Belle –et exigeante– playlist composée d’oeuvres pour piano finalement pas si fréquentes que cela, aujourd’hui ! Et deux compositeurs contemporains l’un de l’autre en trois albums, dont l’un a le bon goût de proposer les deux ! Si le piano de Paul Hindemith est assez marqué pr l’utilisation d’un contrepoint savant –ses Ludus Tonalis sont édifiants à cet égard-, le piano de Serge Prokofiev met souvent en avant une motorique implacable. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
On retrouve donc dans cette playlist :
• Hindemith – Les sonates pour piano – Glenn Gould – 1966/1973 ****
Glenn Gould adorait les pièces contrapuntiques et ces sonates parfois assez arides et rarement enregistrées lui offrent l’occasion de s’en donner à coeur joie ! Ces trois sonates ont été composées en 1936, à un moment où Hindemith, désigné par es nazis comme « artiste dégénéré », commençait à songer à l’exil.
• Hindemith – Ludus Tonalis ; Prokofiev – Visions fugitives, intégrale – Olli Mustonen – 1996 *****
Un très grand disque de piano, fort bien enregistré. Les Ludus Tonalis –Études, ou exercices contrapuntiques, tonaux et techniques pour le piano : c’est ainsi que ces 25 pièces sont définies par leur compositeur– sont formidablement maîtrisés. L’oeuvre, écrite en 1942, est composée d’un prélude et de 12 fugues entre lesquelles s’intercalent 12 interludes et les Visions Fugitives sont des miniatures remarquables, même si les propositions d’Emil Gilels dans ce répertoire sont à mes oreilles encore plus merveilleuses.
• Prokofiev – Sonate pour piano n°8 – Visions fugitives, extraits – Emil Gilels – 1974 *****
Emil Gilels fut le créateur de cette sonate virtuose et exigeante en 1944. Par ailleurs, tout au long de sa carrière, il joua très souvent de manière admirable des extraits des Visions Fugitives en bis lors de ses concerts. Ces courtes pièces sans titre ont été inspirées par les poésies de Constantin Balmont.
C’est un opéra exigeant et somme toute assez rare qui est l’objet de ma séance lyrique dominicale : Mathis der Maler, de Paul Hindemith, opéra en 7 tableaux sur un livret du compositeur, qui s’est inspiré :
• de la Guerre des Paysans en Allemagne –Révolte des Rustauds-, qui se déroula en 1525-26 et toucha tout le Saint-Empire romain-germanique, y compris une partie de la France : Alsace –grande bataille de Saverne-, Lorraine et Franche-Comté, d’une part ;
• de l’oeuvre picturale de Matthias Grünewald –±1480-1528, c’est « Mathis le peintre »-, dont on peut admirer le retable d’Issenheim qui fit sa gloire –le fait qu’il ait pu être attribué un temps à Albrecht Dürer en dit long sur sa qualité…– au Musée Unterlinden à Colmar, et inspira Hindemith, d’autre part ;
• le tout sur fond de Réforme luthérienne et de lutte contre l’église catholique.
L’oeuvre est allégorique, Paul Hindemith l’a écrite en pleine période du montée du nazisme et la situe au début de la Renaissance allemande pour mieux interroger la place et le rôle de l’artiste dans une société où montent les périls politiques. En 1933, Adolf Hitler prend le pouvoir. Les artistes sont appelés à servir les idéaux du régime, sous peine de censure ou d’exil. La musique est surveillée par la chambre de musique du Reich (Reichsmusikkammer). Bien qu’il soit un compositeur allemand de renom, Paul Hindemith est considéré avec méfiance par le régime. Sa musique est jugée « dégénérée » (Entartete Musik) à cause de son style moderne, de ses sympathies pour les artistes juifs, et de ses prises de position humanistes.
La version du jour, enregistrée en 1977 et éditée par EMI en 1979 fut, pendant longtemps, la seule disponible. Elle est très soignée et demeure, à ce jour, sans doute la meilleure option pour aborder l’oeuvre : très bon orchestre et excellents solistes de bonne renommée, beau livret détaillé et très bonne prise de son. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Elle a même le bon goût de rester disponible à petit prix –en occasion– avec un livret numérique : c’est Byzance !
Mathis der Maler est divisé en sept tableaux, qui s’organisent ainsi : 1Mathis dans son atelier : Mathis travaille sur une œuvre religieuse mais doute de son rôle d’artiste face à la souffrance du peuple. A quoi sert l’art dans un monde en crise ? Discussion avec le cardinal Albrecht, son mécène, qui veut qu’il reste fidèle à l’Église et à la tradition.
