Un dimanche à l’opéra – Mascagni, Cavalleria rusticana

L’opéra dominical s’inscrit logiquement dans la continuité de celui écouté la semaine précédente, puisque les deux opéras sont très souvent présentés conjointement en diptyque, du fait de leur courte durée –point trop n’en faut, tout de même : il est plus raisonnable, pour mes oreilles, de ne pas dépasser la dose initialement prescrite et continuer à scinder ces écoutes en deux plutôt que de céder à la tradition « Cav-Pag » ! -.
Donc : « Cavalleria Rusticana », de Pietro Mascagni constitue l’autre oeuvre vériste qui connut un succès prodigieux à sa création, en 1890, succès qui ne s’est jamais démenti depuis. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’histoire se déroule à Pâques, dans un village sicilien de la fin du 19è siècle, et tourne autour de Turridu, un jeune homme volage, qui a séduit Lola après qu’elle s’est mariée avec Alfio. Turridu a auparavant été l’amant de Santuzza, qui se sent trahie et révèle à Alfio que Lola le trompe. Alfio provoque en duel Turridu, qui, selon la tradition sicilienne, mord l’oreille d’Alfio jusqu’au sang pour accepter un combat à mort. Le duel se déroule hors scène et l’on entend le choeur annoncer la mort de Turridu.

L’opéra est tiré d’une nouvelle éponyme de Giovanni Verga publiée en 1880, dépeignant les thèmes de la jalousie, de l’honneur et de la vengeance dans une petite communauté rurale sicilienne. L’oeuvre, en un seul acte, dure à peine plus d’une heure et se présente comme une succession de numéros très dramatiques entremêlant airs, ensembles et interludes orchestraux. Le choeur incarne la communauté villageoise et joue un rôle très important. L’orchestration est fondée sur des cordes souvent plaintives, des cuivres éclatants et toute une batterie de percussions qui renforce le drame. Elle se révèle plutôt assez prosaïque à mes oreilles, mais c’est un reproche que j’émets très souvent à l’encontre des opéras italiens en général…

La version du jour, enregistrée en 1965, demeure très célèbre –elle fait partie des enregistrements qui, sous une forme ou une autre, n’ont jamais quitté le catalogue de l’éditeur– , s’inscrit dans la parfaite continuité de celle écoutée la semaine passée –et selon les mêmes préceptes : tempi lents, beauté de l’orchestre et notamment des cordes, contrastes dynamiques exacerbés, solistes de grande réputation… –  et connut le même succès dès sa sortie.

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Playlist en couleurs. Rouge -et une devinette-.

Grateful Dead – Live Dead – 1969 ****
Johann Strauss – Valses & Polkas – Os Pittsburgh, William Steinberg – 1958 ****
The Cramps – Big Beat From Badsville – 1997 ***
Ludwig Van Beethoven – Symphonie n°9 – OP Berlin, Herbert Von Karajan – 1977 *****
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En guise de devinette : l’extrait à l’écoute est un clin d’oeil à une chanson d’un autre groupe culte, presque contemporain et dont tous les membres sont décédés et assez souvent cité sur ce blog. Saurez-vous trouvez de quel groupe il s’agit ? –Et si vous trouvez en plus le nom de la chanson qui inspire cet extrait, vous êtes brillantissimes– ! Niveau de difficulté : ** A vos claviers !

Par ailleurs, la devinette précédente reste sans solution à cette heure…

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Playlist en couleurs – Bleu

Dire Straits – Love Over Gold – 1982 *****
Gustav Mahler – Symphonie n°5 – OP Berlin, Karajan – 1973 ****
Portishead – Dummy – 1994 ***
Serge Gainsbourg – Histoire de Melody Nelson – 1971 *****
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Un dimanche à l’opéra. Leoncavallo, Pagliacci

