C’est une boutade, évidemment, mais la trente-deuxième et dernière sonate de Beethoven –Opus 111– comporte dans son second et dernier mouvement une variation « chaloupée » très proche de certains rythmes qui seront plus tard empruntés dans le jazz, et bien avant l’apparition de ce genre. Une pierre de plus à apporter au génie précurseur du divin sourd qui entendait l’infini. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Quatre versions de cette sonate, qui fut longtemps ma préférée –j’avoue désormais une faiblesse coupable pour ces deux prédécesseuses, opus 109 et 110, mais l’ensemble vole très très haut et s’inscrit, à es oreilles au moins, au sommet du genre…-, dans des versions plutôt anciennes, toutes extraordinaires et toutes différentes, qui éclairent chacune l’oeuvre sous un autre angle.
Quant à la variation « chaloupée » que j’évoquais plus haut, vous pouvez l’écouter ici, à partir de 12’50.
Un producteur de la célèbre firme Deutsche Grammophon, au début des années 2000, parlait de Karl Böhm et d’Eugen Jochum comme de « simples Kappellmeister », dont la carrière discographique, par opposition à celle d’un très célèbre chef autrichien à la mèche rebelle, toujours très « vendeur », était tombée dans l’oubli aussitôt après leur disparition. Si le titre de Kappellmeister fut prestigieux jusqu’au début du 18ème siècle, le mot, dans sa bouche était nettement moins laudateur, et sous-entendait plutôt le chef sérieux, un peu austère et routinier se contentant de réguler les entrées des instruments de l’orchestre et de battre la mesure, en costume à jaquette et noeud papillon !
Je ne sais pas ce qu’il peut en être de la courbe des ventes de leurs productions, dans un marché du disque classique déjà lui-même relativement réduit, mais la persistance de leur présence au catalogue des éditeurs doit signifier que leurs disques, maintes fois réédités, trouvent toujours de quoi séduire –ou alors que le stock d’invendus reste élevé, mais dans ce cas ils devraient être bradés, et ce n’est pas le cas-.
Quoi qu’il en soit, la playlist de ce jour, composée de symphonies de Beethoven issues d’intégrales que ces deux chefs dirigèrent à la fin des années 60 –Jochum– et au début des années 70 –Böhm-, chacun avec un orchestre prestigieux, est tout-à-fait inscrite dans la tradition austro-allemande : pas trop vite, pas trop allégé, mais suffisamment dynamique et d’un souffle plutôt puissant. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Les deux approches ne sont pas tout-à-fait semblables pour autant : un peu plus de raideur et de verticalité chez Böhm, qui propose cependant l’une des plus belles « Symphonie Pastorale » du catalogue, un peu plus de souplesse chez Jochum –beau mouvement lent de la neuvième symphonie, très chantant-.
Evidemment, on ne dirige plus si fréquemment ces symphonies de la sorte de nos jours, mais cela reste néanmoins de beaux témoignages, bien enregistrés et très bien rééditées. Les symphonies les plus célèbres restent toujours de fort belles réussites et les deux premières symphonies, au risque du contresens historique, y trouvent un poids que l’on n’entend plus guère de nos jours !
C’est dans les années 40, pendant la guerre et à l’occasion de leur interprétation des Variations symphoniques de César Franck, que le chef allemand Wilhelm Furtwängler avait surnommé le pianiste hongrois Géza Anda « Troubadour du piano ».
Compatriote du grand chef Ferenc Fricsay, avec lequel il enregistra beaucoup, Géza Anda possédait une très belle technique et un style malléable qui, dans les concertos notamment, lui permettait de s’accorder aisément aux chefs qui l’accompagnaient. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
De fait, dans le deuxième concerto pour piano de Brahms –cf. extrait ci-dessous-, il fait ici preuve d’une grande tendresse qui complète fort bien l’hédonisme du chef : une autre version, avec Ferenc Fricsay, non présente dans la playlist du jour, propose, presque à l’inverse, une vision d’une sauvagerie totalement assumée !
