Dimanche matin à l’opéra – The Who, Tommy

Je vous invite à une séance dominicale et matinale à l’opéra, en vous proposant aujourd’hui une oeuvre très atypique du répertoire lyrique –dont elle ne fait pas du tout partie, il s’agit bien évidemment d’un abus de langage…-.
Tommy est un « concept album » du groupe britannique The Who, sorti en 1969 et présenté comme un opéra-rock par son créateur Pete Townshend. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Il raconte l’histoire fictive de Tommy Walker, un garçon sourd, muet et aveugle, qui traverse des épreuves psychologiques et spirituelles pour devenir une figure messianique.

Le récit de Tommy, né pendant la guerre en l’absence de son père, débute avec le retour de son père, le capitaine Walker, porté disparu pendant la guerre. Lorsque le capitaine revient, il découvre que la mère de Tommy a refait sa vie avec un autre homme. Le garçon assiste à une violente confrontation entre les deux hommes. Selon les versions, le père tue l’amant ou l’amant tue le père, ce n’est pas le plus important –sic– et cela n’a pas d’autre impact sur le déroulé du récit. Il faut simplement en retenir que Tommy subit un choc traumatique qui le rend sourd, muet et aveugle.
Dès lors, sa mère et son père –ou son amant, donc, selon celui qui est resté vivant…– désespérés, tentent diverses méthodes pour le guérir : l’enfant est donc confié toute une galerie de personnages plus ou moins charlatanesques qui lui font subir les pires traitements. Il va sans dire que toutes ces méthodes plus ou moins loufoques et/ou maltraitantes échouent.
Cependant, malgré son handicap, Tommy développe un don extraordinaire pour le flipper, dont il ressent les moindres vibrations, devenant une légende dans ce domaine. Au fil du temps, sa mère et son père –ou son amant, donc, selon celui qui est resté vivant…– rencontrent un médecin qui leur assure que Tommy peut être guéri s’il parvient à regarder en lui-même. Un jour, sa mère, dans un accès de frustration, brise un miroir dans lequel Tommy se voyait –sans se voir, forcément– régulièrement, ce qui entraîne sa guérison miraculeuse.
Après sa guérison, Tommy devient une figure de culte. Il attire des foules de fidèles fascinés par son histoire et son message de transcendance à travers la souffrance. Cependant, en cherchant à imposer sa vision du monde à ses disciples, Tommy finit par se mettre à dos ceux qui le suivaient et retombe dans la solitude.
Au final donc, un « livret » faible et une histoire totalement invraisemblable et complètement décousue, pleine d’incohérences également, portée par les concepts mystico-ésotériques de Meher Baba, dont Pete Townshend était alors un disciple. L’album a aussi marqué un tournant pour Pete Townshend, ex-enfant maltraité, qui a exploré des thèmes spirituels et philosophiques liés à la quête de soi et à la recherche de sens.

Musicalement, Tommy est une oeuvre beaucoup plus intéressante, qui allie des influences variées, notamment le rock, le blues, et des éléments tirés du monde lyrique. La guitare de Pete Townshend alterne les passages puissants en power chords et des moments plus subtils en arpèges, la basse virtuose de John Entwistle forme, comme toujours, le ciment des chansons et la voix de Roger Daltrey, qui doit incarner de multiples personnages, est puissante et expressive. Keith Moon, le batteur est plus sobre et discipliné qu’à son habitude, même si son incapacité à tenir un rythme régulier –c’est lui qui l’affirmait en interview– l’oblige toujours à remplir ses figures rythmiques, quitte à les briser parfois.

Tommy a également été adapté –cliquer sur les imagettes pour les voir en plus grand– :
en version « classique » avec l’orchestre symphonique de Londres, que je n’ai entendu que de rares fois et dont je n’ai pas gardé un souvenir impérissable ; il en existe un enregistrement qui ne semblent plus accessible aisément en ce moment ;
en film en 1975 par Ken Russell, avec une distribution incluant Roger Daltrey, Elton John –la meilleure prestation de ce chanteur de variété, à voir et écouter ici-Tina Turner –excellente en droguée perverse déjantée-, et Jack Nicholson, contribuant encore à sa popularité.
Le film a beaucoup vieilli, mais sa bande originale est de qualité et apporte parfois un surcroît de densité à la musique.
enfin, de nombreux bootlegs des concerts qui suivirent la parution de l’album existent, dans des conditions techniques de qualité très variable. La version la plus satisfaisante est celle proposée en bonus de la version « Deluxe » de l’excellent « Live At Leeds ».

