Playlist « L’Anglais comme une langue étrangère »

Dans la très chauvine revue « (The) Gramophone », bien connue de tous les mélomanes du monde entier et qui fêtera son premier centenaire cette année –toutes les archives ont été numérisées et sont accessibles aux abonnés-, affirmait régulièrement, dans ses critiques un peu anciennes –c’est désormais beaucoup moins vrai– que seuls les interprètes anglais étaient en mesure de réellement comprendre et d’interpréter la musique anglaise –sauf Toscanini, italien mais dont n’importe quel enregistrement était alors invariablement salué comme une référence incontournable et avait un statut absolu : le chef était alors intouchable, et s’il se trompait, c’était évidemment pour une bonne raison ! -. Tous les autres chefs chantaient la musique anglaise avec un fort accent étranger !

On a longtemps dit la même chose pour la musique française, qui nécessiterait selon les musicographes locaux –Diapason, feu Le Monde de la Musique, Harmonie, ou encore la disparue revue Disques, d’un absolu chauvinisme, absolument ridicule pour un lecteur d’aujourd’hui- un « esprit français » qui n’est pas donné aux étrangers…

Les choses ont évolué au fil du temps, de plus en plus de chefs ayant désormais un large répertoire international et, notamment, les « Variations Enigma » d’Elgar sont une pièce de choix pour de nombreux orchestres et chefs non anglais, et l’une de mes oeuvres de chevet pour mes nuits sans sommeil.
J’en ai une vingtaine de versions anglaises, de toutes époques, mais cela ne m’empêche pas d’en apprécier à leur juste valeur de fort belles versions à l’accents étrangers ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. On retrouvera ainsi dans cette playlist : un Allemand, un Français, un Italien et un Allemand naturalisé Américain : jolie brochette internationale !

A dire vrai, l’oeuvre est si joliment écrite qu’à part le total contresens de Bernstein, je n’en connais aucune mauvaise version.

Bilan 2022 • Coups de coeur « Classique »

Décembre déjà bien entamé, et l’occasion de dresser un rapide bilan des coups de coeur rencontrés cette année ;ors de mes achats de CD de musique classique. Maigre bilan, en vérité, étant donnée l’assez petit nombre d’achats effectués en 2022… Aux crises sanitaire, énergétique, inflationniste… s’ajoute celle du marché du disque classique ! Quant à la base de données qui me sert à enregistrer mes achats, elle n’est plus à jour depuis février 2022, mais je ne désespère pas une sérieuse mise à jour avant la fin de cette année encore !

Dernier achat coup de coeur de l’année : ce magnifique coffret,  que je vous avais déjà signalé, consacré au pianiste Friedrich Gulda, si peu connu en France, et pourtant si adulé dans les pays de tradition germanique ou anglo-saxonne. Fin 2021, lors de sa sortie en France, le coffret a recueilli un très mérité « Diapason d’or », quand la réception critique de ses disques lors de leur sortie connut généralement un accueil pour le moins discret et assez peu engageant… Autres temps, autres moeurs !

Plus avant dans l’année, deux autres coffrets un peu volumineux m’ont procuré bien du plaisir –Clemens Krauss et Erich Kleiber– : du grand répertoire suprêmement bien interprété, ce qui est le cas, également, des symphonies de Brahms, fort appréciables dans l’interprétation de William Steinbergen général, je n’aime guère les symphonies de Brahms…-. Quant au Beethoven de Kurt Sanderling, il m’était déjà bien connu, mais je lui courais après depuis si longtemps que je n’ai pas hésité -un import du Japon- quand j’ai eu l’occasion de me le procurer à la fin de l’été.
Beaux coups de coeur, encore, pour les oeuvres symphoniques de Hindemith part Hindemith, et pour les symphonies de Prokofiev dans cette belle intégrale très bien enregistrée !

Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Playlist venue de l’est

Evidemment, de nos jours, le rideau de fer est oublié et l’on ne se souvient plus qu’au sortir de la seconde guerre mondiale, nombreux furent les artistes qui durent faire le choix d’émigrer vers l’ouest ou de demeurer à l’est, où se construisait l’autre Europe, derrière ce qui apparaîtrait rapidement comme un rideau de fer.

