, enregistrée au tournant des années 60 et qui fut longtemps considérée –et le reste encore chez certains critiques musicaux– comme l’une des deux ou trois références de ce corpus, la troisième symphonie s’avère très réussie et c’est, à mes oreilles, la meilleure pièce au sein d’une intégrale qui est, pour moi, assez largement sujette à controverse, du fait de tempi extrêmement lents qui font perdre beaucoup de vitalité à cette musique, dont c’est pourtant une composante essentielle –la cinquième ou la septième, par exemple, sont non seulement hyper-lente, mais certains équilibres orchestraux s’avèrent parfois bizarres, cf. vidéo-. Dennis Brain, le fabuleux corniste du Philharmonia Orchestra, révéla dans une interview qu’à partir des années 60, « Klemperer was no more a rythm guy ».

• Anton Bruckner – Symphonie n°4 « Romantique », WAB 104
Philharmonia Orchestra, Otto Klemperer – 1963 ***

Dès le tout début de sa carrière de chef d’orchestre dans les années 20, Otto Klemperer dirigea des symphonies de Bruckner, mais Walter Legge ne considérait pas, en revanche, l’enregistrement des symphonies du compositeur comme une priorité, sauf la huitième symphonie, qui était déjà « chasse gardée » de Karajan pour EMI. Cette quatrième symphonie est interprétée dans sa version dite « 2B, édition Nowak » –Bruckner révisa cette symphonie plus que toute autre, ses nombreuses retouches sont recensées ici-. Contrairement à sa réputation de « chef lent », c’est loin d’être le cas dans cette symphonie. Klemperer en exalte la structure, mais , pour cette édition de la symphonie, je préfère la version beaucoup plus narrative et dynamique de William Steinberg, enregistrée à Pittsburgh pour Capitol en 1956.

 

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Playlist « Anthologie Sibelius – Barbirolli : part one »

La playlist de ce jour, étalée sur deux mois en deux jours (!!!), est consacrée, comme son nom l’indique, à une anthologie d’oeuvres symphoniques de Jean Sibelius par le Hallé Orchestra de Manchester, sous la direction de Sir John Barbirolli. Les enregistrements se sont déroulés en plusieurs sessions étalées sur cinq ans, entre 1966 et 1970. A cette époque, Sibelius jouissait d’une assez piètre réputation en France, mais était déjà très apprécié dans les pays anglo-saxons, et Decca avait déjà enregistré deux intégrales –Collins et Maazel-, tandis qu’aux États-Unis, CBS avait publié l’intégrale de Bernstein et qu’Ormandy avait enregistré une assez large anthologie chez RCA. En Allemagne, de même, Karajan contribuait énormément à la réputation du compositeur. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Jean Sibelius – Finlandia ; Karelia suite ; Valse triste ;
Hallé Orchestra, Sir John Barbirolli – 1966 ****

• Jean Sibelius – Symphonie n°1 ; Pelletas et Mélisande, extraits
Hallé Orchestra, Sir John Barbirolli – 1966/1969 **/****

• Jean Sibelius – Symphonie n°2 ; Lemminkaïnen suite
Hallé Orchestra, Sir John Barbirolli – 1966 ****

Sir John Barbirolli1899 – 1970– commença très tôt à diriger les oeuvres de Sibelius et contribua à le populariser aux États-Unis, où il succéda à Toscanini à la tête de l’orchestre philharmonique de New-York pour des émoluments presque 10 fois moindres ! Cette expérience américaine ne fut pas vraiment fructueuse, et Barbirolli retourna en 1943 en Angleterre, où il redonna vie au Hallé Orchestra de Manchester, qu’il connaissait bien pour l’avoir déjà dirigé bien avant la guerre. C’est avec cet orchestre qu’il enregistra son anthologie Sibelius, qui connut un énorme succès en Angleterre, où elle continue à jouir d’une réputation exceptionnelle, réputation qui a même franchi la Manche désormais.
Et, pourtant, ce qu’on entend est, à mes oreilles, loin d’être toujours exceptionnel !!! La première symphonie est même assez ratée, engluée dans des tempi lents, se révèle plutôt amorphe, sans énergie, et, de surcroît, l’orchestre n’est pas très beau et manque cruellement de précision et de cohésion : on a fait beaucoup mieux dans cette oeuvre, avant lui et après lui ! La deuxième symphonie est nettement plus réussie, sans toutefois atteindre, à mes oreilles au moins, les plus hauts sommets, du fait d’un orchestre qui ne peut se comparer aux meilleurs. D’une manière générale, on sent le chef amoureux de cette musique mais assez enclin en réalité à laisser son orchestre jouer un peu en roue libre : comme Sibelius, Barbirolli était un adepte de la dive bouteille…
En revanche, les petites pièces symphoniques sont très réussies, et l’on y ressent toute l’affection que le chef porte à ces oeuvres et au compositeur.