Cette nouvelle séance dominicale est relativement courte : levé dès potron-minet, j’ai passé une bonne partie de la matinée en cuisine avant de pouvoir consacrer un peu de temps à mes oreilles, pendant que mijote un boeuf bourguignon qui embaume tout la maison !
L’opéra du jour, « Pagliacci« , que je n’ai écouté qu’une seule fois auparavant, est pourtant très populaire; il dure un peu plus d’une heure, et s’inscrit dans le mouvement vériste italien, qui, très schématiquement, est à l’opéra ce que le mouvement naturaliste français de Zola est à la littérature française : une représentation de la réalité brute qui met en avant des histoires de la vie quotidienne le plus souvent tragiques, sur fond de passions humaines. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
L’opéra, créé en 1892, est en deux actes précédés d’un court prologue. L’orchestration est riche, Leoncavallo utilise quelques leitmotivs pour dépeindre les émotions des personnages. Les mélodies sont assez prosaïques à mon goût : je n’ai jamais beaucoup accroché à l’opéra italien ! L’intrigue – selon le principe d’une pièce dans la pièce– se déroule dans un théâtre où se produit une troupe de clowns et tourne autour de l’amour non partagé et de la jalousie dévorante, qui conduira à une drame final : le meurtre de l’amant par le mari jaloux.
Dès sa première, dirigée par le grand chef Arturo Toscanini, l’oeuvre connut un triomphe qui ne s’est jamais démenti depuis. Pagliacci demeure l’un des opéras les plus populaires en Italie. Du fait de sa courte durée, l’oeuvre est très souvent jouée en diptyque avec « Cavalleria Rusticana » de Mascagni, autre très célèbre opéra vériste, relativement court lui aussi.
La version du jour est réputée de longue date, témoignage de la collaboration artistique du chef autrichien avec la Scala de Milan –il contribua largement à élever considérablement le niveau de l’orchestre– du temps où il était directeur de l’opéra de Vienne –1956-1964– : il avait entamé une fructueuse collaboration artistique entre les deux maisons, avec la création de « l’axe Vienne – Milan », qui prit fin avec sa démission de Vienne, en 1964.

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Dimanche à l’opéra – Orfeo ed Euridice, de Gluck

Je poursuis ma série dominicale et lyrique en abordant cette nouvelle année avec une bizarrerie totalement inédite pour mes oreilles : cet album fait partie de l’énorme coffret présenté ici, qui contient notamment tous les opéras enregistrés par le maestro pour la firme à l’étiquette jaune –je n’ai pas encore fini d’épuiser tous les opéras, notamment italiens…-, dont certains inédits, hors discographie « officielle », en provenance de « son » festival de Salzbourg enregistrés par la radio autrichienne, comme c’est le cas ici, et dont la présence dans le coffret m’avait d’ailleurs échappé. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Orfeo ed Euridice est un opéra en trois actes composé par Christoph Willibald Gluck, et tout-à-fait caractéristique de la réforme opératique voulue par ce compositeur, réforme qui a donné naissance au drame lyrique en rénovant l’opéra français et par opposition à l’opéra italien, ce qui engendra la célèbre et très parisienne querelle entre gluckistes et piccinistes. « Je me suis proposé de dépouiller la musique des abus qui, introduits par la vanité mal entendue des chanteurs ou par une complaisance exagérée des maîtres, défigurent depuis longtemps l’opéra italien… Je pensais à restreindre la musique à son véritable office qui est de servir la poésie pour l’expression sans interrompre l’action et sans la refroidir par des ornements superflus ». Ainsi, plutôt que d’exposer la virtuosité des chanteurs au travers de leurs « Arias », Gluck abandonne la séparation entre récitatifs est airs, pour rechercher une continuité musicale intégrant tous les éléments –solistes, choeurs, orchestre– d’une oeuvre au service du drame. Pour tout savoir sur cette réforme, vous pouvez vous rendre ici.

