Cette relativement courte playlist entame une petite série qui me permettra de détendre mes oreilles dans la joie et la bonne humeur et de me remettre de mes séances lyrique dominicales autrement roboratives, en abordant un volet du répertoire classique que je ne fréquente que très occasionnellement : le monde de l’opérette française, monde qui m’est en réalité assez méconnu.
L’opérette du jour, sans doute l’une des plus célèbres de ce répertoire, est « Véronique », d’André Messager, oeuvre fraîche, parfois drôle et toujours légère et légèrement désuète –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– : un vaudeville mis en musique –belle orchestration, légère et pétillante ; mélodies enjouées et faciles à retenir ; dialogues savoureux…-, dont vous pouvez retrouver la trame ici. L’action se déroule à Romainville, près de Paris, durant la Monarchie de Juillet –c’est, peu ou prou, la France des « Enfants du Paradis »-, période à la fois bourgeoise et contrastée, paradoxalement heureuse et mouvementée, qui précéda le 2nd Empire : une époque révolue où les femmes étaient encore décrites en « petite dinde » –ah ! quel outrage– ou en « mignonne grisette », où l’on se rendait au tournebride en calèche et où l’on poussait l’escarpolette !
L’opérette, en trois actes et achevée en 1898, fut très populaire dès sa création et dans la France dans la Belle-Époque, avant d’être peu à peu délaissée –comme à peu près toutes les autres oeuvres de Messager, compositeur bien oublié de nos jours-. Seuls quelques airs demeurent assez populaires, dont le plus célèbre est sans doute celui de l’âne récompensé par du picotin, qui a survécu –l’air, pas l’âne !-…
La version du jour a été enregistrée en 1969 avec les grands noms de l’opérette française de l’époque. Elle me semble tout-à-fait excellente, mais je n’ai guère d’autres points de repère pour cette oeuvre, hors quelques airs pris isolément. Le tout est interprété, dans une diction impeccable, avec conviction et entrain et les dialogues, notamment, sont dits avec espièglerie et s’avèrent assez truculents.
La séance lyrique de ce dimanche est un peu particulière, puisqu’elle me permet d’écouter une version «en kit» de l’opéra de Richard Wagner «Die Walküre», première journée du «Ring des Nibelungen». Drôle d’idée, a priori, me direz-vous, mais ce «kit» est, en occurrence, absolument formidable, et composé comme suit –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-:
Die Walküre est le deuxième volet du Ring, et c’est le premier où le spectateur ressent de l’intérieur la vie des humains. Auparavant, dans le premier volet, « Das Rheingold », seuls étaient en scène dieux, géants et nains.
Le livret est écrit par le compositeur entre 1851 et 1853, la musique est composée entre 1854 et 1856. L’oeuvre est en trois actes. Pour connaître les différentes sources d’inspiration de Wagner, très disparates, je vous renvoie à une précédente notule –qui s’avère être la plus longue de ce blog-, que vous pourrez retrouver ici.
• Acte 1 – Lauritz Melchior, Lotte Lehmann, Emmanuel List
Orchestre philharmonique de Vienne, Bruno Walter – 1935 *****
L’action commence dans une cabane au cœur de la tempête : Siegmund, poursuivi par des ennemis, cherche un refuge. Sieglinde l’accueille, sans savoir encore qu’il est son frère jumeau perdu. Hunding, son mari brutal, arrive et comprend que cet étranger est l’ennemi qu’il traquait avec sa horde. Il accorde le droit d’hospitalité pour la nuit, mais annonce qu’il tuera Siegmund au matin. Progressivement, Sieglinde reconnaît Siegmund grâce à un souvenir d’enfance et lui indique l’épée Nothung, plantée dans le frêne. Siegmund arrache l’épée, il aime Sieglinde, ils s’avouent leur fraternité et fuient ensemble.
