Playlist « L’autre Richard • Anthologie Strauss/Karajan 70’s » – 2

Suite et fin de cette mini-série entamée il y a quelques jours et consacrée à Richard Strauss. La playlist de ce jour –Appréciation : ***/****/****, cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– est plus particulièrement intéressante à deux titres au moins.

D’une part, elle permet d’entendre la seule version de la « Sinfonia Domestica » enregistrée par Karajan. Il s’agit d’une oeuvre relativement longue mais à vrai dire –et à mes oreilles– de l’une de ses pages symphoniques les moins inspirées, même si certains passages sont d’une grande beauté. La version de Karajan brille de mille feux –la fin est extraordinaire-, comme toujours lorsqu’il dirigeait Strauss et le philharmonique de Berlin est d’une splendeur rutilante.

D’autre part, cette playlist permet de vérifier que les enregistrement réalisés par EMI sont très différents de ceux publiés par Deutsche Grammophon à la même époque et dans la même salle de la philharmonie de Berlin. La perspective sonore, généralement plus réverbérée chez EMI, est à la fois moins large et plus profonde. Même l’équilibre tonal est différent –c’est encore plus marqué dans l’enregistrement tardif des symphonies de Sibelius qu’il réalisa au tournant des années 80 pour EMI-. Très généralement, les LP d’EMI étaient inférieurs en qualité sonore,  mais leurs remastérisations postérieures ont permis de beaucoup améliorer cela.

Playlist « Wagner sans paroles » – 2

Seconde partie de cette brève incartade du côté des anthologies orchestrales wagnériennes, telles qu’elles étaient brillamment pratiquées dans les années 50 et 60 selon leur versant américain.Appréciation : **** / **** / ****Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

Au sortir de la guerre, et grâce à l’essor du disque, les Européens purent commencer à découvrir les orchestres du nouveau monde : les quelques témoignages d’avant-guerre n’étaient pas des plus réjouissants quant à la qualité des orchestres américains : hors New-York, où Toscanini régnait en maître, point de salut, même si commençait à émerger la réputation des quatre autres orchestres du « Big Five » : Boston, Chicago, Cleveland et Philadelphie –tous dirigés par des chefs européens, respectivement : Koussevitzky puis Munch ; Reiner ; Szell ; Ormandy-. Aussi la surprise fut-elle immense lorsque ces disques parurent : les orchestres américains avaient rejoint, voire dépassé, leurs homologues européens : ces pages orchestrales le démontrent amplement.

William Steinberg –né Hans-Wilhelm Steinberg à Cologne, et dont je vous ai déjà exposé les grands talents ici-, fut interdit de direction en Allemagne par les nazis dès 1933. Exilé aux États-Unis où il occupa longtemps –1952-1976– la tête de l’orchestre de Pittsburgh, il contribua à créer un solide et assez conséquent catalogue d’enregistrements pour les firmes Capitol –filiale américaine d’EMI– puis Command Classics. Son anthologie orchestrale de Wagner est de très haute tenue, ce qui n’est guère étonnant lorsqu’on sait qu’il commença sa carrière comme chef d’opéra à Francfort, où il s’illustra notamment en conduisant la création mondiale de « Von heute auf morgen », de Schonberg, ou encore la création allemande du « Mahagonny » de Weill.
Très grand chef, longtemps peu connu en Europe –tous ses disques furent pourtant très hautement évalués à l’époque de leur parution en Europe– mais que la réédition de ses enregistrements permet de redécouvrir,  affirmait d’ailleurs : « Tous les orchestres du Top 20 des États-Unis sont supérieurs à n’importe quel orchestre européen, à part le philharmonique de Berlin ».

Playlist « Pause Pop, tiercé gagnant » !

Entre plusieurs séries en cours -chronologique, défi des dix ans, anthologies orchestrales des deux Richard…- je m’accorde une jolie pause pop avec la playlist de ce jour, composée des trois meilleurs albums  –à mes oreilles, et dans l’ordre de parution : ***** ; **** ; *****– aux superbes pochettes –à mes yeux : cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– de Supertramp, dans sa formation la plus fructueuse –avant et après, le groupe a connu un certain nombre de changements de personnel-.

Après des années de disette pour le groupe, ces albums se sont tous vendus comme des petits pains, notamment le dernier, grâce auquel Supertramp connut une popularité à travers le monde entier –au moins trois singles classés simultanément dans les charts un peu partout-. C’est le plus « pop » des trois disques, les deux autres lorgnant parfois du côté du « Prog-Rock », mais de manière suffisamment éloignée pour ne pas m’en éloigner –c’est un genre que je déteste cordialement en général-.