• L’argument est fondé sur le mythe d’Orphée, qui semble remonter aussi loin qu’au 7ème siècle avant JC. Orphée, accablé par la mort de sa jeune épouse Eurydice, chante son infinie tristesse. Sa musique touche Hadès, le dieu des enfers, qui l’autorise à ramener Eurydice dans le monde des vivants. Orphée doit pour cela attendrir les gardiens des portes de l’enfer par sa musique. Sur le chemin du retour, il lui est interdit de se retourner pour regarder son épouse. Mais, presque arrivé, il ne peut s’empêcher de regarder derrière lui et Eurydice meurt à nouveau. A partir d’ici, et contrairement aux récits issus de la mythologie grecque,Gluck et son librettiste choisissent une fin heureuse pour conclure leur opéra : Amour, touché par le malheur d’Orphée, vient redonner vie à Eurydice.


• La version du jour utilise « l’édition de Milan », parue en 1889. L’oeuvre, qui connut un succès considérable, existe en effet en plusieurs versions différentes et a connu plusieurs modifications entre sa création viennoise et les différents séjours du compositeur en Italie, puis en France. Par ailleurs, Berlioz la remania également. Cette édition milanaise tardive, en dehors de toute visée musicologiquement fondée, est sensée synthétiser le meilleur de toutes les éditions, dans une optique résolument « romantique ». Elle ne comporte pas d’ouverture orchestrale.
Gluck n’était pas une clé de son répertoire, mais Karajan a dirigé deux productions de « Orfeo ed Eurydice » dans le cadre du festival de Salzbourg : une première fois en 1948, puis en 1959. Loin des interprétations historiquement informées, le chef donne à entendre un récit hors du temps, fondé sur des tempi lents, des cordes charnues et un orchestre de toute beauté –la prise de son est très convenable, eu égard à son âge, et l’orchestre philharmonique de Vienne est en plein renouveau après des années difficiles suite à la guerre-. Comme je n’ai guère de points de repère, les solistes, dans ce contexte, me semblent tous parfaitement adaptés à la situation et les choeurs sont de toute beauté.

Une belle découverte pour entamer cette nouvelle année lyrique !

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Playlist populaire et festive

En attendant les fêtes, quelques albums de musique « légère et populaire », d’accès très facile mais qui n’en demeure pas moins plaisante ! On retrouve, dans ces trois albums datant des années 50, des compositeurs aussi variés que : Rossini, Respighi, Offenbach, Chabrier, Léhar, Nikolai, Gounod… –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Tous ces albums font partie de ce coffret, qui n’est plus disponible à la vente –selon l’éditeur, les ventes ont très rapidement dépassé toutes ses espérances– et ne se trouve qu’en seconde main à des prix relativement prohibitifs désormais, alors qu’il était initialement très abordable, de l’ordre de 1,50 € le CD.

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Playlist « L’autre Richard • Anthologie Strauss/Karajan 70’s » – 2

Suite et fin de cette mini-série entamée il y a quelques jours et consacrée à Richard Strauss. La playlist de ce jour –Appréciation : ***/****/****, cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– est plus particulièrement intéressante à deux titres au moins.

D’une part, elle permet d’entendre la seule version de la « Sinfonia Domestica » enregistrée par Karajan. Il s’agit d’une oeuvre relativement longue mais à vrai dire –et à mes oreilles– de l’une de ses pages symphoniques les moins inspirées, même si certains passages sont d’une grande beauté. La version de Karajan brille de mille feux –la fin est extraordinaire-, comme toujours lorsqu’il dirigeait Strauss et le philharmonique de Berlin est d’une splendeur rutilante.

D’autre part, cette playlist permet de vérifier que les enregistrement réalisés par EMI sont très différents de ceux publiés par Deutsche Grammophon à la même époque et dans la même salle de la philharmonie de Berlin. La perspective sonore, généralement plus réverbérée chez EMI, est à la fois moins large et plus profonde. Même l’équilibre tonal est différent –c’est encore plus marqué dans l’enregistrement tardif des symphonies de Sibelius qu’il réalisa au tournant des années 80 pour EMI-. Très généralement, les LP d’EMI étaient inférieurs en qualité sonore,  mais leurs remastérisations postérieures ont permis de beaucoup améliorer cela.

