Playlist « Baignade estivale nocturne »

… Mes nuits sans dormir, histoire sans fin…  « Voir le jour se lever est plus utile que d’entendre la Symphonie Pastorale » avait écrit Claude Debussy, dans un jugement lapidaire à propos de la sixième symphonie de Beethoven. Mais, après avoir écrit « La mer », il révisa profondément son jugement, considérant qu’elle constituait « l’un des meilleurs modèles de mécanique expressive : ce Beethoven, quel génie ! ».

Faute de voir la mer cet été –ça sera plutôt tout à la fin de l’été ou en automne cette année– la playlist de ce jour propose trois versions anciennes de « La mer », ces trois esquisses symphoniques pour orchestre, achevées en 1905, essentiellement descriptives –1. De l’aube à midi sur la mer ; 2. Jeux de vague ; 3. Dialogue du vent et de la mer-, à l’instar de la symphonie pastorale…

L’oeuvre, à sa création, fut mal reçue, le critique du journal Le Temps, Pierre Lalo, écrivant notamment : « Je n’entends pas, je ne vois pas, je ne sens pas la mer », et un autre critique parisien remarqua que en parlant des auditeurs présents « … Ils ont été servis avec de l’eau agitée dans une soucoupe ». Aux États-Unis, les premières réactions ne furent pas plus favorables : « … l’océan du compositeur est un étang à grenouilles, dont certaines étaient entrées dans la gorge des cuivres ». Mais, par la suite, l’oeuvre rencontra un beau succès, tant au concert qu’au disque –c’est assurément l’oeuvre la plus enregistrée du compositeur-.

J’ai mis longtemps à accrocher à ce compositeur et à cette oeuvre, que j’apprécie énormément désormais et qui est très bien représentée dans ma discothèque. Les trois albums de cette playlist nocturne constituent chacun d’excellentes propositions à plus d’un titre, et les compléments sont tous de belle qualité également. Eu égard à leur époque respective, les prises de son s’avèrent très bonnes, ce qui est essentiel dan cette oeuvre. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Arturo Toscanini – BBC Symphony Orchestra – 1935 *****

A mes oreilles, la meilleure version du chef italien, et notamment parce qu’il dispose d’un orchestre qui semble beaucoup plus souple que son orchestre de la NBC à New York, et bénéficie d’une prise de son moins mate que celles réalisées pour lui par RCA.

• Herbert Von Karajan – Philharmonia Orchestra – 1954 *****

La première version du chef autrichien, qui enregistra l’oeuvre au moins quatre fois, à Londres, Berlin ou Paris, et toujours avec succès. Le chef propose déjà une version superbement hédoniste de l’oeuvre et à cette date, le Philharmonia Orchestra était sans doute l’un des deux ou trois meilleurs orchestres d’Europe.

• Paul Paray – Detroit Symphony Orchestra – 1955 *****

Très belle version transparente et détaillée, claire et rapide, totalement dégraissée, malgré un orchestre aux qualités un peu inférieures aux deux précédents -les timbres ne peuvent rivaliser avec ceux du Philharmonia, par exemple- : une superbe antithèse à la version de Karajan !

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Playlist « L’empereur du violon »

Profitant d’une météo peu clémente ces derniers jours, je revisite à l’occasion de ces playlists estivales mon « fond de discothèque » et celle de ce jour est consacré à plusieurs concertos pour violon par celui qui fut surnommé l’empereur du violon », et dont ses confrères disait notamment qu’ « il a[vait] établi toutes les normes pour jouer du violon au XXe siècle » et que « les objectifs qu’il s’étaient fixés demeurent, et, pour les violonistes d’aujourd’hui, il est plutôt déprimant qu’ils ne soient plus jamais complètement atteints ». J’ai nommé Jasha Heifetz.

Né en 1899 en Lituanie –alors russe-, enfant prodige et réputé pour être le plus phénoménal des enfants prodiges de son temps –il fut admis dans la classe du réputé Leopold Auer, qui détestait les enfants prodiges, à 9 ans et enregistra ses premiers disques à 10 ans-, émigré très tôt en Amérique pour échapper à la révolution et au régime soviétique, il débuta très jeune une carrière de virtuose couronnée d’un tel succès que Fritz Kreisler, sans doute le violoniste virtuose le plus réputé à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, affirma que devant tant de génie, « il n’avait plus qu’à casser son instrument sur ses genoux »… Sa carrière, couronnée d’un immense succès à travers le monde entier, s’étira jusqu’au début des années 60.
Richissime –il avait fondé l’éphémère « One Million Dollars » trio-, réputé d’une extrême exigence avec les autres et plus encore avec lui même, doté d’une personnalité complexe il est également réputé pour n’avoir jamais souri en public, et aucune photo ne le montre autrement qu’avec un visage austère.