Un premier bilant mitigé, donc, et pas toujours à la hauteur de la réputation des ces disques !

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Playlist « On refait l’histoire : part two »

Suite de la playlist de la veille, sans guère de commentaires superfétatoires, si ce n’est pour préciser que l’orchestre symphonique de la RAI de Turin n’est pas vraiment du niveau des autres orchestres que l’on entend par ailleurs ! Par ailleurs, l’enregistrement de la symphonie « Pathétique » de Tchaïkovsky constitue le tout premier enregistrement du chef autrichien avec l’orchestre philharmonique de Berlin, ainsi que son tout premier enregistrement d’une symphonie, mais aussi et surtout un affront pour Wilhelm Furtwängler, titulaire de l’orchestre à l’époque, qui avait enregistré la même oeuvre quelques mois plus tôt pour un éditeur concurrent.
La version de Karajan constitue une très belle synthèse entre le style Furtwängler –l’appui sur les cordes graves, le legato– et le style Toscanini –l’acuité rythmique, la précision, la furia du scherzo– : c’est pourquoi certains ont parfois pu parler de « Toscwängler » pour décrire son style de direction à l’époque.-Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Mozart – Symphonies n°35, 40 et 41 – Orchestre symphonique de la RAI de Turin – 1942
• Tchaïkovsky – Symphonie n°6 « Pathétique » – Orchestre philharmonique de Berlin – 1939
• Smetana – Vltava (La Modau) – Orchestre philharmonique de Berlin – 19341
• Mozart – La flûte enchantée – Staatskapelle Berlin – 1938
• Rossini – Ouverture « Semiramide » – Orchestre symphonique de la RAI de Turin – 1942
• Weber – Ouverture « Der Freischutz » – Concertgebouw Amsterdam – 1943
• Cherubini – Ouverture « Anacreon » – Staatskapelle Berlin – 1939
• J. Strauss – Ouverture « Der Zigeunerbaron » – Orchestre philharmonique de Berlin – 1942
• Verdi – La Traviata, préludes actes 1&3 – Orchestre symphonique de la RAI de Turin – 1942
• Verdi – Prélude « La forza del destino » – Staatskapelle Berlin – 1939

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Des goûts et des couleurs, 7

Felix Mendelssohn-Bartholdy – Le songe d’une nuit d’été

L’ouverture du « Songe d’une nuit d’été », de Felix Mendelssohn-Bartholdy est, à mes oreilles, la plus belle preuve de l’existence qu’on peut être adolescent et génial : la qualité de cette page musicale dépasse de très loin la qualité de n’importe quelle oeuvre précoce du « divin Mozart » ou de tout autre compositeur. Mendelssohn a tout saisi de la pièce de Shakespeare et en restitue, en une petite dizaine de minutes, toute la magie et la féérie. C’est une petite merveille de verve, de finesse et  d’orchestration !

Il composa le reste de sa musique de scène, dont la célèbre « Marche nuptiale », quinze ans plus tard, à la demande du roi de Prusse, et n’atteignit plus tout-à-fait le même niveau, même si l’ensemble est très réussi, mais l’ouverture, ah, l’ouverture !
La discographie de l’oeuvre est relativement abondante, proposant des versions plus ou moins complètes de la partition. Etonnamment, ma version préférée est celle du chef japonais Seiji Ozawa, très peu présent dans ma discothèque. Il est suivi de près par un autre chef que je n’apprécie généralement pas outre mesure, Claudio Abbado pour son tout dernier concert berlinois, peu avant son décès, et par une autre version entrée dans la légende, celle de Peter Maag.
Toutes les autres versions présentent de belles qualités et des mérites divers, mais je n’aime ni celle de Savall, qui manque de vie à mes oreilles, ni celle de Levine, sonore et brutale plus que féérique. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.


