Playlist « 32 x 32 »

Ces dernières nuits, j’ai écouté trente-deux fois la trente-deuxième sonate de Beethoven –la fameuse Opus 111-, dans trente-deux versions différentes, et il m’en reste encore en stock dans ma discothèque… –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Pendant longtemps, ce fut ma sonate préférée et je l’écoutais régulièrement en boucle, mais je n’en avais pas tant de versions différentes : Kempff 1965, Arrau 1965 et Serkin/DGG –qui ne figure pas dans cette playlist– constituaient mon pain quotidien, agrémenté d’un peu de Nat. Depuis, j’en ai collectionné quelques versions supplémentaires et c’est assurément l’une des oeuvres les mieux représentées dans ma discothèque.
Par la suite, d’autres l’ont rejointes au panthéon, et notamment les sonates n°30 et 31, que j’aime tout autant. Beaucoup a été écrit à propos de cette sonate, qui est, paraît-il, l’un des plus beaux cadeaux fait à l’humanité, et dont « […nous comprenons que Beethoven, dont l’oreille ne percevait plus aucun son terrestre, a été élu pour nous ‘faire entendre l’inouï.] ». Wilhelm Kempff

Les approches interprétatives sont parfois si différentes qu’il est difficile de dire quelle est ma version préférée tant les visions semblent radicalement divergentes, et il n’est évidemment pas question ici de procéder à une analyse de ces divergences ou d’établir un classement. Il semble qu’il n’y a rien de commun entre le bouillonnement presque rageur –mais réalisé de manière presque brouillonne– du premier mouvement chez Yves Nat, la maîtrise technique exceptionnelle de Gulda/Amadeo et l’étrange dislocation produite par la lenteur d’Ugorsky, qui arpège les accords…

Le compositeur André Boucourechliev décrit le second mouvement ainsi : « L’Arietta, d’abord, une mélodie d’une admirable sérénité, et puis un thème qui donnera naissance à une prodigieuse série de variations, d’essence surtout rythmique. En effet, avec chaque variation, les durées se démultiplient, et le temps semble se condenser ; mais alors que dans l’op. 109 (où les rythmes se monnayaient déjà jusqu’aux plus petites valeurs), les variations sont parfaitement délimitées, ici leur repérage, pour être possible, devient sans objet. Il faut suivre leur continuité, leurs métamorphoses progressives, jusqu’au trille devenu double puis triple, réapparu encore au dessus du bruissement des valeurs pulvérisées qui tracent un domaine sonore inouï… Un ultime rappel de la cellule vitale de l’Arietta, une infime transformation chromatique de sa mélodie, scellent l’adieu et s’ouvrent sur le silence des profondeurs. » -Cliquer sur l’imagette de droite pour voir la première page manuscrite de la partition-.
J’ai beaucoup aimé, dans ce second mouvement, des interprétations aussi contrastées que Gulda/Amadeo –le passage en trilles est prodigieux-, Schnabel, Solomon et Kissin, pour n’en citer que quelques uns.

Beethoven « historique » – Erich Kleiber

J’écoute ce matin quatre symphonies de Beethoven dans les interprétations « historiques » d’Erich Kleiber, enregistrées à Amsterdam pour Decca entre 1950 et 1953, et impeccablement restaurées lors des éditions successives en CD. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Des cinq grands chefs de sa génération –de gauche droite sur cette unique photo les réunissant à Berlin,et datant de 1929 : Bruno Walter, Arturo Toscanini, Erich Kleiber, Otto Klemperer et Wilhelm Furtwängler-, Erich Kleiber était le plus jeune –né en 1890-, et le plus jeune disparu –mort en 1956 : il se serait suicidé selon son fils Carlos-.