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Playlist «  L’autre Richard : Anthologie Strauss / Karajan 70’s » – 1

Entre Herbert Von Karajan et Richard Strauss, ce fut une histoire d’amour jamais démentie tout au long de la carrière discographique –et de concert– du chef, qui signa quatre anthologies orchestrales plus ou moins exhaustives des oeuvres du compositeur :
la première à la fin des années 40 –avec, notamment, le premier enregistrement mondial des « Métamorphoses »-et au début des années 50, avec l’orchestre philharmonique de Vienne et le Philharmonia Orchestra, chez EMI/Columbia ;
la deuxième au début des années 60, partagée entre l’orchestre philharmonique de Berlin, pour Deutsche Grammophon –son premier enregistrement pour honorer son contrat avec le label fut consacré à Richard Strauss– et l’orchestre philharmonique de Vienne, pour Decca ;
la troisième –la plus complète– à la toute fin des années 60 et au début des années 70 avec l’orchestre philharmonique de Berlin, partagée entre Deutsche Grammophon et EMI : c’est celle dont j’écoute la première partie aujourd’hui –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– ;

une dernière, enfin, toujours avec l’orchestre philharmonique de Berlin, au début des années 80 et de l’ère digitale, toujours chez Deutsche Grammophon.

Toutes ces versions sont a minima très satisfaisantes, et nombre d’entre elles sont exceptionnelles et restent considérées par de nombreux mélomanes et musicographes comme des versions « de référence ». Outre-Rhin, le chef reste réputé comme le plus grand « Straussien » du 20ème siècle et en France, cette opinion est assez largement partagée, même si on met sur un pied d’égalité Rudolf Kempe ou Clemens Krauss, voire Fritz Reiner. L’orchestration rutilante et foisonnante de Richard Strauss est parfaitement en accord avec les conceptions du chef : beauté des sonorités, qualité de tous les pupitres de l’orchestre, grande dynamique, sens de l’architecture.
Elles permettent également de suivre l’évolution du chef et de son orchestre de Berlin à travers les décennies, ainsi que l’évolution des techniques d’enregistrement : monophonie des années 40 et 50, début puis rapide essor de la stéréophonie, quadriphoniequi n’était intéressante que pour les marchands de canapé selon Karajan…– et, enfin, début de l’ère numérique –les remastérisations de ces premiers enregistrements numériques sont nettement préférables-.

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Playlist « Beethoven 4^4 »

Comme son nom l’indique, la playlist de ce jour est composée de quatre « quatrième oeuvre » de Beethoven, chacune d’un genre différent. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

On y trouve donc, dans l’ordre :
la quatrième sonate pour piano1796-, intitulée par son auteur « Grand sonate pour piano » et publiée isolée -elle ne fait pas partie d’une série comme toutes ses sonates de jeunesse-, qui est également l’une de ses plus longues sonates –elle dure environ une demi-heure– et son mouvement lent est d’une ampleur et d’une profondeur inaccoutumées pour l’époque.

la quatrième symphonie1806– dans une version aussi rare qu’excellente enregistrée en 1977 durant la tournée japonaise de l’orchestre philharmonique de Berlin avec son chef, Herbert Von Karajan, peu de temps après la publication de sa troisième intégrale des symphonies de Beethoven. Par rapport aux disques parus à cette époque, l’orchestre est aussi beau, virtuose et puissant mais la prédominance des cordes est moins marquée ;

la quatrième sonate pour violon et piano1801-, dans une version qui fut largement saluée par la critique au moment de sa parution, mais qui semble avoir vu sa réputation décliner depuis : la faute peut-être à une prise de son loin d’être idéale dans ses équilibres ? Pour ce qui me concerne, et du fait d’une fréquentation assez lointaine de cette sonate, cette version me convient tout-à-fait ;

enfin, le quatrième concerto pour piano1806– : il s’agit là de la plus belle version du plus beau de tous les concertos pour piano –à mes oreilles bien sûr…– dans un disque de rêve !