Lors de sa sortie, Tommy reçut généralement des critiques élogieuses pour son ambition et son originalité, même si les avis furent parfois réservés, déjà, sur la trame et les incohérences de son « livret ». L’album a contribué à positionner The Who comme un groupe majeur de l’histoire de la Rock-Music et a enfin permis au groupe d’acquérir l’autonomie financière qui leur manquait jusqu’alors.
Avec Tommy, The Who a ouvert la voie à d’autres groupes pour explorer des formats narratifs dans la musique rock. L’album a marqué l’émergence de ce qu’on appelle l’opéra rock et a posé les bases pour des œuvres comme The Wall de Pink Floyd et des albums de David Bowie –Ziggy Stardust ; Aladdin Sane– ou Genesis –The lamb Lies Down On Broadway-.

Playlist « Fouilles archéologiques »

En attendant la nomination d’un nouveau gouvernement –comme je suis devenu un presqu’oisif 😈 , cette nomination prend beaucoup moins d’importance désormais…-, j’explore, ce matin, tel un archéologue, les tréfonds de ma discothèque, avec quelques-uns de mes plus vieux CD : de véritables 40 ans d’âge, encore en très bon état de marche, et du tout-venant basique pour un mélomane presque naissant. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Il va de soi que ces albums ne déparent absolument pas ma discothèque, même si je n’écoute plus guère la symphonie inachevée de Schubert que j’adorais en ce temps-là et encore moins le disque d’extraits orchestraux consacré à Wagner –la prise de son reste superlative-, mais, à l’époque, j’étais bien trop désargenté pour m’offrir une version complète du Ring en CD, beaucoup trop coûteuse : en parité de pouvoir d’achat, un unique CD de 1984 représentait 44,21€ de 2023, alors un coffret de 13 ou 14 CD…

Playlist « Défi des 10 ans » – 9

On avance, on avance, pour arriver au terme de ce défi avant la fin de l’année ! Je vous rappelle le principe de ce défi ici, pour mémoire. Ce neuvième épisode n’est pas le meilleur et, pour partie, se trouve constitué de bric et de broc. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

C’est le cas, notamment, de Tattoo You, paru en 1981, mais compilant essentiellement des « chutes de studio » remontant jusqu’à 1973, avec Mick Taylor, quelque peu retravaillées, comme le tube Start Me Up, initialement envisagé comme un reggae bancal, et qui devient un titre rock efficace. L’album propose une face rapide et une face lente, curiosité supplémentaire dans la discographie des Rolling Stones.
La tournée des stades qui suivit, triomphale et sportive, aux États-Unis puis en Europe, donna lieu à de nombreux albums, dont un officiel paru en 1982 puis deux autres, bien meilleurs et proposant des shows complets, publiés par le groupe dans le cadre de l’ouverture de leurs archives.

Le dernier disque de cette playlist, Undercover Of The Night, est très inégal, un peu fourre-tout et sans aucune unité de style, et commence à marquer le début des querelles entre les Glimmer Twins –Mick Jagger et Keith Richards-.

Surprise passionnante !

Cette nouvelle surprise mensuelle, arrivée presqu’à l’heure, porte bien son nom, et je n’en dirai pas plus, afin d’attiser votre curiosité ! Son contenu est tout-à-fait rare et, en effet, réellement passionnant, d’une grande beauté et d’une belle puissance suggestive.
Elle est disponible ici, et, comme de coutume, la surprise du mois précédent est désormais supprimée du serveur.

ENJOY !

