Dimanche à l’opéra – Schönberg, Moses und Aron

Poursuivant sur ma lancée dodécaphonique, c’est à un opéra difficile que je m’attaque aujourd’hui : Moses und AronMoïse et Aaron, pour les plus rétifs à l’Allemand-, d’Arnold Schönberg, dans une version aussi aride et analytique que les albums écoutés il y a peu de temps. C’est normal, elle fait partie de la même série anthologique des oeuvres du compositeur enregistrées par le chef français Pierre Boulez ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Pierre Boulez en enregistra une version plus tardive beaucoup plus lyrique que je n’ai entendue en entier qu’une seule fois, et mes étagères comportent également la très belle version de Michael Gielen, plus expressionniste et somptueuse orchestralement.

Moses und Aron, opéra inachevé en deux actes –le livret du troisième acte ne fut jamais mis en musique par Schönberg-, composé rapidement entre 1930 et 1932, constitue une vaste synthèse de l’art du compositeur, qui y plaça toute son expérience, à une période extrêmement difficile pour lui, qui s’était reconverti au judaïsme : la montée progressive de l’antisémitisme en Allemagne avec, en corollaire, l’émergence du parti nazi.

Le livret, tiré de la Bible, expose l’opposition entre la pensée pure de Moise –qui ne s’exprime qu’en Sprechgesang– et la séduction verbale d’Aron –dont le rôle et l’expression sont de nature plus lyrique-. La partition orchestrale est extrêmement complexe et dense. Moses und Aron, au départ conçu pour être une cantate, ne fut jamais joué du vivant du compositeur, qui voulait achever son opéra. Sa création, onze jours après la mort de Schönberg, eut lieu en 1954 dans une version de concert sans mise en scène, la création officielle de l’opéra remontant quant à elle à 1957. Le troisième acte fut a été achevé par le pianiste Zoltan Kocsis en 2009.
Deux très bons articles, ici et , vous permettront d’en savoir un peu plus sur cette oeuvre exigeante, mais passionnante !

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Playlist « Dodécaphonisme aride »

Au courant des années 70, le chef français Pierre Boulez enregistra à Londres –avec l’orchestre symphonique de Londres, le Londonien Sinfonietta et l’orchestre de la BBC– une anthologie des oeuvres orchestrales et vocales du compositeur Arnold Schönberg, ainsi qu’un coffret consacré aux oeuvres complètes d’Anton Webern, disciple du premier. Pour ce second coffret, il en fut le maître d’oeuvre principal, entouré de la fine fleur des artistes CBS pour l’enregistrement des pièces de musique de chambre ou pour instruments solistes. Les trois albums de ce jour font partie de cette série d’enregistrements, qui ont été très bien remastérisés par Sony en 2013. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

A ce stade de sa carrière, le chef français s’inscrit dans une démarche hyper-analytique et très aride, très différente des propositions beaucoup plus post-romantiques de Karajan enregistrées à peu près au même moment, et qui connurent un succès critique et commercial important. Les deux approches sont très complémentaires et jettent sur ces oeuvres un éclairage tout-à-fait différent. Curieusement, la seconde intégrale des oeuvres complètes de Webern enregistrée par Boulez chez Deutsche Grammophon parue en 1995 –archi-exhaustive et regroupant des oeuvres inédites et non répertoriées par le compositeur– sera encore d’une approche différente : analytique toujours, certes, mais moins rugueuse et aride. Et je voue également une grande admiration à l’anthologie consacrée à la seconde école de Vienne –Schönberg et ses disciples Berg et Webern– par le chef italien Giuseppe Sinopoli.

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Playlist « Classiques du vingtième siècle »

Trois albums comportant des oeuvres du premier tiers du vingtième siècle composent cette playlist, beaucoup plus variée qu’il n’y paraît cependant, puisqu’elle oscille entre les facilités » de Kurt Weill, les préceptes théoriques de la seconde école de Vienne –Schönberg / Berg / Webern– et une oeuvre descriptive devenue populaire d’un compositeur anglais -Holst-. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

On retrouve donc, dans des versions inspirées, bien enregistrées et dans l’ordre d’écoute :

Kurt Weill – Dreigroschenmusik : 1928
Kurt Weill – Mahagonny Songspiel : 1927
Schönberg – 5 pièces pour orchestre op. 16 : 1909
Webern – 5 pièces pour orchestre op. 10 : 1911-1913
Berg – 3 pièces pour orchestre op. 6 : 1913-1914
Berg – Lulu Suite : 1934
Holst – The Planets : 1914-1917

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Bilan 2019•3 – Coups de coeur – Classique

Nous en arrivons donc à l’avant-dernière livraison de ce bilan discographique 2019, consacrée aux CD de musique classique pour lesquels j’ai éprouvé un vrai coup de coeur cette année ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

On retrouve dans cette liste :

Les sonates pour piano de Beethoven par Artur Schnabel, enregistrées dans la première moitié des années 30 –cf. extrait 1-. J’ai suffisamment insisté dans les notules précédentes sur la qualité des restaurations effectuées par ce label pour ne pas y revenir… C’est très supérieur à toutes les éditions antérieures parues chez EMI puis Warner. Et comme l’interprétation est formidable et assez intemporelle, cette collection de 10 CD –l’éditeur a rajouté des séries de variations– a une valeur inestimable ! 