• Acte 2, sc.1-2-4 – Hans Hotter, Martha Fuchs, Margarete Klose, Lauritz Melchior, Lotte Lehman
Orch. De l’opéra de Berlin, Bruno Seidler-Winkler – 1938 *****
• Acte 2, sc.3-5 – Lauritz Melchior, Lotte Lehmann, Alfred Jerger, Elsa Flesch, Emmanuel List
Orchestre philharmonique de Vienne, Bruno Walter – 1935 *****
À l’acte II, Wotan veut protéger Siegmund, car il voit en lui un homme libre pour accomplir ses plans : reconquérir l’anneau forgé à partir de l’or du Rhin. Mais Fricka, déesse du mariage, force Wotan à respecter la loi et à condamner l’inceste. Wotan, dévasté, doit obéir, et ordonne à Brünnhilde, sa Valkyrie favorite, de laisser Siegmund mourir. Brünnhilde, bouleversée par la grandeur de l’amour des deux amants, désobéit à Wotan. Elle tente de sauver Siegmund et affronte Hunding.Wotan intervient lui-même, brise Nothung, et Hunding tue Siegmund. Wotan tue Hunding par dégoût, mais il est trop tard : le destin qu’il voulait éviter est scellé.
• Acte 3 – Astrid Varnay, Leonie Rysanek, Jussi Björling
Orch. Festival de Bayreuth, Herbert Von Karajan – 1951 *****
Brünnhilde sauve Sieglinde, enceinte, et l’emmène se cacher dans la forêt. Elle annonce que l’enfant s’appellera Siegfried, et qu’il sera le plus grand de tous les héros. Wotan, fou de rage et fou d’amour, doit punir Brünnhilde pour sa désobéissance. Il décide qu’elle ne sera plus Valkyrie, mais femme mortelle endormie sur un rocher. Toutefois, en guise de faveur, il atténue la sentence : il la protège par un cercle de feu que seul un vrai héros –je vous laisse deviner qui ce sera…– pourra franchir. L’opéra se termine sur Wotan qui embrasse Brünnhilde endormie, signal sonore du basculement du cycle dans le drame humain.
EMI/HMV envisagea très tôt d’enregistrer l’opéra le plus populaire de Richard Wagner, « Die Walküre » : les premiers enregistrements acoustiques, réalisés à Londres sous la direction d’Albert Coates, sont antérieurs aux années 20, et de larges extraits furent enregistrés à partir de 1925, avec l’apparition de l’enregistrement électrique. Cette technique se perfectionnant, il devenait possible, à partir des années 30, d’envisager l’enregistrement intégral de l’opéra.
Initialement, il avait été prévu d’enregistrer l’œuvre à Berlin, où le chef Bruno Walter avait commencé à réunir toute la distribution –dont Friedrich Schorr, le grand Wotan de cette époque, ou Frida Leider, Brünnhilde très réputée-. Malheureusement, l’accession des nazis au pouvoir, en 1933, et, en corollaire, l’interdiction de nombreux artistes juifs, rendit la chose impossible. Bruno Walter dut s’exiler en Autriche, Friedrich Schorr alla triompher aux États-Unis et Emmanuel List fut chassé de la troupe de l’opéra de Berlin. Tout l’acte 1 et les scènes 3 et 5 de l’acte 2 purent être enregistrées à Vienne, avec l’orchestre philharmonique, dans des conditions techniques très soignées, absolument remarquables pour l’époque.
Pour de très nombreux amateurs de Wagner et de très nombreux critiques musicaux, cet acte 1 viennois est le plus beau disque jamais consacré à Wagner, réputation jamais démentie depuis 90 ans ! L’orchestre –le grand philharmonique de Vienne d’avant-guerre : à cette époque, sans doute le meilleur orchestre du monde– se couvre de gloire sous la baguette de Bruno Walter, les deux héros, Lauritz Melchior et Lotte Lehmann, n’ont jamais été égalés : c’est magnifiquement chanté et incarné, jamais sans doute cette histoire de passion incestueuse naissante n’a jamais été aussi bien exprimée.