Les enregistrements de cette playlist –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-, tous réalisés après la seconde guerre mondiale pour RCA, bénéficient du savoir-faire de la firme à cette époque et s’avèrent tous très convenables techniquement, avec cette particularité toutefois d’enregistrer le violon très près du microphone, comme le souhaitait Heifetz, sans que cela nuise au demeurant à la lisibilité de l’orchestre. Les accompagnements vont du tout-venant un peu routinier à l’excellent.

La firme américaine, à travers ces enregistrements, contribua à établir le mythe de l’infaillibilité du violoniste, à l’instar du halo d’infaillibilité qui entourait Arturo Toscanini –autre artiste RCA– à la même époque. C’est, évidemment, un mythe !

• Beethoven & Mendelssohn – OS Boston, Charles Munch – 1955, 1959 *****
• Brahms & Tchaïkovsky – OS Chicago, Fritz Reiner – 1957 ***/*****
Les *** sont essentiellement tributaires de mon peu d’appétence pour le concerto pour violon de Brahms, que je n’apprécie pas beaucoup, quelle que soit l’interprétation envisagée…
• Bruch & Sibelius – New Symphony Orchestra of London, Malcolm Sargent & OS Chicago, Walter Hendl – 1962, 1959 ****/*****

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Playlist « Les 80’s à Boston »

Avec New York, Boston est l’autre ville de la côte est des États-Unis à avoir connu une scène pop-rock prolifique et très active à partir des années 70. La playlist de ce jour donne un très modeste aperçu de l’éclectisme musical remarquable de cette scène bostonienne à travers trois albums relativement contemporains les uns des autres –début des 80’s-, mais chacun très différent de ton et d’esprit ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Steely Dan – Gaucho – 1980 ****

Groupe informel composé de très nombreux musiciens entourant Donald Fagen –claviers– et Walter Becker –guitare, basse, chant-, les deux seuls membres permanents, Steely Dan évolua entre le rock conventionnel, la pop mélodique, le rythm’n’blues et le jazz. « Gaucho », superbement enregistré d’un point de vue technique et hyper-produit, fit d’abord le bonheur des amateurs de chaînes Hi-Fi et servit longtemps de disque-test dans cette perspective. Album plutôt jazz baignant dans une ambiance assez intimiste, « Gaucho » donne à entendre les meilleurs requins de studio de l’époque et se vendit remarquablement bien aux États-Unis, où il remporta le convoité trophée de « disque de l’année » en 1980.

• The J Geils Band – Freeze Frame – 1981 ****

Il aura fallu que le J Geils bans sorte en 1981 un album très peu représentatif de leur style habituel –le rythm’n’blues et le Chicago Blues– pour atteindre à une notoriété planétaire. Leur succès était auparavant essentiellement limité aux États-Unis et, plus encore, à Boston, leur ville d’origine, où ils étaient cutlissime depuis longtemps. « Freeze frame », qui propose une pop pêchue et efficace où dominent les claviers –une première dans la musique du groupe– est leur dixième album déjà. Le disque contient l’énorme succès « Centerfold », unique numéro 1 du groupe, que j’ai eu la chance de voir en première partie des Rolling Stones en 1982 : l’occasion de découvrir un excellent guitariste, J. Geils, et un superbe harmoniciste, Magic Dick.

• The Real Kids – Hit You Hard – 1983 ****

Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez le mercredi 2 février 1983 ? Moi, oui : c’était le jour où les Real Kids, ce merveilleux groupe bostonien de Power Pop, se produisait à Paris dans sa formation originelle –la meilleure-, au Bataclan, et j’étais dans la salle ! Il en est résulté l’un des plus exceptionnels albums live qui soit, chaud comme la braise, le trop méconnu « All Kindsa Jerks Live » ! Lors de ce séjour parisien, le groupe enregistra pour le label français New Rose l’’album « Hit You Hard », destiné au seul marché européen. Très bon, très pop et mélodieux, c’est incontestablement l’album le mieux produit de leur discographie. Le destin de ce groupe très attachant est à rapprocher de celui des Flamin’Groovies : belle renommée et énorme succès d’estime qui ne se sont cependant  jamais traduits commercialement…

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Playlist « Musique contemporaine d’alors… »

L’excellent coffret EMI consacré à William Steinberg –imagette ci-contre-, que je vous ai présenté au moment de sa découverte –c’est ici-, contient, outre les nombreux trésors du « grand répertoire » qu’il offre, quelques pièces de « musique contemporaine » de l’époque, beaucoup plus rares au moment de leur enregistrement par le chef américain, avec son orchestre symphonique de Pittsburgh.