Dimanche à l’opéra – Debussy, Pelléas et Mélisande

Le retour de la rentrée et de ses incontournables marronniers marque également l’ouverture de la saison à l’opéra. A l’Opéra National du Rhin, traditionnellement, la première oeuvre proposée est un opéra contemporain présenté dans le cadre du festival Musica. J’y suis allé à quelques occasions, les productions sont généralement de qualité mais les oeuvres elles-mêmes sont très inégales.
Pour mon retour à l’opéra, en ce dimanche tout-à-fait estival, j’ai donc déposé sur ma platine une oeuvre que j’écoute rarement, « Pelléas et Mélisande« , de Claude Debussy, dans la version d’Herbert Von Karajan, qu’il enregistra pour EMI en 1978. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Argument.
L’opéra se passe à une date indéterminée, au royaume d’Allemonde, et l’on ne sait rien du passé des protagonistes de de leur futur, si ce n’est la mort pour les deux rôles-titres. L’oeuvre est divisée en cinq actes, d’une durée totale de trois heures environ. Pelléas est le plus jeune fils du roi d’Allemande, Golaud est son demi-frère plus âgé et Mélisande une jeune femme mystérieuse sans autre forme de détail.
Acte I : Golaud rencontre Mélisande dans une forêt. Elle devient son épouse malgré son mystère. Leur relation est marquée par l’inquiétude et l’incompréhension.
Acte II : Pelléas et Mélisande se rapprochent. Leurs rencontres innocentes cachent une passion naissante.
Acte III : Leur amour devient plus explicite. La scène du puits où Mélisande laisse tomber son anneau est un moment clé, symbolisant la perte de contrôle et l’inévitabilité du destin.
Acte IV : La tension atteint son apogée. Golaud découvre la relation entre Pelléas et Mélisande. La scène finale de cet acte voit Golaud tuer Pelléas dans un accès de jalousie.
Acte V : Mélisande, blessée et mourante, accouche d’une fille. Golaud, rongé par la culpabilité, tente de comprendre ses sentiments et la vérité sur la relation de Mélisande avec Pelléas, mais il est trop tard.

Le livret est tiré d’une pièce de Maurice Maeterlinck -dramaturge belge symboliste– publiée en 1892, qui s’inscrit dans la même ambiance mystérieuse et onirique que l’opéra de Debussy et expose ce triangle amoureux entre Golaud, Pelléas et Mélisande –amour impossible et jalousie, destin, fatalité et incommunicabilité-, à travers des dialogues minimalistes.
Créé en 1902 à l’Opéra-Comique de Paris, l’opéra de Debussy marque une rupture significative avec les conventions de l’opéra romantique, inaugurant une nouvelle ère de musique impressionniste. L’œuvre est célèbre pour son atmosphère mystérieuse, ses harmonies innovantes, et son exploration des thèmes de l’amour, de la fatalité, et de l’incommunicabilité. Debussy, fasciné par l’esthétique symboliste et désireux de s’éloigner des formes opératiques traditionnelles -et notamment Richard Wagner-, décide d’adapter la pièce en un opéra. Son approche musicale cherche à capturer l’essence de l’œuvre de Maeterlinck, avec une musique qui se mêle intimement au texte, créant une atmosphère ambiguë et suggestive.

Innovations et symbolisme
Debussy rompt avec les conventions de l’opéra traditionnel, préférant une structure fluide qui se rapproche davantage du drame musical. Contrairement aux opéras classiques, « Pelléas et Mélisande » n’a pas de séparation nette entre récitatifs et airs. Les dialogues sont chantés de manière continue, avec une prosodie naturelle qui suit les inflexions de la langue française. Cela contribue à la fluidité du drame, où la musique et le texte se fondent en une seule unité expressive. La partition est construite sur des harmonies non résolues et une orchestration subtile qui met l’accent sur les couleurs et les textures sonores plutôt que sur des mélodies linéaires et des cadences traditionnelles. L’harmonie non habituelle et les accords non résolus, qui contribuent à l’atmosphère flottante et insaisissable de l’opéra. L’orchestration de Debussy est raffinée, utilisant souvent des instruments de manière inédite pour créer des effets de timbre et de couleur. Par exemple, les cordes jouent fréquemment en sourdine, et les bois sont utilisés pour créer des sonorités éthérées.
« Pelléas et Mélisande » est un opéra où le symbolisme règne en maître. Chaque élément, qu’il s’agisse des personnages, des objets ou des lieux, est chargé de significations multiples. L’eau est omniprésente dans l’opéra, symbolisant à la fois la vie, la pureté, le mystère, et la mort. Mélisande est associée à l’eau dès le début, lorsqu’elle est découverte près d’une fontaine, et la mer joue un rôle important dans le destin des personnages.
Le contraste entre la lumière et l’obscurité est un autre motif récurrent, symbolisant la dualité de la vérité et du mensonge, de l’amour et de la haine, de la vie et de la mort. La cécité du roi Arkel est un symbole de l’incapacité à voir ou comprendre la vérité.
L’un des symboles les plus marquants est celui des longs cheveux de Mélisande, qui sont à la fois un objet de désir et un instrument de tragédie. Lors de la scène emblématique où Mélisande laisse ses cheveux pendre par la fenêtre, ceux-ci deviennent une métaphore de l’enchevêtrement des destins des personnages.