Kurt Sanderling, immense chef d’orchestre, fit quant à lui le choix curieux de rester à l’est où il s’était réfugié durant la guerre. Assistant de Mravinsky à Leningrad, il occupa ensuite le poste de chef de l’orchestre symphonique de Berlin, créé en 1952 à Berlin-est, et qui n’atteignit jamais au prestige de son concurrent, les Berliner Philhamoniker, avant de fuir sa longue carrière –il est mort à 99 ans et s’est retiré à 90– à Stuttgart après la chute du mur et la réunification allemande. A partir de la fin des années 1970, il dirigea également le Philharmonia Orchestra, à Londres, qui lui proposa d’ailleurs d’enregistrer toutes symphonies de Beethoven –première intégrale en numérique de l’histoire du disque-.

La playlist de ce jour –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– met en évidence ses qualités : dans un répertoire archi-connu, Kurt Sanderling propose des interprétations généralement puissamment architecturées, sur des tempi le plus souvent lents, et mettant en valeur tous les pupitres des très bons orchestres dont il dispose. On a souvent fait le parallèle avec Otto Klemperer –et les deux chefs présentaient le même physique austère-, ce qui n’est que partiellement exact à mes oreilles : il met beaucoup plus de couleurs dans les interprétations qu’il nous livre. 

Playlist romantique « à l’ancienne »

La playlist de ce matin est consacrée à des enregistrements d’oeuvres « romantiques » effectués entre la fin des années 50 et le début des années 60. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Une époque marquée par le triomphe encore récent du LP face au 78 tours –on ne le sait plus de nos jours, mais jusqu’au milieu des années 50, un même enregistrement était encore publié dans les deux formats-, puis par l’apparition de la stéréophonie –on ne le sait plus de nos jours, mais jusqu’à la fin des années 50, un même enregistrement était publié en LP en mono et en stéréo, l’acheteur choisissant l’un de ces deux formats en fonction de son matériel d’écoute-. Les catalogues des éditeurs commençaient à s’étoffer très rapidement, les techniques de prise de son évoluaient rapidement, les premières installations « haute-fidélité », dispendieuses et volumineuses –aujourd’hui, on dirait : moches ! – investissaient les domiciles des particuliers.

A cette époque, les orchestres étaient moins bons que de nos jours –et en voie de fort renouvellement, la génération des musiciens ayant vécu la guerre se retirant peu à peu-, et, très schématiquement, les traditions d’interprétation étaient encore issues principalement du 19ème siècle, selon deux courants : un courant « objectif » issu de Felix Mendelssohn, généralement incisif rythmiquement et clarifiant les textures orchestrales –popularisé par la grande star des chefs de la première moitié » du 20ème siècle, Arturo Toscanini, puis par la majorité les chefs d’Europe centrale ayant migré vers les USA durant la guerre– et une école austro-allemande issue principalement de Richard Wagner, qualifiée de « subjective » et cherchant à exprimer ce qui se cachait derrière les notes d’une partition –dont le représentant le plus connu est Wilhelm Furtwängler-.

Dans la playlist du jour, Eugen Jochum (né en 1902) serait représentant de la seconde école et William Steinberg (né en 1899) de la première. Quant à Ferenc Fricsay (né en 1914), on pourrait le ranger, selon les époques de sa courte vie, dans l’un ou l’autre, ou parfois même aucun, de ces deux courants !

Playlist « Mauvais goût »

Je vous le disais déjà ici ou , écouter les interprétations du chef anglais Leopold Stokowksi, pour de nombreux mélomanes et d’encore plus nombreux musicographes « éclairés », c’est mal et signe d’un absolu mauvais goût !

Soit, j’assume , sans m’en sentir le moins du monde coupable, faire preuve de mauvais goût en cette après-midi pluvieuse –on avait fini par oublier la pluie, depuis tant de semaines sans une goutte ! – en m’adonnant à cette playlist comportant de grandes oeuvres du répertoire. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Il n’empêche que la luxuriance orchestrale aux couleurs saturées sied tout-à-fait bien à Shéhérazade de Rimsky-Korsakov, que j’ai entendu des troisièmes symphonies de Beethoven moins héroïques et surtout vivantes que celle-ci et que la seconde de Mahler, compositeur dont il fut un champion très précoce –aussitôt qu’en 1918– est à mes oreilles l’une des toutes meilleures versions de cette oeuvre – dans une optique large de tempo alla Bernstein, mais (sacrilège ! s’exclameront certains) en beaucoup mieux ! -.
Ces enregistrements ont tous été réalisés par un chef octogénaire ou nonagénaire qui conservait encore une énergie de jeune homme et sont tous d’un excellent niveau technique.