Aux États-Unis et à cette époque, William Steinberg était le chef qui proposait le répertoire le plus original, le plus varié et le plus aventureux, au concert comme au disque : il enregistra rapidement durant les années 50 une quarantaine de disques pour Capitol Records, filiale américaine d’EMI/HMV. La playlist de ce jour est consacrée à quelques-unes de ces pièces « contemporaines ». –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

• Ernst Toch – Symphonie n°3 – 1955 **** – L’enregistrement fait suite à la création de l’oeuvre, le 02 décembre 1955, par le chef et son orchestre. Il s’agit d’une oeuvre originale, à l’instrumentarium très varié et qui reste assez facile à approcher.

• Ralph Vaughan-Williams – Five Tudor Portraits – 1935 **** – L’oeuvre est une « suite chorale », genre hybride entre la symphonie chorale et l’oratorio anglais, écrite pour orchestre, deux solistes et choeurs, sur des poèmes de la Renaissance de John Skelton. La version de William Steinberg est, sauf erreur, la toute première jamais enregistrée, en 1952, lors du festival annuel international de musique contemporaine de Pittsburgh.

• Ernest Bloch – Concerto grosso pour orchestre à cordes et piano – 1925 **** – L’oeuvre, en quatre mouvements et d’un abord facile, a été enregistrée en 1953 par William Steinberg durant un concert au festival annuel international de musique contemporaine de Pittsburgh.

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Playlist « A l’Américaine » – 1. Boston – Steinberg

Je débute aujourd’hui un petit cycle d’écoute consacré à des orchestres et artistes américains, histoire également de refaire un petit voyage remémoratif au sein de ma discothèque…
Le leg de William Steinberg et de l’orchestre symphonique de Boston pour Deutsche Grammophon se limite à trois fabuleux disques, puisque le chef, tout récemment nommé à la tête de l’orchestre en complément de son long mandat à la tête de l’orchestre de Pittsburgh qu’il ne pouvait se résoudre à quitter, dut abandonner ses fonctions assez rapidement en raison d’une santé déficiente.

Son mandat à Boston est resté limité à trois années –1969-1972-, durant lesquelles il enregistra deux trois albums pour RCA et, donc, les trois disques de la playlist du jour.. Les trois albums parus chez l’éditeur allemand ont été enregistrés tout au long de l’année 1971 et outre leurs mérites artistiques considérables *****ils s’inscrivent parmi les versions les plus recommandables de la discographie pour chacune des oeuvres enregistrées-, ils bénéficient tous de remarquables conditions techniques pour l’époque ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

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Playlist « À la découverte de quelques raretés de Claude Debussy »

Il fait si chaud –36° prévus aujourd’hui–  que, hors de courtes promenades très matinales ou très crépusculaires, il est plus agréable de rester cloîtré à la maison –où je réussis à maintenir une température raisonnable de 26 à 27°, l’appartement étant traversant et permettant une bonne circulation de l’air– et d’en profiter pour explorer quelques trouvailles au sein de ma discothèque, que je n’avais pas encore écoutées, et qui constituent de vraies raretés, voire une authentique découverte.
C’est le cas avec trois oeuvres de Claude Debussy, extraites du coffret de l’intégralité de ses oeuvres, que je vous présentais rapidement ici, il y a presque un an. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.


On trouvera donc dans cette playlist :

• Première suite pour orchestre – Orch. Les Siècles, François-Xavier Roth – 2013 ***

La première suite pour orchestre est une oeuvre de jeunesse de Debussy, composée vraisemblablement entre 1882 et 1884, au moment où il commençait à exercer à écrire des pièces orchestrales dans le cadre de ses études en classe de composition au conservatoire de Paris. Lorsqu’il soumit au jury de fin d’étude le deuxième mouvement de cette suite, ledit jury constata que le musicien « écrivait mal la musique mais avait cependant fait des progrès ». Nonobstant ces considérations peu engageantes, il s’agit d’une musique toujours très agréable à défaut d’être très originale, mais qui n’annonce pas réellement les futures réussites orchestrales du compositeur que sont le « Prélude à l’après-midi d’un faune » ou « La mer ». L’enregistrement, de très belle qualité technique, est une « première mondiale ». Le disque original comporte également une version assez réussie de « La mer », à laquelle je préfère néanmoins plusieurs autres propositions.