Très tôt nommé sur un poste prestigieux –directeur de l’opéra de Berlin dès 1923-, il en démissionna peu après l’arrivée des nazis au pouvoir et s’exila avec sa famille en Argentine, pays dont il prit la nationalité. Il ne revint diriger en Europe qu’à la fin des années 40 et commença à enregistrer pour Decca, à Vienne et Amsterdam essentiellement, quelques disques qui ont fait toute sa renommée, malgré leur faible quantité : Beethoven, Mozart, Richard Strauss, un peu de Schubert et de Tchaïkovsky. L’ensemble est disponible dans un coffret de 15 CD, ce qui est peu pour un chef de cette importance…

Ses symphonies de Beethoven n’ont pas quitté le catalogue « à prix fort » jusqu’au milieu des années 60 et jouissaient en Allemagne et dans les pays anglo-saxons, dans les années 50 et jusqu’au début des années 60, du même statut de « référence » que les interprétations de Toscanini et que celles que Karajan enregistrait à peu près au même moment avec le Philharmonia Orchestra, loin devant celles de Furtwängler –les critiques de l’époque, en Angleterre ou aux USA, se montrèrent fort peu charitables avec le « vieux » chef, souvent pour des raisons extra-musicales, et ses interprétations étaient généralement considérées comme celles « d’un vieil homme malade »– ou de Jochum –mister « Stop and go »-.

Quoi qu’il en soit, les interprétations écoutées ce matin sont hautement appréciables : tempos relativement vifs, énorme énergie rythmique –en la matière, son fils Carlos a parfaitement saisi l’héritage…-, très beaux équilibres orchestraux… La symphonie « Pastorale », notamment, est magnifique, et s’inscrit sur les mêmes sommets que celle présentée il y a peu de temps, et j’ai rarement entendu un aussi excellent dernier mouvement de l’Eroica, vif et entraînant !

Playlist « Seconde chance » – Beethoven par Yves Nat

Le principe est simple : redonner une seconde chance à des enregistrements que j’ai délaissés depuis parfois très longtemps parce que je ne les ai jamais trouvé très marquants : c’est le cas de cette intégrale des sonates pour piano de Beethoven par Yves Nat. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Je l’avais achetée lors de sa première parution en CD il y a près de quarante ans et, à l’époque, le choc fut rude : saluée par un « Diapason d’or historique » et bénéficiant en France d’une aura mythique établie de longue date, je l’avais, tout de suite, cordialement détestée ! Depuis, mon jugement n’avait pas profondément évolué, comme l’indique également cette notule, où elle apparaît en fin de classement, et je ne m’étais plus trop penché sur la question.

Ces disques étant restés longtemps sur leurs étagères, il était temps de les ressortir un peu : à vrai dire et tout d’abord, de toutes les intégrales en monophonie que je connais et parues entre 1930 et 1955 –Schnabel, Gulda Decca ou Gulda Orfeo, Backhaus,Kempff, il apparaît que c’est la mieux enregistrée.
Son éditeur initial, « Les Discophiles Français », avait recruté à cet effet André Charlin, sans doute le meilleur ingénieur du son français de son temps, et ces enregistrements effectués de 1953 à 1955 permettent généralement une écoute plaisante. Des deux rééditions proposées par EMI, la plus récente est celle qui propose le meilleur remastering –coffret du cinquantième anniversaire, cliquer sur l’imagette de droite pour la voir en plus grand-. Quoi qu’il en soit, ces deux éditions sont désormais indisponibles, mais on peut encore se procurer cette intégrale des sonates à tout petit prix ici.
Après toutes ces considérations, mon appréciation a-t-elle évolué quant à cette intégrale ? Disons que je trouve que les premières sonates sont plus réussies que dans mon souvenir, avec même d’excellentes surprise -les deux sonates n°9 et 10 de l’opus 14-, mais que les plus grandes sonates de Beethoven, et plus particulièrement les dernières, ont plus peiné à me convaincre : Yves Nat opte généralement pour des tempos rapides -avec une touche de rubato-, qui ne sont pas toujours complètement assumé techniquement, faute de doigts -la Hammerkavier, à cet égard, est très décevante– : la comparaison avec Gulda, enregistré à peu près au même moment, est cruelle pour le pianiste français !
Au final, cependant, cette playlist « Seconde chance » m’aura permis de plutôt réévaluer mon appréciation de cette intégrale.

Playlist vieux crins-crins !

Après une assez longue période de disette, pour cause de « pas le temps », je révise aujourd’hui quelques grands concertos pour violon du répertoire, dont certains sont immensément populaires –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– dans des versions un peu anciennes –globalement : fin des années 50 – début des années 60-, mais dans d’excellentes conditions techniques : les prises de son d’origine sont soignées, le remastering est excellent –et le prix de l’objet tout petit lorsque je l’avais acheté il y a plusieurs années…-.