Les scènes 3 et 5 de l’acte 2 de l’acte 2 se situent au même niveau d’excellence. Puis, l’enregistrement, pour des raisons économiques, fut ajourné. Lorsqu’il put reprendre, en septembre 1938, l’Anschluss de l’Autriche avait chassé Bruno Walter de Vienne, et une nouvelle équipe fut réunie à Berlin pour compléter l’acte, sous la direction du très compétent Bruno Seidler-Winkler, un vétéran de l’industrie discographique, qui avait commencé à enregistrer des disques aussi tôt qu’en 1890 !!! pour la firme Edison puis pour Deutsche Grammophon avant la première guerre mondiale. L’enregistrement comporte quelques coupures dans le long monologue de Wotan –scène 2-.
Ce fut Seidler-Winkler qui recruta un jeune géant de près de 2 mètres alors presqu’inconnu, Hans Hotter, 28 ans, pour interpréter le rôle de Wotan –un dieu juvénile, mais déjà très autoritaire, qui n’a pas encore totalement mûri le rôle : à partir de 1942, il sera pleinement divin…-, qu’il a marqué de son empreinte les trente années suivantes, et pour la postérité : il n’a jamais été égalé dans ce rôle. Martha Fuchs, qui avait débuté sa carrière à Aachen dix ans plus tôt, est une excellente Brünnhilde –elle chanta ce rôle à Bayreuth pendant la guerre, alors qu’elle était une anti-nazi notoire– et Margarete Klose une non moins remarquable Fricka –elle fut aussi la plus géniale Ortrud de son époque-.
Précision importante : la firme Naxos a publié, en 2003 –cf. cliquer sur l’imagette de droite pour la voir en plus grand-, les deux premiers actes en un seul volume dans sa collection « Great Opera Recordings » : cette édition-bien moins chère de surcroît-, parfaitement remasérisée par Mark Obert-Thorn, le spécialiste du genre, dévoile un son de qualité remarquable pour l’époque et s’avère nettement préférable à l’édition antérieure parue chez EMI dans sa collection « Références », laquelle ne semble plus disponible à l’heure actuelle. Cette réédition Naxos rétablit par ailleurs une coupure effectuée par EMI dans la scène 4.
Puis la guerre arriva. L’acte 3 ne fut jamais enregistré en Allemagne, et de très nombreux grands noms du chant wagnérien partirent vers les États-Unis, où ils triomphèrent et achevèrent leur carrière : de remarquables témoignages enregistrés de « Die Walküre » au Metropolita Opera de New York sont disponibles pour ces années-là, dans un son souvent assez précaires.
Il fallut attendre la réouverture du festival de Bayreuth, en 1951 et une toute nouvelle génération de chanteurs pour compléter cette Walkyrie en kit ! La légende raconte que les employés de Bayreuth, lorsqu’ils virent arriver les chanteuses, raisonnablement sveltes eu égard à certains standards d’avant-guerre, pensaient qu’il s’agissait de ballerines… Une autre légende affirme que les archives d’EMI contiennent l’enregistrement intégral de ce Ring de la réouverture, jamais publié, sur des bandes sectionnées en tranches de 4 minutes pour une parution en 78 tours, comme la firme l’avait fait pour les « Maîtres-chanteurs de Nuremberg » par le même chef, cette année-là –34 disques 78 tours…-. Des éditeurs alternatifs ont ainsi publié quelques extraits de ce Ring, mais jamais dans des conditions réellement satisfaisantes.
Quoi qu’il en soit, l’orchestre s’avère meilleur que dans bien des productions du Neues Bayreuth, il est conduit d’une main de maître par le jeune Karajan, enflammé et très inspiré. Leonie Rysanek, à 24 ans, débute en Sieglinde, rôle où elle se montre radieuse et passionnée ; Astrid Varnay recrutée sur sa réputation, acquise en Amérique –elle triomphait au Met de New York depuis le début des années 40– et sans aucune audition par Wieland Wagner, est déjà pleinement Brünnhilde –c’est, de très longue date, ma Brünnhilde préférée, et sa voix n’est pas encore marquée par le vibrato qui apparaîtra à partir du milieu des années 50– et Sigurd Björling est un Wotan assez bien chantant, mais un peu placide et manquant quelque peu d’autorité pour incarner complètement le rôle : il se montre plus à l’aise dans les passages lyriques –la scène finale des « Adieux » est très belle– que dans ceux réclamant de l’explosivité.