• Fantaisie pour piano et orchestre, version « définitive » de 1910 – François-René Duchâble, piano ;
Orch. Du Capitole de Toulouse, Michel Plasson – 1995 ***

Debussy, peu satisfait de son oeuvre, la désavoua et n’autorisa jamais de son vivant qu’on l’interprète ; ainsi, elle ne fut créée qu’en 1919, un an après son décès. Il retravailla sa partition, dont la première version remonte à 1889, au moins jusqu’en 1910. La version de François-René Duchâble, remarquable pianiste très virtuose qu’il est malheureusement de bon ton de dénigrer en France est de très belle tenue, même si la prise de son semble est tout juste convenable eu égard à sa date.

• Marche écossaise sur un thème populaire – Orch. National de l’ORTF, Jean Martinon – 1973 ***

Le titre exact de cette courte oeuvre pour orchestre, publiée en 1891, est « Marche écossaise sur un thème populaire, ou Marche des anciens Comtes de Ross, dédiée à leur descendant le Général Meredith Reid, grand-croix de l’ordre royal du Rédempteur ». Excusez du peu ! Et, je vous assure : la chaleur ne m’est pas montée à la tête !
Outre cette version pour orchestre, Debussy avait à l’origine composé cette oeuvre pour piano à quatre mains. Il en existe également une transposition pour piano à deux mains de la version pour orchestre ! Comprenne qui pourra ! Au demeurant, l’oeuvre est très agréable et cette version est très bien !

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Dimanche à l’opéra – Richard Strauss, « Le chevalier à la rose »

Ma séance dominicale lyrique me conduit cette après-midi –pour cause de préparatifs intenses pour le brunch de la « fête des pères » ce matin– dans la Vienne impériale de la seconde moitié du 18ème siècle, sous le règne de Marie-Thérèse, impératrice douairière du Saint-Empire germanique et reine d’Autriche, avec l’opéra en trois actes de Richard Strauss « Le chevalier à la rose », dans l’ultime version d’Herbert Von Karajan. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

L’argument en est très simple : le baron Ochs auf Lerchenau prépare son mariage avec Sophie Faninal, et fait appel à sa cousine, la princesse Marie-Thérèse von Werdenberg, plus connue sous le nom de « La Maréchale », pour désigner un chevalier qui ira offrir une rose d’argent à la future mariée, selon la tradition.
La Maréchale confie cette mission à Octavian, son jeune amant. S’ensuivent une série de quiproquos, et, en définitive, Octavian s’éprend de la jeune fiancée, horrifiée par son futur mari qui est un homme dépravé et grossier. Avec la bénédiction de la Maréchale, les deux jeunes gens peuvent alors entamer un duo d’amour enflammé.

Ainsi, bien qu’il s’agisse d’un opéra comique, l’œuvre intégrant des thèmes plus sérieux comme l’infidélité, la prédation sexuelle et l’altruisme en amour, mais aussi la nostalgie et l’angoisse face au temps qui fuit.
Une notice assez complète –argument, informations sur le livret et les conditions de création de l’opéra…– se trouve ici.

« Le chevalier à la rose » est bien représenté dans ma discothèque, avec pas moins de six versions :
d’une part, les trois versions d’Herbert Von Karajan : 1956, studio EMI avec le Philharmonia Orchestra ; enregistrée live à Salzbourg en 1960 et sortie officiellement chez DGG en 1999 seulement, dans le cadre de la publication des archives du festival ; 1982, studio parue chez Deutsche Grammophon, et, donc version écoutée ce jour. Les deux premières versions sont généralement considérées comme des versions de référence. Karajan a toujours été un éminent spécialiste de Richard Strauss, reconnu comme tel par le compositeur lui-même, qui, au sortir d’une représentation dirigée par son jeune collègued’Arabella, l’invita au restaurant pour le féliciter et le remercier;
d’autre part, trois versions enregistrées par Erich Kleiber en 1954, Karl « Karli Sac de patates » Böhm en concert au festival de Salzbourg en 1969 et Leonard Bernstein en studio en 1971 –les deux premières sont également souvent considérées comme des versions de référence-, qui, toutes trois, proposent d’excellents plateaux de chanteurs.