Jasha Heifetz, surnommé l’empereur des violonistes, ou le pape des violonistes selon le cas, fut incontestablement le plus exceptionnel maître de son instrument au vingtième siècle.
Enfant prodige de l’instrument –cliquer sur l’image de droite pour la voir en plus grand-, très tôt « starifié » en Europe puis, surtout, aux États-Unis où il émigra, doté d’une technique fabuleuse et d’une sonorité immédiatement identifiable, il livre dans ces concertos des versions invariablement virtuoses –ce qui n’est pas un contre-sens si l’on y réfléchit : les concertos sont généralement écrits pour faire briller un soliste…-, rapides, profondément asentimentales –l’homme était réputé ne jamais sourire…- et pourtant totalement incarnées, assez loin de la guimauve que peuvent y mettre certains.

Tous ces enregistrements le placent très près du micro, les accompagnements orchestraux, de qualité variables –la star, ici,, malgré le renom de certains chefs qui l’accompagnent, c’est le violoniste, qui impose sa vision des oeuvres ! -, étant le plus souvent placés au second plan.

Une fort belle anthologie, très variée et très bien rééditée !

Playlist « Heureuse découverte »

Cela faisait très longtemps que je recherchais à prix convenable la première intégrale des sonates pour piano de Beethoven par Friedrich Gulda, parue chez Decca en LP entre 1950 et 1958, quand le pianiste était à peine sorti de l’adolescence pour ce qui constitue les premiers de ces enregistrements –il était né en 1930, et l’éditeur anglais lui avait fait signer un contrat très avantageux suite à sa victoire au concours de Genève aussi tôt qu’en 1946, à 16 ans-, et dont la réparation en CD était passée un peu inaperçue dans l’immense flot des rééditions. –Cliquer sur l’image pour la voir ne plus grand-.

J’avais déjà son excellente intégrale enregistrée pour Amadeo, puis celle parue chez Orféo, enregistrée pour la radio autrichienne entre les différentes sessions de l’intégrale Decca à l’écoute aujourd’hui –oui, je sais, c’est assez compliqué de s’y retrouver dans ces méandres… : Friedrich Gulda est l’un des très rares pianistes à avoir enregistré pour le disque 3 intégrales des sonates pour piano de Beethoven, à ma connaissance, seuls Daniel Barenboim et Alfred Brendel  ont fait de même-, mais je ne connaissais pas du tout, autrement que pour leur réputation, les enregistrements Decca. Disons-le tout de suite : dans mon classement très personnel de ce corpus, cette intégrale serait classée dans la deuxième colonne.

Le Beethoven de Gulda, toujours vif et très bien articulé, n’a pas radicalement changé avec le temps et coule toujours avec beaucoup de naturel et d’aisance. Curieusement, il a toujours eu le soin d’enregistrer ces sonates dans l’ordre de leur numérotation, ce qui est somme toute très rare. Dans les albums Decca de ce jour, certains tempos sont un peu plus étirés –le pianiste creuse certains mouvements lents plus profondément– et le piano est un peu plus coloré, mais c’est toujours le même Beethoven bouillonnant et imaginatif qui est présenté, pour mon plus grand plaisir.

Cette intégrale avait été publiée en disques séparés, puis rassemblés au sein d’un coffret en 1959 seulement, qui entrait en concurrence avec l’intégrale des sonates enregistrée par Backhaus, presqu’au même moment et chez le même éditeur… Les deux optiques sont finalement assez proches : rigueur et vivacité du discours, un rien plus austère chez le vieux lion. Dans les deux cas, les prises de son sont tout juste convenables : il est étonnant que Decca, très réputé dès cette époque pour ses prises de son d’orchestre, ait toujours eu beaucoup de mal à enregistrer convenablement les pièces pour piano solo !

