Dimanche matin à l’opéra – The Who, Tommy

Je vous invite à une séance dominicale et matinale à l’opéra, en vous proposant aujourd’hui une oeuvre très atypique du répertoire lyrique –dont elle ne fait pas du tout partie, il s’agit bien évidemment d’un abus de langage…-.
Tommy est un « concept album » du groupe britannique The Who, sorti en 1969 et présenté comme un opéra-rock par son créateur Pete Townshend. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Il raconte l’histoire fictive de Tommy Walker, un garçon sourd, muet et aveugle, qui traverse des épreuves psychologiques et spirituelles pour devenir une figure messianique.

Le récit de Tommy, né pendant la guerre en l’absence de son père, débute avec le retour de son père, le capitaine Walker, porté disparu pendant la guerre. Lorsque le capitaine revient, il découvre que la mère de Tommy a refait sa vie avec un autre homme. Le garçon assiste à une violente confrontation entre les deux hommes. Selon les versions, le père tue l’amant ou l’amant tue le père, ce n’est pas le plus important –sic– et cela n’a pas d’autre impact sur le déroulé du récit. Il faut simplement en retenir que Tommy subit un choc traumatique qui le rend sourd, muet et aveugle.
Dès lors, sa mère et son père –ou son amant, donc, selon celui qui est resté vivant…– désespérés, tentent diverses méthodes pour le guérir : l’enfant est donc confié toute une galerie de personnages plus ou moins charlatanesques qui lui font subir les pires traitements. Il va sans dire que toutes ces méthodes plus ou moins loufoques et/ou maltraitantes échouent.
Cependant, malgré son handicap, Tommy développe un don extraordinaire pour le flipper, dont il ressent les moindres vibrations, devenant une légende dans ce domaine. Au fil du temps, sa mère et son père –ou son amant, donc, selon celui qui est resté vivant…– rencontrent un médecin qui leur assure que Tommy peut être guéri s’il parvient à regarder en lui-même. Un jour, sa mère, dans un accès de frustration, brise un miroir dans lequel Tommy se voyait –sans se voir, forcément– régulièrement, ce qui entraîne sa guérison miraculeuse.
Après sa guérison, Tommy devient une figure de culte. Il attire des foules de fidèles fascinés par son histoire et son message de transcendance à travers la souffrance. Cependant, en cherchant à imposer sa vision du monde à ses disciples, Tommy finit par se mettre à dos ceux qui le suivaient et retombe dans la solitude.
Au final donc, un « livret » faible et une histoire totalement invraisemblable et complètement décousue, pleine d’incohérences également, portée par les concepts mystico-ésotériques de Meher Baba, dont Pete Townshend était alors un disciple. L’album a aussi marqué un tournant pour Pete Townshend, ex-enfant maltraité, qui a exploré des thèmes spirituels et philosophiques liés à la quête de soi et à la recherche de sens.

Musicalement, Tommy est une oeuvre beaucoup plus intéressante, qui allie des influences variées, notamment le rock, le blues, et des éléments tirés du monde lyrique. La guitare de Pete Townshend alterne les passages puissants en power chords et des moments plus subtils en arpèges, la basse virtuose de John Entwistle forme, comme toujours, le ciment des chansons et la voix de Roger Daltrey, qui doit incarner de multiples personnages, est puissante et expressive. Keith Moon, le batteur est plus sobre et discipliné qu’à son habitude, même si son incapacité à tenir un rythme régulier –c’est lui qui l’affirmait en interview– l’oblige toujours à remplir ses figures rythmiques, quitte à les briser parfois.

Tommy a également été adapté –cliquer sur les imagettes pour les voir en plus grand– :
en version « classique » avec l’orchestre symphonique de Londres, que je n’ai entendu que de rares fois et dont je n’ai pas gardé un souvenir impérissable ; il en existe un enregistrement qui ne semblent plus accessible aisément en ce moment ;
en film en 1975 par Ken Russell, avec une distribution incluant Roger Daltrey, Elton John –la meilleure prestation de ce chanteur de variété, à voir et écouter ici-Tina Turner –excellente en droguée perverse déjantée-, et Jack Nicholson, contribuant encore à sa popularité.
Le film a beaucoup vieilli, mais sa bande originale est de qualité et apporte parfois un surcroît de densité à la musique.
enfin, de nombreux bootlegs des concerts qui suivirent la parution de l’album existent, dans des conditions techniques de qualité très variable. La version la plus satisfaisante est celle proposée en bonus de la version « Deluxe » de l’excellent « Live At Leeds ».

Lors de sa sortie, Tommy reçut généralement des critiques élogieuses pour son ambition et son originalité, même si les avis furent parfois réservés, déjà, sur la trame et les incohérences de son « livret ». L’album a contribué à positionner The Who comme un groupe majeur de l’histoire de la Rock-Music et a enfin permis au groupe d’acquérir l’autonomie financière qui leur manquait jusqu’alors.
Avec Tommy, The Who a ouvert la voie à d’autres groupes pour explorer des formats narratifs dans la musique rock. L’album a marqué l’émergence de ce qu’on appelle l’opéra rock et a posé les bases pour des œuvres comme The Wall de Pink Floyd et des albums de David Bowie –Ziggy Stardust ; Aladdin Sane– ou Genesis –The lamb Lies Down On Broadway-.