La version du jour jouit d’une réputation un peu moindre que les deux précédentes enregistrées par Karajan –cliquer sur les imagettes pour les voir en plus grand-, et pourtant, à mes oreilles, elle n’est pas si loin de les rejoindre : aucun des chanteurs, presque tous à l’aube de leur carrière, ne démérite, même si certains n’égalent pas tout-à-fait leurs prédécesseurs. A contrario, Kurt Moll est sans doute le meilleur Ochs auf Lechernau de l’entière discographie.
Les tempi, relativement lents –comme toujours chez le chef dans cet opéra, qu’il dirigea très souvent– sont cependant très vivants et, surtout, Karajan tire de l’orchestre philharmonique de Vienne –sans doute l’orchestre le plus rétif pour répondre aux exigences des chefs d’orchestre– des sonorités somptueuses et d’une beauté inouïe, qui imprègnent l’oeuvre d’une tendre nostalgie.

Tim Page, critique musical du Washington Post, écrivait, après le dernier concert américain de Karajan, en février 1989 : “Never forget that an orchestra can play with such unity, such subtlety, such luxuriance of tone. You may never again hear such playing but now you know that it can be done”. « N’oubliez jamais qu’un orchestre peu jouer avec autant d’unité, de subtilité et de luxe sonore. Vous n’entendrez peut-être plus jamais un tel jeu, mais vous savez désormais qu’il est possible de le faire ».

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Playlist « Mythique pour les uns… »

La playlist de ce jour est consacrée à l’un des plus grands chefs d’orchestre du vingtième siècle, Wilhelm Furtwängler, pourtant assez peu représenté dans ma discothèque. Il fut, notamment, titulaire de l’orchestre philharmonique de Berlin de 1922 à 1945, puis de 1952 à 1954, année de son décès. Personnage complexe et quelque peu ombrageux, il vouait par ailleurs une haine irrationnelle à Karajan, son successeur à la tête du philharmonique de Berlin, qu’il ne nomma jamais autrement que « Monsieur K », et entretenait des relations conflictuelles avec, notamment, Arturo Toscanini, l’autre star de la direction de la première moitié du vingtième siècle.

Malgré sa réputation mythique, j’ai toujours eu un peu de mal à adhérer complètement à son style de direction : tempi souvent instables, partition sollicitée au profit d’une expressivité et d’une émotion de l’instant, imprécisions… Ça fonctionne très bien à première écoute, ça ne résiste pas toujours à des écoutes répétées et j’ai une plus grande prédilection pour des chefs qualifiés «d’objectifs» –Toscanini, Reiner, Szell, Steinberg…-, cette notion étant toute relative face à une partition. Le voir diriger, en vidéo, c’est un peu comme regarder une marionnette dégingandée agitant les bras dans tous les sens : curieuse expérience !
Par ailleurs, une grande majorité de sa discographie officielle, notamment cher EMI, est constituée d’enregistrements assez tardifs –post-seconde guerre mondiale– dans sa carrière : Furtwängler détestait les studios d’enregistrements et était déjà dans un état de santé très déclinant. Ces enregistrements « live », nombreux mais de qualité technique aléatoire, restent à privilégier.

On trouvera dans cette playlist –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– :


• Felix Mendelssohn – Concerto pour violon – Yehudi Menuhin, OP Berlin, W. Furtwängler – 1952, ****

Une version hyper-romantique, large et un peu sombre à l’orchestre –les timbales du début, par exemple-. Le soliste, Yehudi Menuhin, est plutôt solaire et sa sonorité est encore juste et belle, ce qui ne sera plus toujours le cas quelques années plus tard.

• Ludwig Van Beethoven – Concerto pour violon – Yehudi Menuhin, Philharmonia, W. Furtwängler – 1953, ****

Il existe une première version de ce concerto enregistrée par les mêmes artistes un peu plus tôt lors du festival de Lucerne, celle-ci est assez comparable et le son est un peu plus confortable. C’est une excellente version côté orchestre, très poétique, même j’en préfère d’autres, surtout pour leur soliste –ici un peu raide dans le mouvement lent-.

• Anton Bruckner – Symphonie n°8 – OP Vienne, W. Furtwängler – 1944, ****

Wilhelm Furtwängler était d’abord compositeur, avant d’être chef d’orchestre : ses symphonies ne sont pas sans rappeler parfois celles de Bruckner, mâtinées d’un peu de Richard Strauss. Il était donc très à l’aise pour diriger les symphonies du compositeur autrichien, et cette huitième, enregistrée en concert en 1944, est une belle réussite, malgré des conditions techniques juste correctes.