À sa création, « Pelléas et Mélisande » divise le public et la critique. L’opéra, lors de sa représentation générale,  est victime d’un « chahut » organisé par Maeterlink lui-même, qui souhaitait que sa maîtresse, Georgette Leblanc, la soeur de Maurice, interprète le rôle de Mélisande, finalement attribué à Mary Garden –cliquer sur l’image de droite pour la voir en plus grand-. Certains sont déconcertés par l’absence de grandes arias et la nature insaisissable de l’œuvre, tandis que d’autres louent l’innovation et la beauté de la musique. Avec le temps, « Pelléas et Mélisande » est devenu une œuvre emblématique du répertoire lyrique, saluée pour son avant-gardisme et sa profonde expressivité.
Il s’agit d’une œuvre d’art totale où la musique, le texte, et la mise en scène se fondent en une seule entité poétique. Opéra préféré d’Herbert Von Karajan, le chef en offre une version plus onirique que la plupart de ses congénères, pendant de son « Parsifal » presque contemporain. L’orchestre y tient une place principale, dans une prise de son légèrement réverbérée qui ajoute à l’ambiance éthérée dispensée par des cordes somptueuses. Les chanteurs sont au moins adéquats à défaut d’être tous géniaux, et chantent dans un Français acceptable et compréhensible. C’est une très belle version, qui fut largement saluée par la critique à sa parution et reste une version princeps de l’oeuvre.

Playlist « Vous avez demandé la police »

En cette journée caniculaire –34° quand même et pas le plus petit souffle de vent-, la playlist de ce jour est tout-à-fait rafraîchissante et c’est toujours un vrai plaisir –pour mes oreilles au moins– de retrouver la batterie hyper-dynamique, tonique et vivifiante de Stewart Copeland et des compositions qui ont marqué leur époque, déjà un peu lointaine, et connu un succès assez considérable en leur temps… -cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

A travers une écoute dans l’ordre des trois premiers albums du groupe, parus entre 1978 et 1980, il est plaisant de suivre l’évolution créative du groupe, du post punk originel vers des horizons reggae ou une new wave plus élaborée et aux accents presque jazzy parfois : on y trouve une belle collection de chansons rapidement passées à la postérité.
La reformation du groupe, le temps d’une tournée triomphale, en 2008, avait confirmé leur succès considérable à l’échelle de la planète.

289, nombre magique d’actualité…

Oiseau rare ou mouton à cinq pattes ? Peu importe en réalité. Les données du problème se posent désormais ainsi : on recherche un premier ministre qui réussira à ne pas avoir de majorité constituéesoit 289 députés, nombre magique de la période…– pour voter une motion de censure destinée à renverser son gouvernement, puisqu’il est impossible d’en trouver un capable de réunir le même nombre de députés capables de le soutenir…

Réponse dans les 289  jours qui viennent :mrgreen:  ?

Une histoire de la critique musicale

L’Université de Cambridge, réputé pour être l’une des meilleures au monde, voire la meilleure –selon les différents types de classements adoptés-, publie depuis 2002 une très riche « Histoire de la musique » à vocation encyclopédique, en plusieurs ouvrages thématiques relativement lourds et volumineux, écrits par des auteurs reconnus comme des sommités dans leurs domaines respectifs, et qui paraissent au rythme d’un volume par an environ. Le dernier volume paru, à ce jour, a été publié en 2019.
A l’occasion de mon départ en retraite, quelques-uns de ces volumes m’ont été offerts –la liste complète de cette collection est présentée dans l’imagette de droite, que vous pouvez agrandir-.

Celui que je vous présente aujourd’hui propose une histoire de la critique musicale dans le monde occidental depuis l’époque médiévale jusqu’à nos jours, et s’avère d’une lecture quelque peu aride –même si j’ai l’habitude de lire en Anglais– mais absolument passionnante : comment étaient perçus, en leur époque, des musiciens aujourd’hui célèbres, et qu’écrivaient les musicographes au sujet de leurs oeuvres ? –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

De longues heures de lecture devant moi –mais désormais, j’aurai tout mon temps…-, pour voyager ans le temps et dans l’espace, au rythme de la subjectivité des uns et des autres !

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