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Dimanche à l’opéra – Debussy, Pelléas et Mélisande

Le retour de la rentrée et de ses incontournables marronniers marque également l’ouverture de la saison à l’opéra. A l’Opéra National du Rhin, traditionnellement, la première oeuvre proposée est un opéra contemporain présenté dans le cadre du festival Musica. J’y suis allé à quelques occasions, les productions sont généralement de qualité mais les oeuvres elles-mêmes sont très inégales.
Pour mon retour à l’opéra, en ce dimanche tout-à-fait estival, j’ai donc déposé sur ma platine une oeuvre que j’écoute rarement, « Pelléas et Mélisande« , de Claude Debussy, dans la version d’Herbert Von Karajan, qu’il enregistra pour EMI en 1978. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Argument.
L’opéra se passe à une date indéterminée, au royaume d’Allemonde, et l’on ne sait rien du passé des protagonistes de de leur futur, si ce n’est la mort pour les deux rôles-titres. L’oeuvre est divisée en cinq actes, d’une durée totale de trois heures environ. Pelléas est le plus jeune fils du roi d’Allemande, Golaud est son demi-frère plus âgé et Mélisande une jeune femme mystérieuse sans autre forme de détail.
Acte I : Golaud rencontre Mélisande dans une forêt. Elle devient son épouse malgré son mystère. Leur relation est marquée par l’inquiétude et l’incompréhension.
Acte II : Pelléas et Mélisande se rapprochent. Leurs rencontres innocentes cachent une passion naissante.
Acte III : Leur amour devient plus explicite. La scène du puits où Mélisande laisse tomber son anneau est un moment clé, symbolisant la perte de contrôle et l’inévitabilité du destin.
Acte IV : La tension atteint son apogée. Golaud découvre la relation entre Pelléas et Mélisande. La scène finale de cet acte voit Golaud tuer Pelléas dans un accès de jalousie.
Acte V : Mélisande, blessée et mourante, accouche d’une fille. Golaud, rongé par la culpabilité, tente de comprendre ses sentiments et la vérité sur la relation de Mélisande avec Pelléas, mais il est trop tard.

Le livret est tiré d’une pièce de Maurice Maeterlinck -dramaturge belge symboliste– publiée en 1892, qui s’inscrit dans la même ambiance mystérieuse et onirique que l’opéra de Debussy et expose ce triangle amoureux entre Golaud, Pelléas et Mélisande –amour impossible et jalousie, destin, fatalité et incommunicabilité-, à travers des dialogues minimalistes.
Créé en 1902 à l’Opéra-Comique de Paris, l’opéra de Debussy marque une rupture significative avec les conventions de l’opéra romantique, inaugurant une nouvelle ère de musique impressionniste. L’œuvre est célèbre pour son atmosphère mystérieuse, ses harmonies innovantes, et son exploration des thèmes de l’amour, de la fatalité, et de l’incommunicabilité. Debussy, fasciné par l’esthétique symboliste et désireux de s’éloigner des formes opératiques traditionnelles -et notamment Richard Wagner-, décide d’adapter la pièce en un opéra. Son approche musicale cherche à capturer l’essence de l’œuvre de Maeterlinck, avec une musique qui se mêle intimement au texte, créant une atmosphère ambiguë et suggestive.

Innovations et symbolisme
Debussy rompt avec les conventions de l’opéra traditionnel, préférant une structure fluide qui se rapproche davantage du drame musical. Contrairement aux opéras classiques, « Pelléas et Mélisande » n’a pas de séparation nette entre récitatifs et airs. Les dialogues sont chantés de manière continue, avec une prosodie naturelle qui suit les inflexions de la langue française. Cela contribue à la fluidité du drame, où la musique et le texte se fondent en une seule unité expressive. La partition est construite sur des harmonies non résolues et une orchestration subtile qui met l’accent sur les couleurs et les textures sonores plutôt que sur des mélodies linéaires et des cadences traditionnelles. L’harmonie non habituelle et les accords non résolus, qui contribuent à l’atmosphère flottante et insaisissable de l’opéra. L’orchestration de Debussy est raffinée, utilisant souvent des instruments de manière inédite pour créer des effets de timbre et de couleur. Par exemple, les cordes jouent fréquemment en sourdine, et les bois sont utilisés pour créer des sonorités éthérées.
« Pelléas et Mélisande » est un opéra où le symbolisme règne en maître. Chaque élément, qu’il s’agisse des personnages, des objets ou des lieux, est chargé de significations multiples. L’eau est omniprésente dans l’opéra, symbolisant à la fois la vie, la pureté, le mystère, et la mort. Mélisande est associée à l’eau dès le début, lorsqu’elle est découverte près d’une fontaine, et la mer joue un rôle important dans le destin des personnages.
Le contraste entre la lumière et l’obscurité est un autre motif récurrent, symbolisant la dualité de la vérité et du mensonge, de l’amour et de la haine, de la vie et de la mort. La cécité du roi Arkel est un symbole de l’incapacité à voir ou comprendre la vérité.
L’un des symboles les plus marquants est celui des longs cheveux de Mélisande, qui sont à la fois un objet de désir et un instrument de tragédie. Lors de la scène emblématique où Mélisande laisse ses cheveux pendre par la fenêtre, ceux-ci deviennent une métaphore de l’enchevêtrement des destins des personnages.