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Une semaine à l’opéra – Wagner, Der Ring des Nibelungen – Karajan

Au rythme d’un opéra par jour, ma fin de semaine s’est avérée fructueuse, puisque, depuis jeudi, j’ai pu écouter l’intégralité de « L’anneau du Nibelungen » de Richard Wagner, dans la version d’Herbert Von Karajan, enregistrée préalablement aux représentations qu’il donna, chaque année à Pâques entre 1967 et 1970, lors de « son » festival de Salzbourg. C’est le tout premier coffret d’opéra de Wagner que je m’étais offert, il y a plus de quarante ans : un volumineux pavé de 19 LP accompagnés d’un livret monolingue en Allemand, acheté en Allemagne pour moins de la moitié du prix auquel il était alors vendu en France –où cette édition allemande et vraisemblablement réservée au marché d’Outre-Rhin n’est d’ailleurs jamais sortie, cf. imagette de droite-.
Aujourd’hui, l’ensemble des quatre opéras tient sur un unique Bluray « Pure Audio » très soigneusement remastérisé en haute définition : le son est tout-à-fait remarquable. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

La saga du Festival de Pâques de Salzbourg, totalement dépendant de la volonté de Karajan, qui en fut l’initiateur, le financeur et le directeur artistique-chef d’orchestre-metteur en scène-éclairagiste-décorateur-concepteur des costumes et s’occupait de tout, sauf de vendre les billets, est racontée ici. Le chef y dirigea chaque année un opéra, depuis la date de sa création, fin 1966 –Karajan voulait avoir les mains totalement libres et échapper aux contingences et contraintes des maisons d’opéra après son mandat de directeur artistique à l’opéra de Vienne de 1957 à 1964– jusqu’à sa mort en 1989. Le festival ne percevant aucune subvention et le chef ne touchant aucun cachet pour ses prestations, seule la billetterie et la vente des disques servait à son financement. Dans cette perspective, et afin d’équilibrer le budget, Karajan conçut l’idée d’enregistrer les opéras présentés chaque année avant qu’ils ne soient représentés sur scène, les séances d’enregistrement servant de répétition et les enregistrements pouvant ensuite servir de supports à la mise en scène et aux éclairages.
Ainsi, à son décès, il avait notamment enregistré et présenté à Salzbourg tous les opéras de Wagner à l’exception de Tannhaüser. A l’occasion de la création du festival de Pâques, le premier opéra représenté fut la Walkyrie, suivi ensuite des trois autres opéras du cycle de « L’anneau du Nibelungen ». Les séances d’enregistrement, à la Jesus-Christus-Kirche, à l’excellente acoustique, furent réalisées selon le planning suivant.
• La walkyrie : décembre 1966
• L’or du Rhin : décembre 1967
• Siegfried : décembre 1968 –
• Le crépuscule des dieux : octobre 1969

Argument –résumé très succinct de ce cycle qui s’étend sur près de quinze heures...-.
« Das Rheingold ». « L’or du Rhin » – Le Rhin, rivière sacrée, abrite un trésor : l’or du Rhin. Trois ondines (Woglinde, Wellgunde, Flosshilde) veillent sur cet or magique. Alberich, un nain Nibelung, essaie de séduire les ondines sans succès –cliquer sur l’imagette pour la voir en plus grand-.. Il découvre que quiconque forge un anneau avec cet or acquiert un pouvoir immense. Désespéré par leur rejet, Alberich vole l’or et renonce à l’amour pour forger l’anneau.
Wotan, roi des dieux, a commandé à deux géants, Fafner et Fasolt, de construire un château, Valhalla. En échange, Wotan a promis la déesse Freia, qui garde les pommes d’immortalité. Les géants réclament Freia une fois leur tâche accomplie.
Wotan et Loge (dieu du feu) partent récupérer l’anneau d’Alberich pour racheter Freia. Dans les entrailles de la terre, Alberich règne en tyran sur les Nibelungs grâce à l’anneau. Il a aussi un casque magique, le Tarnhelm, qui permet de changer d’apparence. Wotan et Loge le capturent en jouant sur sa vanité. Alberich est forcé de céder l’anneau mais maudit celui qui le possédera.
De retour, Wotan offre l’anneau aux géants pour sauver Freia. Les géants se disputent le trésor ; Fafner tue Fasolt et s’enfuit avec l’anneau et l’or. Les dieux entrent triomphalement à Valhalla, mais l’ombre de la malédiction plane.