2À Mayence, en ville : agitation populaire sur fond de famine et d’oppression féodale. Mathis rencontre Hans Schwalb, paysan révolté, et sa fille Regina. Il prend leur défense contre les soldats. Rencontre avec Ursula, fille d’un riche marchand, qui l’admire et l’aime.
3La révolte : Mathis rejoint les révoltés malgré l’appel du cardinal à rester fidèle à l’Église. Mathis quitte la cour du cardinal. Il rejoint les paysans révoltés, porté par son désir de justice. Il se sent responsable en tant qu’homme, pas seulement comme artiste. Il renonce à son art temporairement, pour agir.
4Le débat religieux : dialogue entre catholiques et protestants. Mathis est tiraillé. Il participe à la révolte paysanne, mais les Rustauds sont divisés entre violence et réforme. Mathis comprend vite que la violence ne mène à rien. Hans Schwalb est tué, et Regina, sa fille, traumatisée. Mathis doute à nouveau : était-ce une erreur ?
5La répression de la révolte est sanglante. Mathis est dévasté. Ursula, soupçonnée de complicité avec les rebelles, est interrogée. Mathis intervient en sa faveur. Le dialogue entre catholiques et protestants se solde par l’impossibilité du compromis. Mathis se rend compte que les deux camps sont corrompus par le pouvoir.
6La vision de Mathis : il s’agit d’une cène mystique, allégorique, inspirée du retable d’Issenheim. Mathis est tenté par les démons du fanatisme, de la gloire, de l’orgueil. L »apparition du Christ constitue un moment de révélation spirituelle. Il comprend que son vrai combat est intérieur, artistique.
Vision mystique : Il rêve du Christ, des anges et de la souffrance humaine – reflet du retable.
7Le renoncement : fidèle à sa vocation initiale, Mathis renonce à la vie publique, à la lutte armée, au pouvoir. Il choisit la solitude et retourne à sa peinture. Il bénit Regina, devenue orpheline, et s’éloigne. La fin de l’opéra est calme et lumineuse : la foi dans l’art et l’humanité est restaurée.
Le style de Hindemith est parfois qualifié de « style néo-baroque » est caractérisé par son contrepoint rigoureux et sa clarté formelle. L’harmonie élargie mais la tonalité reste toujours présente. La Polyphonie est très dense, l’orchestre est très expressif, parfois dissonant mais toujours structuré. Par ailleurs, Paul Hindemith a également composé une symphonie en trois mouvements, tirés de certaines scènes de l’opéra et se référant explicitement au retable d’Issenheim et à trois de ses volets :
• le concert des anges -ouverture de l’opéra– ;
• la mise au tombeau –interlude orchestral extrait du dernier tableau, cf. cliquer sur l’imagette ci-dessous pour la voir en plus grand– ;
• la tentation de Saint Antoine –extrait du sixième tableau, cf. cliquer sur l’imagette de droite pour la voir en plus grand-.
L’accueil de cette symphonie fut excellent mais elle fut rapidement interdite par les nazis.
En définitive : un opéra majeur du vingtième siècle, et l’un de mes préférés, même s’il est peu joué, et d’un accès peu aisé -la parole prime sur l’action-. La symphonie, qui est d’accès beaucoup plus facile, ou une visite au Musée Unterlinden à Colmar pour admirer le remarquable retable d’Issenheim constituent de bonnes portes d’entrée !
A 98 ans, Herbert Blomstedt est vraisemblablement le doyen des chefs d’orchestre actuellement en activité, même si celle-ci s’est quelque peu ralentie ces derniers mois. Ce chef suédois né aux États-Unis a pourtant connu une longue et fructueuse carrière, qui l’a conduit à sillonner toute la Scandinavie, l’Allemagne de l’Est puis l’Allemagne réunifiée ainsi que les États-Unis et le Japon.
Dans la seconde moitié des années 70, Blomstedt enregistra avec la Staatskapelle de Dresde une remarquable intégrale des symphonies de Beethoven pour le label est-allemand Edel, qui, comme presque toutes ses contemporaines, n’eut aucune chance commerciale face à seconde intégrale berlinoise de Karajan pour DGG et passa presqu’inaperçue dans nos contrées occidentales. Ce n’est qu’au courant des années 90, lors de sa réédition en CD pour le label Berlin Classics qu’elle bénéficia de l’aura très positive qu’elle conserve aujourd’hui encore, d’autant qu’elle est disponible chez plusieurs éditeurs à prix réduit et dans d’excellentes conditions techniques.