À sa création, « Pelléas et Mélisande » divise le public et la critique. L’opéra, lors de sa représentation générale,  est victime d’un « chahut » organisé par Maeterlink lui-même, qui souhaitait que sa maîtresse, Georgette Leblanc, la soeur de Maurice, interprète le rôle de Mélisande, finalement attribué à Mary Garden –cliquer sur l’image de droite pour la voir en plus grand-. Certains sont déconcertés par l’absence de grandes arias et la nature insaisissable de l’œuvre, tandis que d’autres louent l’innovation et la beauté de la musique. Avec le temps, « Pelléas et Mélisande » est devenu une œuvre emblématique du répertoire lyrique, saluée pour son avant-gardisme et sa profonde expressivité.
Il s’agit d’une œuvre d’art totale où la musique, le texte, et la mise en scène se fondent en une seule entité poétique. Opéra préféré d’Herbert Von Karajan, le chef en offre une version plus onirique que la plupart de ses congénères, pendant de son « Parsifal » presque contemporain. L’orchestre y tient une place principale, dans une prise de son légèrement réverbérée qui ajoute à l’ambiance éthérée dispensée par des cordes somptueuses. Les chanteurs sont au moins adéquats à défaut d’être tous géniaux, et chantent dans un Français acceptable et compréhensible. C’est une très belle version, qui fut largement saluée par la critique à sa parution et reste une version princeps de l’oeuvre.

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Un dimanche à l’opéra – Engelbert Humperdinck, Hänsel und Gretel

Fin de saison ! En ce jour de fête nationale, voici mon dernier dimanche à l’opéra pour cette saison lyrique avant notre prochain départ en vacances ! Aujourd’hui, un très bel album qui me fera retomber un peu en enfance, quand je dévorais les contes des frères Grimm, dont est issu le présent livret, rédigé par la soeur du compositeur, Adelheid Wette, qui réorganise l’histoire bien connue –des enfants, leurs parents, une sorcière, la forêt et beaucoup de pain d’épices !– en trois actes. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Acte 1 : Hänsel und Gretel, deux enfants d’une famille pauvre, sont laissés seuls à la maison, à l’orée de la forêt. Leur mère, Gertrud, exaspérée par leur manque de travail, les envoie chercher des fraises dans la forêt. Leur père, Peter, un vendeur de balais –dans conte de Grimm, c’est un bûcheron-, rentre chez eux joyeux car il a fait de bonnes ventes. Cependant, il s’inquiète en apprenant que les enfants sont dans la forêt, car elle est habitée par une sorcière maléfique qui attire les enfants avec des friandises pour les dévorer.
• Acte 2 : Hänsel und Gretel cueillent des fraises mais se perdent dans la forêt. Effrayés et fatigués, ils s’endorment. Ils sont protégés par un chœur d’anges bienveillants, invoqués par le Marchand de sable et la Rosée, les esprits de la forêt. Les enfants passent une nuit paisible sous la garde de ces esprits.
•Acte 3 : Au matin, Hänsel et Gretel découvrent une maison en pain d’épices. Affamés, ils commencent à en manger. La sorcière sort de la maison et les capture. Elle enferme Hänsel dans une cage pour le gaver et le manger plus tard, tandis qu’elle force Gretel à l’aider. Grâce à leur ruse et leur courage, Gretel réussit à tromper la sorcière et à la pousser dans son propre four. La sorcière est vaincue et la maison se transforme, révélant les autres enfants qu’elle avait ensorcelés. Les parents de Hänsel et Gretel arrivent et retrouvent leurs enfants sains et saufs. Tous les enfants libérés expriment leur gratitude et la famille est réunie dans la joie et la gratitude. Le conte se termine sur une note d’espoir et de bonheur, célébrant le triomphe de l’innocence et de la bravoure sur le mal.

« Hänsel und Gretel » est présenté par Engelbert Humperdinckcliquer sur son portrait pour le voir en plus grand– comme « un opéra féerique en trois actes ».
L’œuvre, du fait de son argument et de ses héros enfantins, est souvent décrite comme un opéra pour enfants, bien que sa complexité musicale attire également les mélomanes les plus sérieux ! L’opéra est réputé pour sa riche orchestration et son utilisation de leitmotivs. Il est fortement influencé par Richard Wagner, avec qui Humperdinck a travaillé pendant deux ans –1880-81– en tant qu’assistant. Les mélodies sont inspirées des chansons populaires allemandes, ce qui les rend accessibles et facilement mémorisables par des enfants, sans pour autant tomber dans la facilité. Les éléments magiques sont accentués par des instruments spécifiques et des effets orchestraux, comme l’utilisation de la célesta pour créer une ambiance enchantée : à cet égard, la fin du deuxième acte est une magnifique réussite et comporte notamment l’air très célèbre « Abends will ich schlafen gehn ».
Engelbert Humperdinck utilise une combinaison de styles harmoniques et de timbres pour créer une atmosphère féerique et parfois sombre. Hänsel und Gretel explore des thèmes aussi variés que la pauvreté, la faim, le courage, l’amour familial, et la lutte entre le bien et le mal. La musique et le livret capturent l’innocence et l’aventure des enfants, tout en intégrant des éléments de tension -les enfants se trouvent en danger- avant le triomphe final : destiné à des enfants élevés sous le régime bismarckien, la fin est hautement morale, évidemment !