Sont présents dans ma discothèque, par ordre chronologique :

Fricsay, RIAS Berlin, 1951 • Maag, OS Londres, 1957 • Szell, Concertgebouw Amsterdam, 1959
• Klemperer, Philharmonia Orchestra, 1960 • Kubelik, OSR Bavière, 1964
• Ozawa, OS Boston, 1994 • Abbado, OP Berlin, 2013
• Levine, OS Chicago, 2015 • Gardiner, OS Londres, 2016 • Savall, Le Concert des Nations, 2024

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Playlist « Baignade estivale nocturne »

… Mes nuits sans dormir, histoire sans fin…  « Voir le jour se lever est plus utile que d’entendre la Symphonie Pastorale » avait écrit Claude Debussy, dans un jugement lapidaire à propos de la sixième symphonie de Beethoven. Mais, après avoir écrit « La mer », il révisa profondément son jugement, considérant qu’elle constituait « l’un des meilleurs modèles de mécanique expressive : ce Beethoven, quel génie ! ».

Faute de voir la mer cet été –ça sera plutôt tout à la fin de l’été ou en automne cette année– la playlist de ce jour propose trois versions anciennes de « La mer », ces trois esquisses symphoniques pour orchestre, achevées en 1905, essentiellement descriptives –1. De l’aube à midi sur la mer ; 2. Jeux de vague ; 3. Dialogue du vent et de la mer-, à l’instar de la symphonie pastorale…

L’oeuvre, à sa création, fut mal reçue, le critique du journal Le Temps, Pierre Lalo, écrivant notamment : « Je n’entends pas, je ne vois pas, je ne sens pas la mer », et un autre critique parisien remarqua que en parlant des auditeurs présents « … Ils ont été servis avec de l’eau agitée dans une soucoupe ». Aux États-Unis, les premières réactions ne furent pas plus favorables : « … l’océan du compositeur est un étang à grenouilles, dont certaines étaient entrées dans la gorge des cuivres ». Mais, par la suite, l’oeuvre rencontra un beau succès, tant au concert qu’au disque –c’est assurément l’oeuvre la plus enregistrée du compositeur-.

J’ai mis longtemps à accrocher à ce compositeur et à cette oeuvre, que j’apprécie énormément désormais et qui est très bien représentée dans ma discothèque. Les trois albums de cette playlist nocturne constituent chacun d’excellentes propositions à plus d’un titre, et les compléments sont tous de belle qualité également. Eu égard à leur époque respective, les prises de son s’avèrent très bonnes, ce qui est essentiel dan cette oeuvre. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Arturo Toscanini – BBC Symphony Orchestra – 1935 *****

A mes oreilles, la meilleure version du chef italien, et notamment parce qu’il dispose d’un orchestre qui semble beaucoup plus souple que son orchestre de la NBC à New York, et bénéficie d’une prise de son moins mate que celles réalisées pour lui par RCA.

• Herbert Von Karajan – Philharmonia Orchestra – 1954 *****

La première version du chef autrichien, qui enregistra l’oeuvre au moins quatre fois, à Londres, Berlin ou Paris, et toujours avec succès. Le chef propose déjà une version superbement hédoniste de l’oeuvre et à cette date, le Philharmonia Orchestra était sans doute l’un des deux ou trois meilleurs orchestres d’Europe.

• Paul Paray – Detroit Symphony Orchestra – 1955 *****

Très belle version transparente et détaillée, claire et rapide, totalement dégraissée, malgré un orchestre aux qualités un peu inférieures aux deux précédents -les timbres ne peuvent rivaliser avec ceux du Philharmonia, par exemple- : une superbe antithèse à la version de Karajan !

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Playlist « Musique contemporaine d’alors… »

L’excellent coffret EMI consacré à William Steinberg –imagette ci-contre-, que je vous ai présenté au moment de sa découverte –c’est ici-, contient, outre les nombreux trésors du « grand répertoire » qu’il offre, quelques pièces de « musique contemporaine » de l’époque, beaucoup plus rares au moment de leur enregistrement par le chef américain, avec son orchestre symphonique de Pittsburgh.