Durant les années 50 et 60, Géza Anda, prématurément décédé –comme ses compatriotes Annie Fischer et Janos Starker, c’était un énorme fumeur-, fut l’un des fleurons pianistiques du label à l’étiquette jaune et enregistra beaucoup, avec les plus grands chefs, dans de bonnes conditions techniques. Ses disques –concertos et oeuvres pour piano seul– restent encore assez largement disponibles et constituent généralement de fort jolies réussites, dont l’écoute, de nos jours, procure encore énormément de plaisir !
Outre cette belle et variée collection de concertos, le dernier album présenté propose également la plus belle version de la quatrième symphonie de Schumann, à mes oreilles tout au moins ! Et ce n’est pas négligeable !
La playlist de ce jour me ramène près de 40 ans en arrière, à l’époque où j’ai commencé à constituer une CDthèque qui a bien grandi depuis… Ces quatre CD font partie des dix premiers que j’ai achetés au rayon « musique classique », un peu au compte-goutte en ces temps où les CD étaient presque des objets de luxe horriblement chers : avant l’apparition des séries économiques, j’en achetais généralement moins d’une poignée par mois, et pas seulement en classique ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Grâce à un ami dont le père travaillait chez Siemens, qui détenait alors une partie du catalogue Philips et Deutsche Grammophon, j’avais pu obtenir les deux CD de Liszt et de Tchaikovsky à prix un peu réduit -cela devait se limiter, de mémoire, à une réduction d’environ 10%, et les propositions étaient en nombre assez réduit-. Tous les autres étaient au prix fort de 132 à 135 francs, ce qui représente en « équivalent pouvoir d’achat », la rondelette somme de 39,41€ –prix d’un coffret d’une demi-douzaine, voire une dizaine, de CD au moins de nos jours…-.
Nonobstant ces basses considérations financières : • la symphonie « Pastorale » de Beethoven reste formidable dans cette version, de même que le premier concerto pour piano de Tchaïkovsky, complètement échevelé et azimuté –et d’un minutage qui frise le scandale : le CD dure 32 petites minutes…-; • la sonate pour piano de Liszt est très bien enregistrée, mais je reviens désormais fort peu vers cette version, en ayant découvert de bien plus édifiantes à mes oreilles; il en va de même pour la première symphonie de Mahler : la dynamique de l’enregistrement alliée à celle, intrinsèque, du support CD, faisait alors très forte impression aux oreilles peu habituées et a même grillé une paire de tweeters chez un ami qui avait exagérément poussé le volume…
Après une semaine harassante où mes oreilles ont été quasi-totalement sacrifiées –sauf la radio en voiture, pour suivre des fils d’actualité peu engageants puisque la « crise sanitaire » semble vouloir perdurer…-, Voici, enfin, un peu de répit musical avec cette playlist, constituée, comme son nom l’indique, d’enregistrements un peu anciens de classiques du répertoire. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
• La quatrième symphonie de Beethoven par le chef belge André Cluytens fait partie de l’intégrale qu’il réalisa avec le Philharmonique de Berlin –la toute première de cet orchestre, avant même celle de Karajan quelques années plus tard-. C’est joli et élégant, ça manque un peu de tension –l’intégrale vaut surtout pour les symphonies paires, et la « Pastorale » est une grande réussite– et l’orchestre était alors en pleine reconstruction, entre fin du mandat de Furtwângler et prise de poste de Karajan.
• La quatrième symphonie dite « Romantique » d’Anton Bruckner est enregistrée lors d’un concert du chef à Stuttgart avec l’orchestre philharmonique de Vienne, en 1951. Le deuxième mouvement lent est très beau, les trois autres souffrent, à mon avis, d’une gestion des tempos totalement erratique, surtout le premier : le chef accélère sur chaque fortissimo, puis ralentit, puis accélère à nouveau… Très bizarre et un peu anachronique, à mon avis du moins. Eugen Jochum, dans sa première intégrale, considérée par beaucoup comme une référence, faisait la même chose : ça doit donc être moi qui ne dois pas être sensible à tant de beautés !!!