« Die Walküre » – Siegmund, fils de Wotan, conçu avec une mortelle, erre à travers la forêt. Il trouve refuge chez Hunding, sans savoir qu’il est l’ennemi de sa famille. Sieglinde, la femme de Hunding, reconnaît en Siegmund son frère perdu. Ils s’aiment et fuient ensemble, provoquant la colère de Hunding.
Wotan –cliquer sur l’imagette pour la voir en plus grand-, qui a engendré Siegmund pour récupérer l’anneau, souhaite l’aider. Cependant, Fricka, déesse du mariage et épouse de Wotan, exige la mort de Siegmund pour protéger l’institution du mariage. Wotan, déchiré, cède à Fricka et retire son soutien à Siegmund. Brünnhilde, la Walkyrie favorite de Wotan, reçoit l’ordre d’abandonner Siegmund au combat. Touchée par l’amour de Siegmund et Sieglinde, elle désobéit et tente de protéger Siegmund. Wotan intervient lui-même et brise l’épée de Siegmund, Nothung, causant sa mort.
Brünnhilde prend Sieglinde, désormais enceinte, et s’enfuit avec elle. En punition pour sa désobéissance, Wotan condamne Brünnhilde à dormir sur un rocher, entourée d’un cercle de feu. Seul un héros sans peur pourra la réveiller.

« Siegfried » – Sieglinde, avant de mourir, a donné naissance à Siegfried. Mime, frère d’Alberich, élève Siegfried pour qu’il tue Fafner et récupère l’anneau. Siegfried, ignorant ses origines, est fort et intrépide. Mime tente de forger une épée pour Siegfried, mais échoue à chaque fois. Siegfried, frustré, forge lui-même Notung, l’épée brisée de son père –cliquer sur l’imagette pour la voir en plus grand-.
Il part à l’aventure et tue Fafner, devenu un dragon gardant l’anneau. En goûtant accidentellement le sang du dragon, Siegfried comprend le langage des oiseaux. Un oiseau lui révèle que Mime complote contre lui. Siegfried tue Mime et prend l’anneau ainsi que le Tarnhelm.
L’oiseau le conduit ensuite vers Brünnhilde, toujours endormie sur son rocher. Wotan tente de l’arrêter, mais Siegfried brise sa lance, symbolisant la fin de son pouvoir. Siegfried traverse le feu et réveille Brünnhilde. Ils s’aiment et échangent des vœux.

« Götterdämmerung », « Le crépuscule des dieux » – , Les Nornes (déesses du destin) tissent la corde du destin, mais celle-ci se brise, annonçant la fin des dieux. Siegfried et Brünnhilde vivent heureux jusqu’à ce que Siegfried parte à l’aventure. Il rencontre Gunther, roi des Gibichungen, et sa sœur Gutrune. Hagen, demi-frère de Gunther et fils d’Alberich, complote pour récupérer l’anneau.Gutrune donne à Siegfried une potion qui lui fait oublier Brünnhilde et tomber amoureux d’elle.Sous l’influence de la potion, Siegfried aide Gunther à conquérir Brünnhilde en prenant son apparence grâce au Tarnhelm.
Brünnhilde, trahie, jure vengeance contre Siegfried. Manipulée par Hagen, elle révèle à ce dernier le seul point vulnérable de Siegfried. Lors d’une chasse, Hagen tue Siegfried avec une lance –cliquer sur l’imagette pour la voir en plus grand-.
Son corps est ramené chez les Gibichungen, et Brünnhilde découvre la vérité. Elle ordonne de dresser un bûcher funéraire pour Siegfried. Elle monte elle-même sur le bûcher avec l’anneau et se jette dans les flammes. Le Rhin monte pour reprendre l’anneau, et Hagen se noie en tentant de l’obtenir. Le Valhalla est détruit par les flammes, marquant la fin des dieux et la rédemption de l’humanité.