Hänsel (mezzo-soprano) et Gretel (soprano) sont les protagonistes principaux, représentant l’innocence et la bravoure des enfants. La sorcière (mezzo-soprano ou ténor travesti) est l’antagoniste, caractérisée par une musique sinistre et captivante. Les parents (baryton pour le père et mezzo-soprano pour la mère) jouent des rôles importants, reflétant la réalité de la pauvreté et de la lutte quotidienne. Les personnages magiques, comme le Marchand de sable et la Rosée, ajoutent une dimension féerique à l’opéra.
Les personnages principaux sont remarquablement incarnés dans la version de ce jour –les deux enfants, la géniale sorcière de Christa Ludwig, et, dans une moindre mesure Gertrud-, enregistrée en 1971 et où Dietrich Fischer-Dieskau trouve, à mes oreilles, son meilleur rôle dans celui du père –mais j’ai toujours eu du mal à apprécier cet immense artiste, à l’expressivité trop précieuse à mon goût-. Quant à la direction d’orchestre, elle absolument est superbe, jouant à fond le jeu du merveilleux féérique. Kurt Eichhorn n’est pas le plus célèbre des chefs d’orchestre, et il signe sans doute ici son meilleur disque, qui a fait toute sa réputation.

Créé en 1893 sous la direction de Richard Strauss, Hänsel und Gretel connut un succès immédiat et reste, aujourd’hui encore, un classique régulièrement joué dans de nombreuses maison d’opéra. Il a également été enregistré, souvent avec réussite, par les plus grands chefs au sein d’une discographie dont le présent album est l’un des sommets.

Dimanche à l’opéra – Didon et Énée, de Purcell

Après « Hercules » de Handel écouté récemment, c’est un autre opéra baroque –court : un peu moins d’une petite heure pour trois actes– que j’aborde ce jour : Didon et Énée, d’Henry Purcell1659-1695-, dans une belle version enregistrée en 1989 par The English Concert et une poignée de solistes dont certains à la renommée bien établie, comme Anne-Sophie Von Otter ou Nigel Rogers, l’ensemble étant placé sous la direction de Trevor Pinnock et faisant partie du très beau coffret que je vous ai présenté ici. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Henry Purcell composa son unique opéra, qui constitue aussi le premier opéra jamais écrit en Angleterre, en 1689. Auparavant, il avait déjà écrit des masques –on les appelle aussi parfois semi-opéra-qui sont une forme de théâtre comportant des divertissements vocaux et instrumentaux, voire des épisodes dansés, et dont l’exemple le plus célèbre est sans doute son « King Arthur ».
Le manuscrit original est perdu depuis longtemps, et la date de composition est estimée en fonction de la date de création de l’opéra, à Chelsea, sous la direction du compositeur. Le livret de Nahum Tate expose la légende de Didon, reine de Carthage, et d’Énée, héros troyen, telle que relatée dans le livre IV de l’Énéide de Virgile, dont il s’inspire librement et avec quelques divergences.

Argument.
Acte 1
Scène 1 : Le Palais de Didon – L’opéra s’ouvre sur Didon, tourmentée par son amour pour Énée. Elle craint que cet amour ne mène à sa ruine. Sa confidente, Belinda, tente de la réconforter en lui assurant que son amour est partagé et respecté par son peuple. Une cour suit, apportant la nouvelle de l’arrivée d’Énée.
Scène 2 : La rencontre avec Énée – Énée déclare son amour pour Didon, mais celle-ci, bien que touchée, reste hésitante. Encouragée par Belinda et d’autres courtisans, elle finit par accepter ses sentiments, et le duo chante leur bonheur partagé.

Acte 2
Scène 1 : La grotte des sorcières – Les sorcières, ennemies de Didon, complotent sa chute. Leur chef, une sorcière, élabore un plan pour séparer Didon et Énée. Elles invoquent un esprit déguisé en Mercure qui dira à Énée qu’il doit quitter Carthage pour fonder une nouvelle Troie.
Scène 2 : Une forêt lors d’une chasse – Didon, Énée et leur suite se reposent après une chasse. Les sorcières invoquent une tempête pour les disperser. L’esprit, en tant que Mercure, apparaît à Énée et lui ordonne de partir immédiatement. Déchiré entre son devoir et son amour pour Didon, Énée décide de partir.