Techniquement, tous ces albums méritent d’être distingués : ils sont tous très bien enregistrés sans donner dans le spectaculaire et bien produits et réédités en CD –livrets avec paroles pour chaque disque, iconographie…-. Ils ont tous bénéficié d’une remastérisation de qualité, qui les rend encore plus agréables à écouter, notamment à fort volume !
En revanche, la réédition en vinyle –Picture-Disc– de « Breakfast In America est à éviter : c’est un joli certes un joli objet, mais rien de plus et le son est altéré du fait même du procédé.

Je n’y avais jamais fait attention auparavant, mais une écoute un peu concentrée permet de constater que certaines lignes de basse s’avèrent réellement intéressantes, très mélodieuses et tombent étonnamment bien sous les doigts. Ce n’est pas très audacieux harmoniquement, mais le rythme est souvent plus complexe qu’il n’y paraît et c’est généralement très joli lorsque joué de manière autonome, sans accompagnement !

Playlist «  L’autre Richard : Anthologie Strauss / Karajan 70’s » – 1

Entre Herbert Von Karajan et Richard Strauss, ce fut une histoire d’amour jamais démentie tout au long de la carrière discographique –et de concert– du chef, qui signa quatre anthologies orchestrales plus ou moins exhaustives des oeuvres du compositeur :
la première à la fin des années 40 –avec, notamment, le premier enregistrement mondial des « Métamorphoses »-et au début des années 50, avec l’orchestre philharmonique de Vienne et le Philharmonia Orchestra, chez EMI/Columbia ;
la deuxième au début des années 60, partagée entre l’orchestre philharmonique de Berlin, pour Deutsche Grammophon –son premier enregistrement pour honorer son contrat avec le label fut consacré à Richard Strauss– et l’orchestre philharmonique de Vienne, pour Decca ;
la troisième –la plus complète– à la toute fin des années 60 et au début des années 70 avec l’orchestre philharmonique de Berlin, partagée entre Deutsche Grammophon et EMI : c’est celle dont j’écoute la première partie aujourd’hui –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– ;

une dernière, enfin, toujours avec l’orchestre philharmonique de Berlin, au début des années 80 et de l’ère digitale, toujours chez Deutsche Grammophon.

Toutes ces versions sont a minima très satisfaisantes, et nombre d’entre elles sont exceptionnelles et restent considérées par de nombreux mélomanes et musicographes comme des versions « de référence ». Outre-Rhin, le chef reste réputé comme le plus grand « Straussien » du 20ème siècle et en France, cette opinion est assez largement partagée, même si on met sur un pied d’égalité Rudolf Kempe ou Clemens Krauss, voire Fritz Reiner. L’orchestration rutilante et foisonnante de Richard Strauss est parfaitement en accord avec les conceptions du chef : beauté des sonorités, qualité de tous les pupitres de l’orchestre, grande dynamique, sens de l’architecture.
Elles permettent également de suivre l’évolution du chef et de son orchestre de Berlin à travers les décennies, ainsi que l’évolution des techniques d’enregistrement : monophonie des années 40 et 50, début puis rapide essor de la stéréophonie, quadriphoniequi n’était intéressante que pour les marchands de canapé selon Karajan…– et, enfin, début de l’ère numérique –les remastérisations de ces premiers enregistrements numériques sont nettement préférables-.

Playlist « Wagner sans paroles » – 1

La playlist de la matinée est la première d’une série de 2, consacrées à des pages orchestrales extraites des opéras de Richard Wagner. La démarche peut paraître bizarre –et contestable-, mais je n’ai pas toujours le temps –voire l’envie– d’écouter un opéra en entier et Wagner était de toute manière un orchestrateur de génie. Les ouvertures et préludes peuvent assez facilement constituer des pièces « autonomes », mais ces enregistrements contiennent, en outre, des pages plus difficilement réductibles à une simple exposition orchestrale sans un minimum de bidouillage d’adaptation.
Pour le moins téméraire ou le plus novice des auditeurs, ces pièces orchestrales lui permettront de découvrir Wagner plus facilement que l’écoute d’un opéra, même si elles ne lui offriront  évidemment pas l’occasion de pénétrer dans cet univers si particulier. Par ailleurs, certains mélomanes avertis totalement réfractaires à l’opéra raffolent en revanche de ces extraits orchestraux.
Cette première partie présente des versions enregistrées par des orchestres européens –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-.