Avec « Die Walküre », Wagner redéfinit la tragédie en la déplaçant du politique vers l’intime. Ainsi, le nœud dramatique n’est pas la bataille, mais l’amour interdit Siegmund / Sieglinde, pris dans un réseau d’obligations divines –les “contrats” qui régissent le pouvoir et l’autorité de Wotan-. Wotan, théoriquement maître du monde, est en réalité cadenassé par les conditions mêmes de sa domination –les runes juridiques– : il est le premier prisonnier de son propre pouvoir. Quant à Brünnhilde, en désobéissant, elle invente alors le premier acte pleinement humain de tout le cycle : poser l’amour comme valeur supérieure à la légalité sacrée.
La playlist du jour est consacrée à Piotr Tchaïkovsky, très célèbre compositeur russe, très romantique et très populaire et apprécié d’un large public, notamment pour ses ballet d’accès très facile. Elle se compose, de manière contrastée, d’une oeuvre hyper-connue et de trois oeuvres beaucoup plus rares. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
• Symphonies n°1 «Rêves d’hiver» • Symphonie n°2 «Petite Russie» • Symphonie n°3 «Polonaise»
Orchestre philharmonique de Berlin, Herbert Von Karajan – 1979 ***
Des six symphonies de Tchaïkovsky –orthographié « à l’allemande » sur les pochettes des disques de la playlist du jour-, seules les trois dernières sont très populaires et assez massivement enregistrées. Les trois premières, a contrario, n’apparaissent souvent que dans le cadre d’intégrales et beaucoup plus rarement en albums séparés : c’est le également cas pour les deux albums consacrés à ces symphonies, enregistrées lors de la parution de l’intégrale d’Herbert Von Karajan –cliquer sur l’imagette pour la voir en plus grand– sortie en 1979 et sporadiquement apparus de manière isolée.
Le chef autrichien n’enregistra ces trois premières symphonies qu’une unique fois, contrairement aux trois dernières, dont il laissa d’innombrables versions tout au long de sa carrière –jusqu’à 7 versions officielles pour la symphonie n°6 « Pathétique »-. Composées entre 1866 et 1875, leur moindre popularité est justifiée par leurs moindres qualités : c’est de la «bonne musique», toujours très bien orchestrée –le compositeur savait indéniablement faire « sonner » un orchestre-, un rien prosaïque parfois –à mes oreilles au moins– et sans éclair de génie. La deuxième symphonie est celle que j’apprécie le moins. Les trois dernières symphonies sont incomparablement meilleures !
• Concerto pour piano n°1
Ivo Pogorelich ; Orch. symph. de Londres, Claudio Abbado – 1986 ****
Des trois concertos pour piano du même compositeur, seul le premier est réellement populaire et constitue un cheval de bataille du répertoire concertant pour les pianistes. Le jeune Ivo Pogorelich, très bien accompagné par Claudio Abbado, ne s’y trompa pas en l’enregistrant dès le début de sa carrière, en 1986 et en délivrant une très bonne version –sans totalement égaler les versions princeps d’Emil Gilels, voire de Martha Argerich, au moins à mes oreilles-, dans de très bonnes conditions techniques. L’oeuvre est brillante, ultra-virtuose et son introduction est archi-célèbre, y compris auprès d’un public non mélomane.
Vous n’avez pas trouvé de réponse à la devinette du mois dernier, qui demandait quels étaient les derniers mots enregistrés par Bon Scott, chanteur historique d’AC/DC, bien qu’elle ait été assez simple, à mon avis…
Le dernier album enregistré par le groupe avec Bon Scott est « Highway To Hell ». Le dernier titre de cet album est le très bon blues lent –et super facile à jouer à la guitare ! -, « Night Prowler » –le rôdeur nocturne-. Cette chanson n’a jamais été jouée sur scène car elle est associée, en Amérique, à l’histoire d’un tueur en série, Richard Ramirez, auteur d’au moins quinze meurtres et de multiples viols et agressions et dont c’était, paraît-il, la chanson préférée : il fut d’ailleurs surnommé « Night Stalker » –le harceleur nocturne-.
