Un lundi -de Pentecôte- à l’opéra
Très belle matinée passée à l’opéra pour débuter cette semaine, avec un enregistrement magistral des « Maîtres-chanteurs de Nuremberg », de Wagner, dans la version de Rafael Kubelik –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, chef d’orchestre quelque peu « maudit » avec ses enregistrements des opéras du compositeur ! En effet, alors qu’il était sous contrat avec Deutsche Grammophon, il enregistra trois opéras de Wagner, dont un seul fut officiellement publié par la firme : il s’agit de « Lohengrin », qui s’avère être cependant le moins réussi des trois enregistrements. Les deux autres sont un formidable « Parsifal » de 1981 et, donc, ces « Maîtres-chanteurs de Nuremberg » de 1967, qui, tous deux, dormirent longtemps dans sur les étagères de la firme et dans les archives de la radio bavaroise, avant d’être publiées, dans les années 90, par de petits éditeurs.
Et l’on découvrit alors deux merveilles !
Comment cela est-il possible ? La chose est concevable pour « Parsifal », enregistré à la même époque par Karajan, star absolue de Deutsche Grammophon, dont l’enregistrement est tout aussi fondamental que celui de Kubelik, et qui se vendit remarquablement bien, étant même consacré comme « meilleur enregistrement de l’année, catégorie opéra », en Angleterre et en Allemagne, bénéficiant par ailleurs d’un « Diapason d’or » en France. Il semblait difficile, financièrement, de proposer, en si peu de temps, deux versions du même opéra dont l’une aurait fait un four –la notoriété de Kubelik, dans Wagner, étant bien moindre que celle de Karajan-. La version de Kubelik, fruit d’une coopération avec la radio de Bavière, resta donc sagement sur les étagères de l’éditeur.
Le « Parsifal » de Kubelik est actuellement difficile à se procurer, mais il fut publié par un petit éditeur allemand, Arts Archives –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, dans d’excellentes conditions techniques –enregistrement numérique très soigné-, au moins aussi bonnes que celles dont bénéficia Karajan, même si la perspective est autre.
Pour « Les Maîtres-chanteurs », en revanche, il est plus difficile d’excuser la mise en sommeil de cette merveilleuse version, où tous les artistes -chanteurs, orchestre, choeurs et chef- font merveille : une vraie version d’ensemble, respirant une joie de vivre qui sied parfaitement à cette oeuvre.
Il semblerait, selon une légende assez fermement établie, que Dietrich Fischer-Dieskau, ayant appris l’existence de cette collaboration entre la radio bavaroise et Deutsche Grammophon, ait pris sa plume pour se fendre d’une lettre à l’éditeur, annonçant son intention d’enregistrer très prochainement le rôle de Hans Sachs.
Evidemment, le baryton vedette de l’époque, alors au sommet de sa carrière et se lançant dans ce rôle, Deutsche Grammophon ne pouvait pas manquer l’occasion : exit donc Kubelik ! Finalement, Fischer-Dieskau l’enregistra en effet, mais en 1976, avec Jochum, et le rôle, abordé sans doute un peu trop tard dans son parcours, ne lui convient pas du tout, à mes oreilles tout au moins ! Thomas Stewart, Hans Sachs chez Kubelik, lui est nettement supérieur : moins fin diseur, mais d’un humanisme vaillant bien plus convaincant.
Quoi qu’il en soit, la merveilleuse version de Kubelik finit par sortir chez un petit éditeur allemand, Calig, en offrant de surcroît un excellent contenu éditorial et dans d’excellentes conditions techniques.
Que du bonheur !