Une magnifique version du non moins magnifique concerto pour violoncelle d’Elgarcf. extrait 2-, complété d’une oeuvre plus rare de Gustav Holst, « The Fall Of The Leaf », et du beau concerto pour violoncelle de William Walton, composé en 1956. La prise de son est tout-à-fait bonne de surcroît !

Des opéras : « Les diables de Loudun », de Penderecki, inspiré par une histoire vraie dont vous trouverez les tenants et les aboutissants ici : l’un des opéras les plus réussis de la seconde moitié du vingtième siècle selon mes oreilles, même s’il n’est pas d’un accès facile pour des auditeurs souhaitant découvrir l’opéra –cf.extrait vidéo ci-dessous– ! Et une très belle version du « Ring des Nibelungen » –encore !!!– de Wagner, que j’ai longtemps cherchée. Le coffret n’est plus édité, mais c’est sans doute la meilleure version parue depuis le début des années 80, du moins pour ce qui me concerne : belle direction, très narrative, et chanteurs très investis dans leurs rôles –il s’agit d’un enregistrement public-.

J’ai beaucoup apprécié aussi cette version de la treizième symphonie « Babi Yar » de Chostakovich par son créateur, Kyrill Kondrashin, enregistrée peu de jours après sa création mouvementée : pour tout savoir à ce propos, vous pouvez lire cet article synthétique qui résume le pourquoi du comment… Quant au poème d’Yevtuchenko qui servit de support à cette symphonie, vous pouvez le lire ici.

Les lecteurs les plus anciens de ce blog connaissent mon engouement pour Handel et ses oratorios. Le chef anglais John Eliot Gardiner en enregistra une assez large somme au début des années 80, et, parmi ceux achetés en début d’année, « Solomon, fondé sur trois épisodes de la vie du roi Salomon –couronnement – Jugement – Reine de Saba– est celui que j’ai préféré. Très belle version, superbement dirigé, magistralement chantée –solistes et, surtout, choeurs-, dotée d’une prise de son remarquable !

Enfin, le coffret anthologie de 8 CD vendu à prix fracassé et consacré à la seconde école de Vienne –Berg, Schönberg, Webern– par le chef italien Giuseppe Sinopoli est à recommander absolument pour qui veut découvrir ou approfondir ces oeuvres : le chef joue à fond le jeu d’un expressionnisme post-romantique qui sied admirablement à ces oeuvres ! Un vrai beau coup de coeur ! 

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Une playlist et une recommandation

Commençons par la recommandation : vous pouvez vous procurer à tout petit prix ce merveilleux coffret de 8 CD, consacrés aux trois compositeurs de la seconde école de Vienne, Schönberg, Berg et Webern, dans des versions tout-à-fait remarquables –l’approche résolument « romantique » de ces oeuvres les rend par ailleurs vraiment très accessibles, même aux plus réfractaires à cette musique parfois difficile d’accès– : très bon orchestre, très bons solistes pour les parties vocales, et direction d’orchestre réellement engagée, par un chef que j’aime personnellement beaucoup et qui s’avère ici assez incontestable. De surcroît, les prises de son sont généralement de belle qualité et la réédition de ces enregistrements leur offre un bel écrin, un petit livret intéressant et, cerises sur le gâteau, les pochettes d’origine pour chacun des albums du coffret.

La playlist du jour est consacrée à des oeuvres de Bela Bartok, assez contemporaines de celles du petit coffret recommandé –grosso modo : le premier tiers du vingtième siècle-, mais dans une toute autre veine : les principes de composition de Bartok sont assez bien explicités ici. Les versions écoutées, toutes anciennes, font partie des tout premiers enregistrements jamais réalisés de cette musique singulière, mais belle, par deux chefs dont la carrière prenait alors un très bel envol. Une très agréable playlist pour entamer la soirée !