A la fin de la chanson, Bon Scott marmonne « Shazbot ! Nanu nanu » ! Cette formule était le slogan formulé à la fin de chaque épisode par Mork, extraterrestre venu de la planète Ork interprété par Robin Williams dans les sitcom « Happy Days », puis « Mork And Mindy ».
Selon les légendes qui circulent, en prononçant ces mots, Bon Scott voulait : • soit dire, pour marquer la fin de l’album à la manière de Mork, « Au revoir » en langage orkien ; • soit faire un clin d’oeil amical à Teddy Rooney, fils de Mickey Rooney, qui répétait sans cesse cette formule lors d’une tournée avec son groupe Tight Squeeze, tournée qui accompagnait celle d’AC/DC.
Je poursuis avec cette séance lyrique dominicale mes découvertes du monde de l’opéra-comique allemand, entamée avec l’automne. « Les joyeuses commères de Windsor » est un opéra d’Otto Nicolai –1810-1849-, achevé en 1849 et créé à Berlin sans trop de succès la même année –il a été retiré de l’affiche après seulement quatre représentations-. Le livret est de Salomon Hermann Mosenthal, inspiré de la pièce de Shakespeare. Après le décès du compositeur, à 38 ans seulement, l’oeuvre s’est progressivement imposée et elle reste très populaire en Allemagne, où elle est appréciée pour sa légèreté, son humour et sa musique accessible ; son ouverture faisant par ailleurs régulièrement partie des « bis » de concert. Nicolai mêle des airs lyriques, des ensembles vocaux et des chœurs, avec une ouverture célèbre et entraînante. L’œuvre est marquée par un humour vif, des situations cocasses et des dialogues rapides, typiques de l’opéra-comique allemand. Otto Nicolai, outre les opéras qu’il composa, est essentiellement connu pour un autre titre de gloire : excellent chef d’orchestre, c’est lui qui a créé l’orchestre philharmonique de Vienne.
La version du jour, dirigée avec entrain par Wilhelm Schüchter en 1956, donne à entendre les grands noms de l’opéra allemand, de Mozart à Wagner, ainsi que l’orchestre et les choeurs de la NDR de Hambourg. Comme souvent à l’époque, les dialogues sont enregistrés par des acteurs et non par les chanteurs.
Falstaff est interprété par la basse Arnold Van Mill ; Frau Fluth et Frau Reich sont incarnées par les deux sopranos Wilma Lipp et Hilde Rössl-Majdan ; Fluth est interprété par Walter Berry. Les disques sont tirés d’un coffret consacrés à l’opéra-comique allemand, je n’ai malheureusement pas réussi à trouver une image des albums d’origine.
Par ailleurs, Falstaff est également le personnage principal du dernier opéra de Giuseppe Verdi, composé en 1893, et beaucoup plus connu que l’opéra de Nicolai.
La pièce de Shakespeare se déroule à Londres au XVIème siècle. L’action de l’opéra se déroule à une époque indéterminée et dans un lieu non défini, mais constitue une satyre des moeurs de l’Allemagne du XIXème siècle. Seul Falstaff et, plus anecdotiquement, Fenton –personnage d’une intrigue secondaire concernant un mariage arrangé qui échoue finalement-, conservent leur nom d’origine, les autres personnages sont « germanisés ».
Acte I – Sir John Falstaff, ruiné mais gras et vaniteux, amateur de bonne chère, de vin et de femmes, décide de séduire deux bourgeoises –les deux joyeuses commères de Windsor-, Frau Fluth et Frau Reich, dans l’espoir de soutirer de l’argent à leurs maris. Il leur envoie des lettres d’amour identiques. Les deux femmes, amusées et offensées, découvrent le stratagème et décident de se venger. Frau Fluth montre la lettre à son mari, un homme très jaloux. Celui-ci se déguise en « Master Brook » pour tester la fidélité de sa femme.