On retrouve donc :
l’un des premiers disques enregistré par Herbert Von Karajan avec la philharmonie de Berlin, en 1957. Le chef, titulaire d’une nomination « à vie » dûment avalisée par le sénat de Berlin, n’avait pas encore signé son juteux contrat avec le label Deutsche Grammophon, mais il était déjà l’artiste classique le plus vendeur du marché alors très actif du disque classique, enregistrant pour EMI/HMV. Cet album est l’un de ses premiers enregistrements en stéréo **** ;
une anthologie très réussie à mes oreilles, et plutôt complète, mobilisant les trois principaux orchestres londoniens –orchestre symphonique, orchestre philharmonique et Philharmonia Orchestra-, enregistrée au début des années 70 par le chef anglais (Sir) Adrian Boult, à la longévité discographique exceptionnelle, qui regretta toujours de n’avoir jamais eu l’occasion d’enregistrer un opéra complet du compositeur **** ;
Le deux très fameux albums –la réédition en CD des trois LP d’origine tient en deux disques– enregistrés par Otto Klemperer avec « son » Philharmonia Orchestra au début des années 60, durant ce qu’il est coutume d’appeler son « été indien discographie » et qui ont acquis –et conservent, aujourd’hui encore– un statut mythique chez de nombreux mélomanes depuis cette date ****.

Playlist russo-germano-hongroise !

J’avais déjà évoqué il y a une dizaine d’années de manière un peu détaillée –à lire ici- la courte carrière de Ferenc Fricsay, tôt disparu à 48 ans, et star du label Deutsche Grammophon de la fin des années 40 au milieu des années 50, label qu’il contribua à largement abonder durant cette période, aussi bien dans le domaine de la musique orchestrale que dans celui de l’opéra : son leg discographique comprend une centaine de volumes enregistré en une petite douzaine d’années .
La playlist de ce jour lui est entièrement consacrée, via trois albums qui bénéficient d’excellentes conditions techniques pour l’époque –de la monophonie de première qualité– et d’un remastering soigné : elle propose ainsi des oeuvres de deux musiciens russes, interprétées par des orchestres allemands dirigés par un chef hongrois –cliquer sur l’image pour la voir en plus grand– !

La sérénade pour cordes de Tchaïkovski est une œuvre que j’apprécie beaucoup, d’accès très facile, et qui oscille entre vigueur chantante et douce mélancolie, mobilisant ponctuellement des airs de la musique populaire russe.
La version de Ferenc Fricsay est tout-à-fait excellente et permet de mettre en valeur les cordes de son orchestre –à cette époque (1953) les meilleurs pupitres du RIAS de Berlin-. ****

Toujours en 1953 et toujours à Berlin, mais avec l’orchestre philharmonique cette fois, la version de la sixième symphonie « Pathétique » de Tchaikovskyl’une des toute premières œuvres que j’ai connue, enfant-, au classicisme très épuré, est l’une des meilleures de la discographie.
Fricsay réenregistra l’oeuvre avec son orchestre, le RIAS Berlin, en 1959 : une autre belle version, même si je préfère celle écoutée ce jour. *****

Enfin, la très belle suite symphonique « Shéhérazade » de Rimsky-Korsakov, en quatre parties, est très bien interprétée –un enregistrement de 1957-, dans une veine là encore très classique mais qui ne nuit pas à la narration, mais expose les limites de l’orchestre, qui, même s’il ne démérite pas, ne possède pas les couleurs ou la souplesse des plus beaux orchestres européens de l’époque. ****

Dimanche à l’opéra – Bartok, Le château de Barbe-Bleue

J’écoute ce matin la toute première version qui a honoré ma discothèque de l’unique opéra de Béla Bartók, « Le château de Barbe-Bleue : lorsque je l’avais achetée, après avoir entendu l’oeuvre à l’opéra national du Rhin, cette version était alors la seule dans les rayons de mon disquaire. –Cliquer sur l’image pour la voir en plus grand-. Elle m’a toujours donné toute satisfaction, même si ce n’est pas ma préférée.
Le Château de Barbe-Bleue (en hongrois A Kékszakállú herceg vára) est un opéra en un acte de Béla Bartók, composé en 1911 et créé en 1918. Le livret, écrit par Béla Balázs, est basé sur la légende de Barbe-Bleue. L’opéra se concentre sur une interaction intime entre seulement deux personnages : Barbe-Bleue et sa nouvelle épouse, Judith. L’histoire explore des thèmes psychologiques profonds, notamment la solitude, la quête de vérité et les mystères de l’âme humaine.

L’opéra est fondé sur un conte de Charles Perrault, écrit en 1697, qui aborde le thème de la déloyauté conjugale : l’épouse supposée soumise à son mari s’avérant irrespectueuse des règles établies, elle encourt la mort pour avoir désobéi. –Les ligues féministes « Me Too » y verront sans doute un symbole du patriarcat, alors que le conte parle des tentations auxquelles l’être humain succombe et de leurs conséquences possibles-. Ainsi, L’œuvre commence par un prologue où un narrateur s’adresse au public, l’invitant à découvrir une histoire qui se déroule dans l’âme humaine. Le narrateur pose la question de savoir si ce que nous voyons dans le château de Barbe-Bleue est réel ou s’il s’agit d’une représentation des profondeurs de la psyché. –Ce prologue parlé est absent de la version écoutée ce jour-.