• J’ai gardé pour la fin un très chouette album de Kurt Weill consacré à une réduction pour petit orchestre de son « Opéra de Quat’Sous ». C’est joué avec ampleur et presque trop de sérieux –de nos jours, c’est essentiellement le côté gouailleur de la partition qui est mis en valeur-, mais j’aime beaucoup ! Otto Klemperer créa d’ailleurs cette pièce en 1928, qui recueillit beaucoup de succès en Allemagne avant d’être interdite par le pouvoir national-socialiste…
Aujourd’hui, une playlist composée d’oeuvres de jeunesse que je fréquente assez rarement : les tout premiers concertos pour piano de Beethoven, écoutés ici dans l’ordre de leur composition. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
D’une fraîcheur encore quasi-mozartienne –un Mozart avec plus de poigne cependant…-, ils s’avèrent également d’une ardeur tout-à-fait juvénile, avec un piano relativement volubile et un soutien orchestral faisant une large place aux instruments à vent, rendus encore plus lisibles par les effectifs modérés des orchestres de ces belles versions, qui renouvellent mon écoute de ces oeuvres : je suis généralement habitué à des versions plus « musclées » –archétype : Gilels/Szell-, qui effacent un peu leur caractère juvénile.
Le concerto WoO4 –Werke ohne Opuszahl : oeuvre sans numéro, donc hors du catalogue officiel-, dit aussi « Concerto n°0, est une oeuvre de jeunesse du compositeur, qui avait alors 14 ou 15 ans et dont la partie orchestrale a été reconstituée par des musicologues à partir des esquisses de Beethoven, seule la partition pour piano étant complète. Quant au concerto pour piano n°2 –cf.extrait ci-dessous-, il a été composé quelques mois avant le n°1, mais publié après par le compositeur, qui tenait lui-même le piano lors de la création de ces deux concertos.
Les trois concertos pour piano suivants, beaucoup plus denses, s’éloigneront résolument de cette perpective mozartienne.
Je termine l’année en compagnie de Beethoven, achevant ainsi cette année commémorative -c’est donc la dernière fois sur ce blog que vous devriez voir ce logo « BTHVN2020 », qui aurait dû également illustrer de très nombreuses manifestations culturelles annulées, on se demande bien pourquoi…-, en écoutant tout un lot de raretés issues du volumineux coffret dont je vous parlais il y a déjà quelques temps, et que je n’ai évidemment pas complètement fini d’épuiser ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
A ce stade, j’ai dû faire le tour de l’ensemble du corpus des oeuvres officiellement répertoriées par le compositeur, à part quelques Lieder, genre auquel je n’accroche pas. En réalité, assez peu de choses m’étaient inconnues dans cette somme, abordée ici sous différents angles -enregistrements anciens, versions traditionnelles, versions historiquement informées…-, mais c’est toujours un plaisir d’en découvrir de nouvelles interprétations.
J’ai également abordé une assez bonne partie des oeuvres répertoriées hors catalogue -c’est un peu le bazar, il est nécessaire de jongler entre les répertoires Biamonti, Kinsky et Hess pour s’y retrouver et, évidemment, leur numérotation n’est pas toujours concordante…-, mais, parmi ces raretés parfois inédites au disque, j’ai pu faire quelques belles découvertes !
En 2021, je continuerai évidemment à écouter » le grand sourd qui entendait l’infini ! «
Entre deux réveillons et autres repas festifs –si si, c’est possible, même dans la période actuelle-, la playlist du jour s’avère contrastée, entre « modernité » parfois élégiaque et énergie revigorante ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
• La modernité élégiaque, on la trouvera du côté des deux musiciens polonais, Penderecki et Szymanowski, dans leurs concertos pour violon, composé respectivement en 1995 et en 1916. La personne –plutôt spécialiste quasi-exclusive de Mozart– qui m’a offert ce CD, parmi d’autres, m’a dit, en substance : « Tiens, mais je ne sais pas si ça va te plaire, ce n’est vraiment pas de la musique… ». Je perdrai mon temps à la rassurer en l’assurant que si ! Et malgré quelques aridités, ce n’est même pas trop difficile d’accès, y compris pour une oreille peu exercée…
Les mêmes commentaires, de part et d’autre, prévalent d’ailleurs pour les concertos pour violoncelle de Chostakovich !