Les deux commères organisent une série de pièges pour Falstaff. Lors d’un premier rendez-vous, Falstaff se cache dans un panier de linge sale et puant pour échapper à Fluth, qui fouille tout l’appartement sans le trouver, le panier –et Falstaff– étant jeté dans la une rivière. Fluth, toujours méfiant, continue de surveiller sa femme.
• Acte II – À l’auberge, Falstaff s’est remis de son bain et chante des chansons à boire. Un messager lui apporte une lettre dans laquelle Frau Fluth propose un autre rendez-vous. Alors que se déroule cette nouvelle rencontre avec Frau Fluth, Frau Reich Mme Reich les avertit tous les deux de l’arrivée prochaine de Fluth, qui rentre à la maison.
Cette fois, le gros chevalier Falstaff est rapidement déguisé dans des habits de femme, en vieille blanchisseuse. Fluth se présente et ne trouvant de compromettant pour sa femme, jette avec colère la vielle blanchisseuse hors de la maison.
• Acte III – Les deux commères préparent une dernière farce. Elles invitent Falstaff à un rendez-vous nocturne dans la forêt de Windsor, où elles lui racontent la légende du chasseur Herne, condamné à errer éternellement. Falstaff, superstitieux, se déguise en cerf, mais il est encerclé par des enfants déguisés en fées et en esprits, puis ridiculisé et battu.
Pendant ce temps, l’intrigue secondaire de l’opéra se dénoue heureusement : Anne Reich, la fille des Reich, fuit avec Fenton, l’homme qu’elle aime, pour l’épouser malgré l’opposition de ses parents. Quant à Falstaff, couvert de honte, il fait amende honorable, et Fluth, enfin rassuré, se réconcilie avec sa femme.
Nous sommes déjà en novembre et la surprise de ce mois vous est livrée pile-poil à l’heure ! Si le contenu de cette surprise mensuelle fut toujours hautement loué, son contenant fut, à l’époque de sa sortie, vilipendé pour « faute de goût », voire « attentat à la pudeur » ! On a les pudeurs de gazelle que l’on peut, comme dirait l’autre !
A vous de juger par vous-même ce qu’il en est réellement en vous rendant ici.
La playlist de ce jour est consacrée à trois musiciens bons pour l’asile psychiatrique : c’est d’ailleurs là qu’ils ont, chacun, fini leur vie, dans un dénuement social à peu près complet. La musique, sans laquelle la vie serait une erreur selon Friedrich Nietzsche, adoucit les moeurs, mais elle peut aussi rendre fou, semblé-t-il ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
• Robert Schumann – Symphonie n°4
Orchestre philharmonique de Berlin, Rafael Kubelik – 1963 ****
Robert Schumann mourut à l’asile psychiatrique d’Endenich, près de Bonn, en 1856. Peut-être atteint de neurosyphillis –diagnostic remis en cause de nos jours-, il passa les deux dernières années de sa vie à se laisser mourir à petit feu dans cette institution, dont, malgré l’avis des médecins et de ses amis, sa femme Clara, avec laquelle les relations s’étaient progressivement détériorées, ne voulut jamais qu’il ressorte : elle ne lui rendit visite qu’une seule fois, quelques jours avant le décès du musicien…
De santé très fragile, pianiste et chef d’orchestre raté, il composa, outre son merveilleux corpus pour piano, quatre symphonies dont l’orchestration est souvent jugée maladroite, ou pour le moins manquant de couleurs, mais d’une belle veine mélodique, et dont je préfère très largement la quatrième. Rafael Kubelik enregistra deux intégrales des symphonies de Schumann, au début des années 60, puis au milieu des années 70.