Aux États-Unis et à cette époque, William Steinberg était le chef qui proposait le répertoire le plus original, le plus varié et le plus aventureux, au concert comme au disque : il enregistra rapidement durant les années 50 une quarantaine de disques pour Capitol Records, filiale américaine d’EMI/HMV. La playlist de ce jour est consacrée à quelques-unes de ces pièces « contemporaines ». –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Ernst Toch – Symphonie n°3 – 1955 **** – L’enregistrement fait suite à la création de l’oeuvre, le 02 décembre 1955, par le chef et son orchestre. Il s’agit d’une oeuvre originale, à l’instrumentarium très varié et qui reste assez facile à approcher.

• Ralph Vaughan-Williams – Five Tudor Portraits – 1935 **** – L’oeuvre est une « suite chorale », genre hybride entre la symphonie chorale et l’oratorio anglais, écrite pour orchestre, deux solistes et choeurs, sur des poèmes de la Renaissance de John Skelton. La version de William Steinberg est, sauf erreur, la toute première jamais enregistrée, en 1952, lors du festival annuel international de musique contemporaine de Pittsburgh.

• Ernest Bloch – Concerto grosso pour orchestre à cordes et piano – 1925 **** – L’oeuvre, en quatre mouvements et d’un abord facile, a été enregistrée en 1953 par William Steinberg durant un concert au festival annuel international de musique contemporaine de Pittsburgh.

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Playlist « A l’Américaine » – 3. Chicago, New York, Philadelphie – Van Cliburn

Mon périple sur la côte est des États-Unis s’achève avec cette playlist, consacrée au jeune pianiste Harvey Lavan Cliburn, plus connu sous son nom d’artiste : Van Cliburn.

Le pianiste interprète dans cette playlist toute une série de concerto du grand répertoire –Schumann, Grieg, Liszt et Rachmaninov-. Il est accompagné par trois des des orchestres du « Big Five » :
celui de Chicago sous la direction de Fritz Reiner –d’origine hongroise comme Szell et doté d’un caractère de cochon, sans doute le pire de tous les tyrans de podium– ;
celui de New York, renommé pour l’occasion « Symphony Of The Air » pour des questions d’ordre juridique,  sous la direction de Kirill Kondrashin –en tournée aux États-Unis– ;
celui de Philadelphie enfin, très réputé pour sa splendeur sonore, sous la direction d’Eugène Ormandy –autre hongrois, à croire que toute la Hongrie avait migré en Amérique au début du vingtième siècle !-. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Van Cliburn était auréolé de prestige pour avoir remporté le premier prix du concours Tchaïkovsky à Moscou en 1958, pendant la « guerre froide » donc, et le président du jury, rien moins qu’Emil Gilels, dut intervenir auprès de Krouchtchev pour justifier sa victoire. Il enregistra avec beaucoup de succès, durant quelques années au détour des années 60, de très nombreux concertos, accompagné par les meilleurs orchestres et chefs des États-Unis, avant de disparaître progressivement des radars durant les années 70. Chacun de ses albums, qui bénéficie du savoir-faire technique de RCA à l’époque, mérite son pesant de **** ou ***** !

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Playlist « A l’Américaine » – 2. Cleveland – Szell & Fleisher

Continuant sur la lancée de ma tournée des orchestres et artistes américains, je suis arrivé pour cette playlist à Cleveland, où, sous la direction du chef hongrois naturalisé américain George Szell, l’orchestre fit rapidement son entrée dans le cercle très restreint des « Big Five » –les cinq meilleurs orchestres du pays : Boston, Chicago, Cleveland, New York et Philadelphie-. Comme son collègue Fritz Reiner, George Szell, inscrit dans la tradition des « chefs objectifs », était réputé pour son exigence et son intransigeance. Un tyran de la baguette, donc, même s’il semble qu’il ait été d’un caractère un peu moins épouvantable que Fritz Reiner.

Entre 1958 et 1963, il entama une collaboration fructueuse avec le jeune pianiste Leon Fleisher –élève d’Artur Schnabel et vainqueur, comme Emil Gilels, du prestigieux concours de la Reine Élisabeth en 1952-, qui donna lieu à quelques enregistrements de concertos pour piano qui demeurent, aujourd’hui encore, des monuments discographiques, et constituent ce que chacun de ces deux artistes a fait de mieux dans ces oeuvres : Leon Fleisher est un pianiste bien plus assuré que Clifford Curzon pour accompagner Szell dans le premier concerto de Brahms et George Szell est beaucoup moins raide avec son jeune collègue qu’il ne le sera, à la fin de sa vie, avec Emil Gilels.