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Playlist « Valeurs sûres, désormais même en France… »

Longtemps, Anton Bruckner fut méprisé, en France, au motif que ses symphonies avaient la réputation d’être des monuments de longueur –alors qu’elles n’excèdent que rarement la durée de la neuvième symphonie de Beethoven– et d’ennui –je les trouve, pour ma part, nettement moins ennuyeuses que celle de Brahms, par exemple…-.
Justice lui fut tardivement rendue, et ce n’est que dans les années 50 qu’il commença, et grâce au disque essentiellement, à bénéficier d’une réputation à la hauteur de son génie. Il faudra encore attendre une bonne décennie pour qu’il trouve sa place dans les salles de concert françaises. Pour ma part j’ai découvert et très vite apprécié Bruckner, au sortir de l’adolescence dans les années 80, par le biais de la très bonne intégrale –au temps du LP, une intégrale en CD étant alors inaccessible financièrement…– de Günter Wand, que j’avais pu me procurer en Allemagne pour une somme en adéquation avec l’épaisseur de mon porte-monnaie de l’époque !

La playlist du jour me permet d’écouter trois symphonies parmi les plus populaires –4ème, 7ème et 9ème– du compositeur autrichien, selon trois perspectives interprétatives très dissemblables et, finalement, très complémentaires ! –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Parmi les premiers chefs à enregistrer des symphonies de Bruckner, William Steinberg n’est pas souvent cité, à tort selon mes oreilles ! Pourtant, dès 1956, il enregistrait pour Capitol cette 4ème symphonie « Romantique », puis, en 1963, avec le même orchestre de Pittsburgh, la 7ème symphonie, pour le label Command Classics : dans les deux cas, il propose des lectures narratives, nerveuses et incisives, en définitive pas ennuyeuses du tout ! Un peu plus tard, il enregistra avec Boston une sixième symphonie fondée sur les mêmes préceptes et se situant au même niveau d’excellence !
• Eugen Jochum poursuit une tradition interprétative bien ancrée en Allemagne depuis le début du vingtième siècle : son intégrale des symphonies du compositeur parue chez Deutsche Grammophon, dont est extraite cette septième symphonie,  fait encore référence pour certains, malgré ses instabilités de tempo au service d’une émotion de l’instant -mais avec aussi sa part de « temps morts », à mes oreilles au moins. En Angleterre, on le surnommait «Mister Stop And Go »…
Enfin, Herbert Von Karajan , considéré de son vivant par de nombreux musicographes en Angleterre et en Allemagne comme le plus grand interprète vivant de Bruckner, livre une très belle version de la neuvième symphonie « dédiée au Bon Dieu », enregistrée avec l’orchestre philharmonique de Vienne en concert en 1976 : un disque paru en édition limitée il y a déjà fort longtemps, et qui n’est plus disponible de nos jours. Une fort belle version, pleine de ferveur dans le dernier mouvement, moins puissante, mais aussi solidement architecturée que celle enregistrée à Berlin à peu près à la même époque dans le cadre d’une intégrale, encensée à peu près partout sauf en France…

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Playlist « Valeurs sûres et trésors inépuisables »

Depuis deux jours, je navigue de symphonie de Beethoven en symphonie de Beethoven au gré de ma fantaisie et de mon humeur, choisissant parmi quatre intégrales proposant des visions très différentes, mais toutes très pertinentes, abouties et complémentaires. Chacune de ces intégrales constitue une très belle réussite artistique et bénéficie de très bonnes conditions techniques, à la pointe de la technologie propre à sa date d’enregistrement.

La plus célèbre –et de très loin la plus vendue toutes époques et tous supports confondus : – est celle de Karajan : la toute première conçue et mise sur le marché en tant qu’intégrale, dans un coffret richement illustré et documenté, selon un système de souscription complètement novateur à l’époque : un pari risqué en 1963, mais totalement réussi : pour absorber les coûts, Deutsche Grammophon devait vendre au moins 100 000 coffrets, et nombreux étaient ceux qui prédisaient la faillite de la firme ; en 10 ans, un million de coffrets avaient été vendus, et les estimations de 2014, lors de la réédition en coffret CD « de luxe », tous supports confondus -LP, cassettes, CD, SACD et Blu-ray audio-, s’élèvent à plus de 15 millions de disques vendus. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

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