Le livret – Sources littéraires
« Siegfried » et « Le crépuscule des dieux » sont directement inspirés par « La Niflunga Saga », poème épique en norrois du 13ème siècle et par « La chanson du Nibelungen » qui développe peu ou prou la même intrigue, écrite en haut-allemand et datant du 12ème ou du 13ème siècle: l’action se situe dans le royaume burgonde de Worms –les Gibichungen de Wagner– vers le 5ème siècle, à l’époque d’Attila, qui  joue un rôle secondaire dans le poème.
« L’or du Rhin » et « La Walkyrie » sont adaptés de sources éparses : les Eddas relatives aux mythologies nordiques, la Völsunga saga qui retrace l’histoire de Siegmund et Sieglinde et le –roman en prose datant du 13ème siècle-, et, enfin, le « Strassburger Heldenbuch » –1480-, dit aussi « Heldenbuch-Prosa », qui offre une représentation globale de l’ensemble de l’âge héroïque royaume burgonde, en partie sous la forme d’un récit, en partie sous la forme d’un catalogue de noms –Alberich est directement tiré de ce dernier ouvrage-.
Wagner souhaitait d’abord écrire un opéra contant la légende de Siegfried, les livrets des deux derniers opéras ont donc été rédigés en premier, puis complétés et réarrangés après l’écriture des livrets de « L’or du Rhin » et de « La Walkyrie ». Leur écriture a nécessité 5 ans, puis le compositeur s’est attaché à la mise en musique dans l’ordre de présentation des opéras, à partir de 1853 et jusqu’à écriture de la note finale, en 1874, presque 20 ans plus tard…

La version de la semaine
Même s’il ne s’agit pas de ma version favorite de ce prodigieux cycle parmi la vingtaine répertoriées au sein de ma discothèque –c’est la version en live à Bayreuth de Clemens Krauss, en 1953-, c’est cependant la version studio que je préfère. Elle est d’une grande cohérence, l’orchestre y tient un rôle narratif tout-à-fait novateur et joue remarquablement bien –c’est, à mes oreilles, la meilleure proposition orchestrale pour l’ensemble du cycle-. La direction de Karajan est caractérisée par un équilibre entre puissance et délicatesse. Contrairement à d’autres approches qui mettent davantage l’accent sur l’aspect monumental et héroïque de la musique de Wagner, Karajan opte pour une interprétation plus introspective et lyrique. Cela permet aux nuances des personnages et des relations d’émerger avec une clarté émotionnelle rare.
Les tempos, d’une remarquable fluidité, sont souvent plus lents que chez d’autres chefs, mais cela permet de donner à la musique une respiration, un espace où les motifs peuvent se développer avec une richesse harmonique exceptionnelle. Les chanteurs, jeunes et à l’aube de leur carrière pour une grande partie, sont tous convaincants dans l’optique voulue par le chef –transparence et clarté de la diction, attention portée au texte, expressivité– même si certains sont d’un format moins conséquent que les habituels tenants des principaux rôles à cette époque.
Il existe des bandes « pirates » enregistrées lors de représentations de chacun de ces quatre opéras –parus notamment chez Hunt dans un coffret de 12 CD désormais introuvable-, avec une distribution quasi-identique à celle des enregistrements de studio, qui montrent, dans un son convenable –il faut faire abstraction parfois d’un souffleur intempestif…-, que la conception générale de ce cycle n’est pas une pure « création de studio ». –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Sous la direction de Karajan, l’ouverture du « Rheingold », avec ses célèbres accords continus, est marquée par une fluidité et une transparence qui mettent en lumière l’élément aquatique. Karajan excelle à créer une atmosphère où l’or du Rhin semble briller et scintiller à travers l’orchestre, symbolisant à la fois la beauté et la corruption que cet or apporte. Son approche est plus subtile et moins martiale que celle de Solti, créant un sentiment d’irréalité et de rêve. Les cuivres ont une présence majestueuse mais pas écrasante. La dynamique entre Wotan et Alberich est traitée avec une tension croissante, mais Karajan met en lumière l’humanité derrière leurs actes, plutôt que de se concentrer uniquement sur leur symbolisme mythologique.