Acte 3
Scène 1 : Le port de Carthage – Les marins de Troie se préparent à partir. Les sorcières célèbrent leur victoire en anticipant la chute de Carthage. Didon, ignorant encore les intentions d’Énée, arrive avec sa suite.
Scène 2 : Le palais de Didon – Énée annonce à Didon son devoir de quitter Carthage, mais promet de rester si elle le souhaite. Furieuse et blessée, Didon l’accuse de trahison et lui ordonne de partir. Dévastée par le départ de son amant, Didon ne peut surmonter son désespoir.
Scène finale : La mort de Didon – Didon, accablée de douleur, se prépare à mourir. Elle chante l’aria déchirante « When I am laid in earth » –généralement connu sous le nom de « Lament de Didon »-, demandant à Belinda de se souvenir d’elle mais de pardonner à Énée. Didon se laisse mourir de chagrin alors que le chœur conclut l’opéra en déplorant son triste sort.

L’opéra explore des thèmes universels tels que l’amour, le devoir, la trahison et le destin. La musique de Purcell, avec ses airs poignants et ses chœurs expressifs, souligne l’émotion intense et la tragédie de l’histoire, où la magie et la sorcellerie, comme chez Shakespeare, tiennent une place importante. La fin tragique de Didon reste un poignant rappel des conséquences des conflits entre le devoir personnel et les désirs amoureux.
Cet opéra, bien que court, est d’une grande intensité dramatique. La version de ce jour me semble tout-fait excellente. Trevor Pinnock n’a jamais été le chef plus extraverti dans les oeuvres qu’il aborde, mais c’est un remarquable spécialiste du répertoire baroque anglais et il sait d’entourer de très bons solistes, notamment Anne-Sophie Von Otter, généralement très à l’aise dans le répertoire baroque et très en voix à ce stade encore relativement précoce de sa carrière.
« Dido And Aeneas » est une œuvre majeure du répertoire baroque et reste une des créations les plus admirées de Purcell.

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Dimanche matin à l’opéra – Hercules de G.H. Handel

En ce dimanche de grisaille, un petit fauteuil à l’opéra ne sera pas de refus pour passer la matinée !
« Hercules« , de Georg Frideric Handel, est un « drame musical » en langue anglaise, et narre en trois actes un morceau de mythologie antique : la jalousie morbide de Déjanire, épouse d’Héraclès –Hercule chez les Romains– et la mort de celui-ci. Comme la quasi-totalité des oeuvres du compositeur saxon, celle-ci fut écrite très rapidement, entre le 19 juillet et le 21 août 1744. Créé sans représentation scénique, l’oeuvre, à la frontière entre l’oratorio et l’opéra, fut retiré au bout de deux soirées et ne connut aucun succès en son temps. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Ce qui précède l’opéra dans les relations entre Héraclès et Déjanire.  Un jour, au passage d’une rivière, le centaure Nessos tenta d’enlever Déjanire, dont il était amoureux. Héraclès le tua d’une flèche. En mourant Nessos donna à Déjanire une drogue faite de son sang en l’assurant que si jamais l’amour de son mari venait à lui faire défaut, elle n’aurait plus qu’à tremper un vêtement dans ce liquide et à en revêtir Héraclès qui lui redeviendrait fidèle.

Au palais royal de Trachis, en Thessalie, Déjanire, en proie à de sombres pressentiments, attend impatiemment le retour de son époux Hercule. Pour la rassurer, son fils Hyllus décide de partir à sa recherche. Soudain, on apprend que Hercule revient après avoir triomphé du roi d’Oechalie. Dans ses bagages, le héros ramène un riche butin et quelques captives dont Iole, fille du roi d’Oechalie, une beauté qui charme Hyllus. Iole est inconsolable car elle a assisté au supplice et à la mort de son père. La jeune fille suscite une folle jalousie dans le cœur de Déjanire, jalousie infondée car en réalité c’est Hyllus qui est épris de la jeune princesse. Pour regagner le cœur d’Hercule, Déjanire projette de faire endosser à ce dernier la tunique du centaure Nessus qui aurait le pouvoir de ranimer un amour éteint mais la tunique de Nessus brûle le héros jusqu’à la moelle de ses os.

Hercule, agonisant, demande à son fils de dresser un bûcher funéraire. Le prêtre de Jupiter annonce à Déjanire et à Hyllus que Hercule a rejoint la demeure des dieux. Sur ordre de Jupiter, Hyllus prendra Iole comme épouse et tous deux régneront sur Trachis.

L’opéra aurait aussi bien pu s’intituler Déjanire, tant elle tient le premier rôle dans l’oeuvre. Handel écrit pour elle des pages d’une intense expressivité : rongée par une jalousie maladive, Déjanire sombre dans une folie grandissante qui trouve son apogée à l’acte III. Autour d’elle, les autres protagonistes sont nettement plus falots, et notamment Hercule, caractère assez jobard dans ce drame musical.
Comme toujours chez Handel, les choeurs possèdent un souffle épique. La version de ce jour –la seule présente dans ma discothèque : je n’a donc pas de point comparaison– me semble tout-à-fait excellente du côté du chant –choeurs et solistes– comme de l’orchestre, très virtuose même si j’aurais préféré un peu plus de souplesse et d’onctuosité –à la manière de The English Concert, par exemple-. Passé à la postérité et désormais assez régulièrement donnée à l’opéra, Hercules apparaît aujourd’hui comme une oeuvre majeure de Handel.