Après son passage à Dresde, Blomstedt fut nommé directeur musical de l’orchestre symphonique de San Francisco, qu’il améliora considérablement, et bénéficia d’une meilleure exposition commerciale en enregistrant pour Decca : tous ses disques américains pour cette firme sont de remarquables réussites, et notamment ses enregistrements des symphonies de Sibelius –un superbe coffret de 4 CD– et d’une anthologie orchestrale de Hindemith –3 CD, dont un avec l’orchestre de Leipzig-.
Certains de ces enregistrements font partie de la playlist de ce jour. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
• Beethoven – Symphonie n°6 « Pastorale » – Staatskapelle Dresde – 1978 ***** • Sibelius – Symphonies n°3 & 6 – OS Sans Francisco – 1996 ***** • Hindemith – Nobilissima Visione – Der Schwanendreher – OS San Fransisco – 1993 *****
• Tchaïkovsky – Symphonie n°5 – OP New York, Bernstein – 1988 ** • The Cure – Kiss Me Kiss Me Kiss Me – 1987 **** • The Real Kids – No Place Fast – 1981/1982 **** • Paul Hindemith – Symphonie Serena ; Die Harmonie der Welt – Gewandhaus Leizig, Blomstedt – 1997 *****
–Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand–
Je poursuis, maintenant que le temps m’en est offert, d’explorer les tréfonds de ma discothèque en approfondissant le contenu d’un coffret dont je vous ai parlé il y a fort longtemps, déjà, et qui m’avait laissé une impression plutôt positive dans son ensemble, mais avec quelques réserves toutefois –et, notamment une quatrième symphonie de Tchaïkovsky, curieusement désarticulée dans mon souvenir : il faudrait que je confirme cette impression un peu lointaine-. Chef roumain ayant fui la dictature communiste établie dans on pays en 1957, Constantin Silvestri s’établit à l’ouest, à Londres d’abord, puis à Paris, et enfin à Bournemouth, cité balnéaire de la côte sud de l’Angleterre, qui comptait 150 000 habitants en 1961 : tout le charme de la province anglaise, donc ! Le coffret comporte ainsi des enregistrements réalisés dans ces trois villes, mais également à Vienne, et s’étalent sur une dizaine d’années –entre 1957 et 1968-, juste avant le décès du chef en 1969.
Personnage intransigeant, pointilleux jusqu’aux plus petits détails, Silvestri demandait un nombre de répétitions considérables, ce qui lui ferma les portes des orchestres les plus prestigieux, qui ne pouvaient/voulaient pas les lui offrir. A Bournemouth, cette intransigeance lui permit de bâtir un orchestre de grande qualité, très phonogénique. En revanche, Walter Legge, directeur artistique tout-puissant chez EMI-HMV, confina souvent le chef à des oeuvres populaires mais de seconde importance, à quelques exceptions près : c’est pourquoi on retrouve dans la discographie de Silvestri de nombreuses pièces de circonstance, mais assez peu d’oeuvres du grand répertoire, hors Tchaïkovsky, Berlioz et Dvorak, ou encore Bartok et Hindemith pour les « contemporains ». Il faut reconnaître qu’à l’époque, la concurrence était vive chez EMI en Angleterre, entre Karajan et le Philharmonia ou Beecham, Boult et Sargent, tous à la tête d’orchestres anglais bien plus prestigieux que celui de Bournemouth.
On retrouve dans la playlist de ce jour –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– :
• une anthologie de musique russe : Prokofiev, Katchaturian, Rimsky-Korsakov, Borodin, Glinka… enregistrée entre Vienne, Paris et Londres –***– ; • Hindemith : « Mathis der Maler » –***– et Bartok « Divertimento » –****– gravée à Londres avec le Philharmonia ; • Dvorak : Symphonie n°9 –n°5 dans l’ancienne numérotation et dans les premières éditions de l’oeuvre– enregistrée à Paris –****-.
De belles versions -l’appréciation du premier disque porte plus sur son contenu que sur les interprétations du chef, tout-à-fait excellentes-, généralement expressives, engagées et vivantes, même si pour Hindemith, il ne s’agit pas de ma version préférée d’une oeuvre que j’aime beaucoup.
Tout à mon labeur ces derniers jours, je n’ai pas trop eu le temps de me préoccuper du résultats des récentes élections, si ce n’est pour m’en désoler collectivement… Etant par monts et par vaux depuis deux semaines, en train ou en voiture, mes oreilles sont donc restées un peu en jachère, et cette playlist constituée n’importe comment en piochant un peu au hasard dans me discothèque en est le résultat. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Je crains malheureusement que, prochainement, les playlists à venir seront celles d’un monde d’après ! J’ai bien fait de déposer mon dossier de retraite !