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Playlist du petit matin pour finir l’année…

Tombé du lit ce matin très tôt, parce que le radio-réveil de TheCookingCat diffusait une musique vraiment insupportable –le mot est faible…– qui m’a propulsé sur mes pieds, je me suis bâti cette petite playlist pour réparer cette tragique erreur mes oreilles, et me confronter à des « grandes oeuvres » dans le cadre d’une écoute domestique tranquille pour le voisinage ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

On trouve donc des transcriptions pour petits ensembles, très alléchantes et joliment colorées :
de la 7ème symphonie de Bruckner;
de la 7ème symphonie de Beethoven –cf. extrait ci-dessous-;
de valses de Strauss pour petits ensemble de salon, écrites par Berg, Webern et Schönberg : idéal pour préparer le concert du Nouvel An de demain…
ainsi qu’une transcription pour piano « main gauche », écrite par Brahms, de la chaconne pour violon de Bach.

Toutes ces oeuvres peuvent s’écouter à volume relativement modéré, vu l’heure, et, de surcroît, trouvent dans ces transcriptions de nouvelles couleurs très agréables. De quoi commencer tranquillement cette dernière journée de l’année, qui s’annonce plutôt chargée !

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Playlist pléthorique

Un seul album à l’écoute, ce soir, et ce sont les effectifs pléthoriques engagés dans cette oeuvre gigantesque qui justifient le titre de cette notule. Mahler et sa « Symphonie des milles » n’ont qu’à bien se tenir, les Gurrelieder nécessitent un effectif encore plus imposant ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Au demeurant, la version retenue, paradoxalement, en donne une vision plutôt intimiste et presque chambriste, ce qui n’est pas un mince paradoxe dans cette oeuvre ! La prise de son, très convenable, rend justice à une oeuvre difficile à enregistrer et à écouter dans un salon, tant les contrastes dynamiques sont importants.

Entamés par un Schönberg tout jeune homme –à 25 ans, en 1900-, mais achevés seulement 13 ans plus tard, soit après un premier virage stylistique qui le vit peu à peu aborder une musique moins tonale et développer le « Sprechgesang » –technique vocale de « chant parlé »-, les Gurrelieder gardent à la fois les traces d’une influence wagnérienne tout en s’en éloignant progressivement.

L’orchestre est impressionnant par sa masse : cinq chanteurs solistes, un récitant, trois chœurs d’hommes à quatre voix, un chœur mixte à huit voix, cinquante bois et cuivres, dix cors, sept trompettes, sept trombones, une batterie de percussions monumentale, des cordes en conséquence, quatre harpes…

Le livret, d’origine danoise et inspiré de textes de Jens Peter Jacobsen, reprend la légende du roi Waldemar, amoureux de la belle Tove, qu’il installe dans son château, à Gurre. Cette maîtresse est assassinée, dans un bain trop chaud, par l’épouse légitime du roi, Waldtauve. Tove se transforme en colombe, tandis que Waldemar, fou de douleur, maudit dieu et se retrouve alors condamné à errer chaque nuit, et à chevaucher jusqu’à l’aube avec ses vassaux, tirés de leurs tombes. L’oeuvre s’achève majestueusement par le retour du soleil, au petit matin –cf.extrait proposé-.

Playlist presque « contemporaine »

Il fut un temps où l’on appelait la musique contenue dans la playlist de ce jour « Musique contemporaine » et, pour certaines oeuvres, l’appellation a tendance à perdurer, du fait qu’elles sont « atonales ». –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

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Cette playlist du jour reste néanmoins très agréable à écouter et n’est pas si difficile d’accès que le nom des compositeurs pourrait le laisser supposer. Les deux premiers albums, de surcroît, donnent à voir des pochette parmi les plus belles que je connaisse : le plaisir des yeux rejoint le plaisir des oreilles !  L’interprétation des oeuvres de Schönberg, Berg et Webernqui ont toutes, grosso modo, été composée entre les deux guerres mondiales-s’avère par ailleurs très réussie, dans une veine postromantique qui leur sied admirablement, et ne constitue pas un contresens.

L’illustration de l’album de Hindemith est, à l’inverse, à peu près aussi austère que sa musique –c’est néanmoins l’un de mes compositeurs préférés du « premier » vingtième siècle : l’essentiel de sa production date des années 30 et 40, même ‘il est mort en 1963– et celle du disque de Ketèlbey, compositeur anglais comme son nom ne l’indique pas vraiment, s’avère aussi colorée que sa musique, très légère de surcroît : les anglais appellent ces bluettes des « Light Classics », écrites entre 1910 et 1930 pour la plupart.

Bref, une très jolie playlist pour aborder le week-end, qui s’avère estival en ce début d’automne.

En écoutant l’extrait suivant, vous trouverez par ailleurs trace d’une chanson de l’un des grands auteurs-compositeurs français : saurez-vous l’identifier ? C’est assez facile, car la chanson est rentrée dans le répertoire courant.

 

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