Dans « Die Walküre », Karajan adopte une approche particulièrement lyrique, mettant l’accent sur les relations humaines, notamment dans l’acte I avec l’amour entre Siegmund et Sieglinde. Contrairement à certains chefs qui privilégient l’aspect héroïque de cette musique, Karajan adopte un tempo plus lent et contemplatif, faisant ressortir l’aspect intime et tragique de l’œuvre. L’acte II, avec la confrontation entre Wotan et Brünnhilde est un sommet de tension dramatique. Karajan fait ressortir la lutte intérieure de Wotan, tiraillé entre ses devoirs divins et ses émotions paternelles. L’orchestre, sous sa baguette, est subtil mais puissant, chaque nuance étant parfaitement contrôlée pour servir le drame. L’acte III, avec la célèbre « Chevauchée des Walkyries », est moins tonitruant sous Karajan que sous d’autres chefs. Plutôt que d’insister sur la puissance brute, il opte pour une approche plus raffinée, mettant en avant la précision des motifs orchestraux.

« Siegfried » est souvent considéré comme l’opéra le naturaliste et lumineux du cycle. En amoureux de la nature, Karajan le traite avec une subtilité rare. L’introduction orchestrale à l’acte I, qui décrit le travail de Mime dans sa forge, est interprétée avec une clarté et une précision admirables. Siegfried est à la fois naïf et héroïque, mais Karajan ne pousse jamais trop loin l’aspect triomphaliste du personnage. Il privilégie la complexité de Siegfried, qui évolue tout au long de l’opéra de l’insouciance à une plus grande maturité. Le duo entre Siegfried et Brünnhilde à la fin de l’acte III est magnifiquement exécuté sous Karajan, avec une montée progressive de l’émotion. Plutôt que de se précipiter vers le climax, le chef permet à la musique de respirer, de sorte que la libération finale de Brünnhilde semble à la fois inévitable et profondément émotive.

Enfin, dans « Götterdämmerung », Karajan aborde la conclusion épique du cycle avec une grande noblesse. Le prélude est marqué par une tension contenue, Karajan maîtrisant chaque aspect de la montée orchestrale qui annonce la tragédie à venir.
Le personnage de Brünnhilde est central dans cette vision. Karajan met en lumière sa transformation, passant d’une héroïne guerrière à une figure féminine tragique et rédemptrice. Le climax final, avec l’auto-immolation de Brünnhilde et la destruction de Valhalla, est dirigé avec une grandeur implacable. Les motifs musicaux, notamment celui de la rédemption par l’amour, sont magnifiquement tissés ensemble. Karajan, tout en conservant la puissance dramatique, souligne aussi l’aspect cyclique et inexorable du destin dans cette œuvre.

Evidemment, avec ce Blu-ray « Pure Audio », on échappe à toutes les scories d’un enregistrement live et les conditions techniques sont excellentes.
Le nouveau remastering est tout-à-fait exceptionnel et magnifie des prises de son très soignées dès leur origine –il fallait concurrencer la version spectaculaire de Georg Solti enregistrée chez Decca-. Il rend par ailleurs mieux justice au « Crépuscule des dieux » en rééquilibrant la balance orchestrale : les cuivres sont désormais mieux intégrés et moins projetés en avant, alors que, notamment dans le premier report en CD, ils avaient tendance à tonitruer au détriment du reste de l’orchestre.

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