• Moussorgsky – Tableaux d’une exposition – Pogorelich • Rammstein – Sehnsucht • Hindemith – Nobilissima Vision ; Der Schwanendreher ; Konzertmusik – OS San Francisco, Blomstedt • The Cramps – Big Beat From Badsville
–Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-
J’ai trouvé dernièrement dans un bac à soldes allemand, pour la modique somme de 4,99€ –qui a dit que tout augmentait ?-, ce magnifique coffret de 3 CD de Paul Hindemith par lui-même, réunissant l’ensemble des oeuvres orchestrales qu’il enregistra pour le label Deutsche Grammophon entre 1954 et 1956. Comme il s’agit de l’un de mes compositeurs préférés du vingtième siècle, j’ai évidemment sauté sur l’occasion, d’autant que ces disques ne sont plus au catalogue du label depuis quelques temps déjà et qu’ils sont difficilement trouvables en Face désormais. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Paul Hindemith était soucieux d’enregister lui-même ses oeuvres parce qu’il trouvait que les enregistrements réalisés auparavant par d’autres chefs éminents mais éminemment subjectifs selon lui « violaient » ses compositions : il voulut donc, de son propre aveu, simplement « métamorphoser en son ce qui était écrit dans la partition » ; selon lui, un interprète « avait pour unique tâche de présenter une oeuvre sans rien y mêler de personnel qui puisse en déranger le déroulement ».
Deutsche Grammophon lui proposa un contrat pendant l’été 1953, mettant à sa disposition l’orchestre philharmonique de Berlin. Le calendrier initial dut cependant être profondément modifié suite au décès de Furtwängler et à la prise de fonction de Karajan, qui emmena l’orchestre en tournée aux Etats-Unis en 1955 après une longue préparation.
Malgré ces péripéties, les disques enregistrés dans de remarquables conditions techniques eu égard à l’époque constituent de remarquables documents et des versions passionnantes –et dépassionnées– des oeuvres du compositeur, sans aucun pathos, fondées sur des cordes agiles et minces, des cuivres légers et tranchants et des bois lumineux.
En versions alternatives et complémentaires, les trois albums ci-dessous –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– constituent d’autres précieuses références.
La playlist du jour est consacrée à l’oeuvre symphonique d’un musicien assez peu connu du « grand-public », bien qu’il s’agisse sans doute du plus important compositeur allemand du XXème siècle : Paul Hindemith, estampillé dans son pays comme « artiste dégénéré » par le régime des aboyeurs en chemises brunes.
C’est une musique qui reste facile d’accès –on est très loin des dissonances de la seconde école de Vienne-, oscillant entre un néo-classisicime motorique grinçant et un post-romantisme contrapuntique non dénué d’humour innovant par des couleurs assez cuivrées et des alliances de timbres assez inédites et très personnelles –cf. extrait ci dessous-. Paul Hindemith fut un compositeur très prolifique sans que la quantité des oeuvres écrites –dans tous les domaines– ne nuise à sa qualité, tant il possédait de facilités et de métier. Il s’exila rapidement aux Etas-Unis, puis en Suisse.
Le présent coffret –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, copieusement garni, dans un son très convenable, contient l’ensemble des oeuvres symphoniques pour « grand orchestre » et les interprétations sont généralement de fort belle qualité, même si d’autres versions des oeuvres les plus populaires du compositeur sont parfois plus percutantes –mais on ne trouve pas facilement les oeuvres plus rares réunies ici-. Deux autres coffrets complètent cette collection, l’un consacré aux œuvres concertantes, l’autres aux oeuvres pour orchestres de chambre.
Suite à la lecture de cette enrichissante notule –début d’un feuilleton passionnant, semble-t-il-, j’ai concocté cette petite playlist où « les symphonies commencent bien » : évidemment, il en existe un tas d’autres, mais celles-ci ne font pas forcément partie du quotidien d’un mélomane, et disposant encore de quelques jours de congé, je peux y consacrer deux oreilles attentives. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Les lecteurs régulier de ce blog ont déjà eu l’occasion de croiser Hans Rott sur leur chemin et connaissent également mon amour immodéré pour EdwardElgar : le début de sa première symphonie, d’une pompe majestueuse « So British », est de toute beauté –vous pouvez en retrouver un extrait ici– !
Pour ce qui concerne le compositeur Kurt Atterberg, j’ai jeté mon dévolu sur sa troisième symphonie –cf.extrait ci-dessous-. Quant à Paul Hindemith, j’ai retenu sa Sinfonia Serena, courte et d’une belle densité, comme souvent chez ce grand compositeur injustement trop méconnu.