Les pressages CBS de l’époque, relativement médiocres, surtout pour les LP parus en séries économiques, n’ont jamais rendu justice à la qualité technique très honorable de ces enregistrements ; leur réédition en CD a permis de les redécouvrir dans de bien meilleures conditions. Curieusement, il me semble qu’aucun coffret à petit prix –les jolies rééditions Sony-CBS– n’a jamais réuni l’ensemble des concertos enregistrés par ces artistes, et qui doit représenter en tout et pour tout 7 CD. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.


C’est la maladie de Leon Fleisher, atteint très tôt d’une paralysie de la main droite, qui mit malheureusement un terme à cette collaboration : le pianiste dut alors se résoudre à l’enseignement et, partiellement rétabli, ne fit son come-back qu’au détour des années 2000, mais sa carrière était déjà derrière lui.

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Playlist « Mythique pour les uns… »

La playlist de ce jour est consacrée à l’un des plus grands chefs d’orchestre du vingtième siècle, Wilhelm Furtwängler, pourtant assez peu représenté dans ma discothèque. Il fut, notamment, titulaire de l’orchestre philharmonique de Berlin de 1922 à 1945, puis de 1952 à 1954, année de son décès. Personnage complexe et quelque peu ombrageux, il vouait par ailleurs une haine irrationnelle à Karajan, son successeur à la tête du philharmonique de Berlin, qu’il ne nomma jamais autrement que « Monsieur K », et entretenait des relations conflictuelles avec, notamment, Arturo Toscanini, l’autre star de la direction de la première moitié du vingtième siècle.

Malgré sa réputation mythique, j’ai toujours eu un peu de mal à adhérer complètement à son style de direction : tempi souvent instables, partition sollicitée au profit d’une expressivité et d’une émotion de l’instant, imprécisions… Ça fonctionne très bien à première écoute, ça ne résiste pas toujours à des écoutes répétées et j’ai une plus grande prédilection pour des chefs qualifiés «d’objectifs» –Toscanini, Reiner, Szell, Steinberg…-, cette notion étant toute relative face à une partition. Le voir diriger, en vidéo, c’est un peu comme regarder une marionnette dégingandée agitant les bras dans tous les sens : curieuse expérience !
Par ailleurs, une grande majorité de sa discographie officielle, notamment cher EMI, est constituée d’enregistrements assez tardifs –post-seconde guerre mondiale– dans sa carrière : Furtwängler détestait les studios d’enregistrements et était déjà dans un état de santé très déclinant. Ces enregistrements « live », nombreux mais de qualité technique aléatoire, restent à privilégier.

On trouvera dans cette playlist –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– :


• Felix Mendelssohn – Concerto pour violon – Yehudi Menuhin, OP Berlin, W. Furtwängler – 1952, ****

Une version hyper-romantique, large et un peu sombre à l’orchestre –les timbales du début, par exemple-. Le soliste, Yehudi Menuhin, est plutôt solaire et sa sonorité est encore juste et belle, ce qui ne sera plus toujours le cas quelques années plus tard.

• Ludwig Van Beethoven – Concerto pour violon – Yehudi Menuhin, Philharmonia, W. Furtwängler – 1953, ****

Il existe une première version de ce concerto enregistrée par les mêmes artistes un peu plus tôt lors du festival de Lucerne, celle-ci est assez comparable et le son est un peu plus confortable. C’est une excellente version côté orchestre, très poétique, même j’en préfère d’autres, surtout pour leur soliste –ici un peu raide dans le mouvement lent-.

• Anton Bruckner – Symphonie n°8 – OP Vienne, W. Furtwängler – 1944, ****

Wilhelm Furtwängler était d’abord compositeur, avant d’être chef d’orchestre : ses symphonies ne sont pas sans rappeler parfois celles de Bruckner, mâtinées d’un peu de Richard Strauss. Il était donc très à l’aise pour diriger les symphonies du compositeur autrichien, et cette huitième, enregistrée en concert en 1944, est une belle réussite, malgré des conditions techniques juste correctes.

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