Le livret de l’opéra « Le Château de Barbe-Bleue » est une œuvre dense qui s’articule, en un acte unique et sept scènes, autour de la relation psychologique entre deux personnages : Barbe-Bleue et Judith. Il se compose de sept scènes correspondant aux sept portes mystérieuses du château que Judith veut ouvrir.
• Ouverture, prologue parlé – Un narrateur introduit l’histoire, interrogeant l’audience : « Où est le château ? Est-il dans ce monde ou en dehors ? ». Il plante le décor mystérieux du drame qui va se jouer.
• Scène 1 – L’entrée dans le château
Judith et Barbe-Bleue viennent d’entrer dans le château, une forteresse sombre et froide. Judith, récemment mariée à Barbe-Bleue, exprime son amour mais est intriguée et inquiète par l’atmosphère lugubre. Barbe-Bleue tente de la rassurer, mais Judith sent le poids d’un secret. Barbe-Bleue l’avertit : ce château renferme ses mystères, et il serait peut-être dangereux de les dévoiler. Mais Judith, curieuse et résolue, demande l’ouverture des portes.
• Scène 2 – La première porte : La salle de torture
Judith insiste pour ouvrir la première porte, malgré les réticences de Barbe-Bleue. Derrière, elle découvre une salle de torture, sombre et effrayante, avec des instruments marqués par le sang. La vue la trouble, mais elle persiste dans son désir de voir plus loin. Barbe-Bleue tente d’atténuer son inquiétude, affirmant que ces instruments appartiennent au passé, mais Judith commence à sentir le poids du secret.
• Scène 3 – La deuxième porte : La salle d’armes
À la deuxième porte, Judith découvre une salle remplie d’armes. Les lames sont ternies par le sang séché, et une ambiance lourde règne dans la pièce. Pourtant, elle ne se laisse pas détourner de sa quête. Elle veut tout savoir, tout découvrir.
• Scène 4 – La troisième porte : Le trésor
La troisième porte révèle une immense pièce pleine de richesses : des bijoux, de l’or, des pierres précieuses. Cependant, Judith remarque que tout ce trésor semble recouvert d’une étrange ombre, comme si une présence pesait sur lui. Barbe-Bleue reste évasif, essayant de rassurer Judith sans pour autant lui dire toute la vérité.
• Scène 5 – La quatrième porte : Le jardin
Judith ouvre la quatrième porte et découvre un jardin merveilleux, d’une beauté irréelle. Mais même ici, elle remarque des tâches de sang, comme si ce jardin paradisiaque était contaminé par un passé sombre. Barbe-Bleue, de plus en plus troublé, demande à Judith d’arrêter son exploration.
• Scène 6 – La cinquième porte : Le royaume
La cinquième porte s’ouvre sur une vue majestueuse : un vaste royaume s’étend sous les yeux de Judith, avec des montagnes, des rivières et des villes. C’est une scène de pouvoir et de contrôle. Mais même ici, Judith perçoit une ombre. Barbe-Bleue répond que le passé ne doit pas être révélé, mais Judith est désormais trop investie dans sa quête.

• Scène 7 – La sixième porte : Le lac de larmes
La sixième porte s’ouvre sur un lac silencieux et sombre. Judith comprend que ce lac est fait des larmes versées par ceux qui ont partagé la vie de Barbe-Bleue avant elle. Elle commence à sentir le poids de la tragédie et de la solitude qui entourent Barbe-Bleue. Barbe-Bleue, le cœur lourd, demande à Judith de renoncer, mais elle ne peut plus faire demi-tour.
• Scène 8 – La septième porte : Les épouses de Barbe-Bleue
Enfin, Judith exige l’ouverture de la dernière porte. Derrière elle, se tiennent les anciennes épouses de Barbe-Bleue, toutes vivantes mais enfermées dans une obscurité éternelle. Elles sont belles, majestueuses, mais prisonnières à jamais du château. Judith, horrifiée, réalise son sort. Elle est condamnée à devenir, elle aussi, une ombre dans le passé de Barbe-Bleue. La porte se referme sur elle, et Barbe-Bleue reste seul, à nouveau entouré de ses secrets et de ses mystères.
• Final – Le narrateur clôt l’histoire en rappelant que le château de Barbe-Bleue est un lieu intemporel, où se rejouent sans fin les drames de la curiosité et du mystère.

Pour en savoir sur cet opéra, je vous renvoie, une fois n’est pas coutume, à la très intéressante notice à lire ici.

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