• Quant à l’énergie revigorante, on la trouvera dans les deux autres albums du jour : le troisième d’entre eux, vierge de toute mention, correspond en fait à la neuvième symphonie de Beethoven par Kirill Petrenko, « nouveau » chef titulaire du Philharmonique de Berlin. C’est une vraie joie de retrouver un « grand orchestre » dans cette oeuvre, après les version HIP aux formations plus réduites.
C’est très vif, très virtuose et très énergique, et même si l’oeuvre n’est pas transfigurée, cette version me fait oublier des versions récentes nettement moins réussies –ou, en tout cas, plus décevantes à mes oreilles-. Une des belles productions de cette année BTHVN2020 qui s’achève !
Enfin, « Beck-Ola » de Jeff Beck –1969, on retrouve notamment Rod Stewart au chant et Ronnie Wood à la basse…– propose des reprises ou des compositions originales survitaminées –prémices du Hard-Rock-, avec, toujours, la belle dose de créativité et d’inventivité d’un guitariste qui, décidément, mérite d’être découvert et approfondi.
Pour quasiment clôre cette année BTHVN2020, je me suis fait un immense plaisir cette après-midi en retrouvant de vieilles connaissances que je n’avais plus trop écoutées ces derniers temps, et j’ai été, à nouveau, confondu devant tant de beautés à travers ces versions de quelques sonates pour piano de Beethoven.
Des intégrales de ces oeuvres, j’en ai à la pelle, et, en cette année de commémoration, d’autres encore sont parues –dont une, celle d’Igor Levit, que j’apprécie plus particulièrement, et d’autres que je juge plus contestables à mes oreilles et que j’ai trouvées juste convenables sans avoir envie d’y retourner, au moins pour l’instant : Daniel Barenboim pour DGG, Fazil Say qui grogne et chantonne comme Glenn Gould…-.
Mais les disques du jour, je les chéris particulièrement, et ils font partie des fleurons de ma discothèque ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Et pour une fois, la critique internationale ne s’y est pas trompée : ces disques sont, à juste titre selon moi, bardés de prix partout dans le monde…
Cette semaine s’est avérée très laborieuse, avec séismes matinaux, flocons de neige, routes gelées et, en corollaire, circulation quelque peu ralentie, et très pauvre pour mes oreilles également, puisque je n’ai écouté aucun album avant ce matin ! Il était donc temps de m’y remettre, et dès l’aube, j’ai entamé cette playlist, composée, comme son nom l’indique, d’un quarté de « deuxième symphonie ». –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.
Hormis la 2ème symphonie de Sibelius, oeuvre qui m’a fait découvrir ce compositeur il y a bien longtemps –et me laissa confondu devant tant de beautés à l’époque : le jour même où je la découvrais, je l’achetais en disque pour la réécouter en boucle-, je connais très mal chacune des autres symphonies proposées ici : – je n’écoute quasiment jamais la 2èmer symphonie de Beethoven, que j’apprécie dans l’instant mais qui ne m’a jamais laissé de souvenir impérissable. Très classique et enjouée de facture, elle n’a rien, me semble-t-il, du souffle visionnaire de ses autres symphonies. A la limite, je lui préfère presque la transcription pour trio qu’en réalisa le compositeur. – il en va de même pour Bruckner : en général, j’ai tendance à zapper ses 4 premières symphonies, numérotées 00, 0, 1 et 2, pour commencer l’écoute à la troisième, qui est en fait la cinquième si vous me suivez bien ! La deuxième du jour, numérotation officielle donc, est aimable sans être très marquante, et assez pastorale, avec ses ruptures et ses redondances… – enfin, je connais très bien les trois dernières symphonies de Tchaïkovsky, mais beaucoup moins les trois premières, assez peu enregistrées et encore moins jouées en concert, me semble-t-il. La deuxième, surnommée « Petite Russie », avec ses fanfares prosaïques, n’est clairement pas la plus marquante des oeuvres du compositeur, même si elle s’écoute sans déplaisir.
Mérites de cette playlist et de la rareté : la possibilité de pouvoir découvrir encore de fort jolies choses qui me sont peu familières !