Playlist « Paysages d’en face »

C’est l’été, et comme chaque année, nous allons dans très peu de temps rejoindre les grandes plages de la côte d’Opale, juste en face ces falaises anglaises. Oublieux que je suis, je n’ai même pas fait de passeport, et nous ne pourrons donc pas, si l’envie nous en prend, partir une ou deux journées en passant dans le tunnel…
En attendant, c’est une belle évocation des paysages anglais que je m’offre ce matin, à travers trois symphonies et quelques autres pièces de Ralph Vaughan Williams, dont je pense ne jamais vous avoir parlé jusqu’ici. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Très influencé par la musique folklorique la musique traditionnelle de son pays, Ralph William Vaughan connut une carrière assez longue et s’illustra essentiellement dans la musique symphonique –9 symphonies, de la musique de film, quelques pièces symphoniques-, et dans l’opéra. Il est assez réputé pour avoir réussi à dépeindre de fort belle manière les paysages anglais à travers sa musique, qui s’écoute généralement agréablement.

Les enregistrements écoutés ce matin sont issus d’un coffret anthologique enregistré par le grand chef anglais Adrian Boult, grand défenseur de la musique de son pays -excellent également dans Brahms et, de façon surprenante, dans Wagner, dont il n’enregistra malheureusement pas d’opéra intégral– , qui connut lui aussi une très longue carrière discographique –ses premiers enregistrements datent de l’ère acoustique, dans les années 20, et il réalisa un enregistrement en numérique expérimental à la fin des années 70, ce qui témoigne d’une longévité exceptionnelle !

Vivement les vacances !

Playlist « A Frenchman in Detroit »

Au sortir de la seconde guerre mondiale, Paul Paray est l’un des trois grands chefs d’orchestre français qui exerça aux Etats-Unis à la tête d’un orchestre américain en compagnie de Charles Munch –Boston– et Pierre Monteux –Boston puis Los Angeles-. Il fut nommé chef de l’orchestre symphonique de Detroit de 1951 à 1962, après avoir refusé la co-direction avec Arturo Toscanini de l’orchestre de la NBC –ce qui situe un peu l’exceptionnelle estime dont il jouissait ! -.
Il fit de Detroit l’un des meilleurs orchestres américains « de second rang », à l’instar de William Steinberg à Pittsburgh, s’y tailla une très solide réputation et y enregistra pour le label Mercury, dans de formidables prises de son grâce au procédé « Living Presence« , de très nombreux disques consacrés à la musique française et qui sont l’objet de la playlist du jour. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Ce qui caractérise toutes ces interprétations est leur caractère éminemment vivant et énergique. Paul Paray adopte une ligne claire, très lisible, et des tempi presque toujours rapides ou très rapides –je crois que je n’ai jamais entendu le « Boléro » de Ravel pris aussi vivement-, sans trop rechercher d’arrière-plans métaphysiques. Cela fonctionne à merveille dans la musique écoutée ce jour, et la troisième symphonie de Saint-Saëns, notamment, y gagne beaucoup –l’oeuvre peut devenir assez rapidement « pompier »…-.

Une belle playlist pour entamer la journée !

Beethoven « historique » – Erich Kleiber

J’écoute ce matin quatre symphonies de Beethoven dans les interprétations « historiques » d’Erich Kleiber, enregistrées à Amsterdam pour Decca entre 1950 et 1953, et impeccablement restaurées lors des éditions successives en CD. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Des cinq grands chefs de sa génération –de gauche droite sur cette unique photo les réunissant à Berlin,et datant de 1929 : Bruno Walter, Arturo Toscanini, Erich Kleiber, Otto Klemperer et Wilhelm Furtwängler-, Erich Kleiber était le plus jeune –né en 1890-, et le plus jeune disparu –mort en 1956 : il se serait suicidé selon son fils Carlos-.