Dimanche matin à l’opéra – Meurtre dans la cathédrale

L’opéra de ce dimanche matin est une rareté à deux titres : d’une part, « Assassinio nella cattedrale » d’Ildebrando Pizzetti1880-1968-n’est pas un opéra fréquemment joué, ni même fréquemment enregistré ; d’autre part, la version du jour en est une version en Allemand, enregistrée en 1960 lors de la création viennoise de l’oeuvre.
A l’origine, l’opéra est en langue italienne, son livret est fondé sur la traduction de la pièce de théâtre de Thomas Stearns Eliotpoète, dramaturge et bigot de la High Church anglaise, américain naturalisé anglais et prix Nobel de littérature en 1948– écrite en 1935. La traduction allemande est également tirée de la pièce de T.S. Eliot et non pas de la version italienne.
L’opéra, en deux actes, explore les thèmes de la foi, du pouvoir et du martyr, en retraçant le meurtre de Thomas Becket dans la cathédrale de Canterbury en 1170. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Le meurtre de Thomas Becket, archevêque de Canterbury, en 1170, résulte d’une série de conflits complexes entre l’Église et le Royaume d’Angleterre, centrés principalement sur la lutte de pouvoir entre Becket et le roi Henri II de Plantagenêt, qui voulait renforcer son autorité sur l’Église en Angleterre, tandis que Becket défendait les privilèges ecclésiastiques. En 1164, Henri II émit les propositions de procédures juridiques contenues dans les constitutions de Clarendon, pour limiter les pouvoirs de l’Église et soumettre le clergé à la justice royale, mais Becket, soutenu par le pape Alexandre III, refusa de les accepter.
Thomas Becket, ancien chancelier du roi et initialement proche allié, devint un fervent défenseur des droits de l’Église après sa nomination comme archevêque de la cathédrale de Canterbury, ce qui irrita le roi. Il excommunia plusieurs partisans du roi, provoquant son exil en France pendant six ans, ce qui intensifia les tensions.
En 1170, Becket retourna en Angleterre, mais reprit rapidement des actions contre les partisans du roi, exacerbant de nouveau les tensions. Exaspéré, Henri II aurait prononcé des paroles interprétées comme un ordre de tuer Becket, exprimant son désir de se débarrasser de lui. Selon la tradition, il aurait demandé : « N’y aura-t-il personne pour me débarrasser de ce prêtre turbulent ? ». Le 29 décembre 1170, quatre chevaliers, croyant servir les intérêts du roi, assassinèrent Becket dans la cathédrale de Canterbury.

Le meurtre provoqua un scandale dans toute l’Europe chrétienne. Becket fut canonisé en 1173, et Henri II dut faire pénitence publique en 1174. Paradoxalement, cet assassinat renforça l’influence de l’Église en Angleterre, augmentant son pouvoir face à la couronne. Il marque une période clé de l’histoire médiévale anglaise.

Le résumé de l’opéra est assez vite réalisé, l’oeuvre durant moins de deux heures et se déroule intégralement devant ou à l’intérieur de la cathédrale de Canterbury.
L’acte 1 expose le retour de l’archevêque Thomas Becket à Canterbury après son exil de sept ans en France et son opposition au roi d’Angleterre Henri II. L’archevêque est confronté à diverses tentations, les quatre tentateurs symbolisant le pouvoir séculier, les richesses matérielles et les compromis politiques, mais il demeure ferme dans sa foi et ses missions spirituelle.
Le second acte dépeint la tension croissante entre Thomas Becket et quatre chevaliers Anglo-Normands fidèles au roi Henri II. Malgré les avertissements et les menaces, l’archevêque refuse de se soumettre à l’autorité royale. Les chevaliers finissent par l’assassiner dans la cathédrale, faisant de lui un martyr.
La musique se caractérise par une belle intensité dramatique et l’utilisation ponctuelle d’éléments liturgiques, combinant des harmonies modernes et des mélodies rappelant parfois le chant grégorien : l’ensemble crée une atmosphère assez intimiste et mystique. Les chœurs jouent un rôle essentiel, commentant l’action à la manière des choeurs de la Grèce antique ; quant à l’orchestre, il est surtout utilisé pour accentuer les moments de tension dramatique et souligner les émotions des personnages.

La version du jour –témoignage d’une qualité sonore précaire, les bandes radio ayant été perdues– met en vedette absolue Hans Hotter, qui écrase de tout son prestige le plateau vocal de qualité réuni pour l’occasion –ce sont les mêmes chanteurs qui incarnent successivement les rôles des quatre tentateurs puis des quatre chevaliers– et campe un Thomas Becket d’une profonde humanité et d’une grandeur extraordinaire. Karajan, directeur artistique de l’opéra de Vienne de 1957 à 1964, au sommet de sa gloire et au faîte de sa période « Europas Generalmusikdirekor », dirige l’oeuvre en privilégiant son caractère intimiste et de subtils alliages de timbres –cf.extrait ci-dessous-.