• Friedrich Nietzsche – Musique pour piano
Jeroen van Veen – 2016 ***
Friedrich Nietzsche, sans doute atteint lui aussi de neurosyphillis, végéta durant les onze dernières années de sa vie dans la maison de sa mère, puis de sa soeur, où il mourut, après être passé par les asiles psychiatriques de Bâle puis d’Iéna. Mort-vivant à partir de 1889, il détestait sa soeur, anti-sémite notoire, qui contribua largement à sa récupération par le régime national-socialiste.
Nietzsche, philologue-philosophe qui avait tué dieu et considérait que les Juifs étaient le plus grand peuple de l’histoire, écrivait dans une langue remarquable. Critique musical ami/ennemi de Wagner et qui admirait profondément « Carmen », de Bizet, il composa également quelques très jolies, à défaut d’être géniales, pièces pour piano, fort peu enregistrées.
• Hans Rott – Symphonie n°1 – Suite pour orchestre
Orch. Symph. Radio de Francfort, Paavo Järvi – 2010 *****
» Un musicien de génie … qui est mort non reconnu et dans le besoin au seuil même de sa carrière. On ne peut pas mesurer ce que la musique a perdu en lui. Telle est la hauteur à laquelle son génie s’élève dans sa symphonie, qu’il a écrite alors qu’il avait 20 ans et qui fait de lui le fondateur de la Nouvelle Symphonie comme je l’envisage « .C’est ainsi que s’exprimait Gustav Mahler au sujet de Hans Rott –cliquer sur son unique portrait réalisé de son vivant connu pour le voir en plus grand-, foudroyé à 22 ans par une forme de folie hallucinatoire –il avait notamment menacé un passager avec un revolver lors d’un voyage en train, affirmant que Brahms avait rempli le train de dynamite pour le faire sauter…– et des symptômes maniaco-dépressifs dont il ne se remit jamais et qui contribuèrent à son enfermement en asile psychiatrique à Vienne pour les dernières années de sa courte vie -il est mort à 25 ans-.
Au contraire de Mahler, Brahms n’avait pas apprécié outre mesure l’unique symphonie de Rott, la jugeant à la fois belle et maladroite. Redécouverte dans les années 80, sa publication en CD fit l’effet d’une petite bombe, dont le souffle est assez rapidement retombé. Cette symphonie est en effet à la fois riche en très belles choses, mais passablement décousue. La version de Paavo Järvi est la meilleure que je connaisse de cette oeuvre, plusieurs fois enregistrée depuis sa redécouverte.
En octobre, tel un arrosoir, mes bras ont été percés de toutes parts et selon diverses modalités –intramusculaire, intraveineuse, sous-cutanée– entre prises de sang et poursuite de mes injections traditionnelles, vaccin contre Frankenstein, vaccin contre la grippe, et enfin, pour faire bonne mesure, vaccin anti-tétanos/coqueluche/poliomyélite/diphtérie pour remise à jour… Même pas mal : normal, j’ai une infirmière de luxe rien que pour moi !
Dans cette playlist, quelques pièces pour le piano –l’oeuvre pour piano de Schumann est globalement magnifique et côtoie les plus hauts sommets de la littérature pour l’instrument– sont interprétées par de « Grands Anciens », dont les précieux témoignages sont préservés grâce au disque. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Une notule qui comporte même un extrait !