Très tôt nommé sur un poste prestigieux –directeur de l’opéra de Berlin dès 1923-, il en démissionna peu après l’arrivée des nazis au pouvoir et s’exila avec sa famille en Argentine, pays dont il prit la nationalité. Il ne revint diriger en Europe qu’à la fin des années 40 et commença à enregistrer pour Decca, à Vienne et Amsterdam essentiellement, quelques disques qui ont fait toute sa renommée, malgré leur faible quantité : Beethoven, Mozart, Richard Strauss, un peu de Schubert et de Tchaïkovsky. L’ensemble est disponible dans un coffret de 15 CD, ce qui est peu pour un chef de cette importance…

Ses symphonies de Beethoven n’ont pas quitté le catalogue « à prix fort » jusqu’au milieu des années 60 et jouissaient en Allemagne et dans les pays anglo-saxons, dans les années 50 et jusqu’au début des années 60, du même statut de « référence » que les interprétations de Toscanini et que celles que Karajan enregistrait à peu près au même moment avec le Philharmonia Orchestra, loin devant celles de Furtwängler –les critiques de l’époque, en Angleterre ou aux USA, se montrèrent fort peu charitables avec le « vieux » chef, souvent pour des raisons extra-musicales, et ses interprétations étaient généralement considérées comme celles « d’un vieil homme malade »– ou de Jochum –mister « Stop and go »-.

Quoi qu’il en soit, les interprétations écoutées ce matin sont hautement appréciables : tempos relativement vifs, énorme énergie rythmique –en la matière, son fils Carlos a parfaitement saisi l’héritage…-, très beaux équilibres orchestraux… La symphonie « Pastorale », notamment, est magnifique, et s’inscrit sur les mêmes sommets que celle présentée il y a peu de temps, et j’ai rarement entendu un aussi excellent dernier mouvement de l’Eroica, vif et entraînant !

Premier achat musical de l’année !

C’est un joli coffret –présentation et remasterisation soignées, jolie ligne éditoriale et texte de présentation intéressant et informatif-, j’aime énormément ce très grand chef à l’allure aristocratique et j’ai même du temps à y consacrer ce week-end !

A ce stade, deux conclusions alternatives semblent s’imposer :
1. Je n’ai plus de place pour ranger tout cela sur mes étagères ;
2. Avec l’âge, je suis devenu plus raisonnable.
On pourrait en rajouter une troisième, assez proche de la réalité : je manque de temps en ce moment pour en profiter pleinement.

Playlist « Ex-jeune loup prometteur »

La playlist de ce jour est consacrée à quelques-uns des excellents albums que le jeune chef américain Lorin Maazel réalisa pour la firme allemande Deutsche Grammophon avec l’orchestre philharmonique de Berlin à l’aube de sa carrière, à la fin des années 50 et au début des années 60. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Lorin Maazel a connu un destin assez singulier : début à la tête d’un orchestre à 8 ans pour diriger rien moins que la « Symphonie Inachevée » de Schubert, star de la baguette particulièrement appréciée du « grand public », il a suscité un quasi-rejet presque viscéral -et assez difficilement compréhensible pour moi- de la part du cercle bien plus étroit des mélomanes –au moins en France– mais une vraie admiration, voire parfois de l’adoration de la part des musiciens d’orchestre, qui lui ont toujours reconnu une maîtrise technique exceptionnelle et une mémoire fabuleuse.

Quoi qu’il en soit, ses premiers albums sont tous de très belle tenue : c’est vif –au risque d’une certaine brutalité parfois, comme dans la célèbre 5ème symphonie de Beethoven-, c’est très clair et lisible –l’appui sur les cordes est bien moindre que chez Karajan avec le même orchestre à la même époque-, et d’un engagement que le chef ne trouvera plus toujours plus tard.

Les quatre disques du jour sont issus d’un très intéressant coffret thématique contenant 8 CD –cliquer sur l’imagette de droite pour voir en plus grand de quoi il s’agit-, paru en série économique il y a une quinzaine d’année –à titre anecdotique, bénéficiant d’une erreur d’étiquetage, je ai eu, neuf, pour 9,90€, en compagnie d’autres excellents coffrets de cette très belle collection, tous affichés au même prix de manière erronée…-, lequel coffret, assez copieusement garni,  contient d’autres pépites aussi éclatantes –plusieurs symphonies de Schubert rarement enregistrées à l’époque, d’excellentes symphonies de Mendelssohn, une quatrième symphonie de Tchaikovsky sonore et totalement dépoussiérée de tout pathos, trois visions de Rome et Juliette selon Berlioz, Tchaikovsky et Prokofiev…– qui s’inscrivent assez bien dans la « ligne objective » alors en vigueur chez de nombreux chefs d’Outre-Atlantique.

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