Outre cette superbe version, publiée à l’occasion des dix ans de la disparition du chef et indisponible depuis des lustres, il existe une belle version, chantée en italien, en DVD, que vous pouvez regarder en ligne ici. Du fait d’une prise de son très réverbérée et de l’absence de fosse pour l’orchestre, elle est cependant moins intimiste que la version écoutée ce jour.

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Dimanche matin à l’opéra -encore…-

Une nouvelle -assez courte- matinée à l’opéra en ce dimanche très printanier, en compagnie de Wagner, pour ce qui constitue son « premier opéra officiel » -il en avait « renié » quatre autres auparavant- : « Der fliegende Holländer », ou « Le vaisseau fantôme » dans sa traduction française et dans une version un peu ancienne qui fait partie des premières enregistrées : celle de Ferenc Fricsay, sortie en 1953 –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. J’avais, il y a dix ans presque jour pour jour, emmené TheCookingCat voir et entendre l’oeuvre à l’opéra national du Rhin -c’était très bien malgré une mise en scène un peu abstruse-, elle s’était montrée assez peu réceptive à cette oeuvre pourtant assez facile d’accès.

–A partir d’ici, les * correspondent à l’appréciation tout-à-fait subjective et personnelle des versions citées.–

Etonnamment –ou pas ?-, c’est une oeuvre dont je ne possède en discothèque quasiment que des versions anciennes, à part celles de Böhm ***, avec Thomas Stewart –1971– et de Karajan *** avec José Van Dam-1983– dans le volumineux coffret EMI consacré à ses enregistrement lyriques.

Trônent donc sur mes étagères :
Clemens Krauss –1944, live de radio-, version princeps qui donne à entendre le Hollandais définitif de Hans Hotter encore presque juvénile et déjà pleinement investi dans le rôle ***** ;
Fritz Busch, exilé en Argentine, avec Alexander Kipnis, en 1948 –version qui peine à émerger du brouillard sonore, et où Kipnis, lointain, a priori en petite forme et un peu avancé en âge, n’est pas à la hauteur de sa réputation* ;
Fritz Reiner, live au Met de New York en 1950 –avec, une fois encore Hans Hotter aussi génial qu’en 1944 et brûlant les planches et Astrid Varnay, qui se hisse à la hauteur du Hollandais ***** ;
le très rare en enregistrement de Wilhelm Schüchter à Hambourg –live de radio, 1951-, toujours avec Hans Hotter, moins en voix, plus nasal que dans les deux versions précédentes**** ;
et, enfin, Joseph Keilberth à Bayreuth avec Hermann Uhde –alternative crédible à Hotter pour l’incarnation de ce rôle– et Varnay en 1955 *****.

La version de ce jour **** s’inscrit dans une optique très différente de celles qui furent enregistrées durant la même période : Ferenc Fricsay opte pour une lecture plus légère et incisive, l’orchestre est plus proche des opéras de Weber ou Marschner que des opéras ultérieurs de Wagner. Josef Metternich, qui chante le Hollandais, a une voix infiniment plus légère et moins charpentée que celle de Hotter, qui convient tout-à-fait bien cependant à la vision du chef. Tous les autres chanteurs sont excellents et cette version, avec son approche singulière, propose en définitive beaucoup de plaisir.

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Un dimanche d’hiver à l’opéra, encore !

Il ne neige plus, il beaucoup plu et pourtant, le marché de Noël –Christkindelmärik pour les locaux– est toujours bondé chaque jour, rançon d’un succès chaque année renouvelé ! C’était encore la cas hier, bien plus que le week-end précédent, et pourtant, en début de semaine, la préfète avait dit à la maire: « Ça suffit, il y a trop de monde, faisons une réunion pour renforcer les mesures de sécurité !!! ».
En réalité, cela ne paraît pas très probant selon ce que nous avons expérimenté hier ! Je pense donc devoir revérifier cette après-midi, profitant au passage d’un gobelet de vin blanc chaud !

En attendant, n’ayant pas le temps nécessaire pour écouter l’opéra en entier ce matin, je suis néanmoins installé dans mon confortable fauteuil d’opéra, et j’écoute selon différentes versions –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– la marche funèbre dédiée à Siegfried et ce qui en suivit : Gutrune éplorée et, surtout, l’immolation de Brünnhilde qui clôt le Crépuscule des dieux, de Wagner.

Toutes ces versions sont fort cohérentes chacune dans leur genre, avec des partis-pris assumés, même si ce ne sont pas forcément mes préférées et que j’ai un « modèle » en tête –Varnay / Krauss– auquel je les compare toujours, même inconsciemment.

Si vous voulez trouver un Ring de qualité pour une bouchée de pain dans un son très décent, la version de Günther Neuhold devrait reste accessible à des prix décents, mais je n’ai pas vérifié : elle était proposée à prix vraiment fracassé –moins de 20€ le coffret de 14 CD !– à une époque –selon les éditeurs, l’iconographie du boîtier peut varier-. Elle vaut largement son prix, et même mieux que cela !