Des goûts et des couleurs, 3

Les symphonies de Beethoven, seconde partie

Seconde série des intégrales des symphonies de Beethoven, enregistrées après 1970, la première série consacrée aux intégrales plus anciennes se trouvant ici. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

My winners are : parmi ces intégrales plus récentes, c’est un trio de tête qui se dégage, selon mon humeur du moment, entre la fougue entraînante de Karajan, le marbre impressionnant de Sanderling et l’approche somptueuse et somptueusement enregistrée de Von Dohnanyi. Evidemment et comme précédemment, ce « classement » n’engage que mes oreilles et pourra être complètement contesté par d’autres paires d’oreilles !

Playlist seconde chance

Le principe est connu : donner une seconde chance à des enregistrements qui ne m’ont pas trop convaincu lorsque je les ai écoutés antérieurement. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Les deux albums Beethoven sont issus d’intégrales des symphonies que j’apprécie le moins, ainsi que je le présentais ici. Ces intégrales ont rapidement fait les beaux jours des bacs à soldes et restent encore disponibles à tout petit prix. La deuxième symphonie par André Cluytens est, en fait, beaucoup mieux que dans ma mémoire, et il serait sans doute nécessaire de réécouter ses huit soeurs : peut-être réviserai-je mon jugement à propos de cette intégrale ? En revanche, la neuvième symphonie par Carl Schuricht, qui prend appui sur une tradition française bien ancrée de l’interprétation des symphonies de Beethoven, me laisse toujours dubitatif, et la prise de son, typique de EMI France, est assez peu engageante –stéréo schématique sans grande profondeur, timbres assez délavés…-.

Quant à la monumentale huitième symphonie de Bruckner par Celibidache, je reconnais ne pas comprendre l’engouement assez général –mais, semble-t-il, de plus en plus interrogé– suscité par ce chef dans l’interprétation des oeuvres du compositeur : le superbe mouvement lent s’enlise dans des tempos lentissimes –«Ne pas traîner», indique la partition…-, et c’est vrai également pour le finale, qui y perd paradoxalement une partie de sa force et de sa grandeur. Un précis de décomposition manquant de plus cruellement de couleurs –l’orchestre est gris et terne– malgré une prise de son de très bonne qualité : il faut donc en rendre responsable ce chef très singulier !

Au final, un disque réhabilité : ce n’est pas si mal !

Des goûts et des couleurs, 2

Les symphonies de Beethoven

Comme pour la précédente notule de cette catégorie, ce diagramme –à lire en colonne, réparties en 6 groupes– présente mes préférences personnelles et n’engage que moi ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Une notule ultérieure sera consacrée aux intégrales post-70.

My winner is : un jalon de l’histoire du disque, puisqu’il s’agit de la première intégrale réalisée en tant que telle, et réunie au sein d’un coffret initialement disponible par souscription uniquement, sans possibilité d’acheter chaque disques séparément. Cette intégrale, sous une forme ou sous une autre, n’a jamais quitté le catalogue de l’éditeur depuis sa parution en 1962.

Des goûts et des couleurs…

Les sonates pour piano de Beethoven

Parfois, un diagramme vaut mieux qu’un long discours… –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

And my winner is : ce n’est pas une surprise, vous le saviez déjà si vous lisez régulièrement ce blog !  Par leurs, j’ai hésité à créer une sixième colonne, dans laquelle j’aurais classé le seul Alfred Brendel…

Mes premières intégrales de ce corps pianistique fondamental, à la lointaine époque du 33 tours, furent celles de Friedrich Gulda chez Amadeo et celle de Claudio Arrau chez Philips –elles étaient offertes, d’un volumineux coffret de 13 LP, pour l’achat des concertos pour piano-.
Je suis resté très attaché à la première nommée, et moins à la seconde, qui est pourtant régulièrement citée comme «version de référence» par de nombreux critiques musicaux et mélomanes : je la trouve pour ma part relativement sombre et austère, et la prise de son est certes belle, mais le bruit des ongles du pianiste sur le clavier me dérange profondément, sans compter qu’il respire parfois assez fort dans le micro !

Pour les amateurs de cet immense corpus pianistique, la revue Diapason en propose une intéressante «analyse» dans un numéro récent, et leur «classement» est très différent du mien, mais leurs propositions ne sont fondées que sur des enregistrements du domaine public.

Retour en haut