• Carnaval – Claudio Arrau – 1967 *****
L’anthologie consacrée à Robert Schumann qu’enregistra entre 1967 et 1976 le pianiste chilien Claudio Arrau pour Philips reste, à mon avis, incontournable, et constitue un très bon moyen de découvrir les oeuvres pianistiques du compositeur : tous ces enregistrements furent réunis en un coffret de 7 CD édité à l’origine par Philips, qui offrait régulièrement de très belles prises de son, charnues et profondes, au pianiste, dans le cadre de sa remarquable Arrau Edition, malheureusement indisponible depuis des lustres…
• Waldszenen – Wilhelm Kempff – 1974 ***
A contrario, l’anthologie enregistrée par Wilhelm Kempff à peu près à la même époque pour le label Deutsche Grammophon par Wilhelm Kempff est beaucoup plus inégale. Le pianiste, né dix ans avant Arrau, avait près de 80 ans au moment de sa réalisation, et ses doigts répondent parfois difficilement aux exigences de ces partitioons. Les Waldszenen font partie des pièces les plus réussies –mais les « Études symphoniques », par exemple, sont à éviter-. De très nombreux disques de Wilhelm Kempff souffrent souvent de prises de son assez métalliques et manquant de graves, alors que son éditeur savait réaliser d’excellentes prises de son de piano depuis longtemps…
• Etudes symphoniques – Emil Gilels – 1984 *****
L’enregistrement, live, fut réalisé lors de l’un des tout deniers concerts d’Emil Gilels, en septembre 1984 à Locarno, en Suisse. Les « Études symphoniques » de Schumann constituaient la dernière oeuvre de ce concert, qui comprenaient également quelques sonates pour piano de Scarlatti en entrée, suivies de « Pour elle piano » de Debussy. Gilels enregistra assez peu de Schumann durant sa carrière, mais il y excellait cependant, et ces études symphoniques sont absolument superbes !
Adolescent aux cheveux longs, j’écoutais en bougeant la tête et en tapant du pied au rythme de la musique ces disques restituant quelques-uns des grands concerts de hard-rock, genre musical spécialement conçu pour les ados chevelus ! La playlist de ce jour, écoutée « un peu fort » –il faut au moins ça pour lutter contre le bruit induit par la fin des travaux rénovation/raccordement au réseau de chauffage urbain : ils sont notamment en train de reboucher tous les trous et de refaire la route à grands renforts de plaques vibrantes…– en donne un excellent aperçu, et j’en profite malgré mes cheveux raccourcis et sans bouger la tête, mais en tapant parfois du pied ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
• Deep Purple – In Concert – 1980 ****
L’album date est sorti tardivement en 1980 seulement, mais propose deux concerts radiophoniques enregistrés à Londres en février 1970 dans les studios de la BBC pour l’émission « The Sunday Show » et en mars 1972 au Paris Théâtre In London pour l’émission de la BBC « Sounds Of The Seventies ». Les disques donnent à entendre le groupe dans sa version MkII, qui est sa meilleure formation, et contiennent la majorité des meilleures chansons du groupe à cette époque, qui sont aussi, plus simplement, les meilleures chansons du groupe, au moins à mes oreilles !
• AC/DC – If You Want Blood (You’ve Got It) – 1978 *****
Tout simplement le meilleure album live du groupe, avec son chanteur mythique Bon Scott, et enregistré à une époque où Angus Young ne donnait pas encore dans le solo verbeux de guitar-hero qu’il ne sera jamais, au moins d’un point de vue technique. En revanche, on entend dans ce disque de très bon titres boogies ou blues joués un peu vite et très fort, avec cette saturation si particulière qui était alors la marque d’AC/DC. Les enregistrements furent réalisés pendant la tournée mondiale de 1978, moment où le groupe accédait au succès au-delà de l’Australie mais ne bénéficiait pas encore de la grande reconnaissance que lui apportera l »album « Highway To Hell ». La pochette, spectaculaire, est tout-à-fait en rapport avec le titre de l’album !
• Scorpions – Tokyo Tapes – 1978 *****
Au même moment, les 24 et 27 avril 1978, Scorpions, dont le succès commençait à dépasser les frontières de l’Allemagne vers l’Europe et, curieusement, vers le Japon, enregistrait à Tokyo un double-album au Sun-Plaza Hall. Grâce à Uli Jon Roth, guitariste absolument flamboyant –qui quitta le groupe à la fin de cette tournée nippone– et malgré une rythmique parfois un peu lourdingue, l’entreprise connut un succès certain : le meilleur disque du groupe à mes oreilles, qui constitue une très bonne porte d’entrée pour découvrir ce groupe !
A titre anecdotique, les deux derniers albums de cette playlist furent mes premiers disques non seulement de hard rock, mais également enregistrés en live : avant même ceux des Rolling Stones donc ! Étonnant, non ?