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Un dimanche d’hiver à l’opéra

Il a neigé hier et neigeouillé cette nuit et j’en profite de cette matinée et de la chaleur douillette de l’appartement pour écouter « un peu fort » l’un de mes opéras préférés, dans une version sonore et ivre de ses sonorités : Wagner – Die Walküre, version Solti, 1965. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Premier enregistrement en studio de cet opéra -et donc pensée et conçue par le producteur de l’époque comme une aventure destinée à être écoutée dans un cadre domestique, ce qui explique certains choix techniques, cette version fut particulièrement soignée par les équipes techniques de Decca, et jouit, depuis la période de sa première parution, d’une réputation de « version de référence » que les années n’ont pas totalement ternie : pensez-donc : on y retrouve notamment Hans Hotter, le Wotan du siècle –capté ici bien tard, mais dont les Adieux restent émouvants-, mais aussi Nilsson, qui fut une grande Brünnhilde –pas ma tasse de thé personnellement, mais grande voix qui convient très bien dans ce contexte– et un philharmonique de Vienne redevenu l’excellent orchestre qu’il avait été avant la guerre –il avait pâti, comme peu d’autres orchestres, de la seconde guerre mondiale, et les enregistrements de la fin des années 40 et jusqu’u milieu des années 50 sont parfois cruels quant à son niveau…-.

En réalité, tout cela est très plaisant, et vaut mieux que la réputation acquise auprès de certains cercles wagnériens de « version surcôtée juste parce que c’est la première parue ». Dans les faits, on y trouve de fort belles choses, et, surtout, le remastering de très grande qualité paru en 2012, rendant cette luxueuse version enfin accessible à un tarif décent -cliquer sur l’image ci-dessous pour la voir en plus grand- permet de rééquilibrer un peu des cuivres tonitruants dans les premières éditions, et vient considérablement atténuer le souffle de bande de la première édition en CD, disponible pendant très longtemps à prix très fort ! Manque évidemment l’urgence des meilleures versions live enregistrées à Bayreuth… Mais quel confort sonore cependant !

Bref, que du bonheur !

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Dernier dimanche à l’opéra -avant la reprise-

Durant notre séjour sur la Côte d’Opale, « profitant » d’une nuit d’insomnie, j’ai écouté un assez grand nombre d’albums de musique de Francis Poulenc et de Gabriel Fauré, compositeurs qui ne me sont pas vraiment familiers –comme à peu près tous les musiciens français, hors Ravel et Satie…-, et y ai trouvé un assez grand nombre de beautés cachées, ce qui m’a donné envie de réécouter « Pénélope », de Gustave Fauré, que j’ai vu en 2015 à l’opéra national du Rhin, sans en garder un très bon souvenir, du fait notamment d’une mise en scène très décevante –à mes yeux tout au moins, mais comme elle était signée d’un « grand nom », certains ont cru devoir se pâmer malgré tout…-.
A l’époque, j’avais acheté cet album, alors seule version facilement accessible, –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– pour découvrir l’oeuvre avant d’aller l’écouter à l’opéra, mais il n’avait plus quitté son étagère depuis, Pénélope m’était complètement sortie de l’oreille : je ne dois pas être le seul dans ce cas, puisqu’après une création triomphale, l’oeuvre a peu à peu son gré dans un oubli relatif.

L’argument est tiré de « L’Odyssée » d’Homère –le livret est signé de René Fauchois-, et narre le retour d’Ulysse, déguisé en mendiant, et sa vengeance contre les prétendants de Pénélope, qui, depuis vingt ans, attendait son retour en tissant sa toile et en refusant de se marier.
Dit comme ça, on pourrait s’attendre à un livret plein de rebondissements et à un suspens haletant, mais en fait, il ne se passe quasiment rien pendant deux heures et trois actes, et seule le dernier quart de l’oeuvre est plus animé. En revanche, l’oeuvre semble construite sur le modèle wagnérien, avec découpage en scènes et non en numéros, et ne comporte quasiment pas d’airs, mais propose une suite de déclamations, sur une trame orchestrale –nettement dominée par les cordes– dense et, pour le coup, vraiment intéressante.

Je me souviens qu’à Strasbourg, le rôle de Pénélope était interprétée par une grande voix straussienne ; on y entend également des cantatrices estampillées wagnériennes. Ici, Jessye Norman continuait à bâtir sa galerie de « portraits français » –entre autres : Pénélope, Cassandre (Berlioz) Hélène et Antonia (Offenbach), Salomé (Massenet) Carmen (Bizet) et la Marseillaise du bicentenaire ! -. Elle se montre tout-à-fait convaincante et écrase un peu ses partenaires masculins.
L’orchestre, par ailleurs, protagoniste important de l’oeuvre, semble convenable –je n’ai pas d’autre point de comparaison– bien qu’un peu opaque pour une orchestration qui nécessite sans doute plus de transparence. On a également connu le chef d’orchestre suisse Charles Dutoit autrement plus énergique et fougueux avec son orchestre de Montréal que dans cet enregistrement.

Deux heures pour finir agréablement